ces hypertendus Ces hypertendus difficiles

publicité
ces hypertendus
Ces hypertendus difficiles
La saignée comme traitement
d’une hypertension résistante
Xavier Girerd*, Jacques Geslin**
Cette hypertension non
qui sont la conséquence
contrôlée par le traitede l’hémoconcentration
her confrère,
ment répond bien à la
qui peut accompagner la
définition d’une hypersurrénalienne,
Je vous adresse, pour un bilan complet, Mr C., 58 ans, pour une pathologie
tension résistante, car le
cette possibilité a été élitraitement comporte trois hypertension artérielle sévère résistante. Son seul antécédent est
miné chez Mr C. Comme
antihypertenseurs dont un une polyglobulie, sans étiologie connue, pour laquelle aucun traiil a aussi été observé des
diurétique. La première tement n’est actuellement proposé. Il est hypertendu depuis près
hypertensions artérielles
étape de la prise en charge, de dix ans, et sa pression artérielle n’a jamais été contrôlée. Son
par syndrome d’apnée du
qui consiste à confirmer
sommeil s’associant à
le diagnostic d’hyperten- traitement comporte pourtant une quadrithérapie par bêta-bloquant, une polyglobulie, une
sion artérielle résistante IEC, diurétique à faible dose et antihypertenseur central. Il est
polysomnographie a été
par la réalisation d’une asymptomatique, mais sa pression artérielle est élevée en consulréalisée, mais ce diagnosmesure de la pression tation, et une MAPA confirme l’hypertension résistante. Le dernier
tic a pu être éliminé. En
artérielle en dehors du
pratique, le plus souvent
bilan indique une polyglobulie avec 18 g/dl d’hémoglobine,
cabinet médical, par une
lorsqu’une hypertension
MAPA ou une automesure, une créatininémie à 140 µmol/l. La réalisation d’un bilan étioloartérielle s’associe à une
a bien été réalisée. Cette gique plus complet me semble justifiée.
polyglobulie, c’est l’hyétape est indispensable,
perviscosité provoquée
car il a été montré que
par la maladie hématoUn bilan étiologique est effectué, qui
40 % des patients qui présentent une résislogique qui est incriminée comme l’élécomporte une angiographie des
tance aux traitements en consultation ont en
ment favorisant l’hypertension artérielle.
artères rénales par voie veineuse et
fait une pression artérielle contrôlée en
des dosages hormonaux surrénaliens.
dehors du cabinet médical. Il est donc indisAu terme de ce bilan, une modification du
La vascularisation rénale est assurée
pensable de réaliser soit une MAPA, soit
traitement antihypertenseur est proposée
par deux artères à droite et une artère
une automesure chez un patient chez lequel
avec une trithérapie comportant un IEC,
à gauche sans anomalie. Les dosages
le diagnostic d’hypertension artérielle
un antagoniste calcique et un alpha-bloquant,
hormonaux sont normaux. Après
résistante est évoqué.
car ces trois familles d’antihypertenseurs
arrêt du diurétique, la créatinine est
Il existe deux orientations dans l’histoire
possèdent une action vasodilatatrice, dont
à 99 µmol/l.
de Mr C. pour expliquer le non-contrôle
l’action est favorable pour le traitement de
de la pression artérielle. La première est la
ce type d’hypertension artérielle. La réinpolyglobulie, car il est possible d’observer
troduction d’un diurétique n’était pas proLa normalité de l’exploration rénale et du
des élévations tensionnelles au cours de
posée, car la légère déshydratation induite
bilan hormonal surrénalien est une inforcette anomalie hématologique ; la deuxième
par ce traitement n’est pas logique chez
mation importante pour la prise en charge
est l’élévation de la créatinine, qui n’est
les sujets avec une polyglobulie. Enfin,
de Mr C. En effet, ces étiologies regroujamais une anomalie à banaliser chez un
c’est sur la prise en charge hématologique
pent les causes les plus fréquemment
hypertendu, car les causes rénales sont des
de la polyglobulie que doit s’orienter l’acretrouvées d’hypertension artérielle résisétiologies qu’il est toujours indispensable
tion thérapeutique, car le bilan indique un
tantes aux traitements. Ce bilan étant
de rechercher chez l’hypertendu non
hématocrite à 49,5 % pour une hémoglobine
négatif, il faut donc évoquer la possibilité
contrôlé.
à 17,2 g/100 ml.
d’une relation entre la polyglobulie et
l’hypertension artérielle. Une hypertension artérielle est fréquemment observée
Quelques semaines plus tard, Mr C.
chez les patients qui présentent une poly*Médecine interne, hôpital Broussais, Paris.
est hospitalisé pour un accident vasglobulie. S’il a été décrit des polyglobuculaire cérébral.
**Cabinet de cardiologie, Pontoise.
lies aux cours des phéochromocytomes,
C
Act. Méd. Int. - Hypertension (12), n° 5, mai 2000
424
difficiles
Ces hypertendus difficiles
Le tableau clinique est initialement celui
d’un syndrome hémi-algique gauche avec
une note de déficit moteur et un signe de
Babinski gauche. Le diagnostic d’infarctus
thalamo-capsulaire postérieur droit est porté.
L’échographie cardiaque trans-œsophagienne est normale, et le doppler des vaisseaux
du cou n’indique pas d’anomalie pouvant
expliquer les symptômes. Aucun trouble du
rythme n’est noté au décours de l’accident.
La pression artérielle observée au cours de
l’hospitalisation, sous la trithérapie prescrite,
indique des chiffres en moyenne à 150/90
mmHg. La persistance d’un hématocrite
élevé a fait retenir le diagnostic d’accident
ischémique d’origine thrombotique.
Il est classique d’observer des complications
neurologiques chez les patients avec une
polyglobulie et une hypertension, car l’élévation tensionnelle et l’augmentation de la viscosité sont deux éléments qui favorisent les
accidents ischémiques cérébraux. Cette complication survenue chez Mr C. a eu heureusement une évolution favorable, avec une
régression complète des symptômes en
quelques semaines.
Une prise en charge hématologique a
commencé par la réalisation de saignées, à raison de 300 ml une fois par
mois. Le traitement est bien toléré, et
l’hémoglobine est, après saignée, à
13,3 g/dl.
Mr C. est revu en consultation avec une pression artérielle à 130/90 mmHg. Le traitement
a été majoré avec l’introduction de 12,5 mg
d’hydrochlorothiazide en plus de l’IEC de
l’antagoniste calcique et de l’alpha-bloquant.
Le contrôle tensionnel semble donc satisfaisant. Une surveillance tensionnelle par auto-
425
mesure est recommandée, en particulier dans
les jours qui précèdent et qui suivent une saignée. La moyenne sur cinq jours avec trois
mesures le matin et trois mesures le soir en
position assise indique, avant la saignée,
136/89 mmHg, et après la saignée, 130/
82 mmHg. Dans les 24 heures qui suivent
immédiatement la saignée, la baisse de la
pression artérielle est encore plus marquée,
avec une moyenne à 110/78 mmHg. À l’évidence, la pression artérielle de Mr C. est bien
en grande partie dépendante de son niveau
d’hématocrite. Cette hypertension artérielle
n’a pas résisté à la saignée, une thérapeutique
très à la mode il y a… quatre siècles !
Imprimé en France - Differdange S.A.
95110 Sannois - Dépôt légal 2e trimestre 2000 - © janvier 1989 Médica-Press International
Téléchargement