Les troubles sexuels dans la sclérose en plaques Sexual dysfunctions in multiple sclerosis

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Sexologie
Les troubles sexuels
dans la sclérose en plaques
Sexual dysfunctions
in multiple sclerosis
■ M.C. Scheiber-Nogueira*
POINTS FORTS.
● Les troubles sexuels sont fréquents au cours de l’évolution de la SEP et touchent autant l’homme
que la femme.
● La survenue des troubles sexuels est un facteur d’aggravation du handicap et constitue une perte
en termes de qualité de vie.
● Différentes lésions sur les voies somato-sensitives à point de départ périnéal ou à destinée périnéale peuvent provoquer des dysfonctions sexuelles.
● Les troubles sexuels sont très fréquemment associés aux troubles urinaires et/ou ano-rectaux.
● Les troubles de l’érection sont le problème sexuel le plus fréquent chez l’homme.
● Des troubles de l’éjaculation ou des troubles sensitifs périnéaux peuvent aussi exister au cours
de la SEP.
● Les traitements par voie orale sont souvent efficaces lors de dysérections, mais, pour certains
patients, l’utilisation des injections intracaverneuses est encore nécessaire.
● Chez la femme, les troubles sexuels les plus fréquents sont la diminution de la libido, de l’orgasme, de la lubrification ou de la sensibilité génitale, et la dyspareunie.
● Très peu de traitements spécifiques existent dans les dysfonctions sexuelles féminines.
Mots-clés : Troubles sexuels – SEP – Impuissance – Sexualité – Troubles urogénitaux.
ABSTRACT. The majority of the patients with multiple sclerosis (MS) suffer from sexual dysfunctions at some stage of the disease. These problems have a very negative impact on the quality of
life and family life. Nevertheless, they are very frequently neglected. Sexual dysfunction in MS probably results from the demyelination of central nervous pathways that subserve genital region and
sexual function. In men, the most frequent problem is erectile dysfunction : its incidence has been
estimated at 60%. Ejaculatory disorders are less common (40% of the patients). Diminished libido
and sensory disorders in the genital region may also exist. Oral treatments are now available for
male erectile failure (sildenafil, tadalafil, vardenafil, apomophine), but some patients are refractory
to them, or intolerant, and intracavernosal injections of vasoactive drugs may be necessary
(alprostadil). Incidence of sexual dysfunction in women suffering from MS is 40 to 60%. The most
frequent complaints are diminished libido, decreased lubrication, sensory loss in the genital
region, dyspareunia and orgasmic failure. Few pharmacological treatments and no specific therapies exist, but further treatment options are likely to become available.
Keywords: Sexual disorders – Multiple sclerosis – Impotence – Sexuality – Urogenital dysfunction.
a sclérose en plaques est la pathologie
neurologique chronique la plus fréquente
touchant l’adulte jeune dans les pays développés. Les troubles génito-sphinctériens sont rares
au début de la maladie, mais deviennent très fréquents au cours de son évolution. Ils représentent un important facteur d’aggravation du handicap, de dégradation de l’autonomie et de la
qualité de vie chez ces patients, compte tenu du
L
* Lyon.
Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. V - avril/mai/juin 2005
retentissement majeur de ce problème sur leur
vie émotionnelle et sociale (1, 2).
La sexualité est une dimension très importante,
voire essentielle, de la vie de tout être humain. Elle
est primordiale lors d’une relation amoureuse.
L’impact d’un diagnostic tel que celui de sclérose
en plaques sur la qualité de vie quotidienne et
l’avenir du patient est, à lui seul, susceptible d’interférer et peut expliquer certains troubles sexuels
21
d o s s i e r
apparaissant précocement dans l’évolution de la
maladie et pouvant ensuite disparaître. La survenue des problèmes sexuels est très souvent une
source de conflits à l’intérieur du couple ainsi
qu’une source de dépréciation de l’image de soi.
Au début d’une relation amoureuse, l’art de la
séduction est essentiel. Il est très difficile lorsque
l’on a une mauvaise image de soi. Par ailleurs, la
peur de la rupture est une source d’appréhension
et d’angoisse qui ne fait qu’aggraver les symptômes sexuels. Ainsi, dès le début de la maladie,
45 % des patients diminuent d’une manière significative leur activité sexuelle ou y mettent un terme.
