CONGRÈS
La Lettre du Neurologue - n° 1 - vol. IV - février 2000
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rones par une toxine spécifique, la tétrodotoxine (TTX). Ces don-
nées suggèrent l’implication de facteurs neuronaux, dépendant en
partie de leur activité électrique et dont certains pourraient être les
neurotrophines, dans la genèse de lésions inflammatoires et/ou
dysimmunitaires du système nerveux central. Elles permettent,
confrontées à d’autres données, d’envisager la complexité des
conséquences du bloc de conduction survenant sur un axone
démyélinisé : ce silence électrique pourrait ainsi à la fois être
“pro-inflammatoire”, inhibiteur de la remyélinisation mais aussi
neuroprotecteur (Samtami et coll., Royaume-Uni).
Les mécanismes immunologiques à l’origine de l’apparition et/ou
de la progression des lésions ont par ailleurs été abordés par
Lassman (Autriche) : à partir de l’examen de 83 pièces anatomo-
pathologiques, issues soit de cerveaux postmortem soit de matériel
biopsique (396 lésions au total), l’auteur a identifié quatre sous-
types anatomopathologiques de lésions, évoquant chacun un
mécanisme différent à l’origine de la démyélinisation. Le type I est
caractérisé par l’existence d’une infiltration lymphocytaire T et
microgliale rappelant les lésions observées dans le modèle clas-
sique de l’encéphalite allergique expérimentale. Au sein de ces
lésions, il existe une épargne relative des oligodendrocytes et une
remyélinisation spontanée efficace. Dans le type II, l’infiltration
lymphocytaire T et microgliale coexiste avec un dépôt d’anticorps
et de complément évoquant une destruction myélinique médiée
par les anticorps et le complément (type ADCC). Il existe au sein
de ce type de lésions, une remyélinisation significative bien que la
survie des oligodendrocytes soit moins importante que dans le
type I. Ces lésions ont une distribution périveinulaire préférentiel-
le et rappellent celles observées dans le modèle de l’encéphalite
allergique expérimentale induite par le peptide MOG.
Alors que ces deux types de lésions évoquent principalement un
mécanisme auto-immun, les deux autres sous-types se caracté-
risent par une atteinte primitivement oligodendrocytaire de type
dystrophique. Dans le type III, cette dystrophie est caractérisée
par une modification de l’expression de certaines protéines oli-
godendrocytaires (diminution de la MAG et augmentation de la
MOG), évoquant un mécanisme de démyélinisation décrit sous
le terme “dying back”, où l’atteinte survient initialement à la
jonction myéline-axone. Une infiltration microgliale abondante
coexiste dans ces lésions. Dans le type IV, prédomine l’atteinte
oligodendrocytaire. Ces deux derniers types de lésions évo-
quent, quant à eux, plutôt un mécanisme de démyélinisation
viro-induit, comme c’est le cas dans le modèle de l’encéphalite
liée au virus de Theiler. La remyélinisation spontanée dans ces
cas est inopérante. Chacun de ces types de lésions est retrouvé
de façon prédominante dans des formes évolutives différentes
de la maladie : le type II, de loin le plus fréquent, est retrouvé
dans les formes rémittentes pures ou secondairement progres-
sives, et, chez un patient donné, il ne coexiste généralement pas
avec les autres types de lésions. Le type IV se rencontre princi-
palement chez les patients présentant une forme primitivement
progressive de SEP et chez ceux présentant une forme aiguë
monophasique de type sclérose concentrique de Balo.
Réparation et remyélinisation
L’une des perspectives thérapeutiques actuellement en dévelop-
pement dans la sclérose en plaques consiste à favoriser la répa-
ration des lésions : deux grands types d’approche sont envisagés
dans cette optique : la transplantation de cellules myélinisantes,
et la stimulation des capacités endogènes de remyélinisation.
Duncan et coll. (États-Unis) ont présenté les résultats d’une
étude de greffes de cellules myélinisantes obtenues à partir de
cellules souches embryonnaires : de telles cellules peuvent être
induites in vitro vers le lignage oligodendrocytaire après traite-
ment par le FGF et le PDGF. Une fois greffées dans la moelle
épinière de rats dysmyéliniques, ces cellules peuvent se trans-
former en oligodendrocytes myélinisants et en astrocytes. La
myéline ainsi formée est fonctionnelle et persiste à long terme
au sein de l’organisme receveur. Transplantées par voie intracé-
rébro-ventriculaire chez l’embryon, elles possèdent de grandes
capacités migratoires et peuvent aboutir à une myélinisation
significative dans des régions aussi variées que le corps calleux,
le nerf optique, le cervelet et l’hippocampe. Ben-Hur et coll.
(Israël) ont analysé les capacités migratoires de cellules gliales
immatures greffées par voie intraventriculaire chez le rat adul-
te : lorsque le rat est indemne de toute affection, ces cellules ne
traversent pas les parois ventriculaires et restent au sein du liqui-
de céphalorachidien. En revanche chez le rat présentant une
encéphalite allergique expérimentale, ces cellules peuvent
migrer au sein de la substance blanche, et la greffe permet alors
d’obtenir une amélioration clinique de l’EAE.
L’existence de capacité de remyélinisation spontanée au sein
des lésions de SEP permet d’envisager des stratégies théra-
peutiques visant à stimuler cette réparation endogène.
Plusieurs auteurs ont rapporté l’existence de progéniteurs
oligodendrocytaires au sein du cerveau adulte normal et
pathologique (Dawson et coll. ; Reynolds et coll., Grande-
Bretagne). Ces progéniteurs d’oligodendrocytes persistent au
sein des lésions chroniques de SEP mais semblent demeurer
quiescents et ne pas être à l’origine d’une remyélinisation.
De même, les oligodendrocytes différenciés, initialement
épargnés par le processus pathologique, ne participent vrai-
semblablement pas au processus de remyélinisation, et dis-
paraissent secondairement, au fur et à mesure de la progres-
sion vers la chronicité (Wolsjwick, Hollande). Il existe donc
bien, au sein des lésions, des oligodendrocytes immatures
candidats à la remyélinisation, mais il reste à mieux com-
prendre comment stimuler leurs capacités de prolifération,
de migration et de myélinogenèse. Plusieurs agents, par
ailleurs connus pour leurs propriétés neurotrophes, peuvent
stimuler in vitro les capacités de myélinogenèse : les ligands
des récepteurs sigma, et certains peptides apparentés au
CNTF (Stankoff et coll., France). Enfin, l’administration
d’IGF-1 à des animaux présentant une EAE, permet d’amé-
liorer le déficit clinique, de réduire la démyélinisation et
pourrait aussi être bénéfique sur le processus de remyélinisa-
tion (Webster, États-Unis). ■