SUR QUELQUES APPLICATIONS DE LA THÉORIE
DES FONCTIONS ALÉATOIRES À L'OPTIQUE
A.
BLANC-LAPIERRE
Introduction.
Les problèmes de bruit de fond en électricité ont fourni un champ d'appli-
cation très riche à la théorie des fonctions aléatoires. Les ondes lumineuses
étant aussi de nature électromagnétique, cette théorie doit également pouvoir
rendre des services dans la description statistique des grandeurs lumineuses.
Un exemple précisera les liens physiques existant entre ces deux champs
d'applications.
On sait qu'une résistance R, à la température T, est le siège de
fluctuations de potentiel que
Ton
peut décrire en introduisant une force
électromotrice de fluctuations (fictive) laplacienne en série avec R, et de
densité spectrale constante 4 kRT (théorème de Nyquist). On connaît d'autre
part la loi de Planck sur le rayonnement isotherme. En fait le théorème de
Nyquist est une conséquence directe de la loi de Rayleigh à laquelle se réduit
la loi de Planck dans le domaine des fréquences radioélectriques pour lesquelles
hv
Cela découle de l'étude des échanges d'énergie entre le rayonnement situé dans
une enceinte à la température T et la résistance R convenablement couplée à
ce rayonnement par un adaptateur et une antenne [1].
Je me propose de rassembler ici quelques calculs et quelques résultats,
dont certains sont d'ailleurs connus, relatifs à des applications de la théorie des
fonctions aléatoires à l'optique. La variable lumineuse sera traitée comme une
grandeur scalaire dans la première partie, puis, dans la seconde partie, comme
une grandeur vectorielle.
I. Variable lumineuse scalaire
A.
Nature laplacienne de la Variable lumineuse.
Soit
v
(M, t) la valeur au point
M
et à l'instant t de la variable lumineuse;
si on suppose que M n'est pas situé sur la source lumineuse (incohérente à une
échelle fine par rapport à nos moyens d'observation) et si le flux lumineux
n'est pas trop faible, on déduit, des lois de l'addition des variables aléatoires
indépendantes, que v(M, t) est une fonction aléatoire laplacienne; nous la sup-
poserons stationnaire en t (source macroscopiquement constante).
339
En liaison avec le caractère laplacien de v(M, t), on peut faire quelques
remarques simples dans le cadre de l'ancienne théorie classique du rayonnement,
qui assimile l'action d'une source lumineuse à celle d'oscillateurs amortis,
relancés à des instants distribués au hasard. On associe alors à la source une
vibration
a(t)
=
Z^t
^R(t
tj)
où les
tj
sont répartis dans le temps suivant une
distribution de Poisson de densité
Q]
R représente un train d'oscillations amorti.
Loin de la source, et dans un domaine pas trop grand, la variable lumineuse est
proportionnelle
ka(t
x/c) [x = distance à la source; c = vitesse de propaga-
tion].
Soit 0 la constante de temps de R(t). Il est bien connu que
G
est laplacien
si
QO
^>
1, c'est-à-dire si les trains d'oscillations interfèrent profondément.
Considérons l'énergie emmagasinée dans le volume du parallélépipède
centré sur x, limité par les plans
x0
l
et
x0
+
l
et de surface de base unité
normalement à l'axe des x. A l'instant t, cette énergie est égale à l'intégrale
W(l,
t) de
G2(X,
t) dans le domaine
x0
l
< x <
x0
+
l.
Calculons son espérance
mathématique
a\T\
et sa fluctuation ô[l]. Pour
l^>cd,
on trouve
a[l] =
2lQJLtx(0) (l.A.l)
ô2(l)
= 2lc[oj+ jLt2(0)dd
+ 2Q2
J+Q0
/4(d)dd]
(1.A.2)
oo —oo
avec
^(0)
=
J+Q°
R(t)R(t - d)dt et
JLL2(6)
=
f+0°
R2(t)R2(t
-
6)dt
(1.A.3)
QO
—00
Il est intéressant de voir ce que donne la formule
(LA.3)
en prenant pour R(t)
un paquet d'ondes
[V-VQ)2
R(t) =
J+Q°
cos
2nvt.
e 2A*
dv
= V2Ïz A
cos
2nvQt.
e~2nH2A2
(1.A.4)
co
On trouve alors, pour A
<C
v0
(ce que je supposerai):
a(l)
= IqAy/n
et
ô2(l)
=
2lc{ç>A2
+
—QW2TI}
(1.A.5)
4 8
<52
est la somme de deux termes: l'un, prépondérant pour
Q
petit, varie comme
a(l)] l'autre, prépondérant pour
Q
grand, varie comme
a2(l).
