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La place de l’embolisation dans le traitement
des anévrismes artériels intracrâniens
● J.
Sedat, G. Rodesch, P. Lajaunias et al.*
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■ L’embolisation par coils GDC peut être proposée
comme traitement de première intention des anévrismes artériels (AA) intracrâniens de l’adulte et de
l’enfant : un AA considéré comme embolisable et opérable est embolisé.
■ La chirurgie est réservée, dans notre expérience, aux
cas non embolisables : un AA non embolisable mais
considéré comme chirurgical sera opéré.
■ Un AA a priori non embolisable et non opérable est
surveillé et rediscuté entre neurochirurgiens et embolisateurs pour décider de la conduite à tenir ou des techniques spéciales à utiliser.
■ Si un traitement endovasculaire est décidé, il doit chercher à préserver le malade de tout risque de (re)saignement et offrir, dans tous les cas, un risque thérapeutique
inférieur à celui de l’histoire naturelle de la maladie.
■ Le traitement par embolisation des anévrismes
géants ou fusiformes implique, le plus souvent, le sacrifice du vaisseau porteur sans chercher à préserver l’axe
vasculaire.
■ En attendant une meilleure compréhension de l’étiopathogénie des anévrismes intracrâniens avec une prise
en charge idoine, le traitement endovasculaire proposé
actuellement offre des résultats très satisfaisants et fournit une alternative aux traitements offerts par les équipes
neurochirurgicales prenant en charge ces lésions.
INTRODUCTION ET HISTORIQUE
L’anévrisme intracrânien est une pathologie réputée grave, car
sa rupture représente une complication sévère, du fait de la
morbidité et de la mortalité qu’elle engendre : 12 % des
* Service de neuroradiologie vasculaire diagnostique et thérapeutique,
hôpital de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre.
La Lettre du Neurologue - n° 4 - vol. IV - septembre 2000
malades décèdent avant leur admission à l’hôpital, 32 % au
premier jour et 43 % dans la semaine qui suit l’hémorragie
cérébro-méningée. De plus, les taux de resaignements sont fréquents (6 % à deux jours, 24 % à deux semaines et 40 % à six
mois), avec un taux supplémentaire de décès après cette seconde
hémorragie de 35 %. La gravité de ces conditions a, dès lors,
donné lieu à une abondante littérature rapportant tant les conséquences de l’hémorragie méningée que les traitements à appliquer pour éviter les resaignements et leurs conséquences. Le
clippage chirurgical précoce de la lésion est considéré comme
le traitement de référence, et ses résultats concernant l’exclusion de la lésion et la protection contre toute récidive hémorragique ont été salués par tous. Depuis quelques années, toutefois, les approches endovasculaires de la prise en charge
thérapeutique des anévrismes intracrâniens se sont développées :
initialement, des ballons et des coils mécaniques (2, 5) ont été
utilisés pour être placés dans la lumière anévrismale, afin d’exclure la lésion de la circulation cérébrale ; ces techniques, souvent peu précises, n’ont pas apporté de résultats anatomiques et
cliniques satisfaisants, et ont rapidement été abandonnées du
fait des risques qu’elles comportaient. Le développement des
coils de Guglielmi (GDC® Target Therapeutics, Fremont, CA,
États-Unis) a permis d’optimiser la prise en charge endovasculaire de ces lésions : ils sont formés de spirales de platine de
diverses longueurs et de divers diamètres, soudées sur un mandrin métallique, et peuvent être introduits très sélectivement
dans la lésion elle-même. Le coil est détaché de son support
par un courant électrique permettant une électrolyse de la soudure. Cela permet non seulement le largage du coil mais induit
aussi une thrombose dans l’anévrisme qui participera ainsi
à son exclusion de la circulation artérielle adjacente.
Plusieurs coils peuvent, dès lors, être positionnés dans l’anévrisme pour arriver à son éradication ; le fait qu’ils soient soudés sur le mandrin permet, avant leur détachement, de les repositionner de façon adéquate pour obtenir le meilleur maillage
intraluminal possible, ou de les retirer le cas échéant. Si l’intérêt
de ces techniques parachirurgicales est d’offrir une agression
moindre sur le parenchyme cérébral, il faut, bien entendu,
qu’elles puissent offrir des résultats anatomiques et cliniques
au moins comparables à ceux fournis par la neurochirurgie.
