Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 3, mai/juin 2004
Diabète et nutrition
Dossier
Alcool et diabète
Alcohol and diabetes
J.L. Schlienger*
L
es relations entre l’alcool, le
métabolisme glucosé et le dia-
bète sont ambiguës comme elles
le sont pour d’autres domaines de la
pathologie.
Depuis plus de deux décennies, de
nombreuses études épidémiologiques
écologiques, descriptives ou cas-
témoins ont établi, et confirmé, qu’une
consommation modérée de boissons
alcooliques était associée à une dimi-
nution de l’incidence des maladies
cardiovasculaires et, plus particu-
lièrement, des maladies ischémiques
du cœur. À doses modérées, l’alcool
possède des effets biochimiques
potentiellement protecteurs vis-à-vis
des processus athéromateux médiés
par des modifications des paramètres
lipidiques, de l’inflammation, de
l’hémostase et de la fibrinolyse.
L’effet propre des boissons, long-
temps mis en avant – effet antioxy-
dant des polyphénols du vin et apport
vitaminique avec diminution de
l’homocystéinémie pour la bière –,
apparaît au second plan derrière
l’effet de l’alcool qui, de surcroît,
serait à même de modifier des para-
mètres endocriniens. En effet, plu-
sieurs études épidémiologiques ont
montré qu’il existait une relation favo-
rable entre la consommation modé-
rée d’alcool et l’insulinorésistance
ou l’incidence du diabète non insu-
linodépendant, situation également
considérée à risque sur le plan cardio-
vasculaire. Ces données inattendues
justifient une analyse approfondie
des études épidémiologiques dont
elles sont issues et suscitent de nom-
breuses interrogations quant aux
mécanismes en cause.
Les répercussions de la consomma-
tion d’alcool chez les diabétiques de
types 1 et 2 seront citées plus briè-
vement. La consommation d’alcool,
puissant inhibiteur de la néogluco-
genèse, peut être à l’origine de com-
plications métaboliques (dont l’hypo-
glycémie) et d’une aggravation des
complications diabétiques dans cer-
taines circonstances. Mais elle peut
aussi diminuer l’incidence de la
morbi-mortalité cardiovasculaire chez
le diabétique.
Les faits épidémiologiques
Les résultats des études épidémiolo-
giques ayant tenté de préciser le rôle
de la consommation d’alcool dans
l’étiologie du diabète sont de plus en
plus nombreux et parfois contradic-
toires. Un recensement du risque est
assez souvent rapporté en cas de
consommation excessive, alors qu’une
consommation modérée serait pré-
ventive (2). Dans certaines études, il
n’y a pas de relation entre le diabète
et la consommation d’alcool (21) ou
il n’y a pas d’augmentation du risque
de diabète chez les consommateurs
excessifs (15, 45). Globalement, l’aug-
mentation du risque a été confirmée
chez les hommes consommant beau-
coup d’alcool, alors que, chez les
femmes, la relation est plus incons-
tante et est toujours favorable.
Une revue systématique portant sur
les relations existant entre la con-
sommation d’alcool et l’incidence,
le contrôle du diabète de type 2 et ses
complications vient d’être publiée
(22). Elle a pris en compte 32 études
* Service de médecine interne, hôpital de Haute-
pierre, Strasbourg.
Ce travail a été présenté lors des 6es Entretiens
de nutrition de l’institut Pasteur de Lille.
Les relations entre la consommation d’alcool et le diabète sont ambi-
guës. Les données épidémiologiques récentes soulignent qu’une
consommation modérée et régulière diminue l’incidence du diabète de
type 2 et améliore la sensibilité à l’insuline. Elle réduit le risque car-
diovasculaire chez le diabétique. En revanche, une consommation d’al-
cool excessive augmente le risque de diabète et accentue la résistance
à l’insuline.
Chez le diabétique, la consommation modérée et régulière d’alcool n’a
guère d’effet sur l’équilibre métabolique. Une consommation plus
conséquente expose au risque d’hypoglycémie en raison d’une inhibi-
tion de la néoglucogenèse, avec une gravité pouvant être accrue du fait
de la méconnaissance des risques d’alerte et d’un comportement
inadapté favorisé par l’alcool.