Seul, ce dernier
est à considérer si
G
est approximativement laplacien. La formule
(LA.5)
est
analogue à celle qui, en mécanique statistique quantique, donne le carré moyen
[<51^y]2
des fluctuations de l'énergie Wv dans le rayonnement isotherme de
fréquence v (à dv prés) pour un élément de volume dv.
On a alors:
2
=_
Wv
[ÔWv]2 = (Wv - Wv)2
=
hvWv
-\
(1.A.6)
Si
340
où
gi
est le nombre d'états distincts correspondant au domaine dv X dv. Ce
rapprochement est saisissant si on introduit l'énergie moyenne
e0
et l'étalement
Ax de chaque train d'oscillations auxquels on peut donner les valeurs
/»
+
QO
/
£0
= ci
R2(t)dt
= cA —, Ax =
C/AV2TZ
(1.A.7)
00
(le coefficient
1/V2Tü
a été choisi pour que
Ton
ait Av.At = 1).
On peut dire que la longueur
21
du domaine considéré peut contenir un
nombre de trains d'oscillations successifs égal à
gt
= 2
l/Ax
(LA.5)
devient
alors
:
a2
il)
ô2(l)=e0a(l)+^-
(1.A.8)
Si
C'est exactement la formule
(LA.6)
si on remplace
gt
par
g't
et
s0
par hv. Il n' y a
pas à insister sur cette analogie de formules et il est bien évident que
(LA.8)
ne
saurait constituer une démonstration de
(LA.6)
mais cette ressemblance suggère
une certaine correspondance entre les termes des seconds membres des relations
(LA.6)
et
(LA.8).
Dans le modèle classique, le caractère laplacien correspond à
la possibilité de négliger le terme en a devant celui en
a2]
par suite de l'analogie
signalée, il peut paraître raisonnable de penser que cette situation correspond à
2
la possibilité de négliger le terme en Wv devant celui en
Wv
ce qui est possible
s' il y a une grande densité de photons dans le volume considéré [2].
B.
Cohérence des sources.
La plupart des résultats pratiques relatifs au degré de cohérence des
sources en lumière monochromatique sont contenus dans deux articles de H. H.
Hopkins (3) qui traite cette question indépendamment de tout lien avec la
théorie des fonctions aléatoires. En fait, les problèmes de cohérence ne sont
que des cas particuliers de questions liées à la théorie de la corrélation et, en les
replaçant dans leur véritable cadre mathématique, on rend leur exposé plus
systématique; il n' y a d'ailleurs aucune difficulté pour étendre la théorie au
cas de sources non mono chromatiques
[2],
Soit une source plane
A[<x
X ß]. A un petit élément
(dvi.dß)
= dM d'aire
dcp
=
docdß
entourant un point M, associons la vibration élémentaire
ds[aL,ß',f]
=
ds[M;t]
ds est une valeur réelle fonction aléatoire de l'élément dM =
daidß
et du temps t.
Il est possible qu'il existe une fonction aléatoire G[M, t] =
ds/dM;
cela n'est
pas obligatoire. En particulier,
G
n'existe pas pour une source incohérente. Pour
ne pas restreindre la généralité, il suffit de raisonner sur l'intégrale
s
[a,
ß] t] =
s[M;t]
de
ds(cn',
ß']t)
sur un domaine rectangulaire
D(OL,
/3)[a0
<
oc'
^
oc;
ßo
<
ß'
^
ß] avec une convention de signe convenable.
341
Sous des conditions très générales, on écrira alors:
s(M, t) =
J+C°
e^Mdv
S[M, v) =
j+C°
j
e2™'
dvXM,
S'(v,
M')
(l.B.l)
ce
—oo
D(OL,
ß)
Tous les problèmes pratiques relatifs à l'état de cohérence des divers éléments de
la source A se ramènent à des questions de distribution de puissance moyenne
dans des phénomènes d'interférences; ils ne font donc intervenir que des
moyennes du second ordre et ne dépendent que de la donnée des éléments
différentiels suivants, dont les connaissances sont d'ailleurs équivalentes:
A
[Mx,
M2;
tx,
t2]
=
E
{ds[Mx,
tx-]ds[M2,
t2]}
(1.B.2)
A'[vx,
v2;
Mx,
M2]
= E
{dvXMS'(vx,
Mx)dv*xMS'(v2,
M2)}
(1.B.3)
ou E représente l'espérance mathématique.
Le caractère stationnaire en t implique d'ailleurs que A ne dépend que de
tx
t2,
et que
A '
= 0 pour
vx
7^
v2.
