Sexologie Les troubles sexuels dans la sclérose en plaques Sexual dysfunctions in multiple sclerosis ■ M.C. Scheiber-Nogueira* POINTS FORTS. ● Les troubles sexuels sont fréquents au cours de l’évolution de la SEP et touchent autant l’homme que la femme. ● La survenue des troubles sexuels est un facteur d’aggravation du handicap et constitue une perte en termes de qualité de vie. ● Différentes lésions sur les voies somato-sensitives à point de départ périnéal ou à destinée périnéale peuvent provoquer des dysfonctions sexuelles. ● Les troubles sexuels sont très fréquemment associés aux troubles urinaires et/ou ano-rectaux. ● Les troubles de l’érection sont le problème sexuel le plus fréquent chez l’homme. ● Des troubles de l’éjaculation ou des troubles sensitifs périnéaux peuvent aussi exister au cours de la SEP. ● Les traitements par voie orale sont souvent efficaces lors de dysérections, mais, pour certains patients, l’utilisation des injections intracaverneuses est encore nécessaire. ● Chez la femme, les troubles sexuels les plus fréquents sont la diminution de la libido, de l’orgasme, de la lubrification ou de la sensibilité génitale, et la dyspareunie. ● Très peu de traitements spécifiques existent dans les dysfonctions sexuelles féminines. Mots-clés : Troubles sexuels – SEP – Impuissance – Sexualité – Troubles urogénitaux. ABSTRACT. The majority of the patients with multiple sclerosis (MS) suffer from sexual dysfunctions at some stage of the disease. These problems have a very negative impact on the quality of life and family life. Nevertheless, they are very frequently neglected. Sexual dysfunction in MS probably results from the demyelination of central nervous pathways that subserve genital region and sexual function. In men, the most frequent problem is erectile dysfunction : its incidence has been estimated at 60%. Ejaculatory disorders are less common (40% of the patients). Diminished libido and sensory disorders in the genital region may also exist. Oral treatments are now available for male erectile failure (sildenafil, tadalafil, vardenafil, apomophine), but some patients are refractory to them, or intolerant, and intracavernosal injections of vasoactive drugs may be necessary (alprostadil). Incidence of sexual dysfunction in women suffering from MS is 40 to 60%. The most frequent complaints are diminished libido, decreased lubrication, sensory loss in the genital region, dyspareunia and orgasmic failure. Few pharmacological treatments and no specific therapies exist, but further treatment options are likely to become available. Keywords: Sexual disorders – Multiple sclerosis – Impotence – Sexuality – Urogenital dysfunction. a sclérose en plaques est la pathologie neurologique chronique la plus fréquente touchant l’adulte jeune dans les pays développés. Les troubles génito-sphinctériens sont rares au début de la maladie, mais deviennent très fréquents au cours de son évolution. Ils représentent un important facteur d’aggravation du handicap, de dégradation de l’autonomie et de la qualité de vie chez ces patients, compte tenu du L * Lyon. Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. V - avril/mai/juin 2005 retentissement majeur de ce problème sur leur vie émotionnelle et sociale (1, 2). La sexualité est une dimension très importante, voire essentielle, de la vie de tout être humain. Elle est primordiale lors d’une relation amoureuse. L’impact d’un diagnostic tel que celui de sclérose en plaques sur la qualité de vie quotidienne et l’avenir du patient est, à lui seul, susceptible d’interférer et peut expliquer certains troubles sexuels 21 d o s s i e r apparaissant précocement dans l’évolution de la maladie et pouvant ensuite disparaître. La survenue des problèmes sexuels est très souvent une source de conflits à l’intérieur du couple ainsi qu’une source de dépréciation de l’image de soi. Au début d’une relation amoureuse, l’art de la séduction est essentiel. Il est très difficile lorsque l’on a une mauvaise image de soi. Par ailleurs, la peur de la rupture est une source d’appréhension et d’angoisse qui ne fait qu’aggraver les symptômes sexuels. Ainsi, dès le début de la maladie, 45 % des patients diminuent d’une manière significative leur activité sexuelle ou y mettent un terme. Un des premiers rapports sur l’existence de troubles sexuels dans la sclérose