Mots-clés : Alcool – Diabète de type 2 – Sensibilité à l’insuline – Hypo-
glycémie – Risque cardiovasculaire.
points FORTS
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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 3, mai/juin 2004
présentant les critères de sélection,
issues d’une somme de 974 références
consacrées peu ou prou à ce sujet
entre 1966 et août 2003. En compa-
raison avec les abstinents, la consom-
mation de une à trois boissons alcoo-
liques par jour est associée à une
diminution de l’incidence du diabète
allant de 33 à 56 % et à une moindre
incidence des maladies ischémiques
du cœur chez les diabétiques de 34 à
55 %. Cette consommation modérée
n’a pas d’impact à court terme sur le
contrôle glycémique des diabétiques.
En revanche, une consommation
d’alcool plus élevée est associée à un
accroissement de l’incidence du dia-
bète pouvant atteindre 43 %.
Dès 1988, une étude de population
française avait suggéré qu’il existait
une relation inverse entre la consom-
mation d’alcool et le risque de déve-
lopper un diabète de type 2 (2).
Depuis, les données se sont accumu-
lées, confirmant plus ou moins cette
relation. Ainsi, dans une étude
transversale suédoise menée chez
3 128 hommes âgés de 35 à 56 ans et
comportant une exploration de la tolé-
rance au glucose, le risque relatif (RR)
d’intolérance glucosée par rapport
aux abstinents est de 0,6 (0,4-1,0)
chez les consommateurs modérés
ou occasionnels et de 0,7 (0,5-1,1)
chez les consommateurs excessifs.
En revanche, le RR de diabète est
nettement accru chez les consomma-
teurs excessifs, avec un RR de 2,1
(1,0-4,5) contre 0,7 (0,3-1,8) chez
les autres consommateurs (7). Dans
une étude prospective concernant
8 000 hommes âgés de 30 à 79 ans,
la survenue d’un diabète est plus fré-
quente chez les abstinents (RR 1,8)
que chez les consommateurs modé-
rés. Il existe une courbe en U entre le
niveau de consommation d’alcool et
l’incidence du diabète, le nadir de la
courbe correspondant au 2equartile
de la consommation de la population,
soit 62 à 123 g d’alcool par semaine
(environ un à deux verres par jour).
L’incidence du diabète augmente net-
tement chez les consommateurs clas-
sés dans les 3eet 4equartiles (48). Il
en est de même dans la cohorte des
professionnels de santé portant sur
2 095 hommes âgés de 40 à 74 ans,
où, avec un recul de 12 ans, la consom-
mation d’au moins un verre d’une
boisson alcoolique est associée à une
réduction significative du risque de
diabète de type 2 (1).
Le risque le plus faible est observé
pour une consommation de 5 à 6 verres
par semaine (RR = 0,67 ; 0,51-0,89)
et chez les buveurs réguliers d’au
moins une boisson alcoolique par
jour (RR = 0,57 ; 0,45-0,73). Cette
relation persiste après ajustement sur
les facteurs de risque classiques.
La relation alcool-diabète est retrou-
vée chez les femmes (12, 39). Dans la
cohorte des infirmières américaines, le
RR de diabète est de 0,8 chez celles
qui consomment 5 à 15 g d’alcool par
jour et de 0,6 chez celles qui ont une
consommation > 15 g d’alcool par jour
(23). L’étude prospective américaine la
plus récente concerne 110 000 femmes
âgées de 25 à 42 ans, suivies pendant
10 ans. À l’exception des spiritueux,
toutes les boissons alcooliques sont
associées à une diminution du risque
de diabète, à un niveau variable selon
la quantité consommée. Le RR passe
de 0,8 pour une consommation infé-
rieure à un verre par jour à 0,67 pour
0,5 à 1,5 verre et à 0,42 pour 1,5 à
3 verres par jour (46).
