La Lettre du Cardiologue - n° 356 - juin 2002
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es cardiologues et leurs patients ont de la chance ; il
n’est pas une année sans la publication d’une ou plu-
sieurs études annonçant un nouveau progrès théra-
peutique. Les atteintes du muscle cardiaque et du système arté-
riel sont maintenant de plus en plus accessibles aux traitements
modernes : chirurgie, cardiologie interventionnelle ou traitement
médical. Néanmoins, malgré ces avancées constantes, nos stra-
tégies thérapeutiques sont encore trop souvent mises en échec :
quelle solution pour ce patient atteint d’insuffisance cardiaque,
déjà traité par inhibiteurs de l’enzyme de conversion et bêtablo-
quants, trop âgé pour envisager une transplantation cardiaque et
dont l’état s’aggrave de mois en mois ? Que faire pour ce coro-
narien qui souffre tous les jours en dépit d’un traitement médical
maximal et pour lequel chirurgiens et cardiologues intervention-
nels se déclarent impuissants ? Depuis une dizaine d’années, les
termes de “thérapie cellulaire” et de “thérapie génique” sont appa-
rus dans les congrès de cardiologie ; après une période durant
laquelle la recherche a été cantonnée aux laboratoires, nous
voyons maintenant apparaître un nombre croissant d’essais cli-
niques de ce type. Que devons-nous en penser ? S’agit-il d’une
simple mode, qui ne débouchera jamais sur des applications
cliniques à grande échelle ? Sommes-nous, au contraire, au
début de ce qui sera une révolution dans la prise en charge des
maladies cardiovasculaires ?
DES STRATÉGIES DIFFÉRENTES MAIS PARFOIS
COMPLÉMENTAIRES
Ces deux termes désignent des stratégies différentes, même si,
dans certains cas, elles peuvent être complémentaires.
La thérapie cellulaire repose sur le principe d’une “réparation”
du système cardiovasculaire par des cellules cultivées à des fins
thérapeutiques. Elle pose de nombreux problèmes, tels que le type
de cellules à utiliser, la technique d’administration, l’intégration
et la survie de ces cellules une fois greffées et, bien entendu,
l’impact de cette thérapie cellulaire sur la fonction de l’organe
considéré.
La thérapie génique repose sur l’administration d’un gène
codant pour une protéine à action thérapeutique ; la plupart des
études visent à l’administration directe du gène (dans le cœur ou
dans les vaisseaux malades), et toute la question sera alors qu’il
puisse s’intégrer dans suffisamment de cellules pour que la thé-
rapie soit efficace ; dans certains cas, le transfert de gène peut
être effectué in vitro dans des cellules en culture qui seront ensuite
réinjectées (thérapie génique indirecte).
APPLICATIONS
L’une des premières applications de la thérapie cellulaire
pourrait être l’insuffisance cardiaque. L’apport de cellules per-
mettant de limiter le remodelage ventriculaire, ou même d’amé-
liorer la fonction systolique, serait en effet une innovation majeure
dans le cas des nombreux patients pour lesquels le pronostic reste
très réservé malgré les thérapeutiques classiques. À l’heure
actuelle, plusieurs types cellulaires sont considérés. L’utilisation
de cellules obtenues à partir d’une biopsie de muscle de la cuisse
est une possibilité (1) ; dans ce domaine, la recherche française
est en avance, et une prochaine étude clinique coordonnée par le
Pr Ph. Menasché devrait permettre d’apprécier le potentiel de
cette stratégie pour les patients souffrant d’insuffisance cardiaque
ischémique. Une autre possibilité serait l’utilisation de cellules
souches. Ces cellules peuvent être isolées d’organismes adultes
et gardent une capacité de se différencier en cellules spécialisées,
telles les cellules cardiaques ou vasculaires.
En ce qui concerne la thérapie génique cardiovasculaire, les
premiers essais ont porté sur l’administration de gènes codant
pour des facteurs de croissance endothéliaux, comme le VEGF
(Vascular Endothelial Growth Factor), dans le but de développer
une circulation collatérale de suppléance en cas d’ischémie cri-
tique (“angiogenèse thérapeutique”). Des essais pilotes dans l’is-
chémie des membres inférieurs et dans l’ischémie myocardique
ÉDITORIAL
Thérapies cellulaires et géniques
en pathologie cardiovasculaire
●C. Bauters*
*Service de cardiologie C, hôpital cardiologique, CHRU de Lille, 59037 Lille
Cedex.
Mots-clés
Angiogenèse - Insuffisance cardiaque - Thérapie génique -
Thérapie cellulaire.
L