a responsabilité médicale est-elle en train de changer

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La responsabilité médicale en questions
● A. Carrière*
L
a responsabilité médicale est-elle en train de changer
de nature ? Certes non ! Mais son champ d’application semble s’étendre. Le jargon judiciaire enrichit le
domaine médical de nouvelles notions : responsabilité sans
faute, présomption, aléa thérapeutique, renversement de la
charge de la preuve. Autant de concepts qui inquiètent, car ils
sont mal compris, et font s’interroger sur l’activité médicale
elle-même.
C’est à toutes ces questions que le colloque du 22 janvier
1999, qui s’est déroulé à Montpellier à l’initiative du CHU
Arnaud-de-Villeneuve, s’est attaché à répondre en organisant
des interventions autour de trois thèmes principaux : d’une
part, la responsabilité médicale proprement dite, c’est-à-dire la
responsabilité du médecin dans le cadre des actes de soins ;
d’autre part, la responsabilité médicale découlant de l’obligation d’information du médecin ; enfin, les règles relatives au
dossier médical du patient.
LA RESPONSABILITÉ DANS L’ACTE MÉDICAL
Depuis l’arrêt Mercier du 20 mai 1936, la jurisprudence reconnaît l’existence d’un contrat civil entre le médecin et son
patient en raison de leur volonté commune d’établir une relation médicale. Le médecin a alors une obligation de soins et sa
responsabilité est contractuelle. Il est responsable s’il contrevient à son obligation, c’est-à-dire s’il ne donne aucun soin,
s’il interrompt ses soins en dehors de toute force majeure ou
du refus du patient, s’il ne met pas en œuvre, avec diligence,
tous les moyens possibles de soigner son patient. L’obligation
contractuelle de soins est en effet qualifiée d’“obligation de
moyen”. Attention : la jurisprudence impose parfois une obligation de résultat à laquelle le médecin contrevient dès lors
que le résultat recherché n’est pas obtenu. Cette obligation de
résultat du médecin existe pour les actes simples ou courants,
pour les prothèses ou pour la chirurgie esthétique, quand il n’y
a aucun but thérapeutique.
En outre, il est des situations pour lesquelles il n’existe aucun
lien contractuel : en cas d’urgence, car le consentement du
malade ne peut être recueilli, ou en ce qui concerne les proches
du malade qui auraient subi un préjudice propre imputable au
médecin (ils sont tiers au contrat). Dans ces deux cas, la responsabilité du médecin est délictuelle, et les articles 1382 et
suivants du Code civil s’appliquent.
* Maître en droit, Nice.
La Lettre du Pneumologue - Vol. II - n° 3 - juin 1999
Dans les cas de manquement du médecin à une obligation de
moyen, le patient doit prouver une faute de prudence ou une
négligence du médecin dans les soins ou le diagnostic. Toutefois, si le patient a été victime d’un acte inutile ou contraire
aux références médicales opposables (RMO), le médecin doit
prouver que les RMO étaient erronées : la preuve est inversée
(attention, cela ne concerne que le milieu libéral, car les RMO
ne s’appliquent pas aux médecins hospitaliers). En pratique,
cette preuve s’avère souvent difficile à apporter, et un expert
est commis. Dans le cas d’un manquement à une obligation de
résultat, le patient doit seulement prouver que le résultat n’a
pas été atteint. Dans le cas d’une responsabilité délictuelle du
médecin, le patient doit prouver une faute délictuelle, c’est-àdire une erreur personnelle de conduite du médecin, ou une
erreur dans la garde d’un objet par le médecin (exemple d’un
médecin gardien de la table d’opération d’où le patient tombe :
arrêt de 1968), ou l’erreur d’une personne sous l’autorité du
médecin (exemple : responsabilité du chirurgien en cas de
faute d’un membre de son équipe).
