Pathomimie
en pathologie
vasculaire
Isabelle Lazareth*
Les conduites de pathomimies
se définissent comme l’imita-
tion volontaire dans un état de
conscience claire d’un ou plu-
sieurs symptômes portant sur
n’importe quelle zone du corps.
Elles sont mal connues et diffi-
ciles à distinguer sur le plan
psychiatrique. En effet, le terme
“conscience claire” évoque le
caractère non sincère, manipu-
lateur du trouble, alors que ces
patients sont de bonne foi et
que leurs actes surviennent au
cours d’un état schizoïde (état
de dissociation psychique).
Les pathomimies se distinguent des
conduites de simulation qui visent à
obtenir un avantage matériel précis.
Ainsi, un article américain récent expo-
sait la conduite d’immigrants cubains qui
pour obtenir leur permis de séjour aux
Etats-Unis, alléguaient qu’ils souffraient
d’abcès cutanés, de crises d’asthme et
d’occlusions intestinales, provoqués res-
pectivement par injection d’essence,
inhalation de produits irritants et absorp-
tion de corps étrangers (1).
Les pathomimies se distinguent égale
ment du syndrome de Münchhausen.
Dans ce cas, s’associent des symptômes
imaginaires, une histoire mythoma-
niaque avec invention d’un faux statut
social, et une fausse biographie médi-
cale élaborée. Ce syndrome est caracté-
risé par des pérégrinations multiples
d’hôpitaux en hôpitaux, avec un maxi-
mum rapporté de 443 séjours hospita-
liers successifs. Les hommes, entre 30
et 40 ans, sont principalement touchés ;
ils se présentent sous de faux noms et
s’inventent une histoire médicale dans
des domaines dont ils savent qu’ils inté-
ressent le corps médical. Des conduites
délinquantes et toxicomanes sont fré-
quemment associées. Le syndrome de
Münchhausen est considéré comme un
signe de désintégration psychotique de
très mauvais pronostic psychiatrique.
En pathologie vasculaire, les conduites
pathomimiques s’expriment essentiel-
lement par deux aspects cliniques : les
œdèmes par striction et les ulcérations
cutanées.
L’œdème par striction : œdème
bleu de Charcot
L’œdème bleu a été décrit par Charcot
en 1889. Il s’agissait de femmes souf-
frant d’un œdème, touchant un membre
ou un segment de membre, froid et cya-
nique. Charcot en faisait une manifesta-
tion de l’hystérie. Ultérieurement, les
œdèmes par garrotages ont été assimi-
lés à l’œdème bleu de Charcot. Dans 1a
revue de la littérature réalisée par M.L.
Fléchet (4), qui reprenait 32 observa-
tions publiées, il s’agissait de femmes
dans 21 cas, d’un âge moyen de 26 ans.
Les onze hommes étaient plus agés (41
ans), et il s’agissait plutôt de conduite
de simulation survenant chez des tra-
vailleurs manuels à la recherche
d’avantages sociaux et financiers. La
localisation sur le côté prédominait
dans 60 % des cas, ainsi que l’atteinte
unilatérale. L’œdème était indolore, la
limitation nette avec la constatation
d’un sillon de striction. Son évolution
était capricieuse, difficile à faire préci-
ser, avec un début marqué par une
agression locale : traumatisme, blessu-
re. Le retard diagnostique souvent
important, allant de 3 mois à 28 ans,
était source d’explorations multiples
parfois chirurgicales. Le pronostic dans
cette série était réservé. En effet, seuls
huit malades sur les vingt-trois ayant
accepté la prise en charge psychiatrique
avaient guéri de leur conduite pathomi-
mique.
Le diagnostic d’œdème par striction est
simple si on y pense et si le sillon de
striction est visible. Il est parfois com-
pliqué par une algodystrophie secon-
daire à l’œdème et à l’agression, algo-
dystrophie qui s’exprimera alors par
des douleurs et une hyperfixation scin-
tigraphique. Dans ce cas, les symp-
tômes d’algodystrophie ne disparais-
sent qu’avec la cessation des conduites
pathomimiques (8).
Les ulcérations cutanées
Ces ulcères sont évocateurs par leur
aspect (5) : apparence bizarre, contours
linéaires, géométriques, limites nettes
par rapport à la peau saine. Il sont loca-
lisés sur des zones accessibles à la
Angio-Piège
Act. Méd. Int. - Angiologie (14) n° 245, septembre 1998
4916
* Hôpital Saint-Joseph (Paris)