Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume II, n° 4, août 1998
es tumeurs embryonnaires bŽnignes
que sont les craniopharyngiomes res-
tent relativement frŽquentes parmi les
tumeurs intracr‰niennes de lÕenfant et de
lÕadolescent. Les effets profonds que pro-
duit le craniopharyngiome sur la croissance
et le dŽveloppement de ces enfants en font
une tumeur bŽnigne qui reste un dŽfi thŽra-
peutique. En effet, dans de nombreux cas,
on retrouve encore des lŽsions volumi-
neuses, alors quÕune analyse auxologique
prŽcise aurait peut-•tre permis une dŽcou-
verte plus prŽcoce. CÕest certainement un
des aspects qui mŽritent davantage dÕatten-
tion de la part de la communautŽ mŽdicale.
Par ailleurs, de nouveaux progr•s dans la
comprŽhension des mŽcanismes du dŽve-
loppement de lÕantŽhypophyse permettront
peut-•tre de comprendre la gen•se de ces
tumeurs. Enfin, des amŽliorations dans la
prise en charge thŽrapeutique mŽritent aussi
dÕ•tre mentionnŽes. CÕest pourquoi nous
avons choisi ce sujet pour cet article de syn-
th•se qui dŽveloppera successivement les
aspects Žtiologiques et lÕanatomopathologie,
lÕŽpidŽmiologie, la prŽsentation clinique, le
diagnostic endocrinologique et radiolo-
gique, puis le traitement. Nous discuterons
des controverses thŽrapeutiques concernant
la radiothŽrapie et ses modalitŽs nouvelles
(Ògamma-knifeÓ) ainsi que des approches
utilisŽes pour optimiser le traitement hormo-
nal chez ces enfants et adolescents.
Étiologie et anatomopathologie
Les craniopharyngiomes sont des tumeurs
embryonnaires bŽnignes dont on pense
quÕelles se dŽveloppent ˆ partir de rŽsidus
de la poche de Rathke. Ces rŽsidus de cel-
lules ŽpithŽliales sont prŽsents entre le
tuber cinereum et la glande hypophysaire,
expliquant que les craniopharyngiomes
peuvent se dŽvelopper au long de ce par-
cours. Ë cet Žgard, lÕanalogie avec les
kystes de la poche de Rathke est intŽres-
sante. Ces derniers se dŽveloppent entre le
lobe antŽrieur et le lobe postŽrieur de
lÕhypophyse, et la distinction avec le cra-
niopharyngiome peut •tre difficile, m•me
histologiquement ; certains les regroupent
dÕailleurs dans le cadre des craniopharyn-
giomes. Un mod•le de souris transgŽnique
exprimant le leukemia inhibitory factor
(LIF) sous le contr™le du promoteur de
lÕhormone de croissance (permettant une
expression du g•ne codant pour le LIF dans
lÕantŽhypophyse) a ŽtŽ gŽnŽrŽ (1). Des
kystes ont ŽtŽ observŽs dans le lobe antŽ-
rieur de lÕantŽhypophyse de ces souris. Ils
sont bordŽs par un ŽpithŽlium composŽ
de cellules ciliŽes qui ne contenaient pas
dÕimmunorŽactivitŽ contre les hormones
antŽhypophysaires. On peut noter que dix
Craniopharyngiome :
actualisation du diagnostic,
du traitement et du pronostic tardif
M. Polak*
31
*Service d’endocrinologie-diabétologie pédiatrique du Pr Czernichow, hôpital Robert-Debré,
75019 Paris.
Les craniopharyngiomes sont
des tumeurs embryonnaires
bénignes qui se développent aux
dépens des restes de la poche de
Rathke. Ils se manifestent par des
troubles visuels endocriniens ou
neurologiques souvent révélateurs,
liés à l’expansion de la tumeur.
Un ralentissement de la vitesse
de croissance doit attirer l’atten-
tion chez l’enfant et l’adolescent
et mener aux investigations dia-
gnostiques pour permettre un dia-
gnostic précoce. Le suivi auxolo-
gique systématique des enfants est
donc nécessaire.
Le traitement chirurgical doit
viser à l’exérèse complète de la
tumeur, garante d’un meilleur pro-
nostic.
Les modalités du traitement
complémentaire par radiothérapie
sont discutées.