La responsabilité peut être engagée dans les 30 ans suivant
l’acte pour la responsabilité contractuelle et dans les 10 ans
pour la responsabilité délictuelle. Les clauses contractuelles de
limitation ou d’exonération de responsabilité sont nulles (le
médecin ne saurait faire signer au patient un document indiquant que, dans telle ou telle situation, sa responsabilité ne
peut être engagée).
La complexité de la responsabilité médicale réside dans la
multiplicité des juridictions pouvant être compétentes.
Ainsi, si la responsabilité personnelle du médecin libéral ou
hospitalier est engagée, sont compétentes les juridictions
civiles (Tribunal d’instance si la demande d’indemnisation est
inférieure à 30 000 F et Tribunal de grande instance si elle est
supérieure à 30 000 F, puis Cour d’appel et Cour de cassation).
Si la responsabilité engagée est celle de la clinique dans
laquelle travaille le médecin, les juridictions civiles sont
encore compétentes (le patient a le choix de poursuivre la clinique ou le médecin).
Le fait du médecin hospitalier engage la responsabilité de
l’hôpital. Les juridictions administratives sont alors compétentes (Tribunal administratif puis Cour administrative d’appel
ou Conseil d’État), et c’est une personne publique qui répare le
dommage.
Enfin, si la responsabilité pénale du médecin, de la clinique ou
de l’hôpital est mise en cause, les juridictions pénales sont
compétentes (Tribunal de police si l’incapacité temporaire
totale est inférieure à 3 mois, Tribunal correctionnel si elle est
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supérieure à 3 mois, Cour d’assises en cas de qualification criminelle). Il y a responsabilité pénale si la faute est qualifiée
d’infraction par la loi (exemple : empoisonnement ou meurtre,
atteinte involontaire à la vie, non-assistance à personne en danger, manquement volontaire à une obligation de prudence ou
de sécurité, etc.). Le but est alors d’obtenir une répression, et
des sanctions pénales (amende ou emprisonnement) pourront
être prononcées, en plus d’une indemnisation.
Ces responsabilités devant les tribunaux sont, bien sûr, indépendantes des sanctions disciplinaires éventuellement décidées
à l’encontre du médecin par l’hôpital ou le Conseil de l’Ordre.
Ainsi donc, dans le cas d’un médecin hospitalier, la responsabilité de l’hôpital est substituée. En la matière, la jurisprudence
du Conseil d’État est progressivement passée d’une responsabilité pour faute à une responsabilité sans faute, rendant plus
faciles son engagement et la réparation pécuniaire du préjudice. S’agissant des cliniques, la jurisprudence de la Cour de
cassation connaît une évolution similaire.
Le principe pour pouvoir engager la responsabilité de l’hôpital
en raison d’un acte médical est qu’il soit constaté une faute de
service. Cette situation concerne la grande majorité des cas. La
faute de service peut être constituée par une erreur dans un
acte de soin (piqûre, prise de sang, pansement, posologie), par
un défaut d’organisation du service (par exemple, un problème
dans la transmission de l’information), ou encore par une
erreur dans un acte médical ou chirurgical (diagnostic, détermination du traitement, opération chirurgicale, certaines injections ou transfusions). Quant au défaut d’organisation du service ou à l’erreur dans un acte de soin, le Conseil d’État exige
une faute simple pour retenir la responsabilité de l’hôpital. En
revanche, jusqu’en 1992, il exigeait une faute lourde en ce qui
concerne l’erreur dans les actes médicaux ou chirurgicaux.
Cette notion de faute lourde, difficile à mettre en œuvre et à
cerner, a été abandonnée par un revirement notable de jurisprudence dans l’arrêt Viergos du 10 avril 1992. En l’espèce, le
Conseil d’État a condamné un hôpital en retenant une faute
simple dans un enchaînement d’actes ayant entraîné le coma
d’une patiente accouchant sous césarienne. Un glissement
s’opère d’une responsabilité pour faute lourde vers une responsabilité pour faute simple.
