DOULEUR
a présentation clinique des céphalées après ponction lombaire (CPL) est
parfaitement résumée par les critères diagnostiques faisant actuellement
référence dans la classification des céphalées et algies faciales publiée en
1988 par l’International Headache Society (IHS) (traduction française dans Henry, 1990).
Dans cette classification, le diagnostic des CPL repose sur trois critères: (1) céphalées bila-
térales survenant en moins de 7 jours après la ponction dure-mérienne ; (2) accentuation
en moins de 15 minutes après le passage en orthostatisme et disparition ou diminution en
moins de 30 minutes en décubitus ; (3) disparition des céphalées en moins de 14 jours après
la PL. Si les céphalées persistent au-delà du quatorzième jour après la ponction dure-
mérienne, elles sont considérées comme étant dues à une fistule dura
le chronique.
La compréhension de la physiopathologie et des facteurs favorisants des CPL permet
d’adapter la thérapeutique mais aussi la prévention de ce syndrome. Les céphalées résul-
tent d’une fuite de liquide céphalo-rachidien (LCR) à travers la brèche dure-mérienne
créée lors de la ponction dure-mérienne. La fuite de LCR entraînerait une diminution de
volume de liquide sous-arachnoïdien et une baisse de la pression régnant dans cet espace.
Cela serait responsable, lors du passage en orthostatisme, d’une attraction des structures
encéphaliques vers le bas, qui n’est plus amortie par la colonne liquidienne rachidienne.
Il en résulterait une traction des enveloppes méningées et des structures vasculaires qu’elles
renferment, responsable des céphalées, et parfois même de certaines complications neu-
rologiques, en particulier des diplopies, liées à une atteinte de la 6epaire crânienne.
M
esures préventives et thérapeutiques
des céphalées après ponction lombaire
La Lettre du Rhumatologue - n° 251 - avril 1999
type Quincke, il semble théoriquement préfé-
rable d’insérer le biseau de l’aiguille parallè-
lement à l’axe rachidien, afin de sectionner pré-
férentiellement les fibres longitudinales et de
permettre une fermeture spontanée plus facile
de la brèche anatomique. Des études cliniques
ont démontré une incidence des CPL quatre
fois plus élevée en cas d’insertion perpendicu-
laire qu’en cas d’insertion parallèle (Tarkkila
et coll., 1992).
Angle d’insertion de l’aiguille : la fuite de
LCR est minime, voire absente lorsque l’angle
de la ponction est inférieur ou égal à 30°, par
rapport à une insertion sous un angle de 70 à
90°. Ce fait peut être expliqué en considérant
que l’épaisse couche de fibres dure-mériennes
est tapissée, sur sa face interne, d’une fine
couche d’arachnoïde et que les brèches créées
par la ponction ne se superposent pas lorsque
celle-ci est réalisée selon un angle aigu. Les
deux méninges coulissent alors l’une sur
l’autre, entraînant une obturation de la brèche.
Mesures préventives
Compte tenu de l’incidence élevée des CPL et
de leur coût économique en raison de la pro-
longation de l’hospitalisation qu’elles impo-
sent souvent, il est indispensable de prendre en
considération certaines mesures préventives.
Ces mesures portent essentiellement sur les
facteurs étiologiques, et tout particulièrement
sur les facteurs techniques (tableau I).
Bien que l’utilisation d’une aiguille de gros
calibre soit nécessaire chez certains sujets
(sujets âgés, sujets arthrosiques), la plupart des
ponctions dure-mériennes peuvent être prati-
quées à l’aide d’aiguilles de faible calibre. Les
aiguilles de calibre 25 G et 26 G semblent
Facteurs prédisposants
Les facteurs étiologiques peuvent être sché-
matiquement divisés en deux groupes selon
qu’ils concernent le patient ou la technique de
ponction dure-mérienne.
Facteurs constitutionnels propres
aux patients
Âge : les CPL sont rarement décrites chez les
enfants de moins de 10 ans. Il existe un pic net
de fréquence entre 18 et 40 ans, puis cette fré-
quence décroît avec l’âge, les CPL étant très
rares chez les sujets de plus de 60 ans (Vandam
et Dripps, 1956).
Sexe : l’incidence des CPL est deux fois plus
élevée chez les femmes que chez les hommes,
sans qu’aucune explication évidente puisse être
fournie (Vandam et Dripps, 1956).
Facteurs psychiques : certains auteurs retien-
nent un terrain psychologique prédisposant
dans la survenue des CPL, mais aucune éva-
luation psychologique prospective n’a confirmé
le rôle de facteurs psychiques.
Facteurs techniques
Calibre de l’aiguille : il existe une relation
quasi linéaire entre le diamètre de l’aiguille et
l’incidence des CPL. Cette incidence est éva-
luée à 18% lors de l’utilisation d’une aiguille
de 16 G, et à 6% lors de l’utilisation d’une
aiguille de 24 G (Vandam et Dripps, 1956). Les
aiguilles de calibre 25 G et 26 G semblent
représenter le choix optimal.
Forme du biseau de l’aiguille : la forme du
biseau joue sur le nombre de fibres dure-
mériennes sectionnées. L’introduction du
biseau conique de type Whitcare a permis une
réduction de 50 % de l’incidence des CPL
(Hart et Whitcare, 1951). La mise au point des
aiguilles de type Sprötte, associant un biseau
conique et un orifice latéral, a permis une
réduction encore plus importante de l’inci-
dence de ce syndrome.
Orientation du biseau de l’aiguille : les fibres
longitudinales de la dure-mère sont plus élas-
tiques que les fibres circulaires. De fait, lors de
l’utilisation d’une aiguille conventionnelle de
L
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Conseils pratiques
1. Utilisation d’une aiguille de faible diamètre
à embout conique.
2. Insertion de l’aiguille avec l’orifice sur le
côté.
3. Insertion paramédiane et la plus verticale
possible de l’aiguille.
4. Pas de décubitus obligatoire après la ponc-
tion dure-mérienne.
5. Apports hydriques normaux.
Tableau I. Prévention des céphalées après
ponction lombaire.