Nous discuterons ici la prise en charge endovasculaire des anévrismes intracrâniens et rapporterons notre expérience, tant en
ce qui concerne l’AA rompu que le non rompu (3).
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L’EXPÉRIENCE DE BICÊTRE
Nous avons eu à prendre en charge, de 1992 à fin 1998,
203 patients porteurs d’AA. Deux cent vingt-cinq lésions anévrysmales ont été ainsi décelées. L’âge des patients qui nous
ont été adressés était réparti entre 3 mois et 77 ans (âge
moyen : 44,3 ans). Les patients étaient surtout de sexe féminin
(64,5 % des cas). La majorité des AA que nous avons vus
étaient rompus (66 %) et sont donc arrivés dans notre institution principalement au cours de la grande garde de neurochirurgie,
discutés avec l’équipe neurochirurgicale de Bicêtre du Professeur M. Tadié (P. David, F. Parker, N. Aghakhani, S. Morar,
A. Chafiq), ou adressés par des services ou des hôpitaux périphériques référents. Cent dix-huit patients présentant une
hémorragie méningée ont ainsi été pris en charge par notre
équipe. Vingt-et-un pour cent des cas étaient en grade 1 de Hunt
et Hesse, 51 % en grade 2, 17 % en grade 3 et 11 % en grades
4 et 5.
Trente-quatre pour cent des patients présentaient des anévrismes non rompus, diagnostiqués le plus souvent fortuitement, et nous avaient été confiés pour avis par leur médecin
traitant (neurologue, neurochirurgien ou radiologue). Tous ces
patients ont été vus en consultation par notre équipe, et le traitement endovasculaire a été proposé, en fonction de l’indication de nécessité de traiter, de l’évaluation du risque, de l’histoire naturelle et du risque thérapeutique, et de la faisabilité du
geste technique lui-même.
Dans un premier temps, le traitement endovasculaire des anévrismes artériels intracrâniens a été considéré comme un traitement réservé aux seules lésions non chirurgicales. Nous avions,
dès notre expérience préliminaire en 1992 avec les GDC (7),
détaillé notre technique d’embolisation et défini de façon prospective des critères afin de sélectionner les AA (rompus et non
rompus) pour lesquels des résultats anatomocliniques optimaux
nous semblaient pouvoir être obtenus : taille du sac, taille du collet, rapports sac-collet et collet-diamètre du vaisseau porteur,
architecture propre de la lésion. Toutes ces données sont encore
utilisées actuellement, bien que l’avènement de nouvelles techniques, tant endovasculaires (remodelling par ballons (8), coils
3D) que radiologiques (angiographie avec reconstructions tridimensionnelles), ait permis d’élargir les indications de prise en
charge de certaines lésions. Le remodelling, toutefois, a été peu
utilisé dans notre série (4 cas, soit dans environ 2 % des AA) et
jamais en phase aiguë, de façon à éviter un remplissage trop
important de l’AA par les coils avec hyperpression au niveau du
faux sac anévrismal (point de rupture de la lésion) et risque de
rupture peropératoire. L’angiographie tridimensionnelle a contribué à analyser avec plus de précision les AA du fait de la définition optimale du collet et des rapports anatomiques de la lésion
avec les vaisseaux de voisinage. Si elle a, dans certains cas,
confirmé l’abstention thérapeutique endovasculaire suspectée sur
l’angiographie traditionnelle, elle a, dans d’autres cas, permis
d’accepter au contraire pour embolisation des AA paraissant initialement peu enclins à bénéficier de cette prise en charge. Elle
peut ainsi être considérée comme un outil précieux pour la prise
en charge de ces lésions (figures 1 à 4).
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Tout malade est embolisé sous anesthésie générale, quel que
soit son âge. Une angiographie explorant les quatre axes vasculaires est effectuée dans tous les cas, afin de vérifier l’éventuelle multiplicité des lésions.
Dans le cadre des anévrismes non rompus, le traitement (s’il
doit être réalisé) sera débuté par l’anévrisme ayant la plus grande taille et/ou présentant la configuration (“l’architecture”) la
plus préoccupante. Les autres lésions seront prises en charge
secondairement, chacune au cours de sessions séparées : nous
avons, en effet, pour habitude de ne pas traiter plusieurs AA au
cours de la même session, sauf si ceux-ci sont dans le même
territoire vasculaire. Cela facilite le traitement en cas de complications thrombo-emboliques.
