La Lettre du Sénologue - n° 33 - juillet-août-septembre 2006
Revue de presse
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Conclusions de la conférence
de consensus sur le traitement
conservateur du sein
(Milan, 28 avril-1er mai 2005)
Résumé. Les auteurs rappellent
d’abord l’équivalence, en termes de
survie, entre traitement conservateur et
mastectomie par des essais randomisés
dont certains ont plus de 20 ans de recul.
Ils font ensuite le point sur les différentes
questions posées concernant la sélection
des patientes, et les différents aspects
techniques du traitement conservateur.
Devenir après traitement conserva-
teur : la mastectomie reste la référence
pour les récidives intramammaires.
Technique chirurgicale : recommanda-
tion pour :
– le diagnostic préopératoire par biopsie
percutanée ;
– La nécessité d’une exérèse en berges
microscopiquement saines sans pouvoir
donner une recommandation précise sur la
taille des marges, mais avec probablement
une relation inverse entre la taille des mar-
ges et le risque de récidive locale ;
– la nécessité d’un bon résultat esthétique
avec l’apport de techniques oncoplastiques
qui permettent lextension de la conserva-
tion aux tumeurs de grande taille (jusqu’à
5 cm). L’atteinte de la plaque aréolo-mame-
lonnaire nest pas une contre-indication au
traitement conservateur ;
– la nécessité d’une localisation préopéra-
toire des lésions non palpables (technique
du “harpon” ou plus récente ROLL) ;
– la réalisation de l’évaluation ganglion-
naire axillaire (sauf peut-être pour les pa-
tientes âgées quand le statut ganglionnaire
na pas d’impact sur la suite de la décision
thérapeutique) et ce plutôt par la technique
du ganglion sentinelle (GS). Attitude après
GS+ : traitement complémentaire de l’ais-
selle si macrométastase, pas de consensus
si micrométastase, pas de curage si cellules
isolées en immunohistochimie.
Sélection des patientes pour un trai-
tement conservateur : pas de limitation
de taille (jusqu’à 5 cm). Contre-indication
pour les tumeurs multicentriques qui ne
peuvent être enlevées en monobloc et avec
berges saines. Pas de contre-indication en
fonction de l’âge (chez les patientes jeu-
nes, nécessité d’une surimpression ; chez
les patientes âgées, discuter l’irradiation
complémentaire quand les facteurs sont
favorables). Effectuer un bilan d’extension
local préopératoire associant l’échographie
à la mammographie. L’IRM n’est pas systé-
matique, elle est conseillée pour les tumeurs
de grande taille, d’évaluation difficile par les
autres techniques (seins denses), dans les
adénopathies sans porte d’entrée, dans les
écoulements mamelonnaires isolés. L’IRM
ne devrait au mieux être faite que si des
biopsies “IRM-guidées” sont possibles en
cas de découverte d’image anormale.
Anatomopathologie : compte-rendu sui-
vant les recommandations du collège amé-
ricain de pathologie, avec ajustement au fur
et mesure des nouvelles données. Précision
dans l’évaluation des berges d’exérèse avec
l’aide de l’encrage des berges pour les pièces
monoblocs ou sur berges remises séparé-
ment (shaving).
Qui traite les cancers du sein ? Intérêt
de centres dédiés (breast unit) regroupant
les différents acteurs de la prise en charge
avec des quotas d’activité minimale (150
nouveaux cas annuels par centre, 50 par
chirurgien).
Radiothérapie : traitement conven-
tionnel de 45 à 50,4 Gy sur le sein en 4,5
à 5 semaines par fraction de 1,8 à 2 Gy
par jour, 5 jours sur 7 par champs tan-
gentiels. Pas de consensus sur les indi-
cations de la surimpression (60 à 66 Gy)
: systématiques ou limitées aux patientes
à haut risque. Pas de consensus sur l’irra-
diation ganglionnaire. Discussion de l’in-
dication d’irradiation systématique pour
les femmes âgées avec facteurs favorables
ou dans certaines histologies rares.