en plaques a été établi par Ivers et Goldstein en 1963 (3). Depuis, de nombreuses études ont été publiées : les troubles sexuels concernent entre 32 et 70 % des patients (4). Les troubles génito-sexuels ont été longtemps négligés, surtout chez la femme. Le tabou ainsi que le caractère privé des problèmes sexuels inhibent fréquemment les patients ainsi que le personnel médical, et la demande de soins reste difficile à formuler. En effet, le médecin hésite souvent à soulever le problème par crainte de provoquer, chez des patients déjà fragilisés par un diagnostic difficile, présentant parfois déjà un handicap physique, une angoisse susceptible d’entraîner des problèmes sexuels d’origine purement psychologique. De la part du patient, il existe une difficulté à exprimer ses craintes au sujet de sa sexualité et de sa fécondité, par pudeur ou par peur de la réponse médicale. Il est important de se rappeler l’intérêt d’une connaissance préalable de la culture et du mode de vie des patients, et de ne pas négliger les différents vécus de la sexualité par rapport à l’origine socio-culturelle des patients. Les comportements d’hypersexualité ainsi que les paraphilies sont très rares au cours de la SEP, mais ils ont été décrits lors de certaines lésions focales au niveau cérébral (région septale et hypothalamique) (5, 6). NEURO-ANATOMIE ET NEUROPHYSIOLOGIE DES ORGANES GÉNITAUX L’activité sexuelle se déroule dans un climat hormonal contrôlé par une série de phénomènes à médiation neurogène et, a posteriori, vasculaire. Il est essentiel que cette cascade d’événements advienne dans un ordre harmonieux et précis, sous l’influence de facteurs psychologiques. 22 La musculature striée périnéale est innervée par les voies somatiques efférentes originaires des métamères S2, S3 et S4 via le nerf pudendal. L’innervation sensitive de la verge dépend du nerf dorsal de la verge, branche purement sensitive du nerf pudendal, dont l’homologue, chez la femme, est le nerf dorsal du clitoris. Leur fonction est de véhiculer des informations somato-sensitives générées au niveau de ces organes sexuels vers le système nerveux central, via un relais au niveau S2-S4. Cette volée afférente sensitive est responsable du maintien des réflexes sexuels. Le trajet médullaire passe par le faisceau spino-thalamique et par le cordon postérieur, mais certaines afférences donneront origine à un arc réflexe avec des motoneurones sacrés. La stimulation sensitive prolongée provenant du clitoris et des parois vaginales, tout autant que celle provenant de la verge, est essentielle pour le déclenchement de l’orgasme. Les autres sources d’innervation telles que la branche génitale du nerf génito-fémoral, les nerfs ilio-hypogastrique et ilio-inguinal ne sont mises à contribution ni dans le déclenchement, ni dans le maintien des réflexes sexuels, que ce soit chez la femme ou chez l’homme. L’innervation parasympathique a son origine dans les neurones des métamères S2-S3-S4. L’innervation sympathique arrive via le nerf hypogastrique aux métamères Th10-L2. L’innervation chez la femme, bien que moins étudiée, est considérée d’une manière générale comme similaire à celle de l’homme. Les mécanismes responsables du déclenchement ainsi que du maintien de l’érection sont complexes, à la fois psychogènes et réflexes. Différents centres, que ce soit au niveau médullaire ou central, doivent être mis en jeu, et l’activation de ces centres est faite différemment lors de la veille ou du sommeil. Ainsi, lors de la sclérose en plaques, différentes lésions de démyélinisation peuvent toucher différents centres du contrôle érectile et provoquer ainsi une dissociation entre la présence d’érections nocturnes ou au cours de la veille. Au niveau encéphalique, des relais thalamique, cortical pariétal et frontal sont en cause dans l’analyse de la perception des sensations à point de départ sexuel, mais la réponse motrice, en particulier la réponse érectile, est générée au niveau du noyau préoptique de l’hippocampe. Différents neurotransmetteurs sont impliqués dans ces voies, tels que l’acétylcholine, la noradrénaline ainsi que des voies NANC (tableau). Des lésions, qu’elles soient périphériques ou centrales, sur les voies somato-sensitives à point de Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. V - avril/mai/juin 2005 Sexologie départ périnéal