L
a sixième édition des Assises d’ORL a rassemblé à
Nice, les 3, 4 et 5 février, plus de 850 participants,
ORL libéraux ou hospitaliers (soit plus du double que
lors de l’édition précédente). La vocation de ce congrès était de
proposer une mise à jour pratique de sujets variés. Il comportait
une combinaison d’ateliers et de conférences, ainsi que la retrans-
mission en direct d’interventions chirurgicales, dont il faut sou-
ligner la grande qualité audiovisuelle, qu’il s’agisse de chirurgie
à ciel ouvert ou de microchirurgie.
RADIOFRÉQUENCE :
MÉCANISMES ET INDICATIONS
La radiofréquence est une forme d’électrochirurgie utilisable à
des fréquences variables et qui représente une nouvelle alterna-
tive pour les turbinectomies et la chirurgie vélaire.
G. Lévy (Nice) en a rappelé les mécanismes, en la comparant au
bistouri électrique.
Tous deux utilisent un courant alternatif, mais la radiofréquence
a une puissance moindre (100 W contre 1 000 W pour le bis-
touri électrique), une fréquence variable : entre 460 kHz et
4MHz (le bistouri électrique s’utilise à 500 kHz), et une tem-
pérature de chauffe progressive (de 40 °C à 90 °C), alors que
le bistouri électrique monte d’emblée à 800 °C. Ce courant alter-
natif provoque une agitation ionique dans les tissus, avec une
élévation de la température par friction des molécules, qui reste
assez modérée. Au niveau tissulaire, il en résulte soit une vapo-
risation de la cellule (explosion), soit une dessiccation, qui
conduisent à la fibrose du tissu. Ainsi, le tissu diminue de
volume et se rigidifie. Cette méthode est d’autant plus efficace
que le tissu est riche en eau, d’où l’intérêt d’une infiltration
préalable. La radiofréquence est utilisable selon deux modes,
monopolaire et bipolaire, et avec des puissances différentes
en section, coagulation et fulguration. Cette dernière est utili-
sée essentiellement en dermatologie pour brûler des surfaces
d’épiderme.
La radiofréquence est contre-indiquée en cas de pacemaker,
d’hypertension artérielle, de troubles de la coagulation et de
manque de coopération du patient.
Il existe actuellement sur le marché deux appareils : Somnus
(“Somnoplasty”) de Laserscope, et Ellman Surgytron, de Collin.
Les hypertrophies turbinales inférieures
(G. Lévy)
La radiofréquence s’adresse aux patients qui présentent une
hypertrophie turbinale isolée. Elle est contre-indiquée en cas de
malformation anatomique locale. Elle s’utilise sous anesthésie
locale par xylocaïne seule, sans vasoconstricteur, puisque le but
est d’avoir le volume le plus important possible de tissus. On réa-
lise une anesthésie de contact, puis une infiltration des cornets.
La sonde de radiofréquence est ensuite plantée dans le cornet,
pour délivrer 500 J au total. Il faut éviter le contact avec l’os tur-
binal, qui est très douloureux et peut provoquer sa nécrose.
L’intervention présentée en direct a permis de se rendre compte
de la facilité de la méthode si l’anesthésie locale est bien faite, et
de sa rapidité : 30 minutes maximum, en comptant le temps de
l’anesthésie. Il n’y a pas eu de saignement local.
L’efficacité du geste s’évalue à partir du dixième jour, ce qui cor-
respond au temps que met la fibrose à se constituer. Une deuxième
intervention peut être proposée si le patient est toujours gêné, au
bout de 4 à 6 semaines.
La radiofréquence dans la chirurgie vélaire pour ronchopathie
simple
(B. Meyer, Paris)
L’équipe de l’hôpital Saint-Antoine, à Paris, a inclus 110 patients
dans une étude prospective, pour déterminer les modalités d’uti-
lisation de la radiofréquence dans l’hypertrophie vélaire et son
efficacité.