L’étude prospective des profession-
nels de santé américains, portant sur
46 992 hommes suivis pendant 12 ans,
confirme ces données. Les consom-
mateurs de 15 à 23 g d’alcool par jour
ont un RR de 0,64 (0,53-0,77). Dans
cette étude, le RR reste favorable aussi
bien chez les buveurs occa
sionnels
(RR = 0,60 ; 0,50-0,73) que
chez les
buveurs excessifs (RR = 0,60 ; 0,43-
0,84) (10). Dans une étude prospective
britannique concernant 522 hommes
âgés de 40 à 59 ans indemnes de dia-
bète et de maladies cardiovasculaires,
c’est une consommation occasion-
nelle de boissons alcooliques qui a
été prise pour référence. Après 17 ans
de suivi, il apparaît que le RR de
diabète est de 0,66 (0,44-0,99) chez
les buveurs modérés alors que le
risque est majoré chez les buveurs
excessifs (46).
L’effet protecteur est plus apparent
chez les sujets à haut risque de diabète
du fait d’un surpoids ou de la
présence
d’un syndrome métabolique
(hyper-
insulinémie, hyperglycémie modé-
rée, HDL-cholestérol bas). Il est éga-
lement plus net chez les sujets ayant
une activité physique. En revanche,
la consommation d’alcool n’a pas
d’effet protecteur sur l’incidence du
diabète chez les sujets à risque faible.
L’effet de l’alcool demeure cependant
après ajustement sur l’insulinémie et
le HDL-cholestérol.
L’étude des paires de jumeaux
(n = 11 501) effectuée en Finlande sur
une période de 20 ans a confirmé que
des consommations alcooliques jour-
nalières de 5 à 30 g chez l’homme et
de 5 à 20 g chez la femme tendent à
diminuer l’incidence du diabète par
rapport aux sujets consommant moins
de 5 g par jour, mais l’intervalle de
confiance à 95 % n’est pas significa-
tif (8). La diminution du risque est
plus marquée chez les sujets en sur-
poids que chez les sujets de poids
normal. En revanche, ces derniers ont
un risque de diabète significative-
ment plus élevé lorsque la consom-
mation est excessive. Chez les
femmes, la consommation compul-
sive ou par accès est associée à une
augmentation du risque (RR = 2,1 ;
1,0-4,4). L’analyse des paires de
jumeaux ayant une consommation
d’alcool différente confirme qu’une
consommation modérée tend à dimi-
nuer le risque de diabète par rapport
au jumeau faible consommateur de
la paire (RR = 0,50 ; 0,2-1,5).
En dépit de quelques discordances,
peut-être liées à des biais de sélection
des patients, à la méconnaissance de
facteurs confondants ou à une esti-
mation médiocre de la consomma-
tion d’alcool, les données épidémio-
logiques confirment l’existence d’une
relation favorable entre une consom-
mation modérée de boissons alcoo-
liques et l’incidence du diabète de
type 2, notamment chez les hommes
et les sujets le plus à risque. En
revanche, une consommation exces-
sive est délétère et majore assez cons-
tamment le risque de diabète. La rela-
Dossier
Diabète et nutrition
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Diabète et nutrition
Dossier
tion entre l’alcool, la prévalence et
l’incidence du diabète se fait selon une
courbe en U, comme pour les mala-
dies cardiovasculaires.
Caractéristiques
de consommation
et risque de diabète
Niveau de consommation
Une consommation de plus de 30 g
d’alcool par jour chez les hommes et
de 20 g par jour chez les femmes
expose constamment à un risque
accru de diabète. Dans une étude
australienne, les hommes buvant plus
de 21 verres par semaine d’une bois-
son alcoolique ont un risque de dia-
bète augmenté de 50 %, avec un sur-
risque pour les spiritueux par rapport
au vin ou à la bière. Il n’y a pas de dif-
férence significative chez les femmes.
Dans une étude texane concernant des
hommes, le risque le plus bas est noté
chez les hommes consommant entre
62 et 122 g d’alcool par semaine (48).
