Couplage acoustique/optique pour l`imagerie des tissus biologiques

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Couplage acoustique/optique pour l’imagerie des tissus biologiques
Par Emmanuel Bossy
Compte rendu du séminaire de la FIP du 24 Mars 2009
Pauline Comini
Résumé:
The combination of optics and acoustics in the context of biomedical research has led in recent years
to the development of several multi-wave approaches for tissue characterization. The rationale for
combining optics and acoustics for tissue characterization are various, such as to compensate
limitations of single-modality approaches or to provide physical parameters of complementary
nature. After a brief comparative introduction to the basics of light and sound propagation in tissue,
this talk will give an overview of recent trends in this field, including techniques such as photoacoustic and acousto-optic imaging. The main objective of these two imaging techniques is to provide
parametric images of optical nature (such as optical absorption) several centimeters deep in tissue,
with the millimetric resolution of MHz ultrasound whereas purely optical techniques are limited to
typically centimetric resolution at centimeter depths. The presentation will discuss the state of the art
for these two approaches. We will then present two new approaches developed in our groups derived
from these techniques, with different objectives. Based on in vitro experiments and simulations, we
will show how the photo-acoustic effect can provide guide-stars for time-reversal-based focusing of
ultrasound beam, with potential applications for ultrasound therapy, and how optical detection of
shear wave propagation allows detecting both elasticity contrasts and optical contrasts at centimeter
depths in tissue-mimicking phantoms.
Introduction:
Parmi les méthodes d’imagerie médicale, on compte l’imagerie optique et l’échographie.
La première peut permettre de visualiser des pathologies qui se distinguent souvent du reste des
tissus par une différence de teinte ou de forme. Afin de caractériser les milieux traversés par la
lumière, on peut également étudier les coefficients d’absorption et de diffusion, qui renseignent sur
la morphologie ou la fonction. L’intérêt de l’imagerie optique est qu’elle ne présente aucun danger
pour le corps humain et qu’elle autorise l’emploi de produits de contraste. Inconvénient majeur :
pour observer ainsi l’intérieur du corps, il faut souvent ouvrir. Les tissus biologiques sont plus ou
moins transparents à la lumière : dans les longueurs d’onde du spectre visible, c’est le rouge qui est
le moins absorbé, avec une longueur d’absorption la de l’ordre de 10 cm et un coefficient
d’absorption µa d’environ 0,1 cm-1. La lumière est également très diffusée dans ces milieux car ceuxci sont très hétérogènes quelque soit l’échelle considérée. Le libre parcours moyen y est d’environ
100 µm, toujours pour le rouge. Globalement, la diffusion a lieu vers l’avant, mais avec une diffusion
isotrope tous les millimètres. La lumière, qui peut traverser les tissus biologiques sur une dizaine de
centimètres en quelques nanosecondes, perd donc la mémoire de sa provenance très rapidement.
L’échographie utilise elle les ultrasons. On étudie dans ce cas le coefficient de réflexion, qui dépend
des changements de densité et de la compressibilité des différents milieux. Par cette méthode, la
résolution est de l’ordre du millimètre, ce qui correspondant aux longueurs d’ondes ultrasonore. On
a cette fois peu de diffusion (une diffusion à la réflexion, mais pas de diffusion secondaire).
L’échographie est bien adaptée à l’imagerie des tissus mous mais pas pour les interfaces gazeuses ou
osseuses. De plus, elle n’est pas sensible au module de cisaillement du milieu traversé : elle
n’apporte donc aucun renseignement sur sa dureté, contrairement à une palpation. Enfin, une bonne
échographie suppose que la vitesse du son soit homogène dans la zone à observer or ce n’est pas le
cas.
Afin de profiter des avantages de ces deux méthodes, voire même d’améliorer les images des tissus
qu’elles nous fournissent, il est alors intéressant d’étudier un couplage entre l’acoustique et
l’optique.