Ces patients avaient une ronchopathie simple, avec un indice
d’apnées horaire (IAH) inférieur à 10. Les contre-indications abso-
lues et relatives sont présentées dans les tableaux I et II.
Attention aux patients parlant une langue comportant beaucoup de
consonnes nasonnées (arabe, espagnol, hébreu, russe) et aux pro-
fessionnels de la voix ! Avant l’intervention, il faut proscrire l’aspi-
rine pendant 10 jours, prescrire une antibioprophylaxie aux valvu-
ACTUALITÉ
Sixièmes Assises d’ORL
Nice, 3-5 février 2000
C. Médard*
5
La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no252 - avril 2000
* Service ORL, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris.
Tableau I. Contre-indications absolues de la radiofréquence.
• SAOS modéré ou sévère.
• Trismus ou constriction permanente des maxillaires.
• Patient non coopérant.
• Fente palatine.
• Insuffisance vélaire préexistante.
• Pacemaker.
• Traitement antiagrégant ou anticoagulant.
lopathes (2 h avant le geste et 2 h après), et faire venir le patient
après un jeûne de 3 h. La technique de réduction vélaire comprend
une anesthésie locale de contact à la xylocaïne 1 % pendant
30 minutes. Elle est suivie d’une infiltration du voile (2 cc de xylo-
caïne 1 %). Celle-ci est déterminante pour la réussite du geste, car
elle augmente le volume hydrique à l’intérieur du voile. Il est très
important d’infiltrer assez profondément dans le muscle, et non en
sous-muqueux. Si une bulle sous-muqueuse se produit, il faut
attendre sa résorption pour ne pas risquer une nécrose muqueuse
après la radiofréquence. L’infiltration est pratiquée en trois points :
le premier est médian, au-dessus de la luette, les deux suivants sont
paramédians. La radiofréquence est utilisée ensuite à la puissance
de 20 W en 20 secondes, ce qui équivaut à une dose de 500 J, et
jusqu’à 1 000 J selon les patients. On surveille sur le monitoring
que la température dans le voile ne dépasse pas 90 °C. Comme pour
l’infiltration, le voile est piqué en intramusculaire, en trois points.
Le point médian aura surtout un effet sur la luette ; il est moins
important que les deux points paramédians. Il faut veiller à ne pas
piquer trop près des piliers. En postopératoire, l’antibiothérapie n’est
pas nécessaire. Des antalgiques à base de paracétamol sont pres-
crits pour quelques jours, et une alimentation froide est conseillée.
Le patient est revu au septième jour, pour vérifier l’absence de com-
plication locale (nécrose muqueuse), et à la sixième semaine, pour
évaluer le résultat et la nécessité éventuelle d’une deuxième séance.
Les résultats à court terme (un an) sont encourageants. Parmi les
110 patients de l’étude, 91 % ont bénéficié d’une amélioration de
leur état par cette méthode, avec une douleur postopératoire
moindre qu’après chirurgie. Elle ne durait en moyenne que quatre
jours et était sensible aux antalgiques périphériques. Les échecs
constatés étaient dus à une luette trop longue, pour laquelle on peut
proposer une résection chirurgicale. Il a fallu 1,5 séance en
moyenne pour arriver à ces résultats, avec une dose optimale de
500 J pour chacun des trois points d’application. Les effets secon-
daires ont été rares, majoritairement des nécroses muqueuses, spon-
tanément réversibles.
F. Chabolle, au forum questions-réponses, a confirmé l’effica-
cité de la technique dans son centre à l’hôpital Foch (Suresnes),
avec 85 % de patients satisfaits, et une nette diminution des dou-
leurs par rapport au traitement par laser.