La revue systématique conforte l’idée
qu’une consommation excessive est
à l’origine d’un risque accru de dia-
bète. Il existe donc une concordance
entre les quantités d’alcool potentiel-
lement favorables pour la prévention
des maladies coronariennes et celles
réduisant l’incidence du diabète de
type 2.
Fréquence de consommation
La régularité d’une consommation
modérée est le mode le plus favorable.
La consommation de quantités faibles
à modérées de boissons alcooliques
au moins 5 jours par semaine est asso-
ciée à une diminution du risque par
rapport aux buveurs occasionnels
(10). Dans la deuxième étude sur les
infirmières (Nurses’ Health Study),
où la consommation d’alcool était
inversement associée avec le taux
d’hémoglobine glycosylée après ajus-
tement sur l’âge, le tabac, l’activité
physique et l’IMC, c’est la consom-
mation de un à deux verres de bois-
sons alcooliques par jour et plusieurs
jours par semaine qui semble avoir
l’effet le plus bénéfique sur la glycé-
mie, notamment en cas de surpoids
(29). Dans la cohorte des jumeaux
finlandais, la consommation de fin de
semaine ou par accès n’est pas asso-
ciée au diabète chez l’homme. Chez
la femme, elle augmente le risque de
diabète (7). Le modèle de consomma-
tion traditionnel à la française, asso-
ciant régularité et modération, est à
même de réduire l’incidence du dia-
bète de type 2 alors que le modèle
anglo-saxon ou scandinave est à
risque.
Nature des boissons alcooliques
La plupart des études épidémiolo-
giques ayant mis en évidence une
relation favorable entre la consomma-
tion de boissons alcooliques et l’inci-
dence du diabète ont été effectuées
dans des populations majoritairement
consommatrices de bière. Dans ce
domaine, il n’y a pas d’arguments
pour distinguer la bière et le vin, la
relation paraissant liée à la consom-
mation d’alcool. Dans une étude, le
risque de diabète tend à être plus éle
chez les hommes consommant plus
de 21 verres d’alcool sous la forme
de spiritueux par rapport au vin ou à
la bière (25). À l’exception de l’étude
des professionnels de santé, où les
relations sont indépendantes de la
nature des boissons (10), un moindre
risque est signalé pour la bière et le
vin par rapport aux spiritueux dans
plusieurs autres études (1, 46, 48).
Caractéristiques
du consommateur
Le sexe
Il y a peu d’études menées à la fois
chez l’homme et chez la femme. Dans
l’étude ARICS, la relation favorable
entre l’alcool et le diabète est obser-
vée dans les deux sexes. En cas de
consommation excessive, l’augmen-
tation du risque n’est notée que chez
les hommes, peut-être du fait d’un
effectif insuffisant chez les femmes
(25). Dans la cohorte des jumeaux fin-
landais, dont la portée est limitée par
la faible consommation des femmes,
la relation est comparable, et favo-
rable, chez les consommateurs modé-
rés des deux sexes. Chez les consom-
mateurs excessifs, elle est défavorable
chez les femmes et reste plutôt favo-
rable chez les hommes (7).
Facteurs de risque
Le surpoids ou l’obésité sont d’impor-
tants facteurs de risque du diabète
de type 2 ; ils ont été pris en compte
dans plusieurs études. Dans une étude
japonaise, il existe une relation
positive pour les sujets ayant un
IMC < 22 kg/m2avec un RR à 3,19
(1,09-9,37), la relation devenant favo-
rable pour les IMC supérieurs avec
un RR à 0,41 (0,23-0,73) pour un
IMC > 25 (47). Ces résultats sont
comparables à ceux rapportés dans
une autre étude japonaise poursuivie
pendant 10 ans (41). Les données de
l’étude des jumeaux finlandais sug-
gèrent que l’effet protecteur de l’alcool
s’exerce particulièrement chez les
sujets en surpoids ou ayant un syn-
drome métabolique (8). Il a également
été rapporté une diminution du risque
de diabète chez les sujets ayant une
obésité morbide consommant peu
d’alcool par rapport aux non-
consommateurs (RR = 0,29 ; 0,16-
0,55).