En outre, une évolution étonnante se dessine également dans le
sens d’une responsabilité sans faute de l’hôpital. Cette évolution exceptionnelle comporte trois mouvements. Tout d’abord,
le Conseil d’État retient parfois une présomption de faute à
l’encontre de l’hôpital. Tel est le cas pour les actes médicaux
bénins ayant occasionné des conséquences graves : il n’y a pas
de faute, mais l’anormalité du dommage la fait présumer. Tel
est le cas aussi en matière d’infections nosocomiales : le
malade ne peut évidemment pas prouver qu’une faute est à
l’origine de l’infection. C’est pourquoi l’arrêt Cohen du
9 décembre 1988 renverse la charge de la preuve en décidant
que c’est à l’hôpital de prouver qu’il n’a pas infecté le malade,
ce qui, en pratique, est impossible (la même jurisprudence
existe pour les cliniques : Cour de cassation du 21 mai 1996).
Par ailleurs, il existe des cas légaux où le législateur lui-même
édicte une responsabilité sans aucune faute de l’hôpital ou de
la clinique. Ainsi, la loi sur les vaccinations obligatoires du
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3 janvier 1985 (article L.10-1 du Code de la santé publique)
prévoit une responsabilité sans faute pour des dommages causés lors d’une vaccination. De la même façon, une responsabilité sans faute existe dans le domaine de la recherche médicale
(loi de 1990) ou des transfusions sanguines (article 47-1 de la
loi de 1991). Enfin, le troisième mouvement de création d’une
responsabilité sans faute de l’hôpital provient de la jurisprudence. En effet, le Conseil d’État, dans son célèbre arrêt Bianchi en date du 9 avril 1993, retient la responsabilité de l’hôpital pour un dommage dû à un aléa thérapeutique. Dans cette
affaire, M. Bianchi souffrait de malaises attribués à des chutes
brutales de tension, et l’une de ces chutes fit apparaître des
symptômes de paralysie faciale droite. Il fut hospitalisé et des
examens furent réalisés. Une artériographie fut pratiquée, à la
suite de laquelle M. Bianchi, 42 ans, devint tétraplégique.
Dans un premier temps, le Tribunal administratif de Marseille
rejeta sa demande de réparation au motif que l’hôpital n’avait
commis aucune faute. Le Conseil d’État, saisi en appel,
constata l’absence de faute, ne présuma pas une faute, car
l’artériographie n’est pas un acte bénin, mais condamna l’hôpital au motif que les conséquences de l’examen étaient hors de
proportion avec l’état ayant justifié cet examen et que le risque
était connu, même s’il est exceptionnel. Cette évolution jurisprudentielle avait d’ailleurs été initiée par un arrêt de la Cour
administrative d’appel de Lyon de 1990, qui admettait la responsabilité sans faute en cas de complications exceptionnelles
et anormalement graves consécutives à une nouvelle thérapie
non entièrement maîtrisée dont l’emploi ne s’imposait pas
pour des raisons vitales. Tout récemment, le Conseil d’État est
même allé plus loin par l’arrêt Méhraz de novembre 1997.
L’arrêt Bianchi concernait une personne malade ; or l’enfant
Méhraz, hospitalisé pour une circoncision rituelle à la suite de
laquelle il décéda, n’était pas malade. L’arrêt Méhraz a pourtant retenu la même solution de responsabilité sans faute que
l’arrêt Bianchi, mais l’a élargie en l’appliquant à tout patient.
La porte est donc désormais ouverte à une responsabilité sans
faute dans le domaine de la chirurgie esthétique ou dans le cas
d’une grossesse dès lors qu’un aléa thérapeutique (connu mais
exceptionnel) crée un préjudice hors de proportion.
L’ensemble des intervenants du colloque s’est accordé à
reconnaître qu’il y a un intérêt, voire une nécessité, à légiférer
sur l’aléa thérapeutique, et ce d’autant plus que les indemnités
versées du fait du dommage subi sont particulièrement élevées.
