Neuro-oncologie
La Lettre du Neurologue - Vol. XI - n° 4 - avril 2007
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Neuro-oncologie
permis d’identifi er un certain nombre de situations où l’origine
paranéoplasique du trouble neurologique peut être affi rmée par
un faisceau d’arguments cliniques et biologiques.
SAVOIR RECHERCHER UNE TUMEUR
DE PETIT VOLUME EN CAS DE SUSPICION DE SNP
Lorsqu’un anticorps onco-neural est retrouvé, un cancer sous-
jacent est présent dans presque 100 % des cas (5). Parfois, ce
cancer est si petit qu’il n’est pas décelable par les investiga-
tions radiologiques usuelles. Classiquement, il est proposé de
répéter tous les 3 à 4 mois, pendant au moins 2 ans, un examen
clinique complet et un scanner thoraco-abdomino-pelvien, le
type d’anticorps antineuronal retrouvé dans le sérum du patient
permettant d’orienter cette recherche. L’attention des radiolo-
gues doit être attirée par les petites lésions qui, dans un autre
contexte, pourraient être considérées comme non signifi catives.
En présence d’un anticorps anti-Yo et d’un syndrome cérébelleux,
si les premières recherches sont négatives, il est recommandé de
pratiquer une laparotomie exploratrice, qui permettra dans la
majorité des cas de retrouver des cancers de l’ovaire infracenti-
métriques (2, 3). Dans les autres cas, un PET scan corps entier
au fl uorodésoxyglucose doit être discuté (5). Cet examen peut
permettre de détecter rapidement la tumeur et aider les chirur-
giens à prendre une décision opératoire devant une petite lésion
thoracique chez des patients souvent fragiles. Il peut également
permettre de détecter de petites adénopathies métastatiques
plus facilement accessibles pour le diagnostic. Pour les patients
suspects de SNP, mais chez lesquels aucun anticorps n’est détecté,
la réalisation d’un PET scan n’est pas recommandée du fait de
sa grande sensibilité et de sa plus faible spécifi cité (5, 6). Une
fausse positivité risquerait d’entraîner chez ces patients des
explorations chirurgicales dommageables. Il est simplement
recommandé de répéter régulièrement un examen clinique et
des investigations radiologiques classiques, en particulier un
scanner thoraco-abdomino-pelvien et une mammographie.
QUEL TRAITEMENT PROPOSER
DEVANT UN SNP AVÉRÉ ?
Le traitement le plus précoce et le plus complet du cancer est le
moyen le plus effi cace pour stabiliser ou améliorer un syndrome
neurologique paranéoplasique. C’est le cas des syndromes asso-
ciés à l’anticorps anti-Hu (7) ou anti-Ma et dans des observations
isolées de chorée ou d’opsoclonus-myoclonus paranéoplasiques
(8). Cela n’a pas été démontré lorsque le syndrome paranéo-
plasique s’installe très rapidement et est responsable d’une
dégénérescence neuronale précoce irréversible comme avec
l’anticorps anti-Yo (9).
Exception faite du syndrome de Lambert-Eaton, de la réti-
nopathie paranéoplasique, de la dermatopolymyosite et de
la neuromyotonie, qui répondent aux immunosuppresseurs
(immunoglobulines intraveineuses, corticoïdes, cyclophospha-
mide), les syndromes neurologiques paranéoplasiques classiques
ont une évolution habituellement dévastatrice (2, 3, 10). Des
traitements symptomatiques sont proposés pour les diff érents
syndromes neurologiques paranéoplasiques (8) sans aucune
spécifi cité étiologique.
LES SNP SONTILS D’ORIGINE AUTOIMMUNE ?
La pathogénie des SNP n’est pas encore parfaitement comprise,
même s’il existe de forts arguments pour l’attribuer à un désordre
immunologique. L’hypothèse physiopathologique serait que les
patients s’immuniseraient contre les protéines anormalement
exprimées par la tumeur et que, par un phénomène d’immu-
nité croisée, les neurones exprimant physiologiquement ces
protéines seraient détruits. Dans le syndrome de Lambert-Eaton
(SMLE), il a clairement été montré que les anticorps anti-canaux
calciques étaient directement responsables de la pathologie
(11). En se fi xant sur les canaux calciques présynaptiques, ils
empêchent la libération d’acétylcholine et le fonctionnement
correct de la jonction neuro-musculaire. Il est possible que
les anticorps anti-CCVD puissent franchir la barrière hémo-
méningée et participer à la dégénérescence cérébelleuse dans
les cas où SMLE et ataxie cérébelleuse sont associés (12). Dans
la rétinopathie paranéoplasique, les anticorps sont spécifi ques
d’une protéine de 23 Kda appelée recoverine, qui joue un rôle
majeur dans l’initiation de la phototransduction, et l’injection
d’anticorps antirecoverine dans le vitré de rats entraîne une
perte en photorécepteurs identique à celle observée dans le
syndrome CAR (13).
Quant aux autres anticorps antineuronaux, qui sont principale-
ment associés à des SNP du système nerveux central et qui sont
dirigés contre des antigènes intracellulaires, leur rôle physio-
pathologique est beaucoup moins clair. In vitro, les anticorps
anti-Yo et anti-Ri peuvent modifi er le métabolisme cellulaire
en se fi xant sur leurs antigènes, mais l’injection in vivo des anti-
corps anti-Yo, anti-Ri ou anti-Hu ne provoque aucune anomalie
(2, 3). L’immunisation avec les antigènes purifi és entraîne la
production par les animaux d’anticorps antineuronaux, mais
ne provoque pas de syndrome neurologique (2, 3). Néanmoins,
des études récentes ont démontré la présence de lymphocytes T
cytotoxiques, chez des patients avec anticorps anti-Hu ou anti-
Yo, spécifi quement dirigés contre des peptides des protéines Hu
ou Yo (14). Ce résultat démontre qu’il existe des lymphocytes
T activés contre ces protéines chez les patients présentant un
SNP et suggère donc que les troubles neurologiques observés
sont liés à une maladie auto-immune cellulaire dirigée contre
les protéines reconnues par les anticorps. Néanmoins, d’autres
travaux seront nécessaires pour caractériser les mécanismes
exacts qui conduisent à la mort des neurones. De plus, le fait
que 50 % des patients ne présentent pas d’anticorps antineuro-
naux circulants est une deuxième énigme physiopathologique.
Il faudra déterminer si ces patients développent d’autres types
d’anticorps non encore identifi és ou s’il existe diff érents méca-
nismes conduisant au même syndrome.