11
La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no254 - juin 2000
données récentes de la science), une mise à jour constante des
connaissances, la notion de primum non nocere, l’information
et le consentement libre et éclairé. C’est sur le manquement
dans le dossier médical de ce dernier point que la majorité des
procès sont intentés.
Le contenu de l’information doit être loyal, clair, approprié et
accessible. Il doit décrire la pathologie, son évolution prévisible,
et les investigations, la nature et les conséquences du traitement,
les alternatives thérapeutiques, les suites “normales”, les compli-
cations et les risques.
Désormais, tous les risques doivent être expliqués aux patients,
notamment les risques graves aux conséquences mortelles (dire
à tous les patients qu’ils peuvent mourir), invalidantes et esthé-
tiques (la chirurgie cervico-faciale y est particulièrement expo-
sée : perte de la fonction auditive ou visuelle, sections nerveuses).
Les risques exceptionnels sont évoqués, de même que les incon-
vénients (chirurgie esthétique ++). Un défaut d’information sur
un risque grave engage la responsabilité civile du médecin, ce
qui n’est pas le cas pour un risque banal.
Les limites au consentement éclairé sont l’urgence avec danger
immédiat et la limitation thérapeutique de l’information, c’est-
à-dire lorsque l’on a l’impression que dire toute la vérité donne
moins de chances au patient. Mais, dans ce dernier cas, il faut
écrire les raisons de notre démarche au médecin traitant et les
consigner dans le dossier médical.
En ce qui concerne les enfants, il faut obtenir le consentement
d’un seul parent en cas d’intervention simple et des deux en
cas d’intervention grave. Pour une urgence sans la présence
des parents, l’avis et l’accord du directeur de l’hôpital ou de la
clinique et de deux médecins sont nécessaires. Lorsque les
parents sont divorcés, il faut demander lequel est le tuteur
légal. Enfin, pour les situations difficiles (intervention néces-
saire mais parents divorcés d’avis divergents, par exemple), il
ne faut pas hésiter à écrire au juge des enfants avec accusé de
réception.
Pour la chirurgie esthétique, il y a une obligation de moyens “ren-
forcée”, une obligation rigoureuse de prudence et de conseil, une
information “draconienne”, un délai de 15 jours à respecter, un
devis préopératoire à faire.
Au moment du procès, cinq moyens existent d’apporter la preuve
que l’on a bien informé le patient : l’écrit, le témoignage (par une
personne qui ne fait pas partie du service et qui n’est pas de la
famille...), la présomption (nombre de consultations avec le
patient, écrits au médecin généraliste et dans le dossier médical),
l’aveu, le serment. En pratique, il ne reste que les écrits lors d’un
procès.
La base préliminaire à toute chirurgie doit donc impérativement
comporter une fiche d’information, et la preuve de sa délivrance
au patient par une signature sur une feuille à part. Les dossiers
médicaux doivent être tenus à jour (les experts sont le plus sou-
vent contraints de se reporter au dossier médical infirmier...). La
transmission entre médecins doit être systématique.
Pour finir, l’information ne doit pas être une décharge de res-
ponsabilité, la preuve ne doit pas parasiter la confiance, mais
information et preuve font désormais partie intégrante de notre
exercice.
ÉTATS PRÉCANCÉREUX ET CANCERS LIMITÉS
À UNE CORDE VOCALE
(C. Beauvillain, Nantes)
Cette communication fait une revue des différents traitements pos-
sibles pour des cancers de corde vocale classés T1a ou T1s et pour
les kératoses.
Sur un plan anatomique, il est important de se rappeler les moda-
lités d’extension de ces cancers : en surface muqueuse (com-
missure antérieure, sous-glotte, face supérieure de la corde
vocale), en profondeur (muscles, ligament, espace paraglottique,
aile thyroïdienne, membrane thyroïdienne, cône élastique, com-
missure antérieure et corde vocale opposée, aryténoïde en arrière).
L’extension ganglionnaire est rare, l’étage glottique n’ayant pas
de drainage lymphatique.
Les circonstances de la découverte des cancers glottiques et
des états précancéreux sont les mêmes : il s’agit de la dyspho-
nie persistante et de la toux d’irritation. L’examen clinique com-
porte la laryngoscopie indirecte (qui donne la meilleure qua-
lité d’image), la nasofibroscopie, la stroboscopie (dans les cas
difficiles), la palpation du larynx et de l’espace intercrico-
thyroïdien, la recherche d’adénopathies cervicales. L’examen
endoscopique sous anesthésie générale se fait si possible en
ventilation spontanée. Il s’aide d’optiques à 30°, contrôle la
corde vocale saine, recherche une seconde localisation et per-
met la biopsie et/ou l’épluchage de la lésion. Ce dernier doit
être complet (il doit aller jusqu’aux muscle et ligament) et
orienté autant que possible. En effet, une kératose peut dissi-
muler une dysplasie légère à sévère, mais aussi un véritable can-
cer. Si tel est le cas, un épluchage a minima ne le diagnosti-
quera pas. La mobilité ou la fixité de la corde vocale sont
minutieusement recherchées en ventilation spontanée, en gar-
dant à l’esprit qu’une corde vocale de mobilité diminuée mais
avec un aryténoïde mobile met la tumeur en T2 et non en T3.
Chaque examen endoscopique se conclut par un schéma daté
des lésions constatées.
Les diagnostics différentiels à évoquer sont le polype ou nodule
vocal, la papillomatose laryngée, le papillome corné, la tubercu-
lose laryngée ainsi que les autres tumeurs bénignes.
Les traitements possibles d’un T1a de la corde vocale sont la
cordectomie chirurgicale, la radiothérapie, la cordectomie laser
et le laser PDT. La chimiothérapie exclusive est proposée par
certaines équipes. Elle permet une excellente préservation de la
qualité vocale, et sera peut-être une thérapeutique à proposer dans
l’avenir. Ces différentes thérapeutiques sont résumées dans le
tableau V. La cordectomie laser a actuellement la préférence de
la plupart des auteurs.
Devant un épithélioma in situ (dysplasie sévère), l’attitude est
discutée : soit un épluchage simple (attention au deuxième côté !),
soit une cordectomie laser superficielle muqueuse.
En présence d’une kératose, il faut pratiquer un épluchage complet
de la corde vocale et vérifier la corde controlatérale au microscope.
Enfin, la laryngectomie fronto-latérale garde encore sa place,
mais dans des indications bien précises : cancer de la corde
vocale unilatéral atteignant le tiers antérieur, jouxtant la
commissure antérieure sans l’envahir, avec un TDM proche de
la normale.