Un des premiers rapports sur l’existence de
troubles sexuels dans la sclérose en plaques a
été établi par Ivers et Goldstein en 1963 (3).
Depuis, de nombreuses études ont été publiées :
les troubles sexuels concernent entre 32 et 70 %
des patients (4).
Les troubles génito-sexuels ont été longtemps
négligés, surtout chez la femme. Le tabou ainsi
que le caractère privé des problèmes sexuels
inhibent fréquemment les patients ainsi que le
personnel médical, et la demande de soins reste
difficile à formuler. En effet, le médecin hésite
souvent à soulever le problème par crainte de
provoquer, chez des patients déjà fragilisés par
un diagnostic difficile, présentant parfois déjà un
handicap physique, une angoisse susceptible
d’entraîner des problèmes sexuels d’origine
purement psychologique. De la part du patient,
il existe une difficulté à exprimer ses craintes au
sujet de sa sexualité et de sa fécondité, par
pudeur ou par peur de la réponse médicale.
Il est important de se rappeler l’intérêt d’une
connaissance préalable de la culture et du mode
de vie des patients, et de ne pas négliger les différents vécus de la sexualité par rapport à l’origine socio-culturelle des patients.
Les comportements d’hypersexualité ainsi que
les paraphilies sont très rares au cours de la SEP,
mais ils ont été décrits lors de certaines lésions
focales au niveau cérébral (région septale et
hypothalamique) (5, 6).
NEURO-ANATOMIE ET NEUROPHYSIOLOGIE
DES ORGANES GÉNITAUX
L’activité sexuelle se déroule dans un climat hormonal contrôlé par une série de phénomènes à
médiation neurogène et, a posteriori, vasculaire.
Il est essentiel que cette cascade d’événements
advienne dans un ordre harmonieux et précis,
sous l’influence de facteurs psychologiques.
22
La musculature striée périnéale est innervée par
les voies somatiques efférentes originaires des
métamères S2, S3 et S4 via le nerf pudendal. L’innervation sensitive de la verge dépend du nerf dorsal de la verge, branche purement sensitive du nerf
pudendal, dont l’homologue, chez la femme, est
le nerf dorsal du clitoris. Leur fonction est de véhiculer des informations somato-sensitives générées au niveau de ces organes sexuels vers le système nerveux central, via un relais au niveau
S2-S4. Cette volée afférente sensitive est responsable du maintien des réflexes sexuels. Le trajet
médullaire passe par le faisceau spino-thalamique
et par le cordon postérieur, mais certaines afférences donneront origine à un arc réflexe avec des
motoneurones sacrés. La stimulation sensitive
prolongée provenant du clitoris et des parois vaginales, tout autant que celle provenant de la verge,
est essentielle pour le déclenchement de l’orgasme. Les autres sources d’innervation telles que
la branche génitale du nerf génito-fémoral, les
nerfs ilio-hypogastrique et ilio-inguinal ne sont
mises à contribution ni dans le déclenchement, ni
dans le maintien des réflexes sexuels, que ce soit
chez la femme ou chez l’homme.
L’innervation parasympathique a son origine
dans les neurones des métamères S2-S3-S4. L’innervation sympathique arrive via le nerf hypogastrique aux métamères Th10-L2. L’innervation
chez la femme, bien que moins étudiée, est
considérée d’une manière générale comme similaire à celle de l’homme.
Les mécanismes responsables du déclenchement
ainsi que du maintien de l’érection sont complexes, à la fois psychogènes et réflexes. Différents
centres, que ce soit au niveau médullaire ou central, doivent être mis en jeu, et l’activation de ces
centres est faite différemment lors de la veille ou
du sommeil. Ainsi, lors de la sclérose en plaques,
différentes lésions de démyélinisation peuvent
toucher différents centres du contrôle érectile et
provoquer ainsi une dissociation entre la présence
d’érections nocturnes ou au cours de la veille.
Au niveau encéphalique, des relais thalamique,
cortical pariétal et frontal sont en cause dans
l’analyse de la perception des sensations à point
de départ sexuel, mais la réponse motrice, en
particulier la réponse érectile, est générée au
niveau du noyau préoptique de l’hippocampe.