●
S’il s’agit d’AA rompus, l’embolisation concernera en priorité l’AA responsable de l’hémorragie, l’analyse précise des données tomodensitométriques permettant souvent de définir l’origine du saignement. Un problème peut se poser lorsque deux
lésions anévrismales distinctes sont sur le même arbre artériel
au contact du site présumé de l’hémorragie, ou lorsque cette
dernière est diffuse sans topographie prédominante. Nous nous
attachons à reconnaître l’AA responsable du saignement grâce
à trois signes angiographiques : le faux anévrisme, l’irrégularité
pariétale et la taille de la lésion. L’étude de l’architecture de la
lésion aide à reconnaître le faux anévrisme témoin de la rupture : il se présente angiographiquement sous forme d’une “ectasie–fille” annexée à l’AA lui-même et correspond à la recirculation de sang à l’intérieur du caillot contigu à la lésion. Si un
tel faux anévrisme est absent, on traitera en priorité l’AA ayant
la forme la plus irrégulière, ou enfin ayant la plus grande taille.
Nous n’avons, à ce jour, jamais eu à déplorer d’erreur de diagnostic, grâce à cette sémiologie, ayant pour conséquence une
rupture d’un autre AA, associé à celui choisi et traité initialement. L’embolisation des autres lésions aura lieu lors du premier contrôle angiographique trois mois plus tard, sauf en cas
de doute quant à la fragilité ou la responsabilité de l’anévrisme
laissé non traité, où la deuxième session pourra alors être avancée.
Si le premier contrôle angiographique (réalisé 3 mois après le
geste endovasculaire) s’avère satisfaisant, une surveillance
ultérieure sera proposée à 1 an, puis à 3 ans, soit par artériographie conventionnelle, soit par angioIRM de bonne qualité.
Cette dernière permet, en effet, le dépistage de lésions de petite
taille, d’environ 2 à 3 mm, et peut donc être considérée comme
fiable si réalisée dans des conditions techniques
correctes. Ces contrôles pourront être répétés ultérieurement.
En cas de doute (en cas de réouverture de portions circulantes
par compactage des coils ou en cas de croissance de la lésion),
des contrôles plus rapprochés à 6 mois seront proposés, avec
éventuellement reprise du traitement endovasculaire pour
exclure l’AA de façon complémentaire.
●
L’ensemble de cette expérience et des protocoles appliqués
nous permet donc de proposer les résultats suivants : 201 AA
ont été pris en charge par embolisation par notre équipe. Par
La Lettre du Neurologue - n° 4 - vol. IV - septembre 2000
rapport aux 225 AA diagnostiqués, il existe 11 % d’échecs
techniques de l’embolisation, soit du fait d’une impossibilité
d’approcher l’AA par voie endovasculaire, soit du fait de l’impossibilité d’y stabiliser les coils. Dans ces conditions, le geste
n’a pas été mené à terme, et les patients furent confiés secondairement à la chirurgie.
Cent quarante-huit AA (74 %) étaient localisés au niveau de la
circulation antérieure (45 % sur la carotide interne intradurale,
24 % sur l’axe cérébral antérieur ou la communiquante antérieure et 5 % sur la cérébrale moyenne) ; 53 AA (26 %) étaient
localisés sur la circulation postérieure (20 % sur l’artère basilaire, 3 % à la jonction vertébro-basilaire, et 3 % au niveau de
la vertébrale intradurale).
La taille des AA ayant été embolisés était, dans 86 % des cas,
inférieure à 11 mm, dans 10 % comprise entre 11 et 15 mm et
dans 4 % entre 16 et 25 mm. Les AA géants (taille d’au moins
25 mm ou plus par définition) n’ont pas été pris en considération pour un traitement endovasculaire sélectif par GDC : ces
lésions ne sont pas de bonnes indications pour ce type de traitement, et elles doivent plutôt être traitées, si la voie endovasculaire est choisie, par sacrifice du vaisseau porteur, voire par
stent. Le nombre de sessions endovasculaires nécessaires pour
l’obtention d’un résultat anatomo-clinique satisfaisant est reflétée par la taille des lésions : la plupart des cas (86 %) ont été
traités en une fois et n’ont pas eu besoin de sessions complémentaires ; 11 % ont été pris en charge à deux reprises, et 3 %
ont eu recours à plus de deux sessions thérapeutiques.
