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●Les indications des implants cochléaires chez l’adulte
(A. Robier, Tours) s’élargissent, malgré le refus de certains malen-
tendants utilisant le langage des signes, qui considèrent que l’implant
cochléaire n’est pas nécessaire, et que, au contraire, il désocialise
le patient s’il vit dans un milieu où la communication est gestuelle.
L’implant cochléaire est aujourd’hui proposé aux adultes souf-
frant d’une surdité postlinguale bilatérale profonde, mais aussi à
ceux qui ont une surdité sévère bilatérale, dès lors que le gain
prothétique avec des prothèses auditives conventionnelles sur-
puissantes est insuffisant, c’est-à-dire lorsque la discrimination
en audiométrie vocale en liste ouverte reste inférieure à 30 %.
Le bilan pré-implantation nécessaire chez l’adulte comprend plu-
sieurs volets : la recherche de l’étiologie de la surdité, les tests audio-
métriques, le bilan orthophonique, l’imagerie et le bilan psycholo-
gique. Il y a, parmi ces adultes implantés, beaucoup de patients
devenus sourds après traumatisme ou méningite. Dans ce dernier
cas, il ne faut pas méconnaître le risque d’ossification de la cochlée,
qui rendrait l’implantation plus difficile. En ce qui concerne le bilan
audiométrique, celui-ci comporte une audiométrie tonale et vocale,
mais aussi un enregistrement des potentiels évoqués auditifs avant
l’intervention chirurgicale puis à sa fin. Il faut insister sur le bilan
psychologique, car de la motivation du patient dépend le résultat
fonctionnel de l’implantation. Il faut apprécier la motivation du
patient à rester (ou à entrer) dans le monde oraliste.
Il faut enfin prendre en compte l’environnement familial, social
et professionnel pour préjuger au mieux du bénéfice que le patient
peut attendre de l’implant cochléaire dans sa vie courante. Il est
important aussi de modérer les espoirs du patient et de sa famille :
l’implant cochléaire ne restaure pas l’audition perdue, et il faut
apprendre un nouveau système de codage des sons pour s’en ser-
vir, ce qui est long.
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●Le Pr E.N. Garabédian (hôpital Trousseau, Paris) a fait une
mise au point sur l’implant cochléaire chez l’enfant. Pour lui,
la lutte actuelle des sourds gestuels contre l’implant cochléaire,
menée notamment par E. Laborit avec Les sourds en colère, est
un faux problème. La question est de bien poser l’indication avec,
en particulier, une évaluation du bénéfice d’une communication
orale pour chaque enfant concerné, dans le milieu où il vit.
Les surdités de l’enfant sont qualifiées de pré-, péri- ou postlin-
guales en fonction de leur date d’apparition par rapport à l’acqui-
sition du langage, car c’est ce qui conditionne le pronostic. Celui-
ci est d’autant meilleur que l’enfant a entendu plus longtemps.
Les surdités prélinguales sont celles qui sont apparues avant l’âge
d’un an, avant l’acquisition du langage ; 95 % d’entre elles sont
congénitales, les autres étant acquises le plus souvent après une
méningite bactérienne. Les surdités périlinguales sont celles qui
sont apparues pendant la phase d’apprentissage du langage, c’est-
à-dire entre quatorze mois et deux ans et demi. Les surdités appa-
rues après l’âge de trois ans sont dites post-linguales.
L’implantation cochléaire d’un enfant demande une prise en
charge multidisciplinaire et des structures d’accueil spécifiques,
car le problème clinique et psychologique est complexe et la prise
en charge longue. De plus, il est nécessaire de pouvoir étudier de
grandes cohortes d’enfants implantés pour tirer des conclusions
valables sur les résultats.
En pratique, la discussion de l’indication et des résultats est menée
par une équipe composée de l’audiophonologiste, du chirurgien
ORL, du psychologue, de l’orthophoniste, du radiologue, de
l’audioprothésiste et de l’ingénieur biomédical.
Le bilan pré-implantation comprend, comme chez l’adulte, un
bilan clinique objectif et une évaluation psychologique, qui est
ici plus difficile car le petit enfant s’exprime peu, et il faut prendre
en compte les souhaits de l’entourage et ses motivations pour sti-
muler l’enfant pendant la rééducation. Il faut insister sur la
recherche de syndromes polymalformatifs associés pour prendre
en charge l’ensemble de la pathologie, en sachant qu’en aucun
cas des malformations ou une maladie chronique ne sont une
contre-indication à l’implant cochléaire. Ainsi, une hémiplégie,
une leucémie, une mucoviscidose ne doivent pas empêcher
l’implantation. En cas de syndrome d’Usher, elle est même
urgente, car l’enfant va perdre rapidement la vision, et il aura
besoin d’avoir développé une communication orale correcte
puisque le langage gestuel lui sera interdit. Seul un retard men-
tal important est gênant, car il empêche une rééducation efficace,
et l’implant ne sert alors à rien.
Les indications de l’implant cochléaire chez l’enfant sont
aujourd’hui les surdités profondes ou les cophoses bilatérales.
Comme chez l’adulte, elles s’étendent de plus en plus aux surdi-
tés bilatérales sévères, quand l’intelligibilité vocale en liste
ouverte est inférieure à 30 % avec des prothèses conventionnelles
surpuissantes.
Les résultats de l’implantation cochléaire sont globalement bons :
97 % des enfants implantés ont un seuil tonal inférieur ou égal à
30 dB. Ce bon résultat en audiométrie tonale ne préjuge cepen-
dant pas du bénéfice dans la vie courante, mieux apprécié par un
questionnaire et l’audiométrie vocale.
Pour ces enfants, le langage oral est :
–excellent, c’est-à-dire comparable à celui des entendants
(l’enfant peut par exemple répondre au téléphone à un inconnu),
dans 20 % des cas ;
–bon, c’est-à-dire avec une expression orale efficace, mais
encore aidée par la gestuelle, dans 50 % des cas ;
–médiocre (l’enfant dit quelques mots, comprend l’appel de son
prénom, entend une voiture arriver dans la rue) dans 20 % des cas ;
–absent dans 10 % des cas.
On peut espérer une nouvelle évolution dans ces résultats, grâce
aux progrès techniques du traitement du signal sonore et à l’amé-
lioration de la prise en charge globale des enfants. Plus l’enfant
est implanté jeune et meilleurs sont les résultats, pour des raisons
de plasticité cérébrale probablement, mais il est difficile de pro-
poser ce traitement lourd avant l’âge de deux ans. En effet, le dia-
gnostic de la surdité et de son seuil est difficile à poser avec cer-
titude avant cet âge, l’enfant s’exprimant peu, et les PEA ne nous
renseignant que sur les fréquences aiguës. Un nouveau système
de PEA testant les fréquences graves est en cours d’évaluation
aux États-Unis.
En conclusion, l’implant cochléaire constitue un traitement révo-
lutionnaire des surdités profondes de l’enfant, qui permet de lui
proposer de rester dans le monde des oralistes. Il nécessite cepen-
dant une prise en charge lourde et prolongée.
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no252 - avril 2000
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