Différents neurotransmetteurs sont impliqués
dans ces voies, tels que l’acétylcholine, la noradrénaline ainsi que des voies NANC (tableau).
Des lésions, qu’elles soient périphériques ou centrales, sur les voies somato-sensitives à point de
Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. V - avril/mai/juin 2005
Sexologie
départ périnéal provoquent des dysfonctions organiques mais ne modifient pas de manière générale
le désir et la libido. Chez la femme, les lésions médullaires avec préservation des métamères lombosacrés ne modifient pas le réflexe de lubrification.
TROUBLES SEXUELS CHEZ L’HOMME
Les troubles sexuels chez l’homme atteint de
sclérose en plaques consistent en des dysfonctions érectiles, des troubles de l’éjaculation ou
en la difficulté ou la perte de l’orgasme.
Les troubles de l’érection représentent le problème sexuel le plus fréquent chez l’homme
atteint de sclérose en plaques. Ils peuvent toucher
40 à 60 % des patients (7). Cette symptomatologie peut s’installer progressivement, par épisodes,
ou même brutalement lors d’une poussée, et elle
peut aller d’une perte épisodique de la qualité et
du maintien de l’érection jusqu’à l’existence d’une
impuissance totale. Le plus souvent, il existe une
perte totale ou partielle de la rigidité associée à
une diminution de la durée érectile. Les troubles
érectiles peuvent apparaître à différents moments
de l’évolution de la maladie, mais sont peu fréquents au cours de la première poussée. Cependant, il existe souvent un très long délai entre l’apparition de la dysfonction érectile et la première
consultation concernant les troubles sexuels. Le
maintien des érections nocturnes et matinales
chez un patient atteint de SEP et présentant d’importants troubles érectiles ne permettant pas des
rapports complets ne doit pas induire un diagnostic d’impuissance d’origine psychogène.
Les troubles de l’éjaculation (anéjaculation, éjaculation retardée, difficile à obtenir ou, au
contraire, éjaculation prématurée) touchent environ 40 % des patients (4). L’association avec des
Tableau.
SN
Somatique
Sympathique
Parasympathique
Métamère Neurotransmetteur
Efférent :
Ach
S2-S4
Afférent :
S2-S4
Th10-L2
Ach
Noradrénaline
S2-S4
Ach, NANC
Mécanisme d’action
Contraction
de la musculature
striée périnéale
Sensibilité tact-douleur
périnéale
Contraction
de la musculature lisse
Vasodilatation
Relaxation de
la musculature lisse
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Fonction
Contractions
orgasmiques
Entretien
de l’érection
Érection
psychogène
Éjaculation
Érection réflexe
troubles érectiles est fréquente : environ 52 %
des patients qui présentent une dysfonction érectile ont des troubles de l’éjaculation. Cependant,
lorsque les troubles érectiles existent, avec une
importante perte de la durée de l’érection, le
manque d’éjaculation est le plus souvent lié à une
stimulation insuffisante. Chez des patients présentant des troubles urinaires traités par alphabloquant, une éjaculation rétrograde peut être
présente. Les troubles de l’éjaculation sont très
mal acceptés sur le plan psychologique par les
patients et ils posent un réel problème de fertilité chez les couples jeunes désirant des enfants.
La diminution de la libido, souvent signalée par
les patients, est en général associée au problème
de la fatigue. Une diminution de la sensibilité
avec des troubles sensitifs à type de paresthésies au niveau des organes génitaux peut exister isolément ou être associée aux autres problèmes sexuels déjà décrits.
Aucune corrélation n’a pu être mise en évidence
entre les différents troubles sexuels et l’âge du
patient, la durée de l’évolution de la sclérose en
plaques et la sévérité du handicap. Cependant,
les troubles sexuels sont très fréquemment associés à l’existence de troubles urinaires et/ou de
troubles ano-rectaux.
Les explorations neurophysiologiques n’ont
qu’un intérêt limité au cadre de la recherche :
leur spécificité et leur sensibilité pour déterminer l’origine neurogène des troubles sexuels du
malade sont très faibles. Les potentiels évoqués
somesthésiques à point de départ périnéal sont
très fréquemment anormaux chez ces patients,
en particulier chez ceux qui présentent une dysfonction érectile (8).