En conclusion, l’avantage majeur de la technique est sa facilité
d’utilisation, qui permet le geste en ambulatoire, sous anesthésie
locale. Les résultats semblent prometteurs, mais le recul est faible,
d’un an environ. Le but est de pouvoir, dans l’avenir, la mettre
en œuvre au cabinet, ce qui pose les problèmes du coût et du cadre
médico-légal : l’appareil vaut aujourd’hui en moyenne 150 000 F,
et les deux systèmes commercialisés fonctionnent avec des sondes
à usage unique, qui coûtent au moins 500 F pièce. Par ailleurs,
aucune cotation pour remboursement par la Sécurité sociale n’est
prévue, cette technique étant considérée comme un luxe. Enfin,
le problème de la couverture du praticien par les assurances n’est
pas résolu. Il faut donc attendre les résultats à plus long terme
des essais menés dans les centres hospitaliers testant la méthode,
et la diminution du coût global.
AIDES AUDITIVES
Ces dernières années, les progrès techniques dans le traitement du
signal sonore et dans la miniaturisation des appareils ont mis à
notre disposition un éventail de nouvelles solutions pour le traite-
ment des surdités (B. Frachet, hôpital Avicenne). Il s’agit de
l’implant cochléaire, des prothèses implantables d’oreille moyenne
et des prothèses à ancrage osseux (Bone Anchored Hearing Aid,
ou BAHA). Ces nouvelles technologies sont encore peu utilisées
en pratique courante, car elles sont mal connues et leur coût dépasse
de loin celui des prothèses conventionnelles. Par ailleurs, on en
attend les résultats à moyen terme (figures 1 et 2).
ACTUALITÉ
6
La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no252 - avril 2000
200 000
PC 200
BAHA
60
VCA
180
IC
Francs
100 000
5-10 000
PC BAHA
VCA IC
Tableau II. Contre-indications relatives de la radiofréquence.
• Hypertrophie amygdalienne et/ou adénoïdienne.
• Muqueuse pharyngée excessive.
• Macroglossie ou hypertrophie de l’amygdale linguale.
• Fente palatine sous-muqueuse, luette bifide.
• Malformations maxillo-faciales.
• Pathologies neurologiques vélaire ou pharyngée.
• Allergie aux anesthésiques locaux.
• Réflexe nauséeux hypersensible.
Figure 2. Le coût des différentes prothèses auditives (PC : prothèse
conventionnelle, BAHA : prothèse à ancrage osseux, VCA : implant
d’oreille moyenne, IC : implant cochléaire).
Figure 1. Nombre de prothèses en France par an (PC : prothèse conven-
tionnelle, BAHA : prothèse à ancrage osseux, VCA : implant d’oreille
moyenne, IC : implant cochléaire).
.../...
Les indications des implants cochléaires chez l’adulte
(A. Robier, Tours) s’élargissent, malgré le refus de certains malen-
tendants utilisant le langage des signes, qui considèrent que l’implant
cochléaire n’est pas nécessaire, et que, au contraire, il désocialise
le patient s’il vit dans un milieu où la communication est gestuelle.
L’implant cochléaire est aujourd’hui proposé aux adultes souf-
frant d’une surdité postlinguale bilatérale profonde, mais aussi à
ceux qui ont une surdité sévère bilatérale, dès lors que le gain
prothétique avec des prothèses auditives conventionnelles sur-
puissantes est insuffisant, c’est-à-dire lorsque la discrimination
en audiométrie vocale en liste ouverte reste inférieure à 30 %.
Le bilan pré-implantation nécessaire chez l’adulte comprend plu-
sieurs volets : la recherche de l’étiologie de la surdité, les tests audio-
métriques, le bilan orthophonique, l’imagerie et le bilan psycholo-
gique. Il y a, parmi ces adultes implantés, beaucoup de patients
devenus sourds après traumatisme ou méningite. Dans ce dernier
cas, il ne faut pas méconnaître le risque d’ossification de la cochlée,
qui rendrait l’implantation plus difficile. En ce qui concerne le bilan
audiométrique, celui-ci comporte une audiométrie tonale et vocale,
mais aussi un enregistrement des potentiels évoqués auditifs avant
l’intervention chirurgicale puis à sa fin. Il faut insister sur le bilan
psychologique, car de la motivation du patient dépend le résultat
fonctionnel de l’implantation. Il faut apprécier la motivation du
patient à rester (ou à entrer) dans le monde oraliste.