provoquent des dysfonctions organiques mais ne modifient pas de manière générale le désir et la libido. Chez la femme, les lésions médullaires avec préservation des métamères lombosacrés ne modifient pas le réflexe de lubrification. TROUBLES SEXUELS CHEZ L’HOMME Les troubles sexuels chez l’homme atteint de sclérose en plaques consistent en des dysfonctions érectiles, des troubles de l’éjaculation ou en la difficulté ou la perte de l’orgasme. Les troubles de l’érection représentent le problème sexuel le plus fréquent chez l’homme atteint de sclérose en plaques. Ils peuvent toucher 40 à 60 % des patients (7). Cette symptomatologie peut s’installer progressivement, par épisodes, ou même brutalement lors d’une poussée, et elle peut aller d’une perte épisodique de la qualité et du maintien de l’érection jusqu’à l’existence d’une impuissance totale. Le plus souvent, il existe une perte totale ou partielle de la rigidité associée à une diminution de la durée érectile. Les troubles érectiles peuvent apparaître à différents moments de l’évolution de la maladie, mais sont peu fréquents au cours de la première poussée. Cependant, il existe souvent un très long délai entre l’apparition de la dysfonction érectile et la première consultation concernant les troubles sexuels. Le maintien des érections nocturnes et matinales chez un patient atteint de SEP et présentant d’importants troubles érectiles ne permettant pas des rapports complets ne doit pas induire un diagnostic d’impuissance d’origine psychogène. Les troubles de l’éjaculation (anéjaculation, éjaculation retardée, difficile à obtenir ou, au contraire, éjaculation prématurée) touchent environ 40 % des patients (4). L’association avec des Tableau. SN Somatique Sympathique Parasympathique Métamère Neurotransmetteur Efférent : Ach S2-S4 Afférent : S2-S4 Th10-L2 Ach Noradrénaline S2-S4 Ach, NANC Mécanisme d’action Contraction de la musculature striée périnéale Sensibilité tact-douleur périnéale Contraction de la musculature lisse Vasodilatation Relaxation de la musculature lisse Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. V - avril/mai/juin 2005 Fonction Contractions orgasmiques Entretien de l’érection Érection psychogène Éjaculation Érection réflexe troubles érectiles est fréquente : environ 52 % des patients qui présentent une dysfonction érectile ont des troubles de l’éjaculation. Cependant, lorsque les troubles érectiles existent, avec une importante perte de la durée de l’érection, le manque d’éjaculation est le plus souvent lié à une stimulation insuffisante. Chez des patients présentant des troubles urinaires traités par alphabloquant, une éjaculation rétrograde peut être présente. Les troubles de l’éjaculation sont très mal acceptés sur le plan psychologique par les patients et ils posent un réel problème de fertilité chez les couples jeunes désirant des enfants. La diminution de la libido, souvent signalée par les patients, est en général associée au problème de la fatigue. Une diminution de la sensibilité avec des troubles sensitifs à type de paresthésies au niveau des organes génitaux peut exister isolément ou être associée aux autres problèmes sexuels déjà décrits. Aucune corrélation n’a pu être mise en évidence entre les différents troubles sexuels et l’âge du patient, la durée de l’évolution de la sclérose en plaques et la sévérité du handicap. Cependant, les troubles sexuels sont très fréquemment associés à l’existence de troubles urinaires et/ou de troubles ano-rectaux. Les explorations neurophysiologiques n’ont qu’un intérêt limité au cadre de la recherche : leur spécificité et leur sensibilité pour déterminer l’origine neurogène des troubles sexuels du malade sont très faibles. Les potentiels évoqués somesthésiques à point de départ périnéal sont très fréquemment anormaux chez ces patients, en particulier chez ceux qui présentent une dysfonction érectile (8). Différentes thérapeutiques sont aujourd’hui proposées pour ces malades, et le traitement doit être adapté au type de dysfonction sexuelle que présente le patient. Le sildénafil (inhibiteur de la phosphodiestérase, dose de 50 à 100 mg per os) est actuellement le traitement de première intention proposé aux patients dont l’impuissance est d’origine neurogène, avec des résultats satisfaisants chez 78 à 90 % d’entre eux. Cependant, l’évolution de la maladie, avec