É d i t o r i a l L Édito rial

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Éditorial
Éditorial
Traitement de
l’hypertension
artérielle après
70 ans : la
nouvelle donne
de STOP-2
Xavier Girerd (Paris)
L
a fin de l’année 1999 a vu la publication dans le Lancet de l’étude STOP-2.
Cette étude, menée par la très dynamique équipe du Professeur Hansson qui
nous avait déjà proposé les études STOP1, HOT et CAPPP, avait été oubliée
des cliniciens, et sa publication directe dans une revue prestigieuse sans
qu’aucune communication préalable dans un congrès n’ait été effectuée a
surpris le monde de l’hypertension artérielle par la richesse et la qualité de
ses résultats.
L’étude STOP-2 avait comme objectif de répondre à deux questions :
– toutes les classes antihypertensives sont-elles comparables en termes d’efficacité
hypotensive et de tolérance clinique chez l’hypertendu âgé de plus de 70 ans ?
– pour une baisse tensionnelle comparable, les nouvelles classes thérapeutiques (IEC,
antagonistes calciques) sont-elles plus efficaces que les anciennes classes (diurétiques,
bêtabloquant) pour prévenir les complications cardiovasculaires de l’hypertendu ?
Pour répondre à ces questions, les investigateurs suédois ont réalisé une étude remarquable en effectuant, entre 1992 et 1994, l’inclusion de 6 614 patients âgés de 70 à
84 ans et en organisant leur suivi sur au moins quatre ans sans qu’aucun sujet ne soit
perdu de vue. Seulement 6 % des patients admis dans STOP-2 étaient des volontaires
déjà inclus dans STOP-1, et ce sont donc de nouveaux patients qui, en grande majorité,
ont été inclus dans cet essai. Ces sujets étaient des hypertendus à haut risque de complication cardiovasculaire car ils étaient de stade 3 de la classification de l’OMS avec
une PAS/PAD moyenne de 194/98 mmHg, ce qui réalise un niveau tensionnel beaucoup
plus élevé que celui des patients inclus dans l’essai Syst-Eur (174/86 mmHg) ou dans
l’étude HOT (170/ 105 mmHg). De plus, 59 % avaient plus de 75 ans, 22 % plus de
80 ans et 10,9 % étaient diabétiques. Ce haut risque cardiovasculaire s’est traduit par
une incidence des événements cardio-vasculaires de 19,8 pour 1 000 patients-année, et
ce malgré la prescription du traitement antihypertenseur. Par comparaison, l’incidence
des événements cardio-vasculaires était de 23,3 pour 1 000 patients par an dans le groupe traité de l’étude Syst-Eur et de 9,7 pour 1 000 patients-année dans l’étude HOT.
La méthodologie utilisée dans STOP-2 n’est pas discutable, car les patients sont
parfaitement randomisés et le suivi, bien que réalisé en ouvert, utilise la méthodologie
PROBE pour l’évaluation indépendante en aveugle des événements survenus.
Pour répondre à la première hypothèse d’une différence d’efficacité et/ou de tolérance
entre les classes d’antihypertenseurs, STOP-2 a comparé trois stratégies thérapeutiques
fondées sur la prescription initiale d’une monothérapie différente. Un diurétique thiazidique faible dose ou un bêtabloquant, un inhibiteur calcique (isradipine ou félodipine),
un inhibiteur de l’enzyme de conversion (élanapril ou lisinopril). Si l’objectif tensionnel
(<160/95) n’était pas atteint, un deuxième traitement était associé selon des règles précises (diurétique thiazidique et bêtabloquant, IEC et diurétique thiazidique, antagoniste
calcique et bêtabloquant). Le nombre des patients était calculé sur l’hypothèse d’une
différence de 25 % dans la mortalité cardiovasculaire entre les nouvelles classes thérapeutiques et les anciennes.