En ce qui concerne les résultats obtenus, il faut distinguer les
résultats anatomiques et les résultats cliniques.
● Les résultats anatomiques sont des données morphologiques
correspondant au degré d’occlusion des AA par les coils. Nous
sommes convenus que 100 % d’occlusion correspondait à l’absence de toute zone circulante dans l’AA et à l’exclusion de
celle-ci. Une lésion exclue à 90-99 % est un AA dont il persiste
une zone circulante faible au niveau du collet ; une lésion
exclue à 80-90 % est un AA dont il persiste une opacification
résiduelle faible au niveau du sac anévrysmal.
Cent cinquante-huit patients ont pu bénéficier d’une angiographie de contrôle selon les critères définis ci-dessus. Soixante et
un pour cent ont une occlusion totale de leur AA, 23 % ont leur
AA occlus à 90-99 % et 13 % ont leur lésion occluse à 8090 %. Seuls 3 % des cas sont déconnectés à moins de 80 % et
feront l’objet d’embolisations ultérieures.
● Ces résultats morphologiques doivent être rapportés aux résultats cliniques obtenus chez ces malades. Dans les AA rompus,
ceux-ci doivent être appréciés en fonction des grades initiaux de
présentation. Quatre-vingt-six pour cent des malades embolisés
ont un état neurologique postembolisation satisfaisant avec Glasgow Outcome Scale (GOS) 1-2, et une vie appréciée comme normale ou avec des plaintes modestes (Karnovski 100-80). Quatrevingt-deux malades de cette population étaient à l’admission en
grade 1-2 de Hunt et Hesse, et 19 étaient en grade 3-5. Le GOS
3-4 (déficit lourd permanent ou état végétatif : 3 % des cas) ne se
retrouve dans notre série que chez des patients ayant eu un état
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grave d’emblée (Hunt et Hesse 3-5). Ces résultats peuvent être
comparés aux bonnes séries chirurgicales retrouvées dans la littérature et sont à considérer comme satisfaisants.
Un seul patient, dont l’anévrisme avait été embolisé, a resaigné
(0,6 %) : il s’agit du cas d’un patient porteur d’un AA de l’extrémité distale du tronc basilaire aux antécédents hémorragiques plusieurs années auparavant, partiellement coilé (90 %)
au cours d’un premier geste et qui, sur un contrôle effectué
secondairement, avait grandi et doublé sa taille initiale. Un traitement complémentaire chirurgical avait été proposé au malade,
qui l’avait refusé. Une hémorragie fatale est survenue quelques
mois plus tard. Si l’on excepte ce cas très particulier, aucun AA
n’a resaigné en postembolisation.
Les complications neurologiques sont à séparer en permanentes et transitoires : les permanentes, dues au geste endovasculaire dans notre série, sont de 3 %. Les complications neurologiques transitoires sont de 10 %. Il s’agit de complications
thrombo-emboliques (8 cas principalement au début de notre
expérience) : ces dernières sont dues à l’extension du caillot en
dehors de l’anévrisme, vers le vaisseau porteur, avec des
emboles distaux créant dès lors une ischémie. Reconnus précocement, ces emboles peuvent bénéficier d’un traitement médical
adjuvant par héparine ou fibrinolyse in situ. Malgré cette
dernière, dans notre expérience, quatre malades ont gardé des
séquelles de ces accidents. Deux autres malades ont présenté
des complications que nous avons rapportées à des “chocs électriques” : il s’agissait ici de coils de première génération à détachement très long (plus de 10 minutes) ayant créé des lésions
sur les structures vasculo-nerveuses au contact de la masse des
coils. L’avènement des coils de plus récente conception a éliminé ce type de problème. Les autres complications techniques
rencontrées dans notre série (hernies de boucle de coils dans la
lumière du vaisseau porteur, spasme induit) n’ont pas donné
lieu à des séquelles neurologiques permanentes ou sont restées
cliniquement silencieuses. Quatre ruptures d’AA observées
dans la population des patients embolisés ont été retrouvées
dans notre série : 3 en perembolisation et 1 en perangiographie.
Aucune n’a donné lieu à des symptômes particuliers définitifs.