Il faut enfin prendre en compte l’environnement familial, social
et professionnel pour préjuger au mieux du bénéfice que le patient
peut attendre de l’implant cochléaire dans sa vie courante. Il est
important aussi de modérer les espoirs du patient et de sa famille :
l’implant cochléaire ne restaure pas l’audition perdue, et il faut
apprendre un nouveau système de codage des sons pour s’en ser-
vir, ce qui est long.
Le Pr E.N. Garabédian (hôpital Trousseau, Paris) a fait une
mise au point sur l’implant cochléaire chez l’enfant. Pour lui,
la lutte actuelle des sourds gestuels contre l’implant cochléaire,
menée notamment par E. Laborit avec Les sourds en colère, est
un faux problème. La question est de bien poser l’indication avec,
en particulier, une évaluation du bénéfice d’une communication
orale pour chaque enfant concerné, dans le milieu où il vit.
Les surdités de l’enfant sont qualifiées de pré-, péri- ou postlin-
guales en fonction de leur date d’apparition par rapport à l’acqui-
sition du langage, car c’est ce qui conditionne le pronostic. Celui-
ci est d’autant meilleur que l’enfant a entendu plus longtemps.
Les surdités prélinguales sont celles qui sont apparues avant l’âge
d’un an, avant l’acquisition du langage ; 95 % d’entre elles sont
congénitales, les autres étant acquises le plus souvent après une
méningite bactérienne. Les surdités périlinguales sont celles qui
sont apparues pendant la phase d’apprentissage du langage, c’est-
à-dire entre quatorze mois et deux ans et demi. Les surdités appa-
rues après l’âge de trois ans sont dites post-linguales.
L’implantation cochléaire d’un enfant demande une prise en
charge multidisciplinaire et des structures d’accueil spécifiques,
car le problème clinique et psychologique est complexe et la prise
en charge longue. De plus, il est nécessaire de pouvoir étudier de
grandes cohortes d’enfants implantés pour tirer des conclusions
valables sur les résultats.
En pratique, la discussion de l’indication et des résultats est menée
par une équipe composée de l’audiophonologiste, du chirurgien
ORL, du psychologue, de l’orthophoniste, du radiologue, de
l’audioprothésiste et de l’ingénieur biomédical.
Le bilan pré-implantation comprend, comme chez l’adulte, un
bilan clinique objectif et une évaluation psychologique, qui est
ici plus difficile car le petit enfant s’exprime peu, et il faut prendre
en compte les souhaits de l’entourage et ses motivations pour sti-
muler l’enfant pendant la rééducation. Il faut insister sur la
recherche de syndromes polymalformatifs associés pour prendre
en charge l’ensemble de la pathologie, en sachant qu’en aucun
cas des malformations ou une maladie chronique ne sont une
contre-indication à l’implant cochléaire. Ainsi, une hémiplégie,
une leucémie, une mucoviscidose ne doivent pas empêcher
l’implantation. En cas de syndrome d’Usher, elle est même
urgente, car l’enfant va perdre rapidement la vision, et il aura
besoin d’avoir développé une communication orale correcte
puisque le langage gestuel lui sera interdit. Seul un retard men-
tal important est gênant, car il empêche une rééducation efficace,
et l’implant ne sert alors à rien.
Les indications de l’implant cochléaire chez l’enfant sont
aujourd’hui les surdités profondes ou les cophoses bilatérales.
Comme chez l’adulte, elles s’étendent de plus en plus aux surdi-
tés bilatérales sévères, quand l’intelligibilité vocale en liste
ouverte est inférieure à 30 % avec des prothèses conventionnelles
surpuissantes.
