L Actualités des syndromes neurologiques paranéoplasiques auto-immuns N

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Neuro-oncologie
N euro-oncologie
Actualités des syndromes neurologiques paranéoplasiques
auto-immuns
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J. Honnorat*
L
es syndromes neurologiques paranéoplasiques (SNP) sont
des affections qui surviennent à l’occasion d’un cancer et
qui ne s’expliquent pas par un envahissement tumoral ou
des métastases. Sont exclues également les causes métaboliques,
une toxicité des traitements ou une infection opportuniste. Il
s’agit d’affections rares qui précèdent souvent de plusieurs mois
ou années la découverte du cancer. Un grand nombre de manifestations neurologiques touchant toutes les structures du système
nerveux central ou périphérique ainsi que la jonction neuromusculaire et le muscle peuvent être paranéoplasiques, mais aucun
syndrome n’est pathognomonique. Dans certains cas, l’atteinte
est monosystémique (atrophie cérébelleuse, par exemple) ; dans
d’autres, plusieurs systèmes peuvent être touchés.
Ces dernières années, la découverte d’anticorps onco-neuraux
spécifiques de ces affections (tableau) a constitué une avancée
majeure dans la connaissance de ces syndromes, en montrant
qu’un nombre important d’entre eux relevait d’un mécanisme
auto-immun (1). Ces anticorps constituent par ailleurs un outil
* UMR Inserm 842 et hospices civils de Lyon, université Claude-Bernard, Lyon-I.
diagnostique majeur dans la mesure où leur détection permet
d’affirmer le caractère paranéoplasique du trouble neurologique
et d’orienter la recherche du cancer en cause (2, 3). Néanmoins,
ces anticorps sont inconstants pour un syndrome donné, et un
faible nombre de patients présentant ces anticorps ne développent pas de cancer même après plusieurs années de suivi.
Chez ces patients, il est possible, comme cela a été exceptionnellement démontré, que la tumeur ait régressé sous l’action du
processus auto-immun (4), ou que l’immunisation se soit faite
sans la présence d’un cancer.
COMMENT RECONNAÎTRE UN SYNDROME
NEUROLOGIQUE PARANÉOPLASIQUE ?
L’origine paranéoplasique d’un trouble neurologique ne peut
théoriquement être affirmée que lorsqu’un cancer est identifié
et que toute autre étiologie a été formellement éliminée. Une
autopsie est donc parfois nécessaire. Néanmoins, les études
cliniques et la découverte d’anticorps spécifiques des SNP ont
Tableau. Principaux anticorps onco-neuraux associés aux syndromes neurologiques paranéoplasiques.
Anticorps
160
Nombre
de patients
Syndromes neurologiques paranéoplasiques
Tumeurs
Encéphalomyélite
Cancer à petites cellules
Neuronopathie sensitive
du poumon (CPCP)
Pseudo-occlusion gastro-intestinale chronique
Dégénérescence cérébelleuse paranéoplasique (DCP)
Encéphalite limbique
Patients avec anticorps
sans cancer (%)
Fréquence chez des patients
avec cancer mais sans SNP
2
16 %
(1 % avec un titre identique
à celui des patients avec SNP)
Anti-Hu (ANNA1)
> 600
Anti-Yo (PCA1)
> 200
DCP
Ovaire, sein
2
1%
Anti-CV2 (CRMP5)
> 100
Encéphalomyélite
Chorée
Neuronopathie sensitive
Neuropathie sensorimotrice
Pseudo-occlusion gastro-intestinale chronique
DCP
Encéphalite limbique
CPCP, thymome
4
9%
Anti-Ri (ANNA2)
61
Encéphalite du tronc cérébral
Sein, CPCP
3
4%
Anti-Ma2 (Ta)
55
Encéphalite limbique/diencéphalique
Encéphalite du tronc cérébral/DCP
Testicule, poumon
4
0%
Anti-amphiphysine
20
Syndrome de la personne raide
Divers syndromes
Sein
CPCP
5
0%
1%
Anti-Tr (PCA-Tr)
28
DCP
Maladie de Hodgkin
11
0%
La Lettre du Neurologue - Vol. XI - n° 4 - avril 2007
permis d’identifier un certain nombre de situations où l’origine
paranéoplasique du trouble neurologique peut être affirmée par
un faisceau d’arguments cliniques et biologiques.
mide), les syndromes neurologiques paranéoplasiques classiques
ont une évolution habituellement dévastatrice (2, 3, 10). Des
traitements symptomatiques sont proposés pour les différents
syndromes neurologiques paranéoplasiques (8) sans aucune
spécificité étiologique.
SAVOIR RECHERCHER UNE TUMEUR
DE PETIT VOLUME EN CAS DE SUSPICION DE SNP
LES SNP SONT-ILS D’ORIGINE AUTO-IMMUNE ?
Lorsqu’un anticorps onco-neural est retrouvé, un cancer sousjacent est présent dans presque 100 % des cas (5). Parfois, ce
cancer est si petit qu’il n’est pas décelable par les investigations radiologiques usuelles. Classiquement, il est proposé de
répéter tous les 3 à 4 mois, pendant au moins 2 ans, un examen
clinique complet et un scanner thoraco-abdomino-pelvien, le
type d’anticorps antineuronal retrouvé dans le sérum du patient
permettant d’orienter cette recherche. L’attention des radiologues doit être attirée par les petites lésions qui, dans un autre
contexte, pourraient être considérées comme non significatives.