Différentes thérapeutiques sont aujourd’hui proposées pour ces malades, et le traitement doit être
adapté au type de dysfonction sexuelle que présente le patient. Le sildénafil (inhibiteur de la phosphodiestérase, dose de 50 à 100 mg per os) est
actuellement le traitement de première intention
proposé aux patients dont l’impuissance est d’origine neurogène, avec des résultats satisfaisants
chez 78 à 90 % d’entre eux. Cependant, l’évolution
de la maladie, avec l’aggravation de la symptomatologie, diminue les bénéfices thérapeutiques, et
environ 20 % des patients doivent augmenter leur
dose de sildénafil pour obtenir toujours le même
effet en moyenne dans les 2 ans qui suivent le début
du traitement (9). Les études confirment une amélioration de la qualité de vie chez les patients suivant un traitement pour leurs troubles sexuels (1).
L’arrivée des nouvelles molécules telles que le
23
d o s s i e r
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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24
vardénafil et le tadalafil pourra éventuellement
améliorer l’efficacité de cette classe thérapeutique. Leur tolérance clinique et leur efficacité
semblent identiques, mais leur délai et surtout
leur durée d’action sont plus importants que
ceux du sildénafil.
L’apomorphine par voie sublinguale (agoniste
dopaminergique D1-D2) semble moins efficace
que les inhibiteurs de la phosphodiestérase ;
cependant, aucune étude spécifique chez des
patients présentant une sclérose en plaques
n’est disponible. La yohimbine (agoniste alpha2) n’a jamais démontré son efficacité chez les
patients. De nouvelles molécules telles qu’un
inhibiteur de la rhokinase ou des antagonistes
de neuropeptides Y sont actuellement à l’étude
dans la population générale, mais aucune étude
n’est en cours chez les patients neurologiques.
Malgré la commercialisation de traitements par voie
orale, nombreux sont les patients qui nécessitent
un traitement par les injections intracaverneuses.
Les injections intracaverneuses de papavérine,
pourtant efficaces dans les scléroses en plaques,
ont été abandonnées en raison des risques importants de priapisme et de fibrose des corps caverneux. Actuellement, seules les injections intracaverneuses de prostaglandine sont utilisées : les
doses sont très variables, elles doivent être adaptées à chaque patient. Les complications, en particulier les priapismes, sont exceptionnelles. Il s’agit
actuellement, en France, de l’unique traitement pris
en charge intégralement par la Sécurité sociale.
Malgré une acceptabilité assez bonne, obtenue au
prix d’une information adéquate et adaptée au handicap moteur ou cérébelleux parfois existant, il faut
noter qu’une proportion importante de patients
abandonnent la technique à long terme.
La prostaglandine par voie intra-urétrale (MUSE)
est moins efficace que par voie intracaverneuse
et peut provoquer une douleur locale (dosedépendante). De plus, son utilisation exige des
rapports protégés. L’utilisation des pompes à
vacuum, fréquente dans les pays anglo-saxons,
reste limitée en France. Elles restent cependant
un traitement non invasif possible, même chez
les patients qui ne répondent pas aux traitements par voie orale ou intracaverneuse.
TROUBLES SEXUELS CHEZ LA FEMME
Depuis quelques années, une attention nouvelle
a été portée aux dysfonctions sexuelles féminines. Il s’agit d’un problème très fréquent touchant entre 40 et 60 % des patientes, avec une
répercussion importante sur les rapports du
couple. Chez la femme, les troubles sexuels s’associent rapidement à des troubles émotionnels
et psychologiques, avec une importante diminution de la qualité de vie (1, 10).
Les problèmes les plus fréquemment retrouvés
sont une diminution voire une perte de la libido
et/ou de l’orgasme, une diminution de la lubrification vaginale, des troubles de la sensibilité
vaginale ou de la région génitale (diminution de
la sensibilité, paresthésies ou dysesthésies
locales) et une dyspareunie.
La réponse sexuelle féminine correspond à l’intégration de différentes fonctions d’origine vasculaire, neurologique, hormonale et psychogène.