Contre-indications à l’irradiation : ab-
solue, la grossesse (reporter la radiothé-
rapie après l’accouchement provoqué)
; relatives, l’irradiation antérieure pour
Hodgkin, la sclérodermie, le lupus, la
dermatomyosite. Ne sont pas des contre-
indications au traitement conservateur
radiochirurgical : les mammoplasties
d’augmentation et les cancers décou-
verts sur pièce de réduction mammaire
esthétique (si berges saines).
Pas d’indication hors essai de l’irradiation
mammaire localisée ou partielle sauf cas
particuliers : éloignement du centre de
traitement, patientes âgées.
Chimiothérapie adjuvante : pas de
consensus sur la séquence chimio-irradia-
tion : pas de concomitant, plutôt chimio
avant radiothérapie si N+. Pas de chimio-
hormonothérapie concomitante mais pas
de contre-indication à commencer l’hor-
monothérapie pendant la radiothérapie.
Bilan d’extension préthérapeutique
et surveillance : pas de bilan d’extension
pour les stades I asymptomatiques. Pour
les stades II et III : enzymes hépatiques,
scintigraphie osseuse et radio de thorax,
les autres examens sont discutés au cas
par cas (de même que leur répétition au
cours de la surveillance).
Surveillance des deux seins : première
mammographie au minimum six mois,
voire un an après la fin de la radiothérapie
puis surveillance annuelle. Pas de don-
nées actuellement sur la surveillance par
IRM (mais coût prohibitif).
Commentaires. Nouvelle fournée de
recommandations du panel d’experts
dit de Philadelphie (car les livraisons
précédentes portant sur le cancer in-
tracanalaire puis le ganglion sentinelle
venaient de la ville du chirurgien ins-
tigateur du groupe, G.F. Schwartz). Ce
panel regroupe des experts du traite-
ment locorégional et des pathologistes
nord-américains et européens. Diffi-
cile de résumer une somme de données
aussi riches sans en altérer les nuances,
les solutions alternatives proposées, les
portes ouvertes sur le futur… Ces re-
commandations sont des avis d’experts
et non un consensus au sens métho-
dologique du terme, traduisant par là
l’absence de données fiables disponibles
dans la littérature (EBM), l’évolution ra-
pide et permanente des connaissances et
des techniques ainsi que les différences
de politique de santé entre les différents
pays. Pour compléter sa culture, relire
les recommandations purement améri-
caines de Newman et Kuerer (Advances
in breast conservation therapy. J Clin
Oncol 2005;23(8):1685-97) et attendre
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1. O’Shaughnessy JA. Molecular signatures
predict outcomes of breast cancer. N Engl J
Med 2006;355:615-7
2. http://www.biomérieux-usa.com/news.
tendre les recommandations françaises
dite de Saint-Paul sur le sujet en 2007.
S. Giard
Centre Oscar-Lambret, Lille.
Des prols d’expression
génétique distincts dans
les tumeurs primitives du sein
Fan C, Oh DS, Wessels L et al. Concor-
dance among gene-expression-based
predictors for breast cancer. N Engl J
Med 2006;355:560-9.
Résumé. Prenant comme point de
départ le fait que des équipes diffé-
rentes ont abouti à l’identification d’une
série de profils d’expression génétique
pronostiques distincts dans les tumeurs
primitives du sein, avec un très faible re-
coupement des divers panels de gènes, les
auteurs ont appliqué cinq modèles diffé-
rents fondés sur l’expression génétique
à un même ensemble de prélèvements
mammaires provenant de 295 femmes.
