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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 3, mai/juin 2004
Brèves…
Brèves…
La néogenèse des cellules
bêta du pancréas révisée
Le nombre de diabétiques dans le
monde devrait passer de quelque
150 millions aujourd’hui à 300 mil-
lions d’ici 2025. Il s’agit donc d’un
véritable problème de santé publique.
Le diabète de type 1 est une maladie
auto-immune touchant les cellules
sécrétant l’insuline (cellules β) dans
les îlots de Langerhans. Si l’injec-
tion d’insuline permet d’équilibrer
plus ou moins efficacement les taux
de glucose des diabétiques de type 1,
il ne s’agit pas d’un traitement curatif.
En revanche, les avancées récentes
de la thérapie cellulaire permettent
d’envisager une alternative poten-
tielle aux injections quotidiennes
d’insuline et constituent une pro-
messe d’amélioration du traitement
de cette maladie. Actuellement, la
greffe d’îlots de Langerhans, couplée
à des traitements immunosuppres-
seurs de bonne tolérance, est prati-
quée avec succès. Cependant, l’appli-
cation de cette thérapie à un nombre
élevé de patients est limitée par le
nombre de donneurs. De ce fait, le
développement de nouvelles straté-
gies visant à produire de nouvelles
cellules βà partir de cellules souches
capables de proliférer et de se diffé-
rentier pour régénérer les organes, ou
encore à partir de cellules embryon-
naires ou adultes, constitue un enjeu
majeur pour l’avenir.
Deux grandes hypothèses ont été
avancées jusqu’ici pour expliquer
l’origine des cellules βpancréatiques
adultes. Le premier modèle propose
l’existence de cellules souches loca-
lisées dans l’épithélium des canaux
pancréatiques et/ou dans les îlots de
Langerhans. Ces cellules pourraient
être à l’origine de nouvelles cel-
lules βdans des îlots de Langerhans
préexistants, et seraient également
capables, sous la forme d’agrégats,
de générer de nouveaux îlots (1-3).
L’autre hypothèse, basée sur des
expériences d’incorporation de thy-
midine tritiée, suggère que les cel-
lules endocrines pancréatiques adultes
appartiendraient à une classe de tis-
sus qui se régénèrent par division
des cellules déjà différenciées (self-
duplication) (4). Des travaux récents
émanant de l’équipe de D.A. Mel-
ton, à Cambridge (MA, États-Unis),
viennent étayer la seconde hypothèse
(5). Ils montrent en effet que des cel-
lules totalement différenciées conser-
vent une certaine aptitude à prolifé-
rer in vivo. La participation des
cellules souches dans la régénéra-
tion des cellules βdu pancréas est par
ailleurs fortement remise en ques-
tion au cours de cette étude.
L’originalité de ces travaux repose
sur l’approche dynamique utilisée,
qui permet de suivre le lignage des
cellules βpancréatiques adultes. Les
auteurs ont développé une méthode
ingénieuse qui permet de distinguer,
chez la souris adulte, les cellules β
dérivant des cellules souches de celles
dérivant des cellules βdifférenciées
(figure). Pour cela, ils ont conçu des
Figure. D’où viennent les cellules ß ? Dor et al. ont développé un modèle de souris bitrans-
génique permettant d’étudier le lignage des cellules ß. a) Les auteurs ont inséré chez la sou-
ris un gène qui présente la région promotrice du gène de l’insuline fusionnée à un gène codant
une recombinase. Ce gène chimère est exprimé spécifiquement dans les cellules ß du pancréas
et leur lignage. Par ailleurs, la recombinase pour laquelle il code n’est capable d’être activée
qu’en présence d’un analogue des estrogènes. L’administration d’un pulse d’hormone provoque
la translocation de la recombinase dans le noyau. Elle entraîne, au niveau du second trans-
gène, la délétion d’une région portant un codon stop et la production d’un marqueur (phos-
phatase alcaline). b) En réponse à l’hormone, de nombreuses cellules ß sont marquées au sein
d’un îlot. Les auteurs suivent ensuite le renouvellement des cellules ß. Trois cas de figure sont
possibles : 1) si les cellules souches (non marquées) génèrent de nouveaux îlots, des îlots non
marqués apparaîtraient au cours du temps ; 2) si des cellules souches régénèrent les cellules ß
dans des îlots préexistants, une dilution du marquage s’observerait lentement ; 3) si les cellules ß
s’autorépliquent, le nombre de cellules marquées devrait se maintenir au cours du temps,
puisqu’elles dérivent des cellules ß initialement marquées lors du pulse. Seule la troisième
situation a été observée.