Au total, il existe un faisceau d’argu-
ments suggérant qu’une consomma-
tion régulière et modérée de bière
ou de vin diminue le risque de l’inci-
dence du diabète de type 2 chez les
hommes et chez les femmes de poids
normal ou en surpoids. Cette rela-
tion favorable persiste après ajuste-
ment sur différents paramètres con-
cernant le style de vie. L’observation
par certains d’une relation encore
plus favorable chez les sujets à risque
de diabète (surpoids, obésité, syn-
drome métabolique) peut être inter-
prétée comme la conséquence d’un
effet de l’alcool sur les facteurs modu-
lant la sensibilité à l’insuline (19, 20).
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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 3, mai/juin 2004
Alcool et risque
cardiovasculaire
chez le diabétique
Compte tenu des effets protecteurs
d’une consommation régulière et
modérée d’alcool sur le risque cardio-
vasculaire – bien démontrés par de
nombreuses études épidémiologiques,
même s’il n’est pas possible d’affir-
mer un lien de causalité en l’absence
de faisabilité d’une étude d’interven-
tion –, il apparaît particulièrement
intéressant d’envisager l’impact de
l’alcool sur le risque cardiovasculaire
et la progression des lésions athéro-
mateuses dans le diabète de type 2,
situation à haut risque cardiovascu-
laire. On ne dispose guère de don-
nées chez le diabétique, peu d’études
ayant pris en compte les modes de
consommation alcoolique dans l’esti-
mation de ce risque. Tout au plus
peut-on estimer qu’il y a lieu d’extra-
poler les données observées dans des
populations tout-venant incluant les
diabétiques. On dispose des résul-
tats d’une étude helvétique qui s’est
intéressée à la morbi-mortalité de
287 patients diabétiques de type 2
suivis pendant plus de 12 ans. Com-
parés aux abstinents, les consomma-
teurs ont un RR de mortalité cardio-
vasculaire diminué de façon
significative pour une consomma-
tion de 16 à 30 g par jour (13).
Quelques études prospectives ont éva-
lué la relation entre la consommation
d’alcool et l’incidence de la morbi-
mortalité cardiovasculaire chez les
diabétiques. En dépit de divers biais
méthodologiques concernant, notam-
ment, l’estimation de la consomma-
tion d’alcool, la relation est favorable.
Comparés aux non-consommateurs,
les consommateurs modérés ont un
risque de coronaropathie et un risque
de mortalité coronarienne réduits,
respectivement, de 34 à 55 % et de
55 à 79 % (1, 38, 40, 43).
L’impact de l’alcool sur le risque
athéromateux a été exploré expéri-
mentalement en évaluant la vélocité
de l’onde pulsée aortique (VOPA)
chez des sujets diabétiques de type 2
répartis en trois groupes selon leur
consommation alcoolique : abstinents,
consommateurs modérés (< 210 g
d’alcool par semaine) et gros consom-
mateurs (> 210 g d’alcool par
semaine). La VOPA est significati-
vement plus faible chez les consom-
mateurs modérés que chez les absti-
nents et les gros buveurs. Il n’y avait
pas de différence significative entre
les groupes pour l’HbA1c, le fibrino-
gène et l’IMC. Il existait une corré-
lation significative positive entre la
VOPA et l’âge et la pression artérielle
et une corrélation négative entre la
VOPA et la consommation d’alcool et
la concentration de HDL-cholestérol
(44). Ces données très indirectes
plaident donc en faveur d’un effet
bénéfique de l’alcool sur les proces-
sus d’athérosclérose chez le diabé-
tique de type 2.
Mécanismes
L’effet protecteur de l’alcool vis-à-
vis du diabète de type 2 est encore
mal expliqué. Parce qu’il est plus
marqué chez les sujets à risque de
diabète ou en surpoids dans
quelques études (7, 14, 41, 47),il
pourrait être lié à une amélioration
directe ou indirecte de la sensibilité
à l’insuline.