Depuis dix ans, de nombreux projets de loi ont été élaborés
(projet Ewald, projet Legatte, projet Tunc, etc.) mais n’ont pas
abouti en raison de la difficulté à trancher sur le type de responsabilité. Pourtant, le législateur doit se prononcer, car l’aléa
thérapeutique constitue un réel problème de société.
Le médecin hospitalier est irresponsable, puisque la responsabilité de l’hôpital lui est substituée. Toutefois, sa responsabilité personnelle peut exceptionnellement être engagée,
s’il a commis une faute gravissime détachable du service
public (exemple d’une jurisprudence de 1960 où un médecin
fuit lors d’un incendie, abandonnant sur la table d’intervention une femme enceinte anesthésiée).
La Lettre du Pneumologue - Vol. II - n° 3 - juin 1999
L’OBLIGATION D’INFORMATION DU MÉDECIN
La loi ou la jurisprudence imposent au médecin une obligation
d’informer son patient qui, si elle n’est pas remplie, peut permettre d’engager sa responsabilité. Cette obligation s’explique
par le fait que les patients doivent consentir à l’acte médical (le
droit d’intervention du médecin suppose la réunion de deux
conditions : un impératif thérapeutique et un consentement
libre éclairé du patient). Les malades ne doivent pas être infantilisés ; ils ont des droits, et les informer dans le but d’obtenir
un consentement éclairé est le signe du respect que le médecin
leur porte.
Le principe de consentement est affirmé dans de nombreux
textes : article 16-3 du Code civil (issu des lois bioéthiques de
1994), Code de la santé publique, article 35 du Code de déontologie médicale, loi Huriet de 1988 sur l’expérimentation
médicale, loi de 1990 concernant les malades mentaux,
conventions internationales. La jurisprudence en déduit que le
patient a le droit de refuser une intervention sans que l’on
puisse le forcer (arrêt de la Cour de cassation du 12 mars
1997). Cependant, le manque de persuasion peut être plaidé
par le malade. Si le médecin ne recueille pas le consentement,
sa responsabilité civile (voire pénale dans les cas où la loi le
prévoit) peut être engagée. Toutefois, la loi elle-même pose
des limites au principe. Ainsi, le consentement n’a pas à être
recueilli en cas d’impossibilité, c’est-à-dire quand le malade
est hors d’état de manifester sa volonté, ce qui recouvre
l’hypothèse de l’urgence due à l’inconscience ou le coma du
patient : article 16-3, alinéa 2 du Code civil, et Code de déontologie médicale.
Par ailleurs, le consentement recueilli doit être éclairé. C’est
ici qu’intervient l’obligation d’information. Jusqu’en 1974, il
n’existait aucun texte relatif à l’exigence d’information du
patient, mais la doctrine et le Conseil de l’Ordre en font une
question sous-jacente fondamentale de l’éthique médicale.
Désormais, cette obligation figure dans plusieurs textes (loi
Huriet, lois bioéthiques, Code de déontologie médicale, loi
hospitalière de 1991 pour les médecins du secteur public) et,
dans les domaines où il n’y a pas de texte, elle est affirmée par
la jurisprudence, particulièrement abondante en la matière. Le
Code de déontologie met l’accent sur l’obligation d’une information “loyale, claire et appropriée sur l’état du patient et ce
que le médecin lui propose”.
Dès lors, six questions se posent concernant l’obligation
d’information, auxquelles M. Sargos, conseiller à la Cour de
cassation, a répondu dans son intervention lors du colloque
montpelliérain : Qui doit donner l’information ? Qui doit être
informé ? De quoi doit-on être informé ? Qui prouve que
l’obligation d’information a bien été remplie ? Comment le
prouve-t-il ? Quelles sont les conséquences d’un défaut
d’information ?