La mortalité observée avec cette prise en charge est faible : elle
est nulle dans la population d’AA non rompus et de 11 % dans
celle des AA rompus. Il ne s’agit pas là d’une mortalité liée au
geste, mais du reflet de la sévérité de la rupture anévrismale et
de l’hémorragie sous-arachnoïdienne. Elle est liée à la gravité
du grade d’admission (4 % de mortalité dans les Hunt et Hesse
1-2, 30 % dans les Hunt et Hesse 3-5).
DISCUSSION
Les résultats obtenus par notre groupe sont comparables à ceux
obtenus par d’autres équipes (1) et démontrent bien la place
que peut prendre un traitement endovasculaire bien conduit
dans la prise en charge des anévrismes cérébraux intracrâniens.
Il offre un taux de morbimortalité faible, qui paraît même inférieur à celui des séries chirurgicales dans certains cas (9). Le
suivi à long terme des anévrismes rompus traités par embolisa205
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tion est satisfaisant dans la très grande majorité des cas, avec
surtout une protection du patient contre toute hémorragie ou
récidive de saignement.
Ce traitement par GDC s’applique-t-il néanmoins à tout anévrisme intracérébral ? Certains répondront par l’affirmative, et
de nombreux case reports, ou courtes séries, publiés peuvent
laisser inférer que ces GDC sont une panacée. Nous préférons
penser que les résultats satisfaisants obtenus dans notre série
sont dus en partie également à notre sélection stricte des cas.
Les anévrismes de grande taille, ou géants notamment, les anévrismes partiellement thrombosés ne semblent pas être de bons
candidats pour une embolisation : le grand nombre de coils
nécessaires pour obtenir leur occlusion, le prix de la procédure
et surtout les fréquences de compactage des coils à l’intérieur
de la lésion, avec les recanalisations intraluminales qui en
découlent, n’incitent pas à ce type de traitement dans notre
expérience. Ces lésions seront alors discutées avec l’équipe
référente et traitées en fonction de la lésion, des symptômes, de
l’anatomie vasculaire, de l’architecture par chirurgie ou sacrifice
du vaisseau porteur. En effet, le changement des conditions
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hémodynamiques locales, incluant la suppression ou l’inversion de flux dans le vaisseau porteur, permettra la thrombose de
l’anévrisme. Ces techniques seront appliquées après tests de
clampage réalisés sous sédation, pour vérifier cliniquement la
tolérance du malade à l’occlusion artérielle, et contrôle angiographique de la bonne adaptation vasculaire à celle-ci, prenant
en compte non seulement les perfusions artérielles mais également veineuses de l’hémisphère ou des territoires cérébraux
intéressés. Des anastomoses chirurgicales de suppléance, réalisées avant l’occlusion du vaisseau porteur, pourront être proposées, le cas échéant, pour assurer le maintien d’une hémodynamique cérébrale satisfaisante. Le développement de stents
permettra dans l’avenir, sans doute là aussi, de compléter de
façon originale ces thérapeutiques endovasculaires en excluant
l’anévrisme, tout en gardant perméable le vaisseau porteur.
Tous ces traitements reposent sur un défi technique d’occlusion
et ne font que considérer l’anévrisme comme une cible à
atteindre. Elles font fi de l’anévrisme en tant que maladie.
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Angiographie vertébrale droite tridimensionnelle. Les vues antérieures (figure 1) et postérieures, originales et permises uniquement par cette technique,
(figure 2) reconstruites par ordinateur permettent de visualiser avec exactitude un anévrisme de la jonction P1-P2 de la cérébrale postérieure gauche, d’aspect polylobé et à collet bien individualisé. Un traitement endovasculaire par coils a été effectué dans ce cas, permettant l’exclusion totale de la lésion
en respectant le vaisseau porteur, comme en témoignent les clichés de contrôle effectués trois mois plus tard en vues antérieures (figure 3) et postérieures
(figure 4), où aucune circulation dans l’anévrisme n’est mise en évidence.
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MAIS QUE REPRÉSENTE EXACTEMENT UN AA ?