Une approche hormonale sub-
stitutive est nécessaire. Elle doit
utiliser la dose la plus faible pos-
sible de corticoïdes administrée
pour ménager une croissance
satisfaisante, stimulée par un trai-
tement substitutif adapté (hormone
de croissance et hormone thyroï-
dienne).
Les craniopharyngiomes res-
tent toujours des lésions sévères
du fait de leur potentiel de récur-
rence locale, des conséquences
neuropsychologiques qu’ils peu-
vent induire, en particulier les
troubles importants de la satiété,
et par conséquent l’obésité.
L
Minisynthèse
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kystes de la poche de Rathke obtenus ˆ par-
tir de patients opŽrŽs avaient une immuno-
rŽactivitŽ contre le LIF dans lÕŽpithŽlium
qui bordait la cavitŽ kystique (1). Les
auteurs proposent que lÕexpression accrue
du LIF entra”ne des kystes ˆ partir de lÕŽpi-
thŽlium de la poche de Rathke, et sugg•rent
que lÕabsence de diffŽrenciation de ces cel-
lules de lÕŽpithŽlium en cellules hormo-
nales pourrait •tre ˆ lÕorigine de ces kystes
(1). De telles approches devraient per-
mettre dÕavancer dans la comprŽhension de
la pathogŽnie des tumeurs de type cranio-
pharyngiome.
Les craniopharyngiomes ont un spectre
large dÕexpression allant dÕune toute petite
tumeur au sein de lÕhypophyse jusquÕˆ de
larges expansions tumorales qui compri-
ment lÕhypophyse, la tige pituitaire, les
nerfs optiques et les structures hypothala-
miques. La grande majoritŽ des craniopha-
ringiomes est ˆ la fois solide et kystique, et
les kystes contiennent un liquide Žpais
comparŽ ˆ de lÕhuile de moteur, fait de
graisse, de cristaux de cholestŽrol et de
kŽratine. Les calcifications sont une carac-
tŽristique frŽquente des craniopharyn-
giomes et, bien entendu, importante pour le
diagnostic radiologique. Environ 60 ˆ 80 %
des craniopharyngiomes se dŽveloppent
dans la rŽgion suprasellaire, et 20 ˆ 40 %
dans la selle turcique, entra”nant son Žlar-
gissement comme dans les adŽnomes antŽ-
hypophysaires (2, 3).
Épidémiologie
Ces tumeurs reprŽsentent ˆ peu pr•s 3 %
des tumeurs intracr‰niennes, Žtant plus frŽ-
quentes chez lÕenfant que chez lÕadulte [6 ˆ
9 % des tumeurs intracr‰niennes de lÕen-
fant (4)]. Il existe un pic dÕincidence dans
lÕenfance, entre 5 et 10 ans, puis la frŽ-
quence entre la troisi•me et la septi•me
dŽcennie de vie est relativement constante,
avec un second petit pic dÕincidence ˆ lÕ‰ge
de 50 ans et jusquÕˆ 60 ans (5). Il y a une
lŽg•re prŽdominance masculine.
Présentation clinique
La prŽsentation clinique est dŽterminŽe par
lÕ‰ge du patient, la taille de la tumeur et sa
localisation. En gŽnŽral, les sympt™mes
sont liŽs soit ˆ des troubles visuels, soit ˆ
des manifestations associŽes aux dŽficits
endocriniens ou encore ˆ ceux qui sont liŽs
ˆ un accroissement de la pression intracr‰-
nienne (tableau I).
Les troubles endocriniens
Ils sont gŽnŽralement prŽsents lors de la
consultation initiale, mais ils motivent bien
moins souvent la consultation que les
troubles visuels. Il sÕagit dÕun dŽficit en
hormone de croissance ou dÕun dŽficit en
thyrŽostimuline isolŽ ou associŽ qui serait
prŽsent respectivement dans 75 ˆ 95 % et
70 % des cas. La traduction de ces dŽficits
est une cassure ou un inflŽchissement de la
courbe staturale avec retard dÕ‰ge osseux
ainsi que lÕapparition dÕune obŽsitŽ (6).
Les anomalies de la courbe de croissance
prŽcŽdaient le diagnostic en moyenne de
4 ans chez les dix-neuf enfants sur vingt-
deux rapportŽs qui avaient un dŽficit statu-
ral (6). Cela permet dÕinsister sur lÕimpor-
tance dÕune analyse auxologique menant ˆ
un diagnostic prŽcoce (figure 1).
