veut dire que s’engager dans de telles analyses représente
encore à l’heure actuelle plusieurs mois de travail. L’interpré-
tation est difficile et seul un résultat positif de prédisposition
est informatif et peut être pris en compte pour la prise en
charge de la famille. L’autre notion qui en découle, est le fait
que, lorqu’une mutation délétère a été mise en évidence, on
dispose d’un test biologique facile à mettre en œuvre chez les
autres membres de la famille, avec une beaucoup plus grande
rapidité (quelques semaines au plus). Le fait de ne pas retrou-
ver cette mutation chez la personne testée signifie qu’elle n’a
pas hérité de l’anomalie familiale, un résultat négatif à ce stade
prend donc toute sa valeur : la patiente retrouve un risque
tumoral correspondant à celui de la population générale.
Si la prise en charge, grâce aux consultations d’oncogénétique,
commence à bien se structurer, elle a encore à faire face à de
nombreux problèmes concernant les risques tumoraux, les fac-
teurs qui pourraient les modifier, le pronostic des cancers asso-
ciés aux mutations, l’impact psychologique et social d’une
information sur une prédisposition génétique au cancer du sein
et/ou au cancer de l’ovaire.
Ceci a été fort bien illustré par un cas clinique raconté par
Nicole Alby (Paris) dans le cadre du devenir de l’information
délivrée dans les consultations de génétique, insistant sur les
progrès à réaliser dans nos connaissances psychologiques,
sociales et anthropologiques, face à ces progrès scientifiques.
Prévention
Il paraissait impossible dans un congrès en 1999 de ne pas par-
ler de la prévention par les anti-estrogènes après la publication
des trois essais de prévention par le tamoxifène chez des
patientes à haut risque de cancer du sein (Fisher, Powles,
Veronesi). Le grand mérite d’Henri Roché (Toulouse) a été de
ne pas se limiter au tamoxifène dans son exposé et d’ouvrir les
portes de l’avenir. Vouloir supprimer les estrogènes à une
époque où l’évolution physiologique spontanée des femmes va
en sens inverse paraît illusoire. Cependant, la phase de latence
pendant laquelle les estrogènes jouent de toute évidence un
rôle promoteur et facilitateur dans le processus néoplasique est
très longue et implique donc une prévention prolongée. On se
pose souvent la question de l’action du tamoxifène dans l’essai
de prévention de Fisher : a-t-il retardé l’apparition de cancers
ou effectivement diminué l’incidence de ceux-ci ? La réponse
finalement importe peu dès l’instant où les cancers qui appa-
raîtraient plus tard ne seraient pas de plus mauvais pronostic,
ce qui semble peu probable, eu égard aux résultats des méta-
analyses publiées en situation adjuvante. À gravité égale, il est
bien évident qu’il est préférable d’avoir la maladie cinq ou dix
ans plus tard au cours de son existence. Restent beaucoup de
questions : Quand débuter la chimiothérapie prophylaxique ?
Combien de temps prolonger cette prophylaxie ? Aboutira-t-
elle vraiment à une réduction de la mortalité ? Même si le
tamoxifène fera encore l’objet de nombreux débats, il se posi-
tionne à l’heure actuelle comme le premier traitement préven-
tif primaire médicamenteux d’une tumeur solide, reste à savoir
si les doses ne pourraient pas être diminuées, et si ses effets
secondaires ne pourraient pas être améliorés en affinant les
progrès biochimiques, en identifiant de nouvelles molécules
telles que les SERM (analogues du tamoxifène). Nous pouvons
citer le raloxifène, le torémifène, l’idoxifène, le plus intéres-
sant étant indéniablement le raloxifène actuellement testé dans
l’essai STAR américain. Les anti-estrogènes purs semblent
possiblement délétères du fait de la déplétion en estrogènes.
Enfin les phyto-estrogènes naturels, de type isoflavone, appa-
raissent prometteurs, mais encore à l’état de recherche.
La place des progestatifs a été redéfinie, avec de nombreuses
études in vitro et in vivo, ainsi que certaines études épidémio-
logiques. Si le rôle protecteur des progestatifs n’est pas
démontré, loin s’en faut, un éventuel effet péjoratif semble
pouvoir être écarté (A. Gompel, Paris).
L’alimentation est une voie intéressante et séduisante, le can-
cer du sein étant une maladie pluri-factorielle et manifestement
en rapport avec l’environnement. Parmi les causes du cancer
potentiellement accessibles à la prévention, la part de l’alimen-
tation est évaluée à 35 % environ. Les études sont cependant
difficiles à analyser, nous pouvons en retenir l’importance
bénéfique de la réduction des graisses dans l’alimentation et
l’augmentation de produits tels que les fruits et légumes, ali-
ments riches en caroténoïdes et vitamines, ainsi qu’une
consommation élevée de poisson riche en acides gras poly
insaturés de la série n-3. Si l’acide gras essentiel qu’est l’acide
alpha-linoléïque semble protecteur contre le cancer du sein, il
reste cependant à définir les quantités qui seraient nécessaires
pour obtenir cette protection. On reconnaît comme propriété à
certains acides gras poly-insaturés ou à leurs dérivés, comme
les dérivés de l’acide linoléïque, une influence favorable avant
la première grossesse, en provoquant une maturation du tissu
épithélial mammaire. Le rôle des agents anti-oxydants est dif-
ficile à déterminer et pourrait être dans certaines situations plu-
tôt néfastes.
En conclusion, les enjeux sont importants, mais les travaux
expérimentaux sont encore nécessaires pour y voir plus clair et
pour pouvoir donner des directives utiles aux populations
(P. Bougnoux, Tours).
Le dépistage en France
La justification et les grands principes du dépistage organisé
du cancer du sein ne sont plus à démontrer. Rose-Mary
Ancelle-Park a rappelé les critères des maladies pouvant faire
l’objet d’un dépistage, ainsi que les définitions des tests de
dépistage qui ne sont pas des tests diagnostiques. Elle a dressé
un historique de la mise en place progressive du dépistage
pour évoquer la situation actuelle, les indicateurs d’impact tels
que les taux de participation, les indicateurs de qualité (taux de
rappels, taux de biopsies et indicateurs d’efficacité). L’effica-
cité d’un programme se mesure sur la proportion de cancers de
bon pronostic (< 10 mm, N-) (toutes ces notions ont été expli-
citées dans les dossiers “Dépistage” de La Lettre du Sénologue
n° 6 et 7).
Brigitte Seradour (Marseille) a évoqué un aspect nouveau :
l’impact du traitement hormonal substitutif sur le dépistage orga-
nisé, avec les résultats du programme des Bouches-du-Rhône.
CONGRÈS
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La Lettre du Sénologue - n° 7 - février 2000