Certes, il est toujours décrit comme une hernie vasculaire, et
l’ensemble des descriptions tendent à le réduire, le plus souvent, à un modèle mécanique. Or, de telles lésions vasculaires
peuvent survenir dans des contextes différents : il existe des
AA d’origine virale (sida de l’enfant) ou infectieuse (AA
mycotique), des AA survenant dans des contextes génétiques
(polykystoses rénales) ou de maladie de système (collagénoses
et Ehlers-Danlos, dysplasie fibromusculaire…). On pourrait
donc considérer que l’AA n’est qu’une manifestation d’une
maladie au cours de son évolution, voire un symptôme de cette
pathologie (6). On ne saurait, dans ces conditions, réduire dans
l’avenir les thérapeutiques de ces AA aux conceptions purement mécanistes dont nous disposons en ce moment.
La rupture d’un AA intracrânien (berry aneurysm des AngloSaxons) pourrait, dès lors, s’expliquer si on considère ce
dernier comme un symptôme de la faillite du remodelage pariétal :
un segment de vaisseau ne peut compenser l’agression dont il
est l’objet ; il se dilate et rompt. Le faible risque de rupture des
AA non rompus pourrait dès lors s’expliquer par le fait que,
dans ces cas, le vaisseau a trouvé les ressources biologiques
pour réparer le “traumatisme” (biologique, là aussi), et qu’alors
l’AA visualisé au CT, à l’IRM et à l’angiographie n’est qu’une
“cicatrice” d’un événement passé qui a pu être compensé…
Le suivi de cette lésion peut alors se concevoir, et il est logique
de proposer une évaluation de l’AA au fil du temps pour voir si
d’autres facteurs (notamment rhéologiques) modifient son
aspect et son risque potentiel. La surveillance de ces AA s’effectue alors par angioscanner ou, idéalement, par angioIRM,
permettant d’apprécier la lésion de façon non invasive, avec les
limites qui sont les siennes actuellement (pas de visualisation
des AA inférieurs à 2-3 mm). Le follow-up des AA dans le
cadre des maladies de système pourra être effectué de la même
façon pour vérifier l’apparition de nouvelles lésions aux côtés
de celles déjà existantes ou déjà traitées.
La pathologie anévrismale a donné lieu dans la littérature à de
nombreuses publications et études sur lesquelles nous ne
reviendrons pas ici. La plus récente contribution d’importance
est celle de l’étude multicentrique concernant les AA non rompus et leur risque hémorragique (9) : celui-ci semble, en effet,
beaucoup plus faible que suspecté initialement : 0,05 % par an
pour des anévrismes de moins de 10 mm de taille. Certains
auteurs (4) ont dès lors posé la question de la nécessité de traiter un anévrisme non rompu, étant donné le faible risque qu’il
présente. Cette notion nous semble devoir toujours rester à l’esprit lorsque l’on considère un traitement endovasculaire qui,
dans tous les cas, devrait idéalement tendre à être meilleur que
l’histoire naturelle de la maladie. Les risques de traitement et la
mortalité nulle avec la prise en charge que nous préconisons
nous semblent pouvoir justifier une décision thérapeutique, qui
sera discutée au cas par cas en fonction de l’anatomie vascu-
La Lettre du Neurologue - n° 4 - vol. IV - septembre 2000
laire et de la configuration lésionnelle. L’abstention thérapeutique ne sera réservée qu’aux cas litigieux ou jugés dangereux,
pour lesquels un traitement ne serait efficace qu’au prix de
risques inconsidérés.
CONCLUSION
Le traitement endovasculaire des AA peut être considéré
comme une alternative fiable au traitement chirurgical. Ainsi, à
Bicêtre, tout AA jugé à la fois opérable et embolisable est soumis d’abord au traitement endovasculaire. La chirurgie ne sera
réservée qu’aux cas récusés d’emblée par l’embolisation ou
ayant fait la preuve d’un échec technique. Le traitement luimême prendra toujours en considération l’architecture de la
lésion, et notamment le faux anévrisme témoin de la rupture de
l’AA. Le surcompactage ne paraît pas nécessaire dans les cas
d’AA rompus pour protéger le malade d’une récidive hémorragique, mais le remplissage adéquat de l’AA par les coils reste
fondamental. De plus grandes populations de malades et des
suivis à plus long terme seront nécessaires pour apprécier pleinement l’efficacité de la thérapeutique par GDC, et pour vérifier que le traitement des AA doit reposer encore sur des
concepts purement mécaniques. La meilleure connaissance de
la maladie anévrismale, non pas en ce qui concerne ses conséquences, mais plutôt en ce qui concerne son étiopathogénie,
permettra sans doute dans l’avenir de modifier l’approche
thérapeutique de ces lésions.
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