La Lettre du Cardiologue - n° 300 - octobre 1998
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HYPERTENSION
LA MESURE DE LA PA LOIN DU MILIEU MÉDICAL
De nombreuses études publiées ces dernières années ont souli-
gné les intérêts de la mesure de la PA loin du milieu médical sur
le plan diagnostique, pronostique et thérapeutique, et ce aussi
bien pour l’automesure que pour la mesure ambulatoire pendant
24 heures. Cette dernière permet de mieux évaluer les variations
circadiennes de la PA au cours d’une journée d’activité quoti-
dienne. Ainsi, les derniers rapports de l’OMS (1996) et du JNC
(1997) font état de leur emploi, valeurs de “normalité” et de leurs
principales indications dans la gestion de la maladie hyperten-
sive.
UNITÉ DE MESURE DE LA PRESSION ARTÉRIELLE
À cette date, l’unité de la PA reste le mmHg. Les normes euro-
péennes sur les exigences techniques de fabrication des mano-
mètres non invasifs recommandent d’employer comme unité de
mesure le mmHg, mais aussi le kilopascal (KPa). En effet, en
l’absence de la colonne de mercure, il n’y aurait plus aucune rai-
son scientifique de maintenir le mmHg comme unité de mesure.
Parallèlement, selon le Comité européen de standardisation (8),
le mmHg n’a pas été retenu comme unité SI et les directives euro-
péennes autorisent son emploi jusqu’en 1999 ; il semblerait tou-
tefois que cette directive ait été mal interprétée, et la date de son
application reste imprécise !
À ce propos, les partisans du mmHg mettent en avant la confu-
sion qu’un tel changement d’unité pourrait provoquer dans le
milieu médical, alors que les partisans du kilopascal insistent sur
les éléments suivants :
a. le mmHg favorise des mesures approximatives, en “arrondis-
sant” les chiffres observés, alors que le kilopascal ne le permet
pas puisque 100 mmHg = 13,33 KPa, 160 mmHg = 21,33 KPa,
etc. ;
b. en l’absence de consensus entre les différentes sociétés savantes
pour définir l’hypertension artérielle et le niveau tensionnel impli-
quant l’instauration d’un traitement médicamenteux, l’introduc-
tion d’une nouvelle unité de mesure constituerait une opportu-
nité pour établir un consensus international sur la définition de la
normotension, l’hypertension... Ainsi, nous assisterons certaine-
ment dans les années à venir à des recommandations portant sur
l’unité de mesure de la PA : maintien du mmHg ? Son rempla-
cement ou son dédoublement par le kilopascal ?
PROSPECTIVES
Si nous considérons :
1. Les directives européennes sur l’interdiction et la réglementa-
tion de l’emploi du mercure, la substitution du sphygmomano-
mètre à mercure par un autre appareil semble inéluctable.
2. L’établissement de normes européennes AFNOR portant sur
la fabrication des manomètres non invasifs, le développement de
manomètres de type anéroïde de grande qualité technique pour-
rait constituer raisonnablement une alternative à la colonne à mer-
cure pour la mesure ambulatoire de la PA.
3. Le développement des appareils électroniques à usage profes-
sionnel pour déterminer la PA pourrait voir les applications d’une
telle méthode augmenter à condition d’effectuer une homologa-
tion et une validation bien adaptées à ces appareils.
4. Les intérêts évidents, pour certains patients et dans certaines
conditions, de l’emploi de l’automesure ou de la mesure ambu-
latoire pendant 24 heures (MAPA) se confirment ; leur dévelop-
pement dans les années à venir semble évident.
5. Les directives européennes de standardisation et les réflexions
sur le maintien, le remplacement ou le dédoublement du mmHg
par le kilopascal comme unité SI de mesure de la PA devraient
aboutir à des recommandations plus précises sur l’unité de mesure
à employer.
Tous ces éléments font que nous nous trouvons actuellement
devant une opportunité unique pour préparer pendant les années
à venir des changements qui semblent inéluctables et qui porte-
raient sur les méthodes de mesure de la pression artérielle, mais
aussi sur la prise en charge de la maladie hypertensive. Pour
l’heure, il nous appartient de procéder à nos mesures avec rigueur
et d’interpréter leurs valeurs en connaissant leurs limites. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Riva-Rocci S. Un nuovo sfigmomanometro. Gazzetta Medica di Torino 1896 ;
47 : 981-96.
2. Impressions artérielles : 100 ans d’hypertension, 1896-1996. Société
Française d’Hypertension Artérielle, Édition Imothep/Maloine, 1996.
3. Asmar R., Mallion J. La pression artérielle : mesure, variation, interpréta-
tions, recommandations. Édition Imothep/Maloine, 1997.
4. O’Brien E. Will mercury manometers soon be obsolete ? J Hum Hypertens
1995 ; 9 : 933-4.
5. Directives européennes AFNOR. Exigences générales et particulières des
normes techniques des tensiomètres non invasifs.
6. La lutte contre l’hypertension. Rapport d’un comité d’experts, Genève, OMS,
1996 (OMS, série de rapports techniques ; n° 862).
7. O’Brien E., Mee F., Atkins N., O’Malley K. Inaccuracy of seven popular sphyg-
momanometers for home-measurement of blood pressure. J Hypertens 1990 ; 8 :
621-34.
8. CENELEC/TC62. Draft - 1st working Document - Medical informatics -
Expression of the results of measurement in health sciences. CEN/TC 251/PT -
016 - Bruxelles : European Committee for standardization, 1994.
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