❍ Le titulaire de l’obligation d’information : le Code de déontologie médicale indique que l’obligation d’information
incombe à tous les médecins quels qu’ils soient.
La Lettre du Pneumologue - Vol. II - n° 3 - juin 1999
Il prévoit même dans son article 64 – et cette disposition est
reprise par les tribunaux – que lorsque plusieurs médecins collaborent à un examen, chacun d’entre eux doit veiller à ce que
le patient soit informé. L’obligation d’information pèse donc à
la fois sur le médecin-prescripteur et sur le médecin réalisant
la prescription (exemple de l’arrêt du 14 octobre 1997, par
lequel deux médecins furent tenus responsables pour n’avoir
pas informé une femme enceinte des risques d’une cœlioscopie
au cour de laquelle elle décéda). Le but de cette disposition est
d’éviter que les médecins ne se déchargent entre eux de leur
obligation.
❍ Le destinataire de l’information : dans les cas les plus
simples, il s’agit bien sûr du patient lui-même.
Dans l’hypothèse où le malade est un mineur, ce sont ses parents
qui doivent consentir à l’acte médical ; ce sont donc eux qui doivent être informés (un double consentement – et donc une
double information – du mineur et de ses parents est requis si
l’enfant est capable de discernement ; en cas de divorce, les
deux parents doivent consentir et être informés).
De la même façon, le tuteur ou le curateur est le destinataire de
l’information quand l’acte médical concerne un majeur protégé.
Enfin, le Code de déontologie indique que le médecin-prescripteur et le médecin réalisant la prescription doivent se tenir
mutuellement informés : la Cour de cassation a, dans un arrêt
du 28 octobre 1997, sanctionné un ophtalmologue pour défaut
d’information de son collègue anesthésiste (ce dernier ignorait
la particularité du globe oculaire du patient et le lui a transpercé).
❍ Le contenu de l’information : le médecin doit communiquer
au patient tous les éléments lui permettant de consentir, ou de
refuser l’acte de façon éclairée. Ces éléments sont :
– l’état du patient, son évolution prévisible, les soins nécessaires (informations objectives),
– la nature et les conséquences normales du traitement proposé,
– les alternatives éventuelles au traitement proposé (arrêt
Teyssier de 1942),
– la durée de l’hospitalisation,
– les risques, indépendants de la pathologie, que comportent
les soins ou les investigations.
C’est cet élément de l’information qui soulève le plus de
contentieux. En la matière, la jurisprudence rappelle constamment que seule l’information sur les risques graves (conséquences mortelles, invalidantes ou esthétiquement lourdes) est
requise. Il ne s’agit donc pas de dresser un catalogue de tous
les risques (sauf dans le domaine de la chirurgie esthétique
sans but directement thérapeutique). En outre, le patient doit
être informé des risques encourus soit par lui soit par autrui
(exemple du risque subi par un enfant à naître lors de certaines
investigations). Par ailleurs, la Cour de cassation décide (revirement de l’arrêt du 7 octobre 1998) que “le seul fait qu’un
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risque ne se réalise qu’exceptionnellement n’est pas de nature
à exonérer le médecin de son obligation d’information”. Cette
solution s’explique par le fait que la nature exceptionnelle du
risque, si elle n’est pas quantitativement évaluable, l’est qualitativement. L’expression “le seul fait” utilisée dans l’arrêt
signifie que la jurisprudence réserve la possibilité de la noninformation thérapeutique, c’est-à-dire les cas où les particularités de la personnalité du patient font que l’information est
nocive car pouvant aggraver le risque (le Code de déontologie
réserve aussi cette possibilité). Cette non-information reste une
exception au principe, et si le médecin la choisit, il doit garder
ses raisons annotées et des preuves. Le Conseil d’État, dans
son rapport de 1998, évoque quant à lui une éventuelle personnalisation de l’information propre à chaque malade, en partant
du constat que des règles juridiques générales dans ce domaine
ne sont pas toujours adaptées.
médecin. Il doit indemniser le patient selon le régime particulier de la perte d’une chance, car il l’a privé de la possibilité de
refuser le geste médical en ne l’informant pas. Ce régime particulier explique l’arrêt de 1998 qui, bien que constatant le
défaut d’information, n’accorde aucune indemnité au patient :
en l’espèce, le geste avait amélioré l’état du patient, rendant le
défaut d’information non préjudiciable.
