DOSSIER
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La Lettre du Sénologue - n° 32 - avril/mai/juin 2006
omme vous le montrent les autres articles de ce
dossier, la nouvelle présentation des cancers du
sein liée à la pratique du dépistage de masse ainsi
que le développement, depuis une dizaine d’années, des tech-
niques biopsiques percutanées ont modifié la prise en charge
de la pathologie mammaire. Le chirurgien n’est plus qu’un des
acteurs de la démarche diagnostique et sa place doit se recen-
trer sur sa fonction thérapeutique.
La chirurgie diagnostique doit donc reculer sans pour autant
disparaître. Nous envisagerons successivement ces deux
aspects : prélèvements diagnostiques percutanés et biopsies
chirurgicales.
L’INTÉRET DES TECHNIQUES BIOPSIQUES PERCUTANÉES (1)
La très grande majorité des images anormales issues du dépis-
tage correspondent à des lésions bénignes : 98 % des images
classées ACR 3, 30 à 80 % des ACR 4, 5 % des ACR 5 sont
bénignes, et les ACR 4 et 5 ne représentent qu’un faible pour-
centage des mammographies de dépistage. Ne plus opérer
toutes ces images, c’est dégager du temps chirurgical pour la
prise en charge thérapeutique (et en diminuer les délais) à
l’heure où l’incidence de la maladie augmente tandis que les
moyens chirurgicaux se raréfient. Liberman (2) estimait qu’un
million de biopsies était réalisé en 2000 aux États-Unis pour
faire le diagnostic de 200000 cancers. Les techniques percuta-
nées permettaient d’éviter un geste chirurgical dans 75% des
cas (avec une réduction des coûts de 20%). Dans notre expé-
rience, l’installation du mammotome au centre Oscar-
Lambret a permis d’éviter 67 % de gestes chirurgicaux dia-
gnostiques (sans diminuer pour autant l’activité globale de
chirurgie sénologique).
Pour ces patientes, c’est aussi limiter les risques de la chirur-
gie, les risques anesthésiques et la morbidité. Rappelons que le
risque de décès par anesthésie générale est estimé à 0,19%, ce
qui, pour une pathologie aussi fréquente que le cancer du sein,
n’est pas négligeable. La biopsie chirurgicale sous anesthésie
locale est certes possible mais difficile à réaliser pour les
lésions infra cliniques en respectant le principe d’une cicatrice
esthétique souvent à distance. La morbidité de cette chirurgie
(abcès, hématome) est estimée entre 2 et 5 %. Le retentisse-
ment de cette chirurgie est aussi esthétique (cicatrice cutanée,
rupture de galbe), encore augmenté en cas d’interventions mul-
tiples même si les principes d’une “bonne” chirurgie sénolo-
gique doivent le minimiser (cicatrice indirecte péri-aréolaire,
comblement de la perte de substance par lambeaux glandu-
laires). De plus, la chirurgie entraîne une cicatrice glandulaire,
source de nouvelles images mammographiques et/ou échogra-
phiques, rendant la surveillance parfois difficile avec multipli-
cations des bilans. Enfin, la chirurgie a un coût économique et
social : il est rare qu’une intervention sous anesthésie générale,
même en hospitalisation ambulatoire, ne soit pas suivie d’un
arrêt de travail. Une étude américaine (3) évaluait de 30 à 50%
la réduction du coût de prise en charge des lésions infracli-
niques par les techniques percutanées par rapport au “tout chi-
rurgie”.
Connaître le diagnostic avant la prise en charge thérapeutique
a de nombreux avantages :
Personnaliser les différentes étapes de la prise en charge :
planifier l’information, dire le diagnostic, l’expliquer et propo-
ser une stratégie thérapeutique, voire, dans certains cas, discu-
ter des différentes options possibles ou encourager à un
deuxième avis avant toute démarche thérapeutique.
Permettre à la réunion de concertation pluridisciplinaire
(RCP) de jouer pleinement son rôle.
Et enfin, améliorer la logistique chirurgicale :
– programmer une exploration ganglionnaire (notamment
l’injection isotopique pour un ganglion sentinelle) dans le
même temps opératoire pour un cancer invasif ;
– réaliser un geste chirurgical plus large pour obtenir des
berges d’exérèse suffisantes dans les lésions cancéreuses ;
– proposer d’emblée une mastectomie pour des lésions mul-
tiples, un CIC étendu ou une récidive ;
– programmer une reconstruction immédiate pour un “in situ”
extensif ;
– éviter une cicatrice de biopsie chirurgicale parfois génante
dans les mastectomies avec préservation de l’étui cutané.
Cette liste n’est pas exhaustive, elle souligne l’intérêt des biop-
sies percutanées dans la diminution du nombre de gestes chi-
rurgicaux, souvent rappelé dans la littérature. À l’extrême,
dans une étude américaine (4) multicentrique, menée entre
Place de la chirurgie diagnostique dans les images
infracliniques du sein en 2006
Surgical biopsies for non palpable breast lesions: practice in 2006?
S. Giard *
* Département de sénologie, centre Oscar-Lambret, 3, rue F.-Combemale,
59020 Lille Cedex.
C
La Lettre du Sénologue vous souhaite un bel été
et vous remercie de la fidélité de votre engagement
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La Lettre du Sénologue - n° 23 - janvier/février/mars 2004
1997 et 2002 sur plus de 6000 patientes, le taux de reprise chi-
rurgicale pour berges non saines passait de 92 % en cas de
biopsie chirurgicale à 23% après biopsie percutanée initiale.