Les résultats de l’implantation cochléaire sont globalement bons :
97 % des enfants implantés ont un seuil tonal inférieur ou égal à
30 dB. Ce bon résultat en audiométrie tonale ne préjuge cepen-
dant pas du bénéfice dans la vie courante, mieux apprécié par un
questionnaire et l’audiométrie vocale.
Pour ces enfants, le langage oral est :
excellent, c’est-à-dire comparable à celui des entendants
(l’enfant peut par exemple répondre au téléphone à un inconnu),
dans 20 % des cas ;
bon, c’est-à-dire avec une expression orale efficace, mais
encore aidée par la gestuelle, dans 50 % des cas ;
médiocre (l’enfant dit quelques mots, comprend l’appel de son
prénom, entend une voiture arriver dans la rue) dans 20 % des cas ;
absent dans 10 % des cas.
On peut espérer une nouvelle évolution dans ces résultats, grâce
aux progrès techniques du traitement du signal sonore et à l’amé-
lioration de la prise en charge globale des enfants. Plus l’enfant
est implanté jeune et meilleurs sont les résultats, pour des raisons
de plasticité cérébrale probablement, mais il est difficile de pro-
poser ce traitement lourd avant l’âge de deux ans. En effet, le dia-
gnostic de la surdité et de son seuil est difficile à poser avec cer-
titude avant cet âge, l’enfant s’exprimant peu, et les PEA ne nous
renseignant que sur les fréquences aiguës. Un nouveau système
de PEA testant les fréquences graves est en cours d’évaluation
aux États-Unis.
En conclusion, l’implant cochléaire constitue un traitement révo-
lutionnaire des surdités profondes de l’enfant, qui permet de lui
proposer de rester dans le monde des oralistes. Il nécessite cepen-
dant une prise en charge lourde et prolongée.
9
La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no252 - avril 2000
.../...
Les prothèses implantables d’oreille moyenne (A. Chays,
Dijon)permettent d’amplifier les sons et de les transmettre direc-
tement aux osselets grâce à un implant dans l’oreille moyenne.
Le capteur est appliqué sur la mastoïde du patient avec un aimant
et est relié au système transducteur, qui provoque le mouvement
des osselets. Il existe deux mécanismes physiques utilisables : le
quartz piézo-électrique et l’énergie électromagnétique.
La déformation du quartz crée un courant électrique, et inverse-
ment. L’idée est de poser un quartz sur l’étrier et de lui appliquer
le courant électrique traduisant le son reçu. Mais le volume de
quartz nécessaire pour avoir une puissance suffisante dépasse le
volume de l’oreille moyenne.
On préfère donc le système utilisant l’énergie électromagnétique.
Le courant alternatif appliqué à une bobine provoque son dépla-
cement. C’est le mécanisme du Vibrant Soundbridge (prothèse
Symphonix). La bobine est clippée sur l’enclume et reliée au
récepteur implanté dans la mastoïde. L’avantage de cet implant
est de réduire l’effet Larsen, d’avoir un fonctionnement non
linéaire prédominant sur 2 000-6 000 Hz, utile dans les surdités
sur les fréquences aiguës, et de ne pas occlure le conduit auditif
externe. Les restes d’audition sont utilisables, et il n’y a pas de
complications cutanées des embouts des prothèses convention-
nelles. Ces prothèses ne s’adressent pas aux otospongioses, mais
aux surdités de perception.
Les prothèses à ancrage osseux (BAHA) (I. Gahide, Nice)
sont ancrées dans l’os mastoïdien, ce qui permet d’augmenter la
transmission osseuse dans les surdités de transmission ou mixtes
non améliorées par le traitement chirurgical, ou pour lesquelles
une prothèse conventionnelle n’est pas utilisable. Les indications
sont les agénésies d’oreille moyenne bilatérales, l’otorrhée chro-
nique interdisant les prothèses conventionnelles, l’évidement
pétro-mastoïdien, et les surdités mixtes avec Rinne important et
dégradation modérée (< 45 dB) de la conduction osseuse.