l’aggravation de la symptomatologie, diminue les bénéfices thérapeutiques, et environ 20 % des patients doivent augmenter leur dose de sildénafil pour obtenir toujours le même effet en moyenne dans les 2 ans qui suivent le début du traitement (9). Les études confirment une amélioration de la qualité de vie chez les patients suivant un traitement pour leurs troubles sexuels (1). L’arrivée des nouvelles molécules telles que le 23 d o s s i e r RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Norvedt M, Riise T, Myhr K et al. Reduced quality of life among multiple sclerosis patients with sexual disturbance and bladder dysfunction. Mult Scler 2001;7:231-5. 2. Valleroy ML, Kraft GH. Sexual dysfunction in multiple sclerosis. Arch Phys Med Rehabil 1984;65:125-8. 3. Ivers RR, Goldstein NP. Multiple sclerosis : a current appraisal of symptoms and signs. Proceedings of the staff meetings of the Mayo Clinic 1963;38:457-66. 4. Szasz G, Paty D, Lawton-Speert S, Eisen K. A sexual functioning scale in multiple sclerosis. Acta Neurol Scand 1984;101(Suppl.):37-43. 5. Zorzon M, Zivadinov R, Bosco A et al. Sexual dysfunction in multiple sclerosis : a case-control study. I. Frequency and comparison of groups. Mult Scler 1999;5(6):418-27. 6. Frohmann EM, Frohmann TC, Moreault AM. Acquired sexual paraphilias in patients with multiple sclerosis. Arch Neurol 2002;59:1006-10. 7. Huws R, Shubsachs PW, Taylor PJ. Hypersexuality, fetishism and multiple sclerosis. Br J Psychiatry 1991; 158:280-1. 8. Betts C, D’Mellow M, Fowler C. Erectile dysfunction in multiple sclerosis : associated neurological and neurophysiological deficits, and treatment of the condition. Brain 1994; 117:1303-10. 24 vardénafil et le tadalafil pourra éventuellement améliorer l’efficacité de cette classe thérapeutique. Leur tolérance clinique et leur efficacité semblent identiques, mais leur délai et surtout leur durée d’action sont plus importants que ceux du sildénafil. L’apomorphine par voie sublinguale (agoniste dopaminergique D1-D2) semble moins efficace que les inhibiteurs de la phosphodiestérase ; cependant, aucune étude spécifique chez des patients présentant une sclérose en plaques n’est disponible. La yohimbine (agoniste alpha2) n’a jamais démontré son efficacité chez les patients. De nouvelles molécules telles qu’un inhibiteur de la rhokinase ou des antagonistes de neuropeptides Y sont actuellement à l’étude dans la population générale, mais aucune étude n’est en cours chez les patients neurologiques. Malgré la commercialisation de traitements par voie orale, nombreux sont les patients qui nécessitent un traitement par les injections intracaverneuses. Les injections intracaverneuses de papavérine, pourtant efficaces dans les scléroses en plaques, ont été abandonnées en raison des risques importants de priapisme et de fibrose des corps caverneux. Actuellement, seules les injections intracaverneuses de prostaglandine sont utilisées : les doses sont très variables, elles doivent être adaptées à chaque patient. Les complications, en particulier les priapismes, sont exceptionnelles. Il s’agit actuellement, en France, de l’unique traitement pris en charge intégralement par la Sécurité sociale. Malgré une acceptabilité assez bonne, obtenue au prix d’une information adéquate et adaptée au handicap moteur ou cérébelleux parfois existant, il faut noter qu’une proportion importante de patients abandonnent la technique à long terme. La prostaglandine par voie intra-urétrale (MUSE) est moins efficace que par voie intracaverneuse et peut provoquer une douleur locale (dosedépendante). De plus, son utilisation exige des rapports protégés. L’utilisation des pompes à vacuum, fréquente dans les pays anglo-saxons, reste limitée en France. Elles restent cependant un traitement non invasif possible, même chez les patients qui ne répondent pas aux traitements par voie orale ou intracaverneuse. TROUBLES SEXUELS CHEZ LA FEMME Depuis quelques années, une attention nouvelle a été portée aux dysfonctions sexuelles féminines. Il s’agit d’un problème très fréquent touchant entre 40 et 60 % des patientes, avec une répercussion importante sur les rapports du couple. Chez la femme, les troubles sexuels s’associent rapidement à des troubles émotionnels et psychologiques, avec une importante diminution de la qualité de vie (1, 10). Les problèmes