La peau des souris contient des cellules souches capables de produire d'autres tissus LE MONDE | 15.08.01 | 12h14 Il ne se passe plus de jour sans qu'un article scientifique rapporte des caractéristiques jusqu'alors insoupçonnées des cellules souches. Celles-ci nourrissent de grands espoirs thérapeutiques. Elles sont en effet capables de proliférer et de fournir les différentes cellules nécessaires à un tissu pour remplacer celles qui sont endommagées ou vieillies. Une équipe de l'université McGill de Montréal décrit ainsi dans le numéro de septembre de Nature Cell Biology, le mensuel de recherche du groupe Nature spécialisé dans la biologie cellulaire, la façon dont elle a isolé des cellules du derme chez la souris et comment elle les a amenées à proliférer et à se différencier. La peau, l'organe le plus accessible, contient des cellules capables d'être transformées en cellules de différents lignages : neurones, cellules de la glie (les cellules assistantes des neurones), cellules musculaires lisses ou cellules graisseuses (adipocytes). RÉSULTATS PROMETTEURS Les travaux sur les cellules souches ont d'abord porté sur les hématopoïétiques, qui ont la capacité de se différencier en tous les lignages de cellules sanguines et sont à l'origine des greffes de moelle. Mais la surprise est venue avec la découverte de cellules souches dans des organes réputés incapables de produire des cellules neuves, comme le cerveau, la rétine, le muscle squelettique. Elles se sont révélées capables de se transformer en cellules complètement étrangères à leur tissu d'origine. Ainsi, des cellules d'origine nerveuse peuvent se transformer en cellules sanguines, les cellules de la moelle en muscle squelettique, en cellules nerveuses et en cellules du foie. Enfin, au cours des dernières années, les chercheurs ont réussi à cultiver des cellules souches embryonnaires, les seules capables théoriquement de se transformer en n'importe quel tissu, et l'idée d'une médecine dite régénératrice s'est répandue. Ces découvertes soulèvent des problèmes éthiques : le prélèvement de ces cellules ne peut se faire sans détruire l'embryon. Ces cellules embryonnaires portent, par ailleurs, des déterminants antigéniques qui les feraient rejeter par leur receveur en l'absence d'un traitement immunosuppresseur. C'est pourquoi l'étude des cellules souches adultes, qui permettraient de transplanter des cellules issues des tissus même du sujet qui réclamerait des soins, présente de si nombreux atouts. Les cellules souches adultes décrites aujourd'hui ont été prélevées dans le derme de la souris, sous la couche cornée de la peau. Ces cellules sont robustes et ont une capacité proliférative très importante, sans perdre, après un an de culture, leur capacité de différenciation. Une étude des follicules pileux de la souris qui, dans la peau, reforment toutes les structures de la peau, décrite en janvier par une équipe française de l'Inserm, sous la direction de Yann Barrandon à l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, montrait déjà la présence de cellules souches en grand nombre dans la partie supérieure de chaque follicule pileux, capables de donner naissance à toutes les lignées cellulaires nécessaires pour reconstituer l'épiderme, les glandes sébacées qui produisent le sébum et les follicules pileux qui fabriquent les poils et les cheveux. La peau semble donc être un énorme réservoir de cellules souches, au fort potentiel prolifératif et de différenciation. Ces résultats prometteurs ont aujourd'hui été obtenus sur la souris, mais la conservation habituelle des mécanismes chez les mammifères laisse espérer leur transposition prochaine chez l'homme. Les auteurs rapportent que des précurseurs identiques semblent exister dans la peau humaine. Rappelons que, pour traiter les brûlés, la culture d'un centimètre carré de leur peau peut en fournir un mètre carré. Les résultats de l'équipe canadienne montrent aujourd'hui qu'il est possible de produire avec la peau non seulement de la peau mais aussi de très nombreux autres tissus. Elisabeth Bursaux