Avant de poser l’indication, il faut pratiquer obligatoirement une
audiométrie vocale en conduction osseuse pour préjuger de l’effi-
cacité du système, et choisir le côté le meilleur. On peut faire
aussi un test Rod, qui consiste à évaluer le gain prothétique en
audiométrie vocale, la prothèse étant placée entre les dents.
A. Hausler (Berne, Suisse) a fait une mise au point sur les pro-
thèses conventionnelles. Le choix entre un appareil rétro-auri-
culaire et un appareil intra-auriculaire doit tenir compte de leurs
propriétés respectives. Les prothèses intra-auriculaires sont insé-
rées dans le conduit auditif externe, et évitent donc le souci esthé-
tique du contour d’oreille des prothèses rétro-auriculaires. De
plus, le microphone des prothèses intra-auriculaires étant situé
dans l’oreille externe, et non derrière celle-ci, elles conservent le
rôle du pavillon de l’oreille, qui est de moduler le son en fonc-
tion de sa provenance, pour pouvoir le localiser au mieux. Cepen-
dant, ces deux types de prothèses n’analysent pas les bandes de
fréquence de la même façon. Dans tous les cas, il est difficile
d’amplifier les fréquences graves. Les prothèses rétro-auricu-
laires proposent une amplification centrée sur le 1 000 Hz, tan-
dis que les prothèses intra-auriculaires ont une amplification plus
homogène, meilleure dans les fréquences de 2 000 Hz à 8 000Hz.
Elles ont aussi des délais d’action entre le microphone et le haut-
parleur différents, de 100 µs pour la prothèse intra-auriculaire et
de 500 µs pour la prothèse rétro-auriculaire.
RHINITES CHRONIQUES ALLERGIQUES
ET NON ALLERGIQUES
Il n’y a pas de consensus sur la définition de la rhinite chro-
nique (J.M. Klossek, Poitiers). La rhinite est-elle une atteinte de
la muqueuse du cornet inférieur ou de l’ensemble de la muqueuse
rhinosinusienne ? Quand employer les termes de sinusite et de
rhinosinusite ? La chronicité, habituellement réservée à des symp-
tômes durant plus de trois mois, peut-elle s’appliquer à des épi-
sodes répétés plusieurs fois dans l’année ? Le terme de rhinite
chronique exclut les polyposes. La rhinite chronique englobe un
nombre important de pathologies, qu’il faut classer selon leur
mécanisme :
l’inflammation : allergique ou non spécifique comme dans le
NARES (Non Allergic Rhinitis with Eosinophile Syndrome) ;
l’infection : ozène, anaérobies, balle fongique, tuberculose,
parasites ;
la dysfonction du cornet inférieur : il s’agit d’un dysfonctionne-
ment des plexus artério-veineux irriguant le cornet inférieur, qui
aboutit à un œdème de celui-ci lorsque le patient est en décubitus ;
les anomalies de l’innervation sympathique ou parasympathique,
les anomalies des récepteurs sensitifs, pressionnels, thermiques.
Les examens complémentaires ont pour but, dans ce cadre,
de confirmer le diagnostic de rhinite, de préciser son étiologie et
son évolution (P. Dessi, Marseille).
En ce qui concerne le diagnostic positif, le problème est d’éli-
miner une sinusite à l’interrogatoire (anosmie, douleur, obstruc-
tion nasale, rhinorrhée antérieure ou postérieure, éternuements,
saignements, rassemblés dans le vocable mnémotechnique
ADORES), ou en endoscopie nasoméatale, aucun signe clinique
n’étant spécifique. Seule la tomodensitométrie peut affirmer qu’il
n’existe pas d’anomalies dans les sinus.
P. Dessi estime que si le patient vient consulter, c’est que sa
gêne est suffisamment importante et prolongée pour mériter le
qualificatif de chronique, qui peut ainsi s’appliquer à un épisode
durant classiquement plus de trois mois, ou à trois épisodes
annuels pendant dix ans.