les plus fréquemment retrouvés sont une diminution voire une perte de la libido et/ou de l’orgasme, une diminution de la lubrification vaginale, des troubles de la sensibilité vaginale ou de la région génitale (diminution de la sensibilité, paresthésies ou dysesthésies locales) et une dyspareunie. La réponse sexuelle féminine correspond à l’intégration de différentes fonctions d’origine vasculaire, neurologique, hormonale et psychogène. C’est un phénomène plus complexe que la simple augmentation de la circulation au niveau vaginal. Ainsi, différentes lésions neurologiques centrales (processus inflammatoire et/ou démyélinisant dans la SEP) peuvent donner lieu à diverses dysfonctions sexuelles féminines. Pour le moment, les investigations vasculaires et/ou neurophysiologiques périnéales chez la femme donnent des résultats peu satisfaisants et elles ont une faible corrélation avec la symptomatologie clinique (11). Les dysfonctions sexuelles féminines sont très souvent associées aux troubles urinaires et anorectaux : 40-60 % chez les patientes avec un EDSS ≤ 3, 89 % si EDSS ≥ 6. L’association des troubles urinaires, et, en particulier, d’une vessie hyperactive, peut être à l’origine de pertes urinaires lors des rapports sexuels, et c’est là un facteur fréquemment mis en avant pour justifier la diminution, voire l’abandon, de la pratique sexuelle. Cependant, les troubles sexuels peuvent être isolés et d’apparition rapide au cours d’une poussée (3). La fréquence des troubles sexuels est plus importante chez les patientes présentant une forme secondairement progressive et chez celles faisant une dépression. Il n’existe aucune corrélation entre une dysfonction sexuelle et la durée de la maladie, l’âge, la ménopause, le nombre de poussées évolutives au cours de la dernière année, le niveau du handicap, la perte de mobilité ou la fatigabilité. Une corrélation existe entre l’EDSS et une diminution de la lubrification. La fréquence des troubles sexuels est plus importante chez les patientes dont la SEP a débuté tardivement. Sujet difficile à aborder et rarement motif de consultation, les troubles sexuels sont pourtant très fréquents et source de problèmes pour la patiente elle-même et pour le couple. Rares Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. V - avril/mai/juin 2005 Sexologie 9. Ghezzi A, Malvestiti G, Baldini S et al. Erectile impotence in multiple sclerosis : a neurophysiological study. J Neurol 1995;242:123-6. 10. El-Galley R, Rutland H, Talic R et al. Long-term efficacy of sildenafil and tachyphylaxis effect. J Urol 2001;166: 927-31. 11. Hulter B, Lundber PO. Sexual function in women with advanced multiple sclerosis. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1995;59:83-6. 12. Das Gupta R, Fowler CJ. Sexual and urological dysfunctions in multiple sclerosis : better understanding and improvement therapies. Curr Opin Neurol 2002;15:271. sont celles qui osent aborder ce sujet spontanément, mais les études confirment l’importance et la fréquence de leur désir d’informations sur la sexualité et la procréation. Des propositions thérapeutiques spécifiques ne sont pas encore disponibles pour les troubles sexuels féminins (12). Pour les problèmes liés à la lubrification vaginale, les crèmes d’utilisation locale intravaginale doivent être conseillées. L’utilisation de vibromasseurs semble améliorer les troubles orgasmiques, surtout s’il existe une perte sensitive périnéale. Pour les paresthésies ou dysesthésies locales, un traitement par amitriptiline ou certains antiépileptiques à faible dose, ou un traitement par estrogène ou par des anesthésiques locaux doit être proposé. Les dys- N o u v e l l e s Incontinence anale : en parler pour lever le tabou Bien que rarement évoquée par les patients ou les médecins, l’incontinence anale, définie par l’émission involontaire de selles à un moment ou dans un lieu inadéquat, touche en France un million de personnes, dont 350 000 de façon sévère (perte de selles au moins hebdomadaire). Contrairement aux idées reçues, cette pathologie ne concerne pas seulement les personnes âgées. Les femmes jeunes sont ainsi particulièrement exposées, puisque plus d’un premier accouchement sur dix provoque une incontinence anale, au moins transitoire. Très invalidante et suscitant honte et dégoût de soi, cette pathologie a un fort retentissement