C’est un phénomène plus complexe que la simple
augmentation de la circulation au niveau vaginal. Ainsi, différentes lésions neurologiques centrales (processus inflammatoire et/ou démyélinisant dans la SEP) peuvent donner lieu à
diverses dysfonctions sexuelles féminines. Pour
le moment, les investigations vasculaires et/ou
neurophysiologiques périnéales chez la femme
donnent des résultats peu satisfaisants et elles
ont une faible corrélation avec la symptomatologie clinique (11).
Les dysfonctions sexuelles féminines sont très
souvent associées aux troubles urinaires et anorectaux : 40-60 % chez les patientes avec un
EDSS ≤ 3, 89 % si EDSS ≥ 6.
L’association des troubles urinaires, et, en particulier, d’une vessie hyperactive, peut être à
l’origine de pertes urinaires lors des rapports
sexuels, et c’est là un facteur fréquemment mis
en avant pour justifier la diminution, voire l’abandon, de la pratique sexuelle. Cependant, les
troubles sexuels peuvent être isolés et d’apparition rapide au cours d’une poussée (3). La fréquence des troubles sexuels est plus importante
chez les patientes présentant une forme secondairement progressive et chez celles faisant une
dépression. Il n’existe aucune corrélation entre
une dysfonction sexuelle et la durée de la maladie, l’âge, la ménopause, le nombre de poussées
évolutives au cours de la dernière année, le
niveau du handicap, la perte de mobilité ou la
fatigabilité. Une corrélation existe entre l’EDSS
et une diminution de la lubrification. La fréquence des troubles sexuels est plus importante
chez les patientes dont la SEP a débuté tardivement. Sujet difficile à aborder et rarement motif
de consultation, les troubles sexuels sont pourtant très fréquents et source de problèmes pour
la patiente elle-même et pour le couple. Rares
Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. V - avril/mai/juin 2005
Sexologie
9. Ghezzi A, Malvestiti G, Baldini S et
al. Erectile impotence in multiple sclerosis : a neurophysiological study.
J Neurol 1995;242:123-6.
10. El-Galley R, Rutland H, Talic R et
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tachyphylaxis effect. J Urol 2001;166:
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11.
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function in women with advanced
multiple sclerosis. J Neurol Neurosurg
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12. Das Gupta R, Fowler CJ. Sexual
and urological dysfunctions in multiple sclerosis : better understanding
and improvement therapies. Curr
Opin Neurol 2002;15:271.
sont celles qui osent aborder ce sujet spontanément, mais les études confirment l’importance
et la fréquence de leur désir d’informations sur
la sexualité et la procréation.
Des propositions thérapeutiques spécifiques ne
sont pas encore disponibles pour les troubles
sexuels féminins (12). Pour les problèmes liés à
la lubrification vaginale, les crèmes d’utilisation
locale intravaginale doivent être conseillées.
L’utilisation de vibromasseurs semble améliorer
les troubles orgasmiques, surtout s’il existe une
perte sensitive périnéale. Pour les paresthésies
ou dysesthésies locales, un traitement par amitriptiline ou certains antiépileptiques à faible
dose, ou un traitement par estrogène ou par des
anesthésiques locaux doit être proposé. Les dys-
N o u v e l l e s
Incontinence
anale : en parler
pour lever
le tabou
Bien que rarement évoquée par les
patients ou les médecins, l’incontinence anale, définie par l’émission
involontaire de selles à un moment
ou dans un lieu inadéquat, touche en France un
million de personnes, dont 350 000 de façon
sévère (perte de selles au moins hebdomadaire).
Contrairement aux idées reçues, cette pathologie ne concerne pas seulement les personnes
âgées. Les femmes jeunes sont ainsi particulièrement exposées, puisque plus d’un premier
accouchement sur dix provoque une incontinence anale, au moins transitoire.
Très invalidante et suscitant honte et dégoût de
soi, cette pathologie a un fort retentissement sur
la vie relationnelle des patients, sur les plans
affectif, social ou professionnel. Elle peut ainsi
aboutir très rapidement à un isolement complet
et à des situations de grande détresse morale.