Le premier résultat de l’étude STOP-2 indique que les trois stratégies thérapeutiques
parviennent à obtenir une efficacité tensionnelle strictement comparable. La baisse tensionnelle est remarquable, car elle permet une baisse moyenne de 35 mmHg pour la PAS
et de 17 mmHg pour la PAD. Pour atteindre ce niveau tensionnel, il a été nécessaire de
prescrire une combinaison d’antihypertenseurs chez 54 % des patients. La comparaison
entre les groupes devrait tenir compte de la prescription des diurétiques chez un patient
sur deux ayant un IEC et de celle de bêta-bloquants chez 50 % de ceux ayant initiale-
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ment un antagoniste calcique. Cette “pollution” de l’effet des traitements entre eux diminue sans doute la puissance de la démonstration que peut apporter ce type d’étude dans la
comparaison des familles thérapeutiques.
Le deuxième résultat de l’étude STOP-2 est relatif à l’inégalité des effets secondaires
observés entre les familles thérapeutiques. Les effets indésirables attendus pour chaque
classe thérapeutique sont évidemment notés, mais les pourcentages de survenue sont bien
supérieurs à ceux habituellement rapportés. La toux a été notée chez 30 % des patients
sous IEC, les œdèmes des membres inférieurs chez 25 % de ceux sous antagonistes calciques et les troubles vasomoteurs des extrémités ont été notés chez 9 % des patients sous
traitement diurétique et/ou bêta-bloquant. Ce résultat conforte l’idée que ce sont les effets
indésirables des traitements qui constituent un élément primordial du choix des antihypertenseurs.
Le troisième résultat de l’étude STOP-2 concerne l’absence de confirmation de l’hypothèse
initiale. En effet, aucune différence dans la mortalité cardio-vasculaire n’a été observée
entre les trois groupes. Ce résultat appuie donc la recommandation des experts de
l’OMS/ISH 1999 qui annonçaient que “les bénéfices du traitement de l’hypertension artérielle sont liés à la baisse tensionnelle induite mais probablement pas à la famille pharmacologique du médicament”. Toutefois, la lecture de l’ensemble des résultats de l’étude
STOP-2 permet de conserver un doute, car la réalisation de multiples comparaisons a mis
en évidence une plus importante prévention de la survenue des infarctus du myocarde et
des épisodes de décompensation cardiaque gauche dans le groupe traité par IEC, par comparaison avec le groupe traité par un antagoniste calcique. Les auteurs eux-mêmes estiment que “leurs résultats doivent être considérés avec précaution, car 48 tests statistiques
de comparaison ont été effectués pour démontrer ce résultat”. Il est donc prématuré d’arriver à la conclusion que certains antihypertenseurs possèdent des propriétés de prévention indépendantes de la baisse de la pression artérielle. La validité de ce dernier résultat
doit être confirmée par d’autres études ou par une méta-analyse, comme celle prévue par
l’OMS-ISH qui sera effectuée en 2002, lorsque les résultats de plusieurs essais comparatifs des classes d’antihypertenseurs seront disponibles.
En conclusion, l’étude STOP-2 est, après l’étude CAPPP, le deuxième méga-essai qui indique
que la prévention des complications cardio-vasculaires chez l’hypertendu dépend essentiellement de la baisse tensionnelle induite et non pas du moyen thérapeutique utilisé pour l’obtenir. Les conséquences de ces études sont considérables car elles montrent que les IEC et les
antagonistes calciques sont des classes thérapeutiques qui ont maintenant démontré leur
bénéfice pour prévenir les complications cardiovasculaires chez l’hypertendu. Elles démontrent de plus que, pour que chaque patient bénéficie d’une baisse tensionnelle optimale au prix
de la meilleure tolérance possible, il est indispensable de disposer d’un arsenal de médicaments le plus large possible. Après l’étude STOP-2, une nouvelle donne dans l’utilisation justifiée des médicaments antihypertenseurs peut voir le jour.
Références bibliographiques
– Hansson L. et coll. Randomised trial of old and new antihypertensive drugs in elderly patients :
cardiovascular mortality and morbidity the Swedish Trial in Old Patients with Hypertension-2 study.
Lancet 1999 ; 354 : 1751-56.
– WHO-ISH Blood pressure lowering treatment trialists’ collaboration. Protocol for prospective collaborative overviews of major randomized trials of blood pressure lowering treatments. J. Hypertens.
1998 ; 16 : 127-37.
Act. Méd. Int. - Hypertension (12), n° 2, février 2000
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