Le diab•te insipide central est plus rare, mais
reste un signe dÕalerte tr•s prŽcieux pour le
diagnostic. Il est prŽsent dans environ 25 ˆ
50 % des cas avant lÕintervention chirur-
gicale. Il est souvent masquŽ par le dŽficit cor-
ticotrope qui entra”ne une opsiurie, et ne se
rŽvŽlera quÕau moment dÕune substitution en
hydrocortisone. Le dŽficit gonadotrope est lui
aussi tr•s frŽquent, parfois rŽvŽlateur en rai-
son dÕun retard pubertaire : absence de puber-
tŽ chez un gar•on de quatorze ans ou chez une
fille de treize ans. En fait, pratiquement lÕen-
semble des enfants ayant un craniopharyngio-
me auront une courbe de croissance anormale
ou un retard dÕapparition des signes de puber-
tŽ. Ë lÕinverse, une pubertŽ prŽcoce rŽvŽlera
rarement le craniopharyngiome.
Les troubles visuels
Ils sont souvent rŽvŽlateurs et constituent le
motif le plus frŽquent dÕexamen. La baisse
de lÕacuitŽ visuelle est gŽnŽralement tardive,
et souvent asymŽtrique. Les altŽrations du
champ visuel sont gŽnŽralement asymŽ-
triques, avec une hŽmianopsie bitemporale
typique mais rarement compl•te.
Troubles neurologiques
Des cŽphalŽes sont frŽquentes, en rapport
habituellement avec un tableau dÕhyperten-
sion intracr‰nienne. DÕautres manifesta-
tions, rares chez lÕenfant, traduisent lÕat-
teinte hypothalamique : lÕobŽsitŽ, qui peut
prŽcŽder la dŽcouverte de la tumeur, lÕhy-
perphagie et des troubles neuropsycholo-
giques, comme des difficultŽs de concen-
tration par exemple (6).
32
Minisynthèse
Symptômes Incidence (%) Signes cliniques Incidence (%)
Céphalées 71 Œdème papillaire 35
Perte d’acuité visuelle 55 Déficit du champ visuel 52
Déficit endocrinien 45 Retard de croissance 45
Polydipsie/polyurie 21 Retard du développement 44
pubertaire
Changements
neuropsychologiques 12 Diabète insipide 21
Tableau I. SŽrie de 82 enfants ayant un craniopharyngiome. PrŽsentation clinique. (DÕapr•s Laws et
Thapar, 1994).
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Tests endocriniens
pratiqués
Le diagnostic des dŽficits
endocrines repose sur les
dosages de base et les
tests de stimulation des
diffŽrents axes hypothala-
mo-hypophysaires.
LÕŽpreuve combinŽe ˆ
lÕarginine-insuline (avec
les prŽcautions nŽces-
saires chez ces enfants
insuffisants hypophy-
saires potentiels) permet
de tester ˆ la fois la sŽcrŽ-
tion dÕhormone de crois-
sance et la rŽponse du
cortisol. La rŽponse de
lÕaxe corticotrope peut
•tre ŽvaluŽe par un test au
CRH. Les protŽines
dŽpendantes de la sŽcrŽ-
tion dÕhormone de crois-
sance comme lÕIGF-I sur-
tout et, dÕutilisation plus
rare, lÕIGF-BP3, peuvent
aussi •tre dosŽes. Un test
au TRH permettra de
contr™ler lÕaxe thyrŽotro-
pe, mais aussi la rŽponse
de la prolactine. Dans les
pŽriodes pubertaires
(inutile dans la pŽriode
prŽpubertaire), un test ˆ la
LH-RH sera pratiquŽ pour
rechercher lÕinsuffisance
gonadotrope. Enfin, si un
diab•te insipide est sus-
pectŽ, un test de restric-
tion hydrique se discutera,
sous substitution en
hydrocortisone sÕil existe
un dŽficit corticotrope.
Les rŽsultats des tests
endocriniens dans une
sŽrie de 82 enfants prŽsen-
tant un craniopharyngio-
me sont dŽtaillŽs dans le
tableau II (page 34) (7). Il existe une varia-
bilitŽ de lÕincidence des dŽficits endocri-
niens uniques ou combinŽs en fonction des
sŽries publiŽes. Aussi, dans une sŽrie pŽdia-
trique fran•aise, la frŽquence des dŽficits
endocriniens prŽopŽratoires est-elle diffŽ-
rente de la sŽrie prŽcŽdemment citŽe (8)
(tableau III, page 34).