Une amélioration
de la sensibilité à l’insuline
Dans l’étude française DESIR effec-
tuée chez près de 5 000 sujets non
diabétiques âgés de 30 à 65 ans, il
existe une relation inverse hautement
significative entre la consommation
d’alcool et l’insulinémie basale aussi
bien chez les hommes que chez les
femmes après ajustement sur l’âge et
divers autres facteurs de confusion
(28). Cette relation apparaît d’autant
plus marquée que la glycémie est
plus basse et ne dépend pas du type
de boisson consommée. L’effet hypo-
insulinémiant est particulièrement
net chez les buveurs excessifs, ce qui
est en contradiction avec le risque
accru de diabète observé chez ces
patients dans la plupart des études.
Une diminution de l’insulinémie est
retrouvée dans d’autres études épidé-
miologiques, y compris chez des
consommateurs modérés (47). Dans
l’Insulin Resistance Atherosclerosis
Study apparaît une relation en U
renversé entre l’insulinosensibilité
et la consommation d’alcool, avec un
maximum observé chez les consom-
mateurs modérés (3). Les concen-
trations d’insuline ou de peptide C
les plus faibles sont observées chez
les consommateurs les plus réguliers
(33) ou chez les femmes consom-
matrices occasionnelles de plus de
deux verres une à trois fois par
semaine (29).
L’effet hypo-insulinémiant de
l’alcool rend compte d’une amélio-
ration de l’insulinorésistance. Il
pourrait être un mécanisme supplé-
mentaire de protection cardiovascu-
laire dans la mesure où l’insuliné-
mie est reliée positivement au risque
cardiovasculaire. En revanche,
l’ingestion de quantités importantes
d’alcool perturbe la sensibilité à
l’insuline (49).
Effets métaboliques
Les conséquences hormonales et
métaboliques de l’alcool ingéré au
cours d’un repas glucidolipidique
ont été explorées chez des patients
diabétiques de type 2. L’adjonction
d’alcool (40 g) au repas diminue
l’élévation postprandiale des acides
gras libres et supprime la réponse
des incrétines (polypeptide insuli-
notrope glucose-dépendant GIP et
glucagon-like-peptide) qui sont à
l’origine de l’insulinosécrétion induite
par les nutriments. En revanche,
l’alcool accroît le niveau des triglycé-
rides à la phase postprandiale tardive,
avec une perturbation de la clairance
des triglycérides (11). L’ingestion de
30 g d’alcool sous la forme de trois
verres de vin blanc 45 minutes après
un repas standard entraîne une dimi-
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Diabète et nutrition
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Diabète et nutrition
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nution de l’insulinémie et une ten-
dance à la diminution de la glycémie
chez des sujets jeunes et en bonne
santé (27).
Effet antioxydant
La consommation régulière de vin
améliore le statut antioxydant, parti-
culièrement altéré dans le diabète, à
la fois à jeun et à la phase post-
prandiale du fait d’une élévation des
radicaux libres et des substances
réactives avec les hydroperoxydes et
l’acide thiobarbiturique. Une consom-
mation modérée et régulière de vin
pourrait réduire le risque cardiovascu-
laire en améliorant le stress oxydatif
chez le diabétique (6).
Distribution
du tissu adipeux
La consommation modérée d’alcool
est corrélée de façon indépendante à
la distribution du tissu adipeux. Par
rapport aux abstinents, elle est asso-
ciée à une diminution de la graisse
totale et de la graisse viscérale abdo-
minale (p = 0,03). Évaluée chez des
paires de jumeaux, cette association
apparaît comme indépendante de toute
autre interaction génétique ou envi-
ronnementale, mais elle est particu-
lièrement significative chez les sujets
ayant une prédisposition génétique
à l’obésité abdominale. La relation
favorable entre consommation d’al-
cool et sensibilité à l’insuline est
partiellement médiée par l’obésité
abdominale (19, 20). Il s’agit là
d’un autre mécanisme à considérer
dans l’explication de l’effet favorable
de l’alcool sur l’incidence du dia-
bète de type 2, dont on sait qu’elle
est favorisée par l’obésité abdominale.