Les examens paracliniques sont donc surtout utiles pour le dia-
gnostic étiologique. Dans la rhinite allergique, les meilleurs tests
sont les tests cutanés, en sachant que 20 % de la population géné-
rale a des tests positifs en dehors de toute manifestation allergique.
Les dosages d’IgE et l’éosinophilie ne sont pas assez spécifiques,
les RAST ou Phadiatop sont insuffisants. Pour les rhinites vaso-
motrices, tous les tests ont été abandonnés. Dans le NARES, la
cytologie nasale doit montrer plus de 20 % d’éosinophiles dans le
mucus, et les tests cutanés doivent être négatifs. Ce dernier critère
est peu fiable puisque les tests sont positifs chez 20 % de la popu-
lation générale n’ayant pas de symptômes d’allergie. Le meilleur
examen est le scanner, qui montre une ethmoïdite œdémateuse.
Dans les rhinites chroniques d’allure infectieuse, il est important
ACTUALITÉ
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no252 - avril 2000
de chercher une immunodépression sous-jacente et d’isoler le
germe. On pratiquera donc un examen bactériologique de la rhi-
norrhée et des prélèvements à la recherche d’un diabète, d’un sida,
d’un déficit en immunoglobulines G, M, ou A, d’une anomalie du
chimiotactisme des polynucléaires. Le scanner, dans ces cas, est
normal. Il faut souligner que le traitement chirurgical est ineffi-
cace en l’absence du traitement de la cause de ces infections. Dans
les rhinites atrophiques, ou ozènes, les prélèvements bactériolo-
giques montrent la présence de Klebsiella ozenae, mais on ne sait
pas si ce germe est la cause ou un témoin de la maladie. Le scan-
ner peut révéler une hypoplasie de l’ethmoïde. Enfin, attention aux
“tests thérapeutiques” par antibiotiques et corticoïdes, qui, s’ils
sont efficaces, ne permettent de tirer aucune conclusion, et à la rhi-
nomanométrie, qui donne le diagnostic d’obstruction nasale chro-
nique mais pas de rhinite chronique.
Le traitement médical des rhinites chroniques (L. Castillo,
Nice) comporte trois volets complémentaires :
l’éducation du patient, c’est-à-dire l’arrêt du tabac, le lavage
des fosses nasales, l’éviction des allergènes, etc. ;
le traitement médicamenteux ;
l’immunothérapie.
Les classes de médicaments disponibles sont les corticoïdes, les
antihistaminiques, les cromones, qui inhibent la dégranulation
des mastocytes, et les vasoconstricteurs. Leurs actions respec-
tives sont différentes et indiquées dans le tableau III.
rieur et de la valve septo-turbinale située entre le cornet et le sep-
tum. La zone ventilatoire du nez est cette sous-valve : en effet,
50 % des résistances aériennes totales sont situées dans le nez,
dont 80 % dans les deux premiers centimètres de cette sous-valve.
Le but de l’analyse clinique des différents types d’obstruction
nasale dysfonctionnelle est de sélectionner les sujets qui bénéfi-
cieront d’une rhinoplastie, et de savoir quels sont les gestes néces-
saires pendant cette rhinoplastie en fonction du siège de l’obs-
truction. On s’appuie sur les données de l’interrogatoire, de
l’examen fibroscopique des fosses nasales, de manœuvres cli-
niques dynamiques et de la rhinomanométrie. À l’interrogatoire,
l’obstruction nasale turbinale donne une obstruction nasale bila-
térale à bascule, intermittente, majorée au décubitus, et rarement
isolée (rhinorrhée, anosmie...). L’obstruction nasale septale se
manifeste par des symptômes unilatéraux et permanents. L’obs-
truction nasale valvaire est unilatérale chez un patient ayant des
antécédents de traumatisme nasal ou de rhinoplastie. Elle cède
avec la manœuvre de Cottle (étirement vers le haut de l’aile nari-
naire homolatérale), que les patients pratiquent spontanément.