L’incontinence représente aussi un handicap
financier pour les patients, qui dépensent en
moyenne plus de 150 € par mois pour leurs protections, un budget qui n’est consacré qu’à pallier les conséquences de leur incontinence et ne
sert pas à traiter la pathologie elle-même.
La difficulté qu’éprouve le patient à parler de ces
troubles vécus comme honteux, relayée par le
manque d’empressement de la communauté
d e
pareunies peuvent avoir différentes origines :
dysesthésies ou paresthésies vulvaires ou vaginales, diminution de la lubrification vaginale,
douleur spastique des organes voisins aggravée
lors des rapports (hyperactivité vésicale, fécalome). Le plus souvent, l’origine est multifactorielle. Une association de testostérone et d’estrogène peut être utilisée pour la sécheresse
vaginale associée à une perte de la libido. Des
études sont en cours sur l’utilisation des inhibiteurs de la phosphodiestérase, utilisés pour les
dysfonctions érectiles, dans les dysfonctions
sexuelles féminines.
■
l ’ i n d u s t r i e
médicale, fait de cette maladie un véritable
tabou. Deux enquêtes épidémiologiques illustrent ce phénomène : la première, réalisée en
médecine générale, montre que moins de 4 %
des personnes touchées ont consulté pour ce
motif dans les 12 derniers mois (1), la seconde,
menée en Rhône-Alpes auprès de gastro-entérologues et de gynécologues, révèle quant à elle
que 85 % des médecins méconnaissent les
troubles de leurs patients (2).
Pourtant, des thérapies existent, adaptées aux
différentes formes de la pathologie. Elles sont
plus ou moins invasives, allant de la réponse
médicamenteuse ou rééducative à l’intervention
chirurgicale.
Pour le traitement d’une forme particulière de
l’incontinence anale, dite “avec impériosité”, la
thérapie InterStim®, ou neuromodulation des
racines sacrées, développée par Medtronic, a
ouvert en 1998 une nouvelle voie thérapeutique.
Elle s’adresse aux patients qui, malgré la sensation de besoin et un sphincter efficace, n’ont pas
le temps d’atteindre les toilettes, et dont l’incontinence est rebelle depuis au moins trois mois
à toute autre thérapeutique médicale ou rééducative. Ces malades en impasse thérapeutique
n’avaient jusqu’alors plus d’autre recours qu’une
chirurgie lourde, destructrice et irréversible, ou
l’utilisation de protections à vie.
Le principe du traitement par InterStim® repose
sur l’implantation d’un stimulateur à proximité
des racines sacrées qui innervent la sphère périnéo-anorectale. Ce “pacemaker de l’incontinence” délivre en continu des impulsions élec-
Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. V - avril/mai/juin 2005
© La Lettre du Neurologue 2003;VII(8):265-8.
triques indolores de façon à restaurer le contrôle
de l’activité ano-rectale ; 8 patients sur 10 voient
ainsi leur état s’améliorer significativement.
Le dispositif est implanté après un test de stimulation externe de une à trois semaines destiné à sélectionner les patients répondeurs (amélioration symptomatique de plus de 50 %). Peu
invasive et totalement réversible, cette thérapie
peut être arrêtée sans inconvénient, pour mener
à bien une grossesse ou subir une chirurgie, par
exemple.
Il existe ainsi de nombreuses solutions à l’incontinence anale. Cependant, pour que les
patients puissent être pris en charge, encore
faut-il que leur trouble soit diagnostiqué. Or, le
tabou qui pèse aujourd’hui sur ce handicap les
maintient dans le silence. Il est donc primordial
que les patients consultent, parlent sans détour
de leur incontinence et reçoivent, de la part de
leur médecin, les informations concernant les différentes options thérapeutiques adaptées à leur
pathologie, l’objectif étant de les aider à retrouver une bonne qualité de vie.
L’AAPI, Association d’aide aux personnes incontinentes (site Internet : www.aapi.asso.fr), œuvre
depuis 1989 pour briser le tabou de l’incontinence. Son message tient en quelques mots :
“Consultez, parlez-en : il y a toujours quelque
chose à faire !”
ML
1. Denis P et al. Étude de la prévalence de l’incontinence anale chez l’adulte. Gastroenterol Clin Biol
1992;16:344-50.
2. Observatoire rhônalpin de l’incontinence anale.
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