Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 3, mai/juin 2004
présentant les critères de sélection,
issues d’une somme de 974 références
consacrées peu ou prou à ce sujet
entre 1966 et août 2003. En compa-
raison avec les abstinents, la consom-
mation de une à trois boissons alcoo-
liques par jour est associée à une
diminution de l’incidence du diabète
allant de 33 à 56 % et à une moindre
incidence des maladies ischémiques
du cœur chez les diabétiques de 34 à
55 %. Cette consommation modérée
n’a pas d’impact à court terme sur le
contrôle glycémique des diabétiques.
En revanche, une consommation
d’alcool plus élevée est associée à un
accroissement de l’incidence du dia-
bète pouvant atteindre 43 %.
Dès 1988, une étude de population
française avait suggéré qu’il existait
une relation inverse entre la consom-
mation d’alcool et le risque de déve-
lopper un diabète de type 2 (2).
Depuis, les données se sont accumu-
lées, confirmant plus ou moins cette
relation. Ainsi, dans une étude
transversale suédoise menée chez
3 128 hommes âgés de 35 à 56 ans et
comportant une exploration de la tolé-
rance au glucose, le risque relatif (RR)
d’intolérance glucosée par rapport
aux abstinents est de 0,6 (0,4-1,0)
chez les consommateurs modérés
ou occasionnels et de 0,7 (0,5-1,1)
chez les consommateurs excessifs.
En revanche, le RR de diabète est
nettement accru chez les consomma-
teurs excessifs, avec un RR de 2,1
(1,0-4,5) contre 0,7 (0,3-1,8) chez
les autres consommateurs (7). Dans
une étude prospective concernant
8 000 hommes âgés de 30 à 79 ans,
la survenue d’un diabète est plus fré-
quente chez les abstinents (RR 1,8)
que chez les consommateurs modé-
rés. Il existe une courbe en U entre le
niveau de consommation d’alcool et
l’incidence du diabète, le nadir de la
courbe correspondant au 2equartile
de la consommation de la population,
soit 62 à 123 g d’alcool par semaine
(environ un à deux verres par jour).
L’incidence du diabète augmente net-
tement chez les consommateurs clas-
sés dans les 3eet 4equartiles (48). Il
en est de même dans la cohorte des
professionnels de santé portant sur
2 095 hommes âgés de 40 à 74 ans,
où, avec un recul de 12 ans, la consom-
mation d’au moins un verre d’une
boisson alcoolique est associée à une
réduction significative du risque de
diabète de type 2 (1).
Le risque le plus faible est observé
pour une consommation de 5 à 6 verres
par semaine (RR = 0,67 ; 0,51-0,89)
et chez les buveurs réguliers d’au
moins une boisson alcoolique par
jour (RR = 0,57 ; 0,45-0,73). Cette
relation persiste après ajustement sur
les facteurs de risque classiques.
La relation alcool-diabète est retrou-
vée chez les femmes (12, 39). Dans la
cohorte des infirmières américaines, le
RR de diabète est de 0,8 chez celles
qui consomment 5 à 15 g d’alcool par
jour et de 0,6 chez celles qui ont une
consommation > 15 g d’alcool par jour
(23). L’étude prospective américaine la
plus récente concerne 110 000 femmes
âgées de 25 à 42 ans, suivies pendant
10 ans. À l’exception des spiritueux,
toutes les boissons alcooliques sont
associées à une diminution du risque
de diabète, à un niveau variable selon
la quantité consommée. Le RR passe
de 0,8 pour une consommation infé-
rieure à un verre par jour à 0,67 pour
0,5 à 1,5 verre et à 0,42 pour 1,5 à
3 verres par jour (46).
L’étude prospective des profession-
nels de santé américains, portant sur
46 992 hommes suivis pendant 12 ans,
confirme ces données. Les consom-
mateurs de 15 à 23 g d’alcool par jour
ont un RR de 0,64 (0,53-0,77). Dans
cette étude, le RR reste favorable aussi
bien chez les buveurs occa
sionnels
(RR = 0,60 ; 0,50-0,73) que
chez les
buveurs excessifs (RR = 0,60 ; 0,43-
0,84) (10). Dans une étude prospective
britannique concernant 522 hommes
âgés de 40 à 59 ans indemnes de dia-
bète et de maladies cardiovasculaires,
c’est une consommation occasion-
nelle de boissons alcooliques qui a
été prise pour référence. Après 17 ans
de suivi, il apparaît que le RR de
diabète est de 0,66 (0,44-0,99) chez
les buveurs modérés alors que le
risque est majoré chez les buveurs
excessifs (46).
L’effet protecteur est plus apparent
chez les sujets à haut risque de diabète
du fait d’un surpoids ou de la
présence
d’un syndrome métabolique
(hyper-
insulinémie, hyperglycémie modé-
rée, HDL-cholestérol bas). Il est éga-
lement plus net chez les sujets ayant
une activité physique. En revanche,
la consommation d’alcool n’a pas
d’effet protecteur sur l’incidence du
diabète chez les sujets à risque faible.
L’effet de l’alcool demeure cependant
après ajustement sur l’insulinémie et
le HDL-cholestérol.
L’étude des paires de jumeaux
(n = 11 501) effectuée en Finlande sur
une période de 20 ans a confirmé que
des consommations alcooliques jour-
nalières de 5 à 30 g chez l’homme et
de 5 à 20 g chez la femme tendent à
diminuer l’incidence du diabète par
rapport aux sujets consommant moins
de 5 g par jour, mais l’intervalle de
confiance à 95 % n’est pas significa-
tif (8). La diminution du risque est
plus marquée chez les sujets en sur-
poids que chez les sujets de poids
normal. En revanche, ces derniers ont
un risque de diabète significative-
ment plus élevé lorsque la consom-
mation est excessive. Chez les
femmes, la consommation compul-
sive ou par accès est associée à une
augmentation du risque (RR = 2,1 ;
1,0-4,4). L’analyse des paires de
jumeaux ayant une consommation
d’alcool différente confirme qu’une
consommation modérée tend à dimi-
nuer le risque de diabète par rapport
au jumeau faible consommateur de
la paire (RR = 0,50 ; 0,2-1,5).
En dépit de quelques discordances,
peut-être liées à des biais de sélection
des patients, à la méconnaissance de
facteurs confondants ou à une esti-
mation médiocre de la consomma-
tion d’alcool, les données épidémio-
logiques confirment l’existence d’une
relation favorable entre une consom-
mation modérée de boissons alcoo-
liques et l’incidence du diabète de
type 2, notamment chez les hommes
et les sujets le plus à risque. En
revanche, une consommation exces-
sive est délétère et majore assez cons-
tamment le risque de diabète. La rela-
Dossier
Diabète et nutrition
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