Imagerie
La radiographie du cr‰ne face/profil cen-
trŽe sur la selle turcique rŽv•le des anoma-
lies dans la quasi-totalitŽ des cas. Le plus
souvent, il sÕagit de calcifications dont la
prŽsence dans le contexte clinique citŽ ci-
dessus rend le diagnostic de craniopharyn-
giome presque certain.
La rŽsonance magnŽtique nuclŽaire (IRM)
est lÕexamen de choix pour le diagnostic et
lÕŽvaluation de lÕextension dÕun craniopha-
ryngiome (figure 2, page 35) ; les compo-
sants solides ou kystiques de la tumeur sont
identifiŽs. LÕIRM Žvalue mal la prŽsence
des calcifications ; la tomodensitomŽtrie
reste nŽcessaire pour la prŽciser et mieux
dŽfinir les structures osseuses ainsi que
leur Žrosion Žventuelle en rapport avec la
crois-sance du craniopharyngiome.
Certains utilisent, dans le cadre dÕun pro-
tocole, lÕimagerie dynamique vasculaire de
lÕantŽhypophyse (9). Celle-ci pourrait per-
mettre de distinguer des petits craniopha-
ryngiomes pour lesquels il existe une
absence dÕimprŽgnation de la tumeur,
contrairement aux adŽnomes (Maghnie
1998 : communication orale). Cette tech-
nique est encore en cours dÕŽvaluation et
risque de ne pas trouver sa place dans lÕex-
ploration des craniopharyngiomes.
Une Žvaluation de lÕacuitŽ visuelle et du
champ visuel compl•te les explorations.
Traitement
Traitement de la tumeur
LÕexŽr•se chirurgicale totale de la tumeur
est le traitement de choix. Ë cet Žgard,
33
Figure 1. Gar•on de 15 ans chez lequel le diagnostic de retard de crois-
sance avec retard pubertaire am•ne ˆ la consultation.
L’observation de la courbe de croissance montre un ralentissement de
la vitesse de croissance dès l’âge de 7 ans et demi qui aurait dû être
exploré à ce moment si la courbe de croissance avait été faite et inter-
prétée. L’enfant n’est pas mesuré par la suite jusqu’à l’âge de 14 ans.
On constate le retard de maturation osseuse qui traduit, dans ce cas,
le déficit somatotrope et le déficit thyréotrope. L’exérèse complète du
craniopharyngiome, la substitution hormonale par hormone de crois-
sance et thyroxine ainsi que l’équilibre du diabète insipide par desmo-
pressine permettent une reprise staturale entre les âges de 15 et
16 ans. À 16 ans, l’induction de la puberté par heptylate de testosté-
rone s’accompagne d’un pic de croissance pubertaire satisfaisant, qui
ramène la croissance de cet adolescent à la moyenne. Par ailleurs, on
note sur la courbe de poids les conséquences de l’exérèse d’une tumeur
volumineuse avec lésion hypothalamique, perte de la sensation de
satiété et obésité consécutive. Une approche diététique et un suivi psy-
chologique permettent une perte pondérale satisfaisante.
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lÕanalyse du devenir de 71 enfants opŽrŽs
entre 1950 et 1983 est rŽvŽlatrice (7). Sur
les 37 patients qui avaient pu avoir une
rŽsection chirurgicale compl•te, 78 % ont
une survie ˆ long terme avec une bonne
qualitŽ de vie, cÕest-ˆ-dire : indŽpendant,
sans dŽficit neurologique ou avec un dŽfi-
cit neurologique visuel stable. Dans ce
groupe, la survie ˆ 5 et 10 ans est la m•me :
90 %. Ë lÕinverse, chez les 34 patients qui
ont eu une rŽsection chirurgicale partielle,
et dont 17 avaient eu une radiothŽrapie
postopŽratoire, un rŽsultat satisfaisant nÕest
obtenu que pour 35 %. Une rŽcidive de la
maladie appara”t chez 17 (50 %), la survie
ˆ 5 ans dans ce groupe est de 75 % et ˆ
10 ans de 65 %. Ces donnŽes sont en
faveur dÕune exŽr•se aussi compl•te que
possible du craniopharyngiome, qui nÕest
pas toujours souhaitable ni possible du fait
des conditions anatomiques faisant courir
des risques trop importants.