Table des matières:
I–
Interaction entre lumière et mouvement
a) Principe de l’imagerie acousto-optique
b) Opto-élastographie ultrarapide
II – Génération de sons par absorption optique
a) Imagerie photoacoustique
b) Guidage optique pour une thérapie par ultrasons
I–
Interaction entre lumière et mouvement
a) Principe de l’imagerie acousto-optique
On éclaire un milieu diffusif comme un gel semblable aux tissus biologiques par un laser en mode
continu, à une fréquence fL donnée. La diffusion de la lumière par ce milieu entraine que les rayons
suivent des chemins très différents. En sortie, on obtient une figure d’interférence de speckle. La
fréquence lumineuse n’a pas été modifiée. Si le milieu traversé est liquide, la figure de speckle est
dynamique en raison du mouvement brownien.
Figure 1 : aspect d’une figure de speckle d’un milieu diffusif
Si à présent on envoie dans ce gel des ultrasons focalisés, les particules diffusives du gel se mettent à
osciller à la fréquence fUS des ultrasons. Quand on éclaire avec le laser, les différents trajets de la
lumière vont donc varier périodiquement puisqu’on a une collection de sources dont la phase est
modulée par la fréquence des ultrasons. En sortie, le spectre en fréquence de la figure de speckle est
centré sur le pic central à la fréquence du laser et on voit cette fois apparaître deux autres pics, un à
la fréquence fL - fUS et l’autre à la fréquence fL + fUS. On a ainsi effectué un marquage d’une zone
précise affectée par les ultrasons.
Cette technique offre la possibilité de repérer un endroit précis où la lumière a été absorbée. Pour
cela, on balaye la zone à observer par les ultrasons et à chaque position du faisceau d’ultrasons, on
analyse le signal reçu à la fréquence fL ± fUS. Lorsque l’intensité transmise chute, c’est qu’en cet
endroit particulier, il y a un obstacle opaque à la lumière du laser.
Figure 2 : principe de l’imagerie acousto-optique
b) Opto-élastographie ultrarapide
Si le milieu considéré absorbe ou réfléchit les ultrasons, il s’exerce alors sur celui-ci une pression de
radiation et cette force est toujours dans le même sens. On envoie un train d’onde de pression dans
le milieu : ce dernier réagit avec un retard de l’ordre de la milliseconde et subit un déplacement
supérieur au micromètre. Ce retard de réponse dépend des propriétés viscoélastiques de
cisaillement du milieu. En exerçant ainsi une poussée sur le milieu, on génère des ondes de
cisaillement qui se propagent orthogonalement à la direction de propagation des ultrasons. Pour une
poussée durant 100 µs, ces ondes de cisaillement se propagent dans le milieu pendant 10 ms environ
à une vitesse de 2 m/s, soit 1000 fois plus lentement que les ultrasons.
Le milieu est maintenant éclairé par un laser monochromatique et une caméra enregistre les figures
de speckle au cours de l’expérience. Pour observer le mouvement dû aux ondes de cisaillement, on
cherche alors la corrélation entre les images de speckle successives. Le coefficient de corrélation
vaut 1 si les 2 images successives sont identiques et 0 si elles sont totalement différentes. On peut
ainsi détecter des phénomènes dus aux ultrasons, même bien après que ceux-ci ont été coupés.
Figure 3 : coefficient de corrélation entre images de speckle successives
L’intérêt de ces observations vient du fait qu’elles permettent de visualiser des zones de plus grande
dureté -l’onde de cisaillement est alors juste plus faible- mais également de renseigner sur des zones
pourtant optiquement mortes : les ondes de cisaillement qui en sont issues vont se propager jusque
dans des zones où la lumière n’est pas absorbée et seront repérables à l’analyse des figures de
speckle. C’est ce que l’on observe sur la figure ci-dessous : en bleu est la courbe correspondant au
milieu de référence, en noir est la courbe obtenue quand les ultrasons sont envoyés dans une zone
plus dure, d’où une perturbation moins importante et en rouge se trouve reportée la courbe obtenue
lorsque les ultrasons sont envoyés dans une zone absorbant la lumière ; le retard correspond au
temps mis par les ondes de cisaillement pour sortir de cette zone « noire ».
Figure 4 : différents coefficients de corrélation selon les propriétés du milieu dans lequel sont
appliqués les ultrasons.
Ce premier type de couplage permet donc de voir les différences de propriétés optiques et
mécaniques du milieu et cela à plusieurs centimètres de profondeur et pour des défauts de l’ordre
de quelques millimètres.