Exceptionnellement, la responsabilité pénale du médecin peut
être engagée dans les cas où la loi qualifie d’infraction le
défaut d’information (loi Huriet, loi de 1994). Ces hypothèses
sont rares. Évidemment, le manquement à l’obligation
d’information peut aussi faire l’objet de sanctions disciplinaires.
❍ La charge de la preuve de l’obligation d’information : la
Cour de cassation a longtemps imposé au patient d’apporter la
preuve du défaut d’information. Cependant, dans un revirement remarqué du 25 février 1997 et réaffirmé de nombreuses
fois depuis cette date, elle fait peser sur le médecin la charge
d’apporter la preuve qu’il a bien rempli son obligation d’information. La jurisprudence administrative a adopté la même
solution pour les médecins hospitaliers (Cour administrative
d’appel de Paris de mai 1998). Cette solution s’explique du fait
que les médecins ne peuvent intervenir qu’en cas de justification thérapeutique, qu’ils sont seuls en mesure de connaître.
Tout l’enjeu du dossier médical réside dans le fait que les
informations qu’il contient sont confidentielles : leur révélation, non autorisée par la loi, peut engager la responsabilité
pénale du médecin pour violation du secret professionnel.
Même le patient ne peut libérer le médecin du secret médical.
En outre, il peut constituer un élément de preuve déterminant
en matière d’obligation d’information.
L’exposé de quelques règles simples relatives au dossier médical paraît donc utile. Attention : la CNIL, la CADA et le
Conseil de l’Ordre ne retiennent pas toujours la même définition ou réglementation en la matière. Par delà ces différences,
on peut relever certaines règles communes :
– le dossier médical n’est pas précisément défini, mais il
désigne l’ensemble des documents que garde le médecin ou le
service sur un patient. Aucune exigence de support ou de
volume n’est imposée ;
– l’obligation de tenue d’un dossier médical figure, pour les
médecins libéraux, à l’article 45 du Code de déontologie médicale et, pour les médecins du secteur public, dans la loi hospitalière de 1991 ;
– la loi hospitalière fixe aussi le contenu du dossier. Il
regroupe des pièces objectives (âge, groupe sanguin, prescriptions thérapeutiques, etc.) et des pièces subjectives, c’est-àdire sujettes à interprétation (observation du médecin, interprétation des examens, commentaires, courriers, etc.) ;
– le dossier médical est, d’après les textes (le Conseil de
l’Ordre ne retient pas la même solution), la propriété administrative de l’établissement, qui doit en assurer la conservation
(pendant 20 ans pour les hôpitaux publics). Toute détérioration
peut engager la responsabilité conjointe du chef de service, du
président de la CME et de l’établissement. Le patient n’a donc
pas de droit de propriété, mais un simple droit d’accès à son
dossier médical. Cependant, il peut en demander la
destruction ;
– selon l’article R710-2-1 du Code de la santé publique, sont
communicables les pièces du dossier sur les motifs d’hospitalisation ou les examens pratiqués (...). Sont quelquefois commu-
❍ Les moyens de prouver que l’information a été donnée : le
texte prévoit parfois de quelle manière cette information doit
être prouvée (par exemple, la loi Huriet impose une information écrite).
Toutefois, dans la grande majorité des cas, la loi reste silencieuse. Un arrêt du 14 octobre 1997 a donc décidé que l’obligation d’information peut être prouvée par tout moyen. Les
règles du Code civil s’appliquent : le médecin peut prouver par
écrit (c’est l’argument le plus solide), par témoignage (quelle
fiabilité ?) ou par présomptions (faisceaux d’éléments précis et
concordants).