LES AVANTAGES DE LA CHIRURGIE DIAGNOSTIQUE
En alternative à la surveillance, elle permet d’enlever l’image
et de rassurer ainsi les patientes, mais aussi leurs médecins en
évitant la multiplication et la répétition à brève échéance des
examens d’imagerie. Il est parfois plus facile de céder à la faci-
lité et à la rapidité d’un geste coté Kc50 que d’expliquer lon-
guement l’attitude d’abstention : “Mais docteur, on ne sait
jamais comment ça peut tourner, mon docteur m’a dit que ce
serait mieux de l’enlever comme ça on n’en parlerait plus.”
Pour justifier l’abstention chirurgicale, il faut donc informer,
expliquer que le cancer ne passe pas par une phase intermé-
diaire de tumeur bénigne, dire aussi que l’image laissée en
place ne relève pas d’une surveillance particulière (nous par-
lons des images ACR2 ou pour les ACR supérieurs, de celles
dont le bilan diagnostique est terminé). Il est certain qu’une
partie de ces patientes particulièrement anxieuses (ou ayant un
entourage médical particulièrement anxieux) reviendra à la
charge ou changera de consultant…
L’exérèse chirurgicale permet en théorie de redresser le risque
de faux négatifs des biopsies percutanées. Ce risque, dans les
équipes très entraînées, est évalué à 2% (5). Rappelons cepen-
dant que, là aussi dans les équipes entraînées, le risque
“d’échec” lors d’une chirurgie pour lésion infraclinique est
également de 2%... (6).
QUELLE PLACE RESTE-T-IL À LA CHIRURGIE
DIAGNOSTIQUE EN 2006 ?
Elle ne doit maintenant plus vivre que des limites des tech-
niques percutanées.
Limites liées à la patiente (surtout pour les macrobiopsies
stéréotaxiques avec aspiration)
Troubles physiques : difficultés à tenir le décubitus ventral
du fait de problèmes rhumatologiques ou respiratoires, troubles
de la coagulation. Mais cela pose aussi le problème de la perti-
nence du dépistage chez certaines de ces patientes à l’état
général précaire (insuffisance respiratoire)…
Troubles psychiques ou de compréhension rendant difficile
l’explication puis la réalisation de l’examen.
Limites techniques
Seins très petits, de peu d’épaisseur (moins de 20 mm com-
primé).
Certaines localisations : lésions très superficielles ou au
contraire très profondes, au ras du pectoral, lésions très péri-
phériques.
Présence d’une prothèse d’augmentation.
Limites liées au type d’images
Microcalcifications diffuses sans foyer-cible.
Images de faible densité.
Images de distorsion sans centre dense (“cicatrice radiaire”).
Limites liées au type histologie
Lésions bénignes mais avec atypies (canalaire ou lobulaire) :
lorsque ce diagnostic est porté sur des biopsies percutanées, le
risque de sous-estimation de lésions malignes (essentiellement
carcinome intracanalaire) varie suivant les équipes et le type
histologique de 15 à 20%, ce qui justifie, pour la majorité, une
reprise chirurgicale systématique (7, 8).
Enfin discordance imagerie-histologique
Une image ACR5 avec un diagnostic de dystrophie fibrokys-
tique doit bien sûr faire remettre en cause la représentativité des
fragments prélevés et indiquer un nouveau geste biopsique dont
les modalités sont à discuter entre radiologue et chirurgien.
CONCLUSION
La chirurgie diagnostique a reculé au bénéfice des biopsies percu-
tanées. La chirurgie ne doit plus répondre qu’aux limites et “insuf-
fisances” de ces techniques, ce qui passe par la discussion radio-
chirurgicale des dossiers d’image infraclinique. Cette
pluridisciplinarité doit permettre de limiter les erreurs (remettre en
cause une discordance radio-histologique par exemple) et de poser
les bonnes indications de biopsies percutanées.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Chirurgie des lésions mammaires: prise en charge de première intention.
ANAES. EPP dans les établissements de santé. Octobre 2002.
2. Liberman L, Salma MP. Cost-effectiveness of stereotactic 11-gauge directio-
nal vacuum-assisted breast biopsy. AJR 2000;175(1):53-8.
3. Burkhardt JH, Sunshine JH. Core-needle and surgical breast biopsy compari-
son of three methods of assessing cost. Radiology 1999;212(1):181-8.
4. Edge SB et al. 28th San Antonio Breast Cancer Conference 2005. Abstract 12
S9.
5. Liberman L, Derschaw DD, Glassman JR. Analysis of cancers not diagnosed
at stereotactic core breast biopsy. Radiology 1997;203(1):151-7.
6. Chadwick DR. Shorthouse AJ. Wire-directed localization biopsy of the breast:
an audit of results and analysis of factors influencing therapeutic value in the
treatment of breast cancer. Eur J Surg Oncol 1997;23(2):128-33.
7. Liberman L, Kaplan JB, Morris EA et al. To excise or to sample the mammo-
graphic target: what is the goal of stereotactic 11-gauge vacuum-assisted breast
biopsy. AJR 2002;179(3):679-83.
8. Jacobs TW. Conndly JL. Schnitt SJ. Non malignant lesions in core needle
biopsies: to excise or not to excise? Am J Surg Pathol 2002; 26(9):1095-110.
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