Ce taux n’est plus que de 18,1 % en pneumologie libérale. Il
faut souligner que la disponibilité requise est également aug-
mentée par l’angoisse que crée en général la perspective de la
découverte d’une pathologie respiratoire chez le patient (sou-
vent aussi chez son généraliste), ce qui amène fréquemment à
prendre en charge, dans des délais très brefs, des cas qui ne sont
pas véritablement urgents médicalement, pour des raisons pure-
ment psychologiques.
Pendant l’acte médical, les femmes accordent souvent un temps
d’écoute supérieur au patient, ont une meilleure connaissance des
recommandations de médecine préventive et les appliquent
davantage (13). Le temps de consultation pour une même patho-
logie en pédiatrie est plus long de 29 % ; les femmes communi-
quent davantage pendant l’examen physique, partagent plus
l’information avec l’enfant, l’encouragent et le rassurent davan-
tage, abordent davantage les problèmes sociaux. Les enfants sont
plus satisfaits quand le médecin a le même sexe qu’eux, et les
parents quand le médecin est une femme (14). Quelques généra-
listes femmes voient jusqu’à 85 % de femmes. Leurs patientes
déclarent, dans des interviews, que leurs médecins femmes
réunissent des qualités masculines et féminines dans l’exercice
médical, telles que l’assurance et le sens de l’initiative, mais aussi
l’aptitude à leur manifester de l’affection (15). En pneumologie,
ces constatations semblent particulièrement importantes pour des
pathologies telles que l’asthme, qui nécessite écoute et préven-
tion, la consultation initiale pouvant être la première approche
d’un acte d’éducation, ou telles que le cancer bronchique ou les
BPCO, pathologies pour lesquelles il faut dispenser le soin au
patient dans un climat d’empathie, avec un conseil de prévention
quant à la pratique tabagique, mais sans culpabilisation exces-
sive. Notre propos n’est, bien entendu, pas de prétendre à une
revendication féminine exclusive de ces qualités !
En fait, certaines autres enquêtes voient disparaître la différence
en fonction du sexe pour des critères comme la qualité de l’acces-
sibilité du praticien, de la performance technique, de la relation
médecin-malade, de l’information reçue, de l’organisation géné-
rale du soin, au profit d’une différence qui n’apparaît plus qu’en
fonction de l’ancienneté de la pratique : le patient est plus satis-
fait quand le praticien exerce depuis moins de 10 ans (16).
Il semble également que le sexe du patient soit un facteur
d’influence peut-être aussi important que celui du praticien dans
la décision médicale, et l’influence d’un sexe plutôt masculin
chez les malades de pneumologie est mal évaluée. Les méde-
cins qui s’occupent de femmes s’occupent davantage de leur
patientes, leur accordent plus d’attention et de chaleur, plus
d’information médicale et de conseils (17). Pour des patients
présentant des pathologies équivalentes, le médecin prescrit
3,6 fois plus souvent une restriction d’activité à une patiente qu’à
un patient et jusqu’à 4 fois plus si le médecin est un homme,
même après avoir ajusté le facteur comportement, plus expres-
sif chez la femme dans la présentation de ses symptômes (18).
Certaines études font état de séjours hospitaliers plus prolongés
chez les femmes, même en tenant compte du fait qu’elles sont
plus souvent veuves, l’absence de conjoint retardant classique-
ment la sortie de l’hospitalisation. Ces séjours sont aussi, en
moyenne, “moins technologiques”, nécessitant moins de soins
infirmiers et moins de séjours en réanimation (19). Les femmes
sont plus consommatrices de soins : en moyenne 3,8 consulta-
tions par an, contre 3 pour les hommes, et un médicament au
moins prescrit dans l’année en 1974 chez 66 % des femmes,
contre 54 % des hommes (15).
On ne dispose pas d’enquête d’opinion faisant état de la satis-
faction des pneumologues femmes à propos de l’exercice de leur
spécialité. D’une façon générale, dans d’autres spécialités, les
femmes obtiennent, à résultats équivalents au cours de leurs
études, des postes de moindre responsabilité, et une moins forte
rémunération, même pour des postes équivalents et hautement
qualifiés comme ceux de chirurgien plasticien (20) ou de chirur-
gien cardiothoracique (21). Elles se plaignent beaucoup plus sou-
vent que les hommes d’une discrimination ou d’un harcèlement
importants à tous les stades de leur carrière. Le sexe reste le
meilleur indicateur de revenus, bien avant la spécialité ou le
nombre d’heures de travail (22). En dépit de tout cela, elles décla-
rent pourtant souvent un même niveau de satisfaction que leurs
collègues masculins à propos de leur cursus médical (21), même
si elles estiment que leur progression est beaucoup plus aléatoire,
et sans rapport avec la qualité de leurs résultats. Dans certaines
enquêtes, elles peuvent, par exemple en radiologie, exprimer une
satisfaction moins importante, une impression d’exercer un moins
bon contrôle sur leur travail et le sentiment d’être plus débordées
(23). Elles se plaignent davantage du stress généré par l’exercice
professionnel (24), ou, souvent, plutôt d’un stress différent : res-
ponsabilité inhérente à leur rôle de médecin, et pression supplé-
mentaire des obligations familiales, alors que leurs collègues mas-
culins se disent plus stressés par leurs relations avec les patients,
leur incapacité à les guérir, le risque d’une mauvaise pratique
(25). Elles expriment plus d’insatisfaction quant au temps qu’elles
peuvent consacrer à leur patient, et aux possibilités d’actualiser
leurs connaissances médicales (26). De plus, elles peuvent se
référer à moins de modèles/mentors dans une vieille institution
encore très masculine (24). Les hommes disent parvenir plus sou-
vent à mettre en application leurs préférences. Ce n’est pas le cas
des femmes généralistes, surtout si elles travaillent à plein temps,
déclarant alors souvent vouloir changer de mode d’exercice (27).
D’une façon générale, les souhaits personnels quant au mode
d’exercice sont très variés ; il faut probablement abandonner les
profils traditionnels et proposer des carrières flexibles en fonc-
tion de l’âge, des préférences professionnelles et des impératifs
domestiques, dans une approche où l’élément “travail” n’est plus
aussi central qu’autrefois. En pneumologie, les femmes restent
sous-représentées, comme elles peuvent l’être en chirurgie par
exemple. Cette tendance persistera peut-être à l’avenir en raison
de certaines caractéristiques propres à cette spécialité, pourtant
abordée de façon très adaptée par les femmes, mais qui les sou-
met à des contraintes difficiles à assumer.
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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tual understanding of the potential for change. J Am Med Women’s Assoc
1993 ; 48 (4) : 115-21.
VIE PROFESSIONNELLE
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La Lettre du Pneumologue - Volume VI - no1 - janv.-févr. 2003