supérieure à 3 mois, Cour d’assises en cas de qualification cri-
minelle). Il y a responsabilité pénale si la faute est qualifiée
d’infraction par la loi (exemple : empoisonnement ou meurtre,
atteinte involontaire à la vie, non-assistance à personne en dan-
ger, manquement volontaire à une obligation de prudence ou
de sécurité, etc.). Le but est alors d’obtenir une répression, et
des sanctions pénales (amende ou emprisonnement) pourront
être prononcées, en plus d’une indemnisation.
Ces responsabilités devant les tribunaux sont, bien sûr, indé-
pendantes des sanctions disciplinaires éventuellement décidées
à l’encontre du médecin par l’hôpital ou le Conseil de l’Ordre.
Ainsi donc, dans le cas d’un médecin hospitalier, la responsa-
bilité de l’hôpital est substituée. En la matière, la jurisprudence
du Conseil d’État est progressivement passée d’une responsa-
bilité pour faute à une responsabilité sans faute, rendant plus
faciles son engagement et la réparation pécuniaire du préju-
dice. S’agissant des cliniques, la jurisprudence de la Cour de
cassation connaît une évolution similaire.
Le principe pour pouvoir engager la responsabilité de l’hôpital
en raison d’un acte médical est qu’il soit constaté une faute de
service. Cette situation concerne la grande majorité des cas. La
faute de service peut être constituée par une erreur dans un
acte de soin (piqûre, prise de sang, pansement, posologie), par
un défaut d’organisation du service (par exemple, un problème
dans la transmission de l’information), ou encore par une
erreur dans un acte médical ou chirurgical (diagnostic, déter-
mination du traitement, opération chirurgicale, certaines injec-
tions ou transfusions). Quant au défaut d’organisation du ser-
vice ou à l’erreur dans un acte de soin, le Conseil d’État exige
une faute simple pour retenir la responsabilité de l’hôpital. En
revanche, jusqu’en 1992, il exigeait une faute lourde en ce qui
concerne l’erreur dans les actes médicaux ou chirurgicaux.
Cette notion de faute lourde, difficile à mettre en œuvre et à
cerner, a été abandonnée par un revirement notable de juris-
prudence dans l’arrêt Viergos du 10 avril 1992. En l’espèce, le
Conseil d’État a condamné un hôpital en retenant une faute
simple dans un enchaînement d’actes ayant entraîné le coma
d’une patiente accouchant sous césarienne. Un glissement
s’opère d’une responsabilité pour faute lourde vers une respon-
sabilité pour faute simple.
En outre, une évolution étonnante se dessine également dans le
sens d’une responsabilité sans faute de l’hôpital. Cette évolu-
tion exceptionnelle comporte trois mouvements. Tout d’abord,
le Conseil d’État retient parfois une présomption de faute à
l’encontre de l’hôpital. Tel est le cas pour les actes médicaux
bénins ayant occasionné des conséquences graves : il n’y a pas
de faute, mais l’anormalité du dommage la fait présumer. Tel
est le cas aussi en matière d’infections nosocomiales : le
malade ne peut évidemment pas prouver qu’une faute est à
l’origine de l’infection. C’est pourquoi l’arrêt Cohen du
9décembre 1988 renverse la charge de la preuve en décidant
que c’est à l’hôpital de prouver qu’il n’a pas infecté le malade,
ce qui, en pratique, est impossible (la même jurisprudence
existe pour les cliniques : Cour de cassation du 21 mai 1996).
Par ailleurs, il existe des cas légaux où le législateur lui-même
édicte une responsabilité sans aucune faute de l’hôpital ou de
la clinique. Ainsi, la loi sur les vaccinations obligatoires du
3janvier 1985 (article L.10-1 du Code de la santé publique)
prévoit une responsabilité sans faute pour des dommages cau-
sés lors d’une vaccination. De la même façon, une responsabi-
lité sans faute existe dans le domaine de la recherche médicale
(loi de 1990) ou des transfusions sanguines (article 47-1 de la
loi de 1991). Enfin, le troisième mouvement de création d’une
responsabilité sans faute de l’hôpital provient de la jurispru-
dence. En effet, le Conseil d’État, dans son célèbre arrêt Bian-
chi en date du 9 avril 1993, retient la responsabilité de l’hôpi-
tal pour un dommage dû à un aléa thérapeutique. Dans cette
affaire, M. Bianchi souffrait de malaises attribués à des chutes
brutales de tension, et l’une de ces chutes fit apparaître des
symptômes de paralysie faciale droite. Il fut hospitalisé et des
examens furent réalisés. Une artériographie fut pratiquée, à la
suite de laquelle M. Bianchi, 42 ans, devint tétraplégique.
Dans un premier temps, le Tribunal administratif de Marseille
rejeta sa demande de réparation au motif que l’hôpital n’avait
commis aucune faute. Le Conseil d’État, saisi en appel,
constata l’absence de faute, ne présuma pas une faute, car
l’artériographie n’est pas un acte bénin, mais condamna l’hôpi-
tal au motif que les conséquences de l’examen étaient hors de
proportion avec l’état ayant justifié cet examen et que le risque
était connu, même s’il est exceptionnel. Cette évolution juris-
prudentielle avait d’ailleurs été initiée par un arrêt de la Cour
administrative d’appel de Lyon de 1990, qui admettait la res-
ponsabilité sans faute en cas de complications exceptionnelles
et anormalement graves consécutives à une nouvelle thérapie
non entièrement maîtrisée dont l’emploi ne s’imposait pas
pour des raisons vitales. Tout récemment, le Conseil d’État est
même allé plus loin par l’arrêt Méhraz de novembre 1997.
L’arrêt Bianchi concernait une personne malade ; or l’enfant
Méhraz, hospitalisé pour une circoncision rituelle à la suite de
laquelle il décéda, n’était pas malade. L’arrêt Méhraz a pour-
tant retenu la même solution de responsabilité sans faute que
l’arrêt Bianchi, mais l’a élargie en l’appliquant à tout patient.
La porte est donc désormais ouverte à une responsabilité sans
faute dans le domaine de la chirurgie esthétique ou dans le cas
d’une grossesse dès lors qu’un aléa thérapeutique (connu mais
exceptionnel) crée un préjudice hors de proportion.
L’ensemble des intervenants du colloque s’est accordé à
reconnaître qu’il y a un intérêt, voire une nécessité, à légiférer
sur l’aléa thérapeutique, et ce d’autant plus que les indemnités
versées du fait du dommage subi sont particulièrement élevées.
Depuis dix ans, de nombreux projets de loi ont été élaborés
(projet Ewald, projet Legatte, projet Tunc, etc.) mais n’ont pas
abouti en raison de la difficulté à trancher sur le type de res-
ponsabilité. Pourtant, le législateur doit se prononcer, car l’aléa
thérapeutique constitue un réel problème de société.
CHRONIQUE DU DROIT
122
La Lettre du Pneumologue - Vol. II - n° 3 - juin 1999
Le médecin hospitalier est irresponsable, puisque la respon-
sabilité de l’hôpital lui est substituée. Toutefois, sa respon-
sabilité personnelle peut exceptionnellement être engagée,
s’il a commis une faute gravissime détachable du service
public (exemple d’une jurisprudence de 1960 où un médecin
fuit lors d’un incendie, abandonnant sur la table d’interven-
tion une femme enceinte anesthésiée).