MISE AU POINT
La Lettre du Neurologue - n° 4 - vol. IV - septembre 2000
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L’EXPÉRIENCE DE BICÊTRE
Nous avons eu à prendre en charge, de 1992 à fin 1998,
203 patients porteurs d’AA. Deux cent vingt-cinq lésions ané-
vrysmales ont été ainsi décelées. L’âge des patients qui nous
ont été adressés était réparti entre 3 mois et 77 ans (âge
moyen : 44,3 ans). Les patients étaient surtout de sexe féminin
(64,5 % des cas). La majorité des AA que nous avons vus
étaient rompus (66 %) et sont donc arrivés dans notre institu-
tion principalement au cours de la grande garde de neurochirurgie,
discutés avec l’équipe neurochirurgicale de Bicêtre du Profes-
seur M. Tadié (P. David, F. Parker, N. Aghakhani, S. Morar,
A. Chafiq), ou adressés par des services ou des hôpitaux péri-
phériques référents. Cent dix-huit patients présentant une
hémorragie méningée ont ainsi été pris en charge par notre
équipe. Vingt-et-un pour cent des cas étaient en grade 1 de Hunt
et Hesse, 51 % en grade 2, 17 % en grade 3 et 11 % en grades
4 et 5.
Trente-quatre pour cent des patients présentaient des ané-
vrismes non rompus, diagnostiqués le plus souvent fortuite-
ment, et nous avaient été confiés pour avis par leur médecin
traitant (neurologue, neurochirurgien ou radiologue). Tous ces
patients ont été vus en consultation par notre équipe, et le trai-
tement endovasculaire a été proposé, en fonction de l’indica-
tion de nécessité de traiter, de l’évaluation du risque, de l’his-
toire naturelle et du risque thérapeutique, et de la faisabilité du
geste technique lui-même.
Dans un premier temps, le traitement endovasculaire des ané-
vrismes artériels intracrâniens a été considéré comme un traite-
ment réservé aux seules lésions non chirurgicales. Nous avions,
dès notre expérience préliminaire en 1992 avec les GDC (7),
détaillé notre technique d’embolisation et défini de façon pros-
pective des critères afin de sélectionner les AA (rompus et non
rompus) pour lesquels des résultats anatomocliniques optimaux
nous semblaient pouvoir être obtenus : taille du sac, taille du col-
let, rapports sac-collet et collet-diamètre du vaisseau porteur,
architecture propre de la lésion. Toutes ces données sont encore
utilisées actuellement, bien que l’avènement de nouvelles tech-
niques, tant endovasculaires (remodelling par ballons (8),coils
3D) que radiologiques (angiographie avec reconstructions tridi-
mensionnelles), ait permis d’élargir les indications de prise en
charge de certaines lésions. Le remodelling, toutefois, a été peu
utilisé dans notre série (4 cas, soit dans environ 2 % des AA) et
jamais en phase aiguë, de façon à éviter un remplissage trop
important de l’AA par les coils avec hyperpression au niveau du
faux sac anévrismal (point de rupture de la lésion) et risque de
rupture peropératoire. L’angiographie tridimensionnelle a contri-
bué à analyser avec plus de précision les AA du fait de la défini-
tion optimale du collet et des rapports anatomiques de la lésion
avec les vaisseaux de voisinage. Si elle a, dans certains cas,
confirmé l’abstention thérapeutique endovasculaire suspectée sur
l’angiographie traditionnelle, elle a, dans d’autres cas, permis
d’accepter au contraire pour embolisation des AA paraissant ini-
tialement peu enclins à bénéficier de cette prise en charge. Elle
peut ainsi être considérée comme un outil précieux pour la prise
en charge de ces lésions (figures 1 à 4).
Tout malade est embolisé sous anesthésie générale, quel que
soit son âge. Une angiographie explorant les quatre axes vascu-
laires est effectuée dans tous les cas, afin de vérifier l’éventuel-
le multiplicité des lésions.
●Dans le cadre des anévrismes non rompus, le traitement (s’il
doit être réalisé) sera débuté par l’anévrisme ayant la plus gran-
de taille et/ou présentant la configuration (“l’architecture”) la
plus préoccupante. Les autres lésions seront prises en charge
secondairement, chacune au cours de sessions séparées : nous
avons, en effet, pour habitude de ne pas traiter plusieurs AA au
cours de la même session, sauf si ceux-ci sont dans le même
territoire vasculaire. Cela facilite le traitement en cas de com-
plications thrombo-emboliques.
●S’il s’agit d’AA rompus, l’embolisation concernera en priori-
té l’AA responsable de l’hémorragie, l’analyse précise des don-
nées tomodensitométriques permettant souvent de définir l’ori-
gine du saignement. Un problème peut se poser lorsque deux
lésions anévrismales distinctes sont sur le même arbre artériel
au contact du site présumé de l’hémorragie, ou lorsque cette
dernière est diffuse sans topographie prédominante. Nous nous
attachons à reconnaître l’AA responsable du saignement grâce
à trois signes angiographiques : le faux anévrisme, l’irrégularité
pariétale et la taille de la lésion. L’étude de l’architecture de la
lésion aide à reconnaître le faux anévrisme témoin de la ruptu-
re : il se présente angiographiquement sous forme d’une “ecta-
sie–fille” annexée à l’AA lui-même et correspond à la recircu-
lation de sang à l’intérieur du caillot contigu à la lésion. Si un
tel faux anévrisme est absent, on traitera en priorité l’AA ayant
la forme la plus irrégulière, ou enfin ayant la plus grande taille.
Nous n’avons, à ce jour, jamais eu à déplorer d’erreur de dia-
gnostic, grâce à cette sémiologie, ayant pour conséquence une
rupture d’un autre AA, associé à celui choisi et traité initiale-
ment. L’embolisation des autres lésions aura lieu lors du pre-
mier contrôle angiographique trois mois plus tard, sauf en cas
de doute quant à la fragilité ou la responsabilité de l’anévrisme
laissé non traité, où la deuxième session pourra alors être avancée.
Si le premier contrôle angiographique (réalisé 3 mois après le
geste endovasculaire) s’avère satisfaisant, une surveillance
ultérieure sera proposée à 1 an, puis à 3 ans, soit par artériogra-
phie conventionnelle, soit par angioIRM de bonne qualité.
Cette dernière permet, en effet, le dépistage de lésions de petite
taille, d’environ 2 à 3 mm, et peut donc être considérée comme
fiable si réalisée dans des conditions techniques
correctes. Ces contrôles pourront être répétés ultérieurement.
En cas de doute (en cas de réouverture de portions circulantes
par compactage des coils ou en cas de croissance de la lésion),
des contrôles plus rapprochés à 6 mois seront proposés, avec
éventuellement reprise du traitement endovasculaire pour
exclure l’AA de façon complémentaire.
L’ensemble de cette expérience et des protocoles appliqués
nous permet donc de proposer les résultats suivants : 201 AA
ont été pris en charge par embolisation par notre équipe. Par