Pour faciliter la preuve, des exemples de fiches informatives
pour tel ou tel acte sont édités (fiche sur la fibroscopie bronchique et le lavage alvéolaire dans le n° 28 de la revue Info
Respir de la Société de pneumologie de langue française,
SPLF). M. Sargos a rappelé qu’on ne pouvait obliger un
patient à signer ces fiches : la preuve de la remise de la fiche
suffit. En outre, le Code de déontologie précise que ces documents standards ne peuvent être qu’un complément d’information et non l’unique façon d’informer, car le patient doit pouvoir poser des questions.
❍ Les conséquences du défaut d’information. Il y en a trois.
Le défaut d’information engage la responsabilité civile du
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QUELQUES RÈGLES SIMPLES CONCERNANT LE DOSSIER
MÉDICAL
La Lettre du Pneumologue - Vol. II - n° 3 - juin 1999
nicables les courriers entre médecins. Ne sont pas communicables les pièces relatives aux confidences du patient ;
– la procédure de communication du dossier médical est la suivante : une demande de communication du dossier est formulée par le patient, son représentant, sa famille en cas de décès.
Cette demande transite par l’intermédiaire d’un médecin (tout
docteur peut être médecin intermédiaire, sauf s’il se récuse ou
s’il est attaché à une compagnie d’assurances) choisi librement
et qui doit vérifier l’identité du demandeur (article R710-2 du
Code la santé publique). La demande doit se faire par écrit
auprès du médecin responsable sans qu’il soit nécessaire d’en
indiquer les motifs. Le médecin responsable transmet alors les
pièces communicables, soit par l’envoi de copies au médecin
intermédiaire, soit par la mise à disposition sur place. Le
médecin intermédiaire doit évidemment respecter la déontologie et le secret médical ;
– lorsque le médecin responsable du dossier est confronté à un
expert de l’assurance, il peut répondre à ses questions dans les
limites précédemment examinées, mais il est vivement recommandé qu’il n’y ait aucun contact entre eux ;
– lorsque le médecin responsable du dossier est confronté à un
expert judiciaire, il n’a pas à lui communiquer le dossier, sauf
en cas de perquisition (strictement réglementée par la loi) ou
de saisie (commission rogatoire accordée à l’officier de police
judiciaire par le juge ; les documents étrangers à l’affaire ne
sont pas saisissables).
CONCLUSION
On ne peut que remarquer l’extension constante du domaine de
la responsabilité médicale. Le médecin ne saurait toutefois être
l’otage de ses patients : c’est pourquoi il dispose lui-même
d’une possibilité d’action devant les juridictions civiles pour
procédure abusive d’un patient ayant porté atteinte à son honneur, ou devant les juridictions pénales pour dénonciation
calomnieuse. Cette action ne peut être exercée qu’une fois la
demande judiciaire du patient rejetée, et, le plus souvent, les
médecins y renoncent, dans un sage souci d’apaisement.
La solution pour limiter l’extension de la responsabilité médicale ne doit-elle pas être recherchée par une prévention accrue
dans les établissements ? Les experts présents au colloque
montpelliérain souhaitent tous la mise en place d’une politique
de gestion des risques dans les établissements s’insérant dans
une démarche de qualité individuelle et collective. Ainsi, un
référentiel pourrait être élaboré permettant la comparaison
entre établissements, la gestion du risque favorisant l’identification des manquements à la sécurité des patients ou des nonconformités avec les obligations légales. Le suivi d’une politique de qualité ne peut, à terme, qu’être bénéfique pour tous :
médecins, établissements et patients enfin réconciliés !
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❒ Peltier Cl. Aléa médical et responsabilité. Bulletin de l’Ordre des médecins
1999 ; 3 : 4-5.
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