En présence d’un anticorps anti-Yo et d’un syndrome cérébelleux,
si les premières recherches sont négatives, il est recommandé de
pratiquer une laparotomie exploratrice, qui permettra dans la
majorité des cas de retrouver des cancers de l’ovaire infracentimétriques (2, 3). Dans les autres cas, un PET scan corps entier
au fluorodésoxyglucose doit être discuté (5). Cet examen peut
permettre de détecter rapidement la tumeur et aider les chirurgiens à prendre une décision opératoire devant une petite lésion
thoracique chez des patients souvent fragiles. Il peut également
permettre de détecter de petites adénopathies métastatiques
plus facilement accessibles pour le diagnostic. Pour les patients
suspects de SNP, mais chez lesquels aucun anticorps n’est détecté,
la réalisation d’un PET scan n’est pas recommandée du fait de
sa grande sensibilité et de sa plus faible spécificité (5, 6). Une
fausse positivité risquerait d’entraîner chez ces patients des
explorations chirurgicales dommageables. Il est simplement
recommandé de répéter régulièrement un examen clinique et
des investigations radiologiques classiques, en particulier un
scanner thoraco-abdomino-pelvien et une mammographie.
QUEL TRAITEMENT PROPOSER
DEVANT UN SNP AVÉRÉ ?
Le traitement le plus précoce et le plus complet du cancer est le
moyen le plus efficace pour stabiliser ou améliorer un syndrome
neurologique paranéoplasique. C’est le cas des syndromes associés à l’anticorps anti-Hu (7) ou anti-Ma et dans des observations
isolées de chorée ou d’opsoclonus-myoclonus paranéoplasiques
(8). Cela n’a pas été démontré lorsque le syndrome paranéoplasique s’installe très rapidement et est responsable d’une
dégénérescence neuronale précoce irréversible comme avec
l’anticorps anti-Yo (9).
Exception faite du syndrome de Lambert-Eaton, de la rétinopathie paranéoplasique, de la dermatopolymyosite et de
la neuromyotonie, qui répondent aux immunosuppresseurs
(immunoglobulines intraveineuses, corticoïdes, cyclophosphaLa Lettre du Neurologue - Vol. XI - n° 4 - avril 2007
La pathogénie des SNP n’est pas encore parfaitement comprise,
même s’il existe de forts arguments pour l’attribuer à un désordre
immunologique. L’hypothèse physiopathologique serait que les
patients s’immuniseraient contre les protéines anormalement
exprimées par la tumeur et que, par un phénomène d’immunité croisée, les neurones exprimant physiologiquement ces
protéines seraient détruits. Dans le syndrome de Lambert-Eaton
(SMLE), il a clairement été montré que les anticorps anti-canaux
calciques étaient directement responsables de la pathologie
(11). En se fixant sur les canaux calciques présynaptiques, ils
empêchent la libération d’acétylcholine et le fonctionnement
correct de la jonction neuro-musculaire. Il est possible que
les anticorps anti-CCVD puissent franchir la barrière hémoméningée et participer à la dégénérescence cérébelleuse dans
les cas où SMLE et ataxie cérébelleuse sont associés (12). Dans
la rétinopathie paranéoplasique, les anticorps sont spécifiques
d’une protéine de 23 Kda appelée recoverine, qui joue un rôle
majeur dans l’initiation de la phototransduction, et l’injection
d’anticorps antirecoverine dans le vitré de rats entraîne une
perte en photorécepteurs identique à celle observée dans le
syndrome CAR (13).
Quant aux autres anticorps antineuronaux, qui sont principalement associés à des SNP du système nerveux central et qui sont
dirigés contre des antigènes intracellulaires, leur rôle physiopathologique est beaucoup moins clair. In vitro, les anticorps
anti-Yo et anti-Ri peuvent modifier le métabolisme cellulaire
en se fixant sur leurs antigènes, mais l’injection in vivo des anticorps anti-Yo, anti-Ri ou anti-Hu ne provoque aucune anomalie
(2, 3). L’immunisation avec les antigènes purifiés entraîne la
production par les animaux d’anticorps antineuronaux, mais
ne provoque pas de syndrome neurologique (2, 3). Néanmoins,
des études récentes ont démontré la présence de lymphocytes T
cytotoxiques, chez des patients avec anticorps anti-Hu ou antiYo, spécifiquement dirigés contre des peptides des protéines Hu
ou Yo (14). Ce résultat démontre qu’il existe des lymphocytes
T activés contre ces protéines chez les patients présentant un
SNP et suggère donc que les troubles neurologiques observés
sont liés à une maladie auto-immune cellulaire dirigée contre
les protéines reconnues par les anticorps. Néanmoins, d’autres
travaux seront nécessaires pour caractériser les mécanismes
exacts qui conduisent à la mort des neurones. De plus, le fait
que 50 % des patients ne présentent pas d’anticorps antineuronaux circulants est une deuxième énigme physiopathologique.
Il faudra déterminer si ces patients développent d’autres types
d’anticorps non encore identifiés ou s’il existe différents mécanismes conduisant au même syndrome.
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CONCLUSION
4. Gill S, Murray N, Dalmau J, Thiessen B. Paraneoplastic sensory neuronopathy
La découverte il y a 20 ans des anticorps onco-neuraux a transformé nos connaissances sur les syndromes neurologiques paranéoplasiques. Le diagnostic en est maintenant facilité et, lorsque
le neurologue soupçonne un tel syndrome, il doit s’acharner à
trouver rapidement la tumeur pour la traiter, car c’est le seul
moyen actuellement d’espérer arrêter le processus de destruction du système nerveux. En l’absence d’anticorps spécifique, le
neurologue ne doit pas porter le diagnostic de SNP sans avoir
éliminé toutes les autres étiologies possibles.
Dans les années à venir, l’étude minutieuse de grands groupes
de patients devrait nous aider à mieux comprendre la physiopathologie de ces syndromes, dont les mécanismes fins restent
encore mystérieux, même si le rôle de l’auto-immunité semble
maintenant clairement établi.
■
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