Dans ce cas, lÕexŽr•se est partielle et une
radiothŽrapie externe complŽmentaire est le
plus souvent pratiquŽe sÕil existe un reliquat
tumoral volumineux ; parfois, elle est retar-
dŽe jusquÕˆ la mise en Žvidence radiolo-
gique dÕune reprise Žvolutive. Cela fait
lÕobjet de controverses. En effet, la radio-
thŽrapie, dans ses formes jusquÕalors prati-
quŽes, induit de frŽquentes complications
neuropsychologiques ou des anomalies vas-
culaires, ou encore des neuropathies
optiques pouvant entra”ner une cŽcitŽ. Une
analyse rŽcente des donnŽes de la littŽratu-
re portant sur les sŽquelles neuropsycholo-
giques de lÕenfant traitŽ pour tumeur cŽrŽ-
brale, quel quÕen soit le type, montre bien le
r™le du jeune ‰ge, de lÕirradiation et de son
type sur lÕapparition de celles-ci (10). Les
nouvelles formes de radiothŽrapie
(Ògamma-knifeÓ) permettant dÕirradier ˆ
hautes doses une zone extr•mement locali-
sŽe sont actuellement ˆ lÕessai ; elles pour-
raient reprŽsenter un dŽveloppement impor-
tant dans le traitement de ces tumeurs (11).
Dans les formes ˆ dŽveloppement majoritai-
rement intrasellaire, lÕintervention est indi-
quŽe sÕil existe une extension suprasellaire
(12). Si le craniopharyngiome est unique-
ment intrasellaire, certains rŽservent la chi-
rurgie aux formes Žvolutives ˆ des examens
successifs, ou encore en cas de doute dia-
gnostique (12). Nous prŽfŽrons une inter-
vention systŽmatique sÕil existe une rŽper-
cussion ˆ type de dŽficit endocrinien du cra-
niopharyngiome. Elle est alors pratiquŽe par
un neurochirurgien ayant une grande expŽ-
rience de la chirurgie de la rŽgion hypophy-
saire, par voie transphŽno•dale.
Traitement hormonal
Il repose sur la supplŽmentation hormonale
des diffŽrents axes dŽficitaires. Le plus
souvent, une supplŽmentation en thyroxine
est nŽcessaire. Le traitement par hormone
de croissance est mis en place sous forme
dÕinjections sous-cutanŽes dÕhormone de
croissance ˆ une dose de 0,5 ˆ
0,7 unitŽ/kg/sem en six ou sept injections
sur 7 jours. La supplŽmentation en hydro-
cortisone est donnŽe ˆ dose minimale pour
maintenir un Žtat clinique satisfaisant chez
le patient (8 ˆ 10 mg/m2/j) en Žvitant des
doses qui risqueraient dÕaltŽrer la crois-
sance de lÕenfant. La substitution en hydro-
cortisone peut dŽmasquer un diab•te insi-
pide partiel qui nŽcessitera alors un traite-
ment par desmopressine. Cependant, il y a
le plus souvent un diab•te insipide dans la
pŽriode postopŽratoire (tableau III). La
pubertŽ devra •tre induite et le moment
exact de son induction reste discutŽ :
lorsque lÕ‰ge osseux atteint 13 ans chez un
gar•on et 11 ans chez la fille, ou plus tard
chez certains patients, pour permettre un
effet optimal du traitement par hormone de
croissance (figure 1). De mani•re tout ˆ
fait inattendue, certains enfants grandissent
normalement ou ont m•me une croissance
accŽlŽrŽe apr•s la chirurgie, malgrŽ un
dŽficit Žventuellement complet en hormone
de croissance. Certains ont expliquŽ cette
vitesse de croissance maintenue ou accŽlŽ-
rŽe, avec dŽficit en hormone de croissance,
du faut de lÕhyperinsulinisme induit par
lÕobŽsitŽ que prŽsentent bien souvent ces
enfants, sans que cela ait pu •tre dŽmontrŽ
34
Minisynthèse
% déficit
Déficit Préopératoire Postopératoire
Somatotrope 75 96
Thyroïdien 70 100
Corticotrope 35 80
Antidiurétique 17* 80
Tableau III. FrŽquence prŽ- et postopŽratoire des
dŽficits endocriniens dans le craniopharyngiome chez
24 enfants. (DÕapr•s Brauner et coll., 1987).