Il serait trop long de
décelopper
ici toutes
les utilisations que l'on peut faire du formalisme qui précède, bornons-nous à
montrer comment il permet une définition précise de la cohérence d'une source.
Soient deux petits éléments
dMx
et
dM2
de A,
ds(Mx,
t) et
ds(M2,
t) les vibra-
tions correspondantes quand dirons-nous que ces deux sources élémentaires sont
cohérentes?
Pour répondre à cette question, comparons les figures d'interféren-
ces obtenues en faisant interférer:
a.
ds(Mx,t)
avec lui-même [cas I];
b)
ds(M2,t)
avec lui-même [cas II];
c)
ds(Mx,t)
avec
ds(M2,t)
[cas III].
Nous dirons qu'il y a
cohérence
si, compte tenu des précisions suivantes, ces
3 figures
d'interférences
sont identiques. Nous supposons que, grâce à des écrans
absorbants neutres, nous avons ramené nos deux sources élémentaires à avoir
même intensité. Le schéma mathématique de nos expériences est le suivant:
A chaque point d'un domaine
(Q)
de l'espace, nous associons une certaine
différence de marche
l.
Organisons nos expériences dans un milieu non dispersif
de sorte qu'à une valeur donnée de
l
corresponde un
retard
x bien défini.
Nous
admettons que des miroirs peuvent exister dans notre dispositif interférentiel
ce qui pourrait remplacer ds par
ds.
Dans l'un ou l'autre cas, la figure d'inter-
férence peut être caractérisée par la densité I(r) de la puissance moyenne en
fonction
der
ou mieux par la fonction J[r] =
(/[T]
7[oo])//(oo).
Si
Jx, J2,
/3
sont les fonctions / correspondant aux cas I, II, III, la condition de cohérence
sera qu'il existe une valeur
T0
telle que:
l/l(T)|
= |/.(T)|
=
|/a(T+T0)|
(1.B.4)
On peut alors établir le résultat suivant: La condition nécessaire et suffisante
pour
que les
deux éléments
dMx
et
dM2
soient
cohérents
est
qu'il
existe deux nombres
342
réels k
et
r0
indépendants de t tels que les deux conditions équivalentes suivantes
soient remplies presque sûrement:
ds(Mx,
t) =
k
ds(M2,
t—r0)
(1.B.5)
dvXM
S'(v,
Mx)
=
k
e-2^o
dvxM
S'(V,
M2)
(1.B.6)
Le coefficient
E{drxMS'(v,M1)d*xMS'(v,M2)} B
^E{\drxMS'{v,M^}E{\dvXMS'[v,M2)\^
qui joue le rôle d'un coefficient de corrélation généralisé satisfait alors à
fi =
±
e~2nivr°
(1.B.8)
Mais (1.B.8) ne suffit pas pour entraîner la validité de (1.B.5) et (1.B.6) avec
k indépendant de v. Si, pour une valeur de v, on a
\/bt\
= 1 (coefficient de Hopkins
égal à 1), les deux sources présentent toutes les caractéristiques de la cohérence
à condition
de
filtrer le rayonnement
de facon
à ne laisser passer que la
fréquence
v.
Nous dirons qu'il y a alors
cohérence
mono chromatique pour la fréquence
v]
il faut
noter que, s'il y a
cohérence
monochromatique pour toutes les fréquences v d'un
certain ensemble D, il
n
y a pas, en général, cohérence au sens de (1.B.4) pour
l'ensemble
des fréquences D.
Ne nous limitons plus maintenant aux deux éléments
dMx
et
dM2
de A, mais
considérons dans leur ensemble tous les éléments de
A.
Nous dirons que la
source
A
est
cohérente
si tous ses éléments sont cohérents deux à deux. Nous dirons que la
source A présente la
cohérence
monochromatique, si tous ses éléments présentent
deux à deux la cohérence monochromatique pour toutes les fréquences.
On peut alors énoncer les résultats suivants:
.
Pour que A présente la cohérence monochromatique, il faut et il suffit que
s
(M, t) puisse se mettre sous la forme
s(M,
t) =
J+Q°
e2nivtK[M,
v]dy(v) (1.B.9)
00
: K[M, v] est une fonction certaine à valeur complexe définie par la somme de
ses accroissements
dKM(M,
v)
sur
D(oi,ß)
et telle que
dKM[M,
v] =
dK£[M,
- v]
y(v) est une fonction aléatoire à accroissements non corrélés telle que dy(v) =
dy*(—v).
2°. Pour que A soit cohérente, il faut et il suffit que, en plus des conditions
précédentes, on ait:
dKM[M,
v]
=
dMK'(M)e-*»iVTM
(1.B.10)
:
K'(M)
et r(M) sont deux fonctions réelles de M.
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