261133F/n°2 20/04/04 D O 17:15 Page 20 S S I E R T H É M A T I Q U E Les expériences des uns... Traitement hormonal substitutif de la ménopause chez les patientes traitées pour un cancer du sein. Préférence des patientes ● Alain Brémond* L es données dont nous disposons actuellement sont insuffisantes pour recommander sans arrière-pensée la prescription d’un traitement hormonal substitutif de la ménopause chez les patientes traitées pour un cancer du sein. Néanmoins, cette absence de données peut être interprétée d’une façon symétrique. Face aux risques de complications de la ménopause pour lesquels on connaît les effets positifs du THS, ne doit-on pas reconsidérer une position trop catégorique ? Entre les deux positions extrêmes que sont la négation d’un risque éventuel et l’interdiction absolue, il existe une troisième voie en cours d’exploration. Nous avons délibérément choisi une démarche d’analyse de la préférence des patientes. LA PRÉFÉRENCE DES PATIENTES Cette approche nouvelle fait appel à une méthodologie émergeante dans le domaine de la cancérologie qui consiste d’abord à rassembler les données scientifiques sur le sujet, puis à les rendre compréhensibles pour les patientes. Cette démarche exclut les simplifications excessives, l’édulcoration de données jugées “insupportables” pour les patientes ainsi que toute démarche de type paternaliste. Les incertitudes sont clairement exprimées. La présentation du problème est ensuite standardisée, puis testée et validée. Elle doit être le plus neutre possible afin que la patiente puisse faire un choix personnel. Un temps de réflexion lui est laissé. Une nouvelle consultation permet d’expliquer les points mal compris et de recueillir le choix de la patiente. Il s’agit d’un protocole d’évaluation comprenant un suivi des patientes. Celles-ci sont informées de leur entrée dans une étude de surveillance et donnent leur accord pour y participer (loi Huriet). *Centre Léon-Bérard, Lyon. 20 LA SÉLECTION DES PATIENTES Nous appliquons cette démarche à des patientes sélectionnées selon deux groupes. Le premier groupe est constitué de patientes opérées d’un cancer du sein, sans envahissement ganglionnaire et avec un recul supérieur ou égal à cinq ans. Il n’y a pas de signe de rechute au moment de l’inclusion. Le second groupe concerne des patientes à haut risque de complications osseuses du fait d’une ostéoporose souvent mal corrigée par des traitements non hormonaux. Ces patientes sont adressées par des confrères rhumatologues. Dans ce cas, les critères carcinologiques sont moins stricts ; seule l’absence de signe d’évolution est requise. LA DÉMARCHE D’INCLUSION L’information qui est donnée aux patientes rappelle d’abord l’absence de données scientifiques sur le risque d’évolution du cancer du sein. On aborde ensuite l’hormonosensibilité de ces cancers (risque théorique), puis le bénéfice établi du THS. Elles ne prennent pas de décision lors de cette première consultation. Elles sont invitées à réfléchir et à revenir plus tard en consultation pour préciser leur choix. Un traitement sera alors proposé, qu’il s’agisse du THS ou de traitements alternatifs. CONCLUSION Cette démarche semble répondre aux besoins actuels de nos patientes. Face à l’incertitude, le médecin doit souvent agir. Il choisit le plus souvent en fonction de ses convictions, qu’il impose alors à ses patientes. À l’opposé, laisser aux patientes l’entière responsabilité du choix n’est probablement ni une attitude réaliste ni celle qu’elles attendent. La décision partagée est probablement une voie intéressante partout où existent des avantages et des inconvénients à une pratique médicale. La Lettre du Sénologue - n° 2 - octobre 1998