sur la vie relationnelle des patients, sur les plans affectif, social ou professionnel. Elle peut ainsi aboutir très rapidement à un isolement complet et à des situations de grande détresse morale. L’incontinence représente aussi un handicap financier pour les patients, qui dépensent en moyenne plus de 150 € par mois pour leurs protections, un budget qui n’est consacré qu’à pallier les conséquences de leur incontinence et ne sert pas à traiter la pathologie elle-même. La difficulté qu’éprouve le patient à parler de ces troubles vécus comme honteux, relayée par le manque d’empressement de la communauté d e pareunies peuvent avoir différentes origines : dysesthésies ou paresthésies vulvaires ou vaginales, diminution de la lubrification vaginale, douleur spastique des organes voisins aggravée lors des rapports (hyperactivité vésicale, fécalome). Le plus souvent, l’origine est multifactorielle. Une association de testostérone et d’estrogène peut être utilisée pour la sécheresse vaginale associée à une perte de la libido. Des études sont en cours sur l’utilisation des inhibiteurs de la phosphodiestérase, utilisés pour les dysfonctions érectiles, dans les dysfonctions sexuelles féminines. ■ l ’ i n d u s t r i e médicale, fait de cette maladie un véritable tabou. Deux enquêtes épidémiologiques illustrent ce phénomène : la première, réalisée en médecine générale, montre que moins de 4 % des personnes touchées ont consulté pour ce motif dans les 12 derniers mois (1), la seconde, menée en Rhône-Alpes auprès de gastro-entérologues et de gynécologues, révèle quant à elle que 85 % des médecins méconnaissent les troubles de leurs patients (2). Pourtant, des thérapies existent, adaptées aux différentes formes de la pathologie. Elles sont plus ou moins invasives, allant de la réponse médicamenteuse ou rééducative à l’intervention chirurgicale. Pour le traitement d’une forme particulière de l’incontinence anale, dite “avec impériosité”, la thérapie InterStim®, ou neuromodulation des racines sacrées, développée par Medtronic, a ouvert en 1998 une nouvelle voie thérapeutique. Elle s’adresse aux patients qui, malgré la sensation de besoin et un sphincter efficace, n’ont pas le temps d’atteindre les toilettes, et dont l’incontinence est rebelle depuis au moins trois mois à toute autre thérapeutique médicale ou rééducative. Ces malades en impasse thérapeutique n’avaient jusqu’alors plus d’autre recours qu’une chirurgie lourde, destructrice et irréversible, ou l’utilisation de protections à vie. Le principe du traitement par InterStim® repose sur l’implantation d’un stimulateur à proximité des racines sacrées qui innervent la sphère périnéo-anorectale. Ce “pacemaker de l’incontinence” délivre en continu des impulsions élec- Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. V - avril/mai/juin 2005 © La Lettre du Neurologue 2003;VII(8):265-8. triques indolores de façon à restaurer le contrôle de l’activité ano-rectale ; 8 patients sur 10 voient ainsi leur état s’améliorer significativement. Le dispositif est implanté après un test de stimulation externe de une à trois semaines destiné à sélectionner les patients répondeurs (amélioration symptomatique de plus de 50 %). Peu invasive et totalement réversible, cette thérapie peut être arrêtée sans inconvénient, pour mener à bien une grossesse ou subir une chirurgie, par exemple. Il existe ainsi de nombreuses solutions à l’incontinence anale. Cependant, pour que les patients puissent être pris en charge, encore faut-il que leur trouble soit diagnostiqué. Or, le tabou qui pèse aujourd’hui sur ce handicap les maintient dans le silence. Il est donc primordial que les patients consultent, parlent sans détour de leur incontinence et reçoivent, de la part de leur médecin, les informations concernant les différentes options thérapeutiques adaptées à leur pathologie, l’objectif étant de les aider à retrouver une bonne qualité de vie. L’AAPI, Association d’aide aux personnes incontinentes (site Internet : www.aapi.asso.fr), œuvre depuis 1989 pour briser le tabou de l’incontinence. Son message tient en quelques mots : “Consultez, parlez-en : il y a toujours quelque chose à faire !” ML 1. Denis P et al. Étude de la prévalence de l’incontinence anale chez l’adulte. Gastroenterol Clin Biol 1992;16:344-50. 2. Observatoire rhônalpin de l’incontinence anale. 25