P ROCTOLOGIE(S)
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La sclérose en plaques est une affection démyélinisante à dis-
sémination spatiotemporelle corticale et médullaire, survenant
préférentiellement chez la femme jeune. Du fait de la variabilité
des sites lésionnels, les symptômes fonctionnels pelviens sont
polymorphes. Les troubles vésicosphinctériens sont rencontrés
dans plus de deux tiers des cas et les troubles du transit ou de la
continence fécale dans la moitié des cas. Leur fréquence s’accroît
avec le handicap, mais ils peuvent être des signes inauguraux de
la maladie dans un tiers des cas. La symptomatologie peut être
fluctuante dans le temps et elle peut ne pas dominer l’expression
clinique. Elle doit donc être recherchée par les données d’un inter-
rogatoire précis. Des troubles de la motricité colique ont été iden-
tifiés dans cette affection, ainsi que des troubles de la sensibilité
viscérale et une spasticité des muscles pelvipérinéaux (2).
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La maladie de Parkinson est également une maladie dégéné-
rative qui touche principalement les neurones dopaminergiques
du locus niger. Elle affecte habituellement les personnes au cours
de la sixième décennie. Elle a une évolution insidieuse progres-
sive et les troubles fonctionnels pelviens ne dominent habituelle-
ment pas l’expression de la maladie. La constipation est obser-
vée chez près de la moitié des malades et les troubles de la
continence sont plus rares. Les mécanismes qui induisent les
troubles du transit sont multiples dans cette affection. Des stig-
mates d’atteinte dégénérative ont été observés non seulement au
niveau du locus niger mais également dans les centres sympa-
thiques, parasympathiques et dans les plexus myentériques (corps
de Lewy), suggérant une participation périphérique autonome (3).
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Les troubles fonctionnels pelviens observés après lésion médul-
laire représentent une entité dont le mécanisme pathogénique pour-
rait apparaître plus simple (lésion dont le niveau est connu) et plus
facile d’analyse (date précise chez les blessés médullaires). Néan-
moins, l’altération neurologique peut avoir un retentissement sur
les voies longues de la sensibilité, de la motricité, de l’innervation
autonome et somatique, compliquant l’expression du retentisse-
ment fonctionnel. Elle peut enfin être complète ou incomplète.
Pour toutes ces raisons, la systématisation des symptômes décrits
et des mécanismes analysés est loin d’être parfaite. En cas de lésion
médullaire complète, les fonctions sensitivomotrices et leur
contrôle supraspinal sont altérés. Après la phase du choc spinal,
lorsque les métamères sous-jacents à la lésion restent actifs, il
existe une dyssynergie sphinctérienne à la fois urinaire (rétention,
dysurie, fuites incontrôlées) et rectosphinctérienne (constipation
d’évacuation), un ralentissement du transit colique et une spasti-
cité périnéale. Néanmoins, le mécanisme dominant de la consti-
pation consécutive à une lésion médullaire est le plus souvent en
rapport avec des troubles moteurs coliques. Dans les lésions médul-
laires hautes, l’activité motrice du côlon est réduite, alors qu’elle
est accentuée dans les lésions basses. Les troubles de la continence
procèdent le plus souvent d’un mécanisme encoprétique, notam-
ment lors des atteintes médullaires basses ou de la queue de che-
val (4). Dans les lésions médullaires incomplètes, la systématisa-
tion de l’atteinte donne parfois un respect de la sensibilité périnéale
(tel un syndrome central de la moelle). Dans les lésions siégeant
au niveau du cône terminal, il existe souvent une dissociation entre
les symptômes sensorimoteurs et les troubles neurologiques vis-
céraux autonomes. Les signes cliniques peuvent être à la fois de
type périphérique et central (5).
EXPRESSIONS CLINIQUES
Les troubles du transit sont fréquents chez les malades souffrant
d’une maladie neurologique. Les symptômes sont non spécifiques
et se traduisent par une diminution de la fréquence hebdomadaire
des selles, un ballonnement (sclérose en plaques, Parkinson), des
douleurs abdominales à type de coliques (sclérose en plaques,
Parkinson), des manifestations dysautonomiques et une hyper-
spasticité réactionnelle périphérique (blessés médullaires), une
subocclusion ou un syndrome de pseudo-obstruction chronique
idiopathique (maladie de Parkinson). Les troubles de l’évacua-
tion se traduisent par des efforts de poussée inefficaces (Parkin-
son, sclérose en plaques, lésion du cône terminal), la nécessité de
recourir à des manœuvres endo-anales pour extraire des matières
(sclérose en plaques, Parkinson) ou pour obtenir une relaxation
anale réflexe (blessés médullaires). Une constipation de novo est
rapportée principalement après un traumatisme médullaire haut
alors que le transit est peu modifié chez les malades paraplégiques.
En revanche, les troubles de l’évacuation sont fréquents, sinon
constants, et imposent des procédures longues (30 à 90 minutes)
et assistées (intubation, suppositoires, petits lavements) dans plus
de la moitié des cas (6).
Lorsqu’il existe une hypotonie importante de repos du canal anal
et/ou une contraction volontaire anale non élective, les symptômes
peuvent être ceux d’une incontinence par impériosité diurne,
exceptionnellement nocturne (sclérose en plaques, lésion du cône
terminal). À l’inverse, les troubles de la sensibilité rectale, un obs-
tacle anal à l’évacuation et/ou une mobilité réduite peuvent induire
des troubles de la continence par regorgement sur fécalome. L’in-
continence est alors permanente, diurne et nocturne (Parkinson,
blessés médullaires).
L’appréciation des troubles de la statique pelvienne est insuffi-
samment évaluée dans la pratique clinique de tous les jours et
dans l’analyse de la littérature. Les mécanismes supposés res-
ponsables sont, d’une part, le processus d’involution neurogène
des structures musculo-aponévrotiques et, d’autre part, les efforts
de poussée rendus parfois nécessaires par les manifestations dys-
uriques et dyschésiques.
EXPLORATIONS FONCTIONNELLES
En pratique courante, les explorations fonctionnelles anorectales
ont un intérêt insuffisamment évalué dans la prise en charge dia-
gnostique et thérapeutique des troubles fonctionnels pelviens chez
les malades neurologiques, parce qu’elles révèlent le plus sou-
vent des anomalies non spécifiques (dyssynergie, troubles de la
sensibilité rectale lors de la distension isovolumique, allongement
du temps de transit colique) et que les informations recueillies ne
sont pas très reproductibles (sensibilité rectale, temps de transit
colique). Pour autant, ces éléments peuvent constituer indivi-
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 2 - vol. IX - mars-avril 2006
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