Physique (1999) ou aux microscopies confocale et multi-
photonique (décrites dans ce volume). Cependant la profon-
deur de pénétration de ces méthodes est limitée à quelques
centaines de microns par l’amortissement exponentiel des
photons balistiques : avec un libre parcours moyen de
l’ordre de 50 µm (voir encadré 1), le nombre de ces photons
balistiques est réduit de exp(−20)après 1 mm de tissu tra-
versé.
L’utilisation de photons diffusés pour faire de l’imagerie
permet en principe de tirer des informations de régions pro-
fondes des tissus, mais au détriment de la résolution spa-
tiale. En éclairant les tissus avec une source continue, même
si celle-ci est localisée, la taille de la « tache de diffusion »
pour les photons diffusés émergents est voisine de la pro-
fondeur traversée ce qui est prohibitif. La difficulté pour
obtenir une bonne résolution avec une source continue peut
cependant être partiellement contournée en utilisant une
source émettant des impulsions brèves. Dans ce cas l’utili-
sation d’une porte temporelle permet de sélectionner les
premiers photons à émerger du milieu, c’est-à-dire ceux qui
ont suivi une trajectoire quasi-balistique (photons « serpen-
tiles »). Ces photons correspondent à des diffusions mul-
tiples préférentiellement orientées vers l’avant telles que
celles dominant la diffusion dans les tissus biologiques (voir
encadré 1). Chercher à faire de l’imagerie en régime de dif-
fusion conduit à une résolution dans les images qui est voi-
sine du tiers de la profondeur. Les résolutions obtenues jus-
qu’ici sont ainsi de l’ordre du centimètre à des profondeurs
de l’ordre de 3 cm, ce qui correspond par exemple à la moi-
tié de l’épaisseur d’un sein lors de la caractérisation des
tumeurs. La difficulté vient du fait que la structure traversée
est hétérogène, composée de couches d’épaisseurs non
constantes et a priori inconnues ; il est difficile d’obtenir des
images morphologiques précises des tissus de cette façon.
Pour remédier à la résolution spatiale limitée des
méthodes purement optiques, il est possible de marier des
méthodes optiques et acoustiques.
Couplage lumière-ultrasons
Les principes physiques de ces méthodes font intervenir
différentes formes de couplage entre un champ électroma-
gnétique et un champ acoustique : leur but reste bien de
révéler des contrastes optiques mais avec désormais une
résolution qui est celle des ondes acoustiques (inférieure au
mm).
On peut par exemple utiliser l’effet photo-acoustique de
la façon suivante : des impulsions infrarouges (quelques
nanosecondes) sont envoyées dans l’échantillon, induisant
un échauffement aux sites qui présentent de l’absorption.
Cet échauffement engendre des déformations locales des
zones absorbantes, qui deviennent alors sources d’ondes
acoustiques. Cette approche révèle bien la distribution de
l’absorption optique dans le milieu exploré. La difficulté
vient ici de la mauvaise propagation des ultrasons de haute
fréquence dans les tissus et de la multitude des zones
sources qui complique parfois l’inversion des mesures.
Cependant, la possibilité d’observer avec cette technique
l’activation cérébrale chez le rat anesthésié a été démontrée
en 2003. La résolution atteinte, sous la boite crânienne, est
inférieure au mm.
Les méthodes acousto-optiques utilisent une idée plus
indirecte : un faisceau laser traverse le tissu et l’on enre-
gistre la distribution complexe d’intensité à la sortie de
l’échantillon. Un transducteur ultrasonore est focalisé sur
une petite région de tissu parcourue par la lumière et
« agite » les diffuseurs présents à cet endroit produisant une
modulation de la distribution de lumière émergente. Selon
les propriétés d’absorption optique la modulation résultante
est, comme nous le verrons, plus ou moins importante. Cette
technique prometteuse a été mise au point dans notre labo-
ratoire. Elle possède actuellement une résolution spatiale de
l’ordre du mm dans les trois dimensions de l’espace à tra-
vers plusieurs cm de tissu.
Origine physique du signal acousto-optique
L’effet acousto-optique dans un milieu homogène, utilisé
par exemple pour réaliser des modulateurs de lumière, est
lié à la diffraction de la lumière par les ondes ultrasonores.
Dans le cas de tissus diffusants, cet effet est un peu plus
complexe : la lumière est injectée dans l’échantillon dans la
« fenêtre thérapeutique » du proche infrarouge (longueur
d’onde ∼750 à 1 000 nm, puissance de l’ordre de la cen-
taine de mW). Du fait de la forte diffusion multiple, cette
lumière remplit assez largement le volume de l’échantillon.
La lumière utilisée est très monochromatique (diode laser
monofréquence), de sorte qu’après toutes les diffusions sur
les nombreux centres diffuseurs présents dans l’échantillon,
les différentes ondelettes interfèrent lorsqu’elles finissent
par s’échapper du tissu. L’interférence de ces ondelettes
multiples, sortant « en désordre » de l’échantillon, donne
naissance à une figure bien connue des utilisateurs de lasers
et appelée « granularité laser », ou « speckle » (encadré 2).
Outre le faisceau laser, un faisceau convergent d’ultrasons
(fréquence 2,5 à 3,5 MHz , durée d’impulsion ∼1 µs ; lon-
gueur d’onde ∼0,5 mm), est focalisé dans l’échantillon
(figure 2). Les ultrasons à cette longueur d’onde ne sont que
très faiblement diffusés par les tissus biologiques et, contrai-
rement à la lumière du laser, le faisceau d’ultrasons s’y pro-
page donc sans perturbation appréciable. Par suite, dans tout
le volume (∼1 mm3) de l’échantillon occupé à un instant
donné par la brève impulsion ultrasonore, les centres qui dif-
fusent la lumière laser oscillent à la fréquence des ultrasons :
les ultrasons se propageant beaucoup moins vite que la
lumière, nous pouvons légitimement utiliser cette image
quasi statique. La longueur de chaque « chemin de diffusion »
suivi par la lumière laser est donc modifiée à la fréquence de
l’ultrason. De même la pression périodique associée au
champ ultrasonore modifie périodiquement l’indice de
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