100 REE N°1/2016
GROS PLAN SUR
deuxième interaction donnant des franges sur le signal en
fonction du désaccord. Après la cavité, le jet traverse l’entre-
fer d’un deuxième aimant qui sélectionne les atomes ayant
changé d’état. Ceux-ci atteignent alors un détecteur qui les
ionise et transforme le flux d’atomes en courant électrique
proportionnel au nombre d’atomes ayant changé d’état.
La fréquence d’interrogation, au voisinage de 9,192 631
GHz, est synthétisée à partir d’un oscillateur à quartz, fonc-
tionnant à 5 ou 10 MHz. Elle est modulée de part et d’autre
autour de la résonance, afin d’obtenir un signal modulé à
la fréquence de modulation d’amplitude proportionnelle au
désaccord de fréquence et dont la phase renseigne sur le
signe du désaccord. Après démodulation synchrone, le signal
d’erreur obtenu est utilisé pour corriger la fréquence de l’os-
cillateur à quartz, dont la fréquence est asservie moyennant
un rapport connu sur la transition atomique.
Ce type d’horloge est dit à sélection magnétique. Les hor-
loges à Cs commerciales participant au TAI sont construites
sur ce principe, ainsi que les deux horloges primaires à jet de
la PTB (Physikalisch-Technische Bundesanstalt, l’institut de
métrologie allemand).
Il existe un autre type d’horloge à jet où la sélection magné-
tique est remplacée par le pompage optique. Dans ce type
d’horloge, les deux aimants sont remplacés par deux zones
d’interaction avec un faisceau laser. La fréquence du laser est
accordée sur une transition entre l’un des deux sous-niveaux
du fondamental, par exemple F = 4, et un niveau excité. En
pratique on utilise une transition correspondant à la longueur
d’onde 852 nm et les lasers utilisés sont des diodes laser.
Les atomes situés dans l’état F = 3 traversent la première
zone optique sans être perturbés alors que ceux dans l'état
F = 4 vont absorber un photon, passer dans l’état excité de
courte durée de vie (30 ns) avant de retomber par émission
spontanée dans l’un des deux sous-niveaux fondamentaux.
Ceux retombant dans l’état 4 pourront subir un nouveau cy-
cle absorption-retombée, et après quelques cycles le niveau
F = 4 sera vide car pratiquement tous les atomes auront
été transférés dans le niveau 3. C’est le principe du pom-
page optique énoncé par Kastler (1950). Dans la deuxième
zone optique, après la cavité micro-onde, les atomes ayant
changé d’état seront dans l’état 4, ils passeront dans l’état ex-
cité en absorbant un photon et, en retombant, ils émettront
un photon par émission spontanée dans une direction aléa-
toire. L’intensité de cette lumière de fluorescence recueillie
sur une photodiode fournit le signal utile. Un des intérêts de
ce type d’horloge est d’utiliser plus d’atomes permettant ainsi
un meilleur rapport signal à bruit et une meilleure stabilité. La
première horloge primaire construite France (années 80-90)
est de ce type.
La largeur de la résonance obtenue sur les horloges pri-
maires à jet est de l’ordre de 100 Hz, soit un facteur de qual-
ité Q = 108. La stabilité à 1 s est de 3,5 x 10-13 (pompage
optique) à 4 x 10-12 (sélection magnétique). L’exactitude est
comprise entre 6 et 10 x 10-15. Les trois principaux effets
limitant l’exactitude de l’horloge à pompage optique sont un
résidu d’effet Doppler du premier ordre (l’effet Doppler clas-
sique), l’effet Doppler du deuxième ordre (la dilatation du
temps en relativité restreinte) et enfin l’effet parasite de la
lumière de fluorescence (déplacement lumineux : la lumière
non résonante déplace les niveaux d’énergie).
Fontaines
Une des limites des horloges à jet est liée au faible temps
d’interrogation des atomes, quelques ms au mieux, dû à leur
grande vitesse (typiquement quelques centaines de m/s).
Grâce aux méthodes de refroidissement laser développées
dans les années 80, on sait ralentir des atomes jusqu’à des
vitesses inférieures au cm/s. On parle alors d’atomes froids
parce que dans un gaz à l’équilibre thermique, la température
est une mesure de l’agitation thermique, la vitesse moyenne
variant comme, où est T la température exprimée en K.
Il existe plusieurs méthodes de refroidissement laser.
Nous ne décrirons ici que la plus simple, méthode dite de re-
froidissement Doppler proposée en 1975 indépendamment
par Hänsch et Schawlow pour les atomes neutres d’une part,
et Wineland et Dehmelt pour les ions d’autre part. Il est amu-
sant de noter que les auteurs ont tous été récompensés du
prix Nobel, mais pas pour cette proposition, et chacun dans
un domaine différent. La méthode est basée sur la pression
de radiation et consiste à éclairer un atome en mouvement
par un faisceau laser dirigé en sens inverse dont la fréquence
est légèrement inférieure à une résonance atomique ne per-
mettant pas le pompage optique. Du fait de l’effet Doppler,
la fréquence laser est à résonance pour l’atome qui va absor-
ber un photon, passer dans l’état excité, se désexciter par
émission spontanée et recommencer. Chaque absorption est
accompagnée de l’absorption de la quantité de mouvement
du photon qui va ralentir l’atome d’une petite quantité dite
vitesse de recul. Pour le césium, en utilisant un laser à 852
nm, la vitesse de recul est 0,35 cm/s et après absorption
d'une centaine de milliers de photons, l’atome est alors qua-
siment arrêté, du moins dans la direction du vecteur d’onde
laser. L’effet Doppler ne joue plus et l’atome n’étant plus à
résonance n’absorbe plus. En utilisant deux faisceaux laser en
sens inverse, on peut freiner les atomes dans les deux sens
et, avec trois paires de faisceaux suivant trois directions ortho-
gonales de l’espace, on peut quasiment les immobiliser. En
fait ils gardent une vitesse résiduelle, de l’ordre de quelques