* Il est possible qu’une partie des déficits partiels en
hormone antidiurétique ait été masquée par un
déficit corticotrope non substitué dans la période
préopératoire.
Déficit hormonal Patients Incidence (%)
Nombre d’examens
anormaux/nombre de tests
Hormone de croissance 10/40 25
ACTH 30/71 42
Thyréostimuline 19/69 28
Gonadotrophines 23/49 47
Vasopressine 10/45 21
Au moins un déficit 44/77 52
hormonal
Tableau II. SŽrie de 82 enfants ayant un craniopharyngiome. Tests endocriniens au diagnostic. (DÕapr•s
Laws et Thapar, 1994).
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume II, n° 4, août 1998
de mani•re dŽfinitive. Certains ont proposŽ
de traiter ces enfants par hormone de crois-
sance. Des Žtudes prŽliminaires ont montrŽ
que si la vitesse de croissance nÕŽtait pas
accŽlŽrŽe, la masse musculaire et lÕadiposi-
tŽ des sujets Žtaient diminuŽes (13). Le trai-
tement par hormone de croissance pourrait
donc, par ses effets mŽtaboliques, •tre intŽ-
ressant dans ce groupe dÕenfants.
La prise de poids excessive chez les enfants
opŽrŽs pour craniopharyn-
giome est un probl•me
difficile ˆ ma”triser (6).
JusquÕˆ maintenant, on a
essentiellement utilisŽ une
approche diŽtŽtique.
Certains ont essayŽ de
dŽfinir une corrŽlation
entre cette prise de poids,
cette obŽsitŽ et lÕimagerie
par rŽsonance magnŽtique
nuclŽaire postopŽratoire.
En effet, une lŽsion hypo-
thalamique sŽv•re consta-
tŽe ˆ la rŽsonance magnŽ-
tique nuclŽaire incluait
lÕenfant dans le groupe
prŽsentant un risque plus
important de prise de
poids (14). LÕimagerie
prŽopŽratoire montrait
aussi une infiltration
hypothalamique de ces
tumeurs. Ce groupe dÕen-
fants est donc celui pour
lequel une approche diŽtŽ-
tique et un suivi psycholo-
gique sont ˆ mettre en
place dans la pŽriode
postopŽratoire (14).
Conclusion
Le craniopharyngiome
reste une tumeur relative-
ment frŽquente chez lÕen-
fant et lÕadolescent. Son
extension, la prŽcocitŽ du
diagnostic et la possibilitŽ
de rŽsection chirurgicale compl•te gouver-
nent le pronostic. Le traitement reste diffici-
le non seulement par la nŽcessitŽ dÕune
intervention neurochirurgicale, mais aussi
par la complexitŽ et la lourdeur du traite-
ment hormonal substitutif. Ë long terme, si
la rŽsection compl•te de la tumeur est asso-
ciŽe ˆ des scores de fonctionnement psycho-
sociaux satisfaisants, il ne faut pas oublier
quÕune petite taille, une obŽsitŽ, des cŽpha-
lŽes ou encore des anomalies Žmotionnelles
ou de la fonction sexuelle restent frŽquentes
malgrŽ un traitement hormonal substitutif
adŽquat (15).
Une analyse auxologique systŽmatique des
enfants et une exploration en cas de ralen-
tissement de la vitesse de croissance
devraient permettre de dŽpister plus prŽco-
cement une partie de ces tumeurs et dÕen
amŽliorer le pronostic. NŽanmoins, dans de
nombreux cas, le ralentissement de la
vitesse de croissance prŽc•de de peu la
dŽcouverte de la tumeur.
De plus, il faut souligner que le diagnostic
est difficile, car les signes dÕappel peuvent
•tre discrets, et que les signes oculaires
sont dÕinterprŽtation malaisŽe chez le jeune
enfant.
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management of craniopharyngioma. Growth
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35
Figure 2. Aspect par rŽsonance magnŽtique de la lŽsion tumorale (sans et
avec injection de produit de contraste [clichŽ de droite]). On note la volu-
mineuse extension suprasellaire de cette lŽsion ˆ composante kystique qui,
par ailleurs, prŽsente des calcifications sur la radiographie de cr‰ne et le
scanner (non montrŽ). Le diagnostic de craniopharyngiome est donc Žtabli.
La ÒcoqueÓ de la tumeur prend le contraste.
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