L’obstruction nasale alaire est comme une obstruction valvaire,
mais bilatérale.
L’examen des fosses et de la pyramide nasales montre une hyper-
trophie muqueuse du cornet inférieur en cas d’obstruction nasale
turbinale, avec du mucus et parfois des végétations dans le cavum.
L’obstruction septale est habituellement antéro-inférieure, ce qui
correspond aux zones en contact avec le cornet inférieur. Dans
l’obstruction valvaire, l’angle entre les cartilages triangulaire et
septal est pincé, l’examen extérieur du nez révèle des séquelles
traumatiques ; il s’agit souvent d’un nez en tension, encore dit
“en piquet de tente”. Dans l’obstruction alaire, c’est l’examen
externe qui montre des cartilages alaires coudés, un “pinched
nose”. Si l’étiologie n’est pas claire au terme de cet examen, on
peut pratiquer des manœuvres cliniques qui le sensibilisent. Une
vasoconstriction lève une obstruction nasale turbinale, mais pas
les autres. L’étirement de l’aile narinaire, ou manœuvre de Cottle,
lève les obstructions valvaire et alaire. Une boulette de coton dans
la valve pour augmenter l’angle distingue les obstructions val-
vaires et alaires (manœuvre de Bachman), mais cette manœuvre
n’est pas facile à réaliser.
Bien souvent, l’examen clinique ne permet pas de conclure, et
il faut pratiquer une rhinomanométrie, qui seule apporte un dia-
gnostic de certitude, permet de quantifier l’obstruction et amène
la preuve médicolégale de la réalité de l’obstruction nasale avant
la rhinoplastie. La rhinomanométrie consiste à mesurer les
débits et pressions dans le nez pour calculer les résistances,
en sachant que le septum a une géométrie fixe, et que les trois
autres éléments ont une géométrie variable. On réalise les me-
sures avant et après les manœuvres cliniques : Cottle, Bachman,
vasoconstricteurs.
Un deuxième examen est nécessaire, surtout si l’on envisage un
geste chirurgical : c’est le scanner, qui permet d’éliminer une
pathologie associée des sinus et montre bien le septum et le cor-
net inférieur.
Il faut absolument avoir l’un ou l’autre de ces deux examens pour
programmer une intervention chirurgicale. En revanche, le contrôle
rhinomanométrique postopératoire n’est pas nécessaire.
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no252 - avril 2000
Tableau III. Action respective des antihistaminiques, des corticoïdes
et des cromones sur les symptômes de la rhinite allergique.
Antihistaminiques Corticoïdes Cromones
Rhinorrhée +++ +++ ++
Obstruction + +++ ++
Éternuements +++ + +
Prurit +++ + +
Certains antihistaminiques, comme Atarax®, sont aussi anticholi-
nergiques. La durée d’action des cromones est de 2 h à 4 h, ce qui
explique qu’elles sont peu efficaces, et utilisées seulement dans
les formes mineures de rhinite chronique. Les corticoïdes inhalés
ont aujourd’hui une durée d’action de 12 h à 24 h, ce qui permet
la monoprise journalière, et donc une meilleure compliance. Les
antihistaminiques ont une durée d’action de 15 minutes à 3 jours.
Les nouvelles générations n’ont pas d’effets centraux (pas de
somnolence) ou myocardiques.
L’obstruction nasale dysfonctionnelle (P. Dessi, Marseille) cor-
respond à une anomalie anatomique nasale qui aboutit à une obs-
truction nasale. Elle peut être de quatre types : septale, turbinale,
valvaire ou alaire.
La valve nasale est l’angle dièdre compris entre les cartilages
triangulaire et septal. La sous-valve est l’étage inférieur, qui
répond au septum sous le cartilage triangulaire et contient le cor-
net inférieur. Cet espace est lui-même composé du cornet infé-
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