Facteurs pro-inflammatoires
Le rôle possible de l’obésité abdomi-
nale est conforté par la mise en évi-
dence de la diminution de divers
facteurs inducteurs d’insulinorésis-
tance issus des adipocytes viscéraux
sous l’effet de l’alcool. L’adiponec-
tine, inversement corrélée à l’obésité
abdominale, est augmentée et asso-
ciée à une amélioration de l’indice
d’insulinorésistance après une inges-
tion chronique d’alcool alors que le
taux de TNFα, cytokine altérant la
sensibilité à l’insuline, reste inchangé
(37).
L’ensemble de ces données expéri-
mentales confirme le rôle favorable
d’une consommation modérée d’alcool
sur la sensibilité à l’insuline et sug-
gère une action possible sur la graisse
viscérale.
Effets sur l’équilibre
glycémique
chez le diabétique
Une consommation modérée d’alcool
a peu de conséquences sur l’équi-
libre glycémique. Dans le diabète de
type 2, l’administration d’alcool avant
une charge glucosée réduit faible-
ment le pic hyperglycémique du fait
d’une majoration du pic précoce
d’insulinémie (31). L’administration
d’alcool à la dose de 1 g/kg, sous la
forme d’un apéritif puis de vin pen-
dant un repas suivi d’un digestif, ne
modifie pas le profil glycémique
chez les diabétiques de type 1 ou 2
en comparaison de ce qui est observé
après la consommation d’eau miné-
rale (16). La consommation de deux
verres de vin rouge durant un repas
standard n’entraîne pas de modifi-
cation significative des besoins insu-
liniques ou de la tolérance glucosée
à la phase postprandiale évalués au
moyen d’un pancréas artificiel (18).
La consommation de 500 ml de bière
avec ou sans alcool au cours d’un
repas entraîne des modifications com-
parables de la glycémie, de l’insu-
linémie, des acides gras libres et des
triglycérides, quelle que soit la quan-
tité d’alcool (9). En revanche, dans
le diabète de type 1, l’administra-
tion d’environ un litre de bière en
soirée entraîne une diminution des
glycémies, avec un plus grand nombre
d’épisodes hypoglycémiques le len-
demain (30). Une consommation
d’alcool inappropriée est une cause
de déséquilibre glycémique avec,
notamment chez le diabétique de
type 1, un risque accru d’hypogly-
cémie pouvant être de survenue retar-
dée (32). L’équilibre métabolique à
moyen terme évalué par la détermi-
nation de l’HbA1c n’apparaît pas per-
turbé par la consommation modérée
d’alcool. Chez les sujets non diabé-
tiques, il existe même une relation
inverse entre l’HbA1c et la consom-
mation d’alcool.
Les six études expérimentales colli-
gées dans l’étude systématique des
effets de l’alcool sur l’équilibre gly-
cémique fournissent des résultats
rassurants avec, toutefois, un effet
hypoglycémiant lorsque l’alcool est
perfusé durant une période de jeûne
chez les personnes âgées traitées par
sulfonylurée (5).
Au total, la consommation modérée
et régulière d’alcool durant un repas
(26) ne modifie ni les besoins en insu-
line, ni la tolérance glucosée des sujets
atteints de diabète. On ne dispose pas
de données permettant d’affirmer
l’innocuité de ce mode de consomma-
tion au long cours.
Complications métaboliques
liées à une consommation
excessive d’alcool
L’hypoglycémie est la complication la
plus fréquente. Directement induite par
l’alcool lorsque la dose dépasse trois
à quatre verres par jour, elle résulte
d’une inhibition de la néoglucogenèse
et des hormones de la contre-régulation
hormonale. Elle est particulièrement
fréquente et sévère en cas de diabète
pancréatoprive du fait de la glucago-
nopénie. L’administration de vin blanc
à la dose de 0,75 g d’alcool par kilo-
gramme en soirée à des diabétiques
insulinodépendants diminue les gly-
cémies matinales basales et post-
prandiales, avec une hypoglycémie
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