La Lettre du Cardiologue - n° 371 - janvier 2004
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CAS CLINIQUE
COMMENTAIRES
De rares cas d’infarctus du myocarde au décours d’hypoglycé-
mies profondes ont été décrits dans la littérature. Deux situations
cliniques sont habituellement rencontrées : il s’agit soit d’un sur-
dosage volontaire ou accidentel en insuline, soit d’une hypogly-
cémie spontanée. Dans le premier cas, l’hypothèse communé-
ment retenue est celle du spasme coronaire induit par l’insuline
(1). Dans le deuxième cas, deux hypothèses physiopathologiques
s’affrontent, voire se complètent, pour aboutir in fine à une
nécrose myocardique :
1.
L’ischémie-nécrose myocardique peut être le résultat d’un
déséquilibre entre l’apport et la demande énergétiques du myo-
carde. En effet, le glucose joue un rôle important dans le méta-
bolisme énergétique du myocarde. De plus, l’hypoglycémie
entraîne, par le biais de la stimulation adrénergique réflexe asso-
ciée, un accroissement du travail et du débit cardiaques. Cela
contribue à majorer les besoins énergétiques du myocarde alors
même que celui-ci en est privé, d’où les conséquences isché-
miques pouvant aboutir à une nécrose myocardique (2).
2.
Il est constaté, au cours des souffrances cérébrales majeures
telles que les accidents hémorragiques cérébraux ou les épilep-
sies, des anomalies profondes de la repolarisation sur l’ECG, en
particulier d’ischémie-lésion, que l’on attribue à une décharge
cathécolaminergique. Cet “orage cathécolaminergique” est aussi
rencontré dans les cas d’hypoglycémie ; il se traduit d’ailleurs
par des anomalies en IRM cérébrale différentes de celles visua-
lisées dans les cas d’anoxie cérébrale, et qui résultent de cette sti-
mulation adrénergique intense (3).
Ainsi, l’association de ces deux mécanismes physiopathologiques
peut entraîner une souffrance myocardique majeure et doit justi-
fier, chez les patients pris en charge lors d’une hypoglycémie pro-
fonde, une surveillance cardiovasculaire spécifique.
Bibliographie
1. Meier M. Suicide attempt with insulin as a cause of myocardial infarct.
Z Kardiol 2002 ; 2 : 178-81.
2. Markel A, Keidar S, Yasin K. Hypoglycaemia-induced ischaemic ECG
changes. Presse Med 1994 ; 23 : 78-9.
3. Rudusky B. Electrocardiographic changes associated with neurologic events.
Chest 1995 ; 108 : 554-5.
Figure 2. ECG 24 heures après la prise en charge initiale, après normalisation de la glycémie : disparition des troubles de la repolarisation initiaux.