II – Génération de sons par absorption optique
a) Imagerie photoacoustique
Un deuxième type de couplage entre l’optique et l’acoustique est la génération de sons par
absorption optique. En effet, la lumière apporte de l’énergie au milieu qu’elle traverse, faisant
augmenter la température de celui-ci et induisant donc une dilatation. Mais le milieu a tendance à
s’opposer à cette déformation : on a donc une succession compression/dilatation, autrement dit
création d’une onde sonore. Une fraction de l’énergie apportée par la lumière passe sous forme
mécanique. La zone qui absorbe la lumière se comporte donc comme une source de son étudiable :
c’est le principe de l’imagerie photoacoustique.
Dans le cerveau, ce sont ainsi les vaisseaux qui seront mis en évidence, puisqu’ils absorbent plus la
lumière. L’imagerie photoacoustique peut également être utilisée pour repérer l’endroit dans les
tissus biologiques où s’est fixé un agent de contraste optique : la zone marquée absorbe la lumière et
émet des ondes sonores recueillies par un capteur d’ultrasons, permettant donc de la localiser.
Figure 5 : exemple d’image photoacoustique où l’agent de contraste est mis en évidence (en rouge)
b) Guidage optique pour une thérapie par ultrasons
En vue d’application thérapeutique, on aimerait utiliser le processus inverse : en envoyant des sons
sur une zone à traiter, on y génère de la lumière, donc de l’énergie, qui sert à brûler le tissu. Il suffit
pour cela de faire appel au principe de renversement du temps. On peut réémettre le signal sonore
reçu en imagerie photoacoustique pour qu’il se concentre sur sa source originelle ; il faut par contre
faire durer ce signal plus longtemps qu’en imagerie afin de faire chauffer la zone ciblée.
Dans le cas d’une opération visant à brûler un vaisseau sanguin particulier, le problème est d’isoler le
signal sonore que celui-ci émet lorsqu’il absorbe la lumière parmi les signaux de tous les autres
vaisseaux sanguins. Dans l’expérience suivante, les vaisseaux sanguins sont modélisés par de fins
tubes de PVC remplis d’encre. L’un d’entre eux est rempli d’encre verte, agent de contraste optique.
Le principe est de faire une première image photoacoustique à  = 672 nm, longueur d’onde à
laquelle tous ces vaisseaux absorbent la lumière et émettent un signal sonore. Une deuxième image
est faite à  = 730 nm, pour laquelle le vaisseau marqué n’absorbe pas et donc n’émet aucun signal
sonore.
Figure 6 : Image photoacoustique des tubes (vue de dessus) à  = 672 nm
Figure 7 : en vert, le vaisseau marqué par un agent de contraste ; son signal sonore a disparu lorsque
les vaisseaux sont éclairés à  = 730 nm.
La soustraction des deux séries de signaux permet donc d’isoler le signal sonore issu de vaisseau
marqué, que l’on peut ensuite renvoyer pour chauffer ce vaisseau particulier.
Figure 8 : à gauche, tous les signaux sonores sont renvoyés ; à droite, seul le signal isolé provenant du
vaisseau marqué est renvoyé.
On constate que la pression acoustique est relativement bien focalisée sur le vaisseau destiné à être
brûler : on parvient donc à sélectionner la zone à traiter, et même si les alentours subissent
également un échauffement, la précision de cette méthode est meilleure que celle de l’ablation aux
ultrasons telle qu’elle existe déjà.
Conclusion:
Les résultats présentés lors de ce séminaire montrent le grand intérêt représenté par l’utilisation
combinée de l’acoustique et de l’optique. Outre l’amélioration des techniques d’imagerie des tissus
biologiques, le couplage acousto-optique nous renseigne, sans avoir recours à une méthode invasive,
sur l’élasticité d’un tissu pouvant être hors d’atteinte lors d’une simple palpation. Et au-delà de la
détection d’une pathologie, le couplage photo-acoustique offre la perspective d’une application
thérapeutique ciblée très efficace.
N.B. : Toutes les figures illustrant ce compte-rendu sont issues de la présentation d’Emmanuel Bossy.
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