Les cinq modèles testés sont celui des
sous-types intrinsèques, le profil d’ex-
pression tumorale de 70 gènes, le profil de
cicatrisation, le score de récidive et, pour
les patientes qui avaient été traitées par
tamoxifène, le ratio dexpression de deux
gènes. Ont été étudiées la valeur de pré-
diction pronostique individuelle de cha-
cun des modèles et l’analyse comparée de
leur taux de concordance. Pour chacune
des 295 tumeurs, quatre des cinq modè-
les étudiés (l’exception étant le modèle
du ratio d’expression de deux gènes) sont
des prédicteurs significatifs de la survie
individuelle sans récidive et de la survie
globale. Après une analyse multivariée
incluant le statut des récepteurs estrogé-
»
niques, le grade de la tumeur, le nombre
de ganglions atteints, l’âge de la patiente,
le diamètre de la lésion (et le traitement),
les auteurs soulignent que ces profils d’ex-
pression génétique apportent une infor-
mation pronostique qui va au-delà de celle
des facteurs pronostiques classiques, tout
spécialement le profil d’expression tumo-
rale de 70 gènes, le modèle des sous-types
intrinsèques et celui du score de récidive.
Quand les divers modèles sont comparés
entre eux, les taux de concordance sont
élevés en termes de prédiction pronosti-
que pour les échantillons individuels et,
en particulier, quasiment toutes les tu-
meurs identifiées comme ayant un sous-
type intrinsèque “basal-like”, HER2-positif
et estrogène-récepteur-négatif ou luminal
B (profils associés à un mauvais pronostic
dans ce modèle), sont également classées
comme de mauvais pronostic dans le pro-
fil d’expression de 70 gènes, le profil de ci-
catrisation (activé) et le score de récidive
levé). Les modèles profil d’expression de
70 gènes et score de récidive ont montré
une concordance de 77 à 81%. Les auteurs
concluent que même si les panels de gènes
qui ont été utilisés pour définir le pronos-
tic chez les patientes atteintes de cancer
du sein portent sur des gènes différents,
quatre des cinq sets testés ont montré une
concordance significative pour la prédic-
tion individuelle de l’évolution clinique et
reflètent donc probablement un ensemble
commun de phénotypes biologiques.
Commentaire. Devant l’hétérogénéité
biologique des cancers du sein, les fac-
teurs pronostiques classiques, et notam-
ment la taille de la tumeur et l’envahisse-
ment ganglionnaire, ne permettent le plus
souvent pas de répondre à une question
cruciale : quelles femmes, parmi celles at-
teintes d’un cancer du sein, relèvent réel-
lement d’une chimiothérapie adjuvante
pour améliorer leur chance de guérison
(1) ? Un des principaux intérêts de l’ana-
lyse des profils d’expression génétique
est précisément d’essayer d’isoler des si-
tuations spécifiques qui puissent répon-
dre à ce type de question. Deux études
prospectives sont en cours : MINDACT
(Microarray in node-negative disease
may avoid chemotherapy) et TAILORx
(Trial assigning individualized options for
treatment (Rx)), qui utilisent respective-
ment le profil d’expression de 70 gènes et
le score de récidive. Le lecteur intéressé
par ces questions pourra utilement se re-
porter au dossier qui a été consacré à ce
sujet dans le numéro 28 (juin 2005) de
La Lettre du Sénologue. Tant que le ré-
sultat de ces études nest pas disponible,
il est impossible de savoir si l’analyse de
l’expression génétique des modèles testés
sera vraiment utile à la personnalisation
thérapeutique individuelle de chaque pa-
tiente atteinte d’un cancer du sein. Dans
ce champ de recherches extrêmement
prometteur, on peut espérer que, dépas-
sant les problèmes de propriété indus-
trielle, sera un jour disponible un modèle
institutionnel automatisé optimal qui per-
mettra à chaque femme confrontée à cette
dure épreuve de bénéficier en toute équité
d’un traitement “sur mesure”. Peuttre
même, dans un avenir plus proche qu’on
ne l’imagine, chaque femme pourra-t-elle
bénéficier d’un diagnostic moléculaire du
cancer du sein à partir d’un simple pré-
lèvement sanguin. En effet, une signature
génétique spécifique à partir de 54 gènes
a permis d’identifier correctement 86,5%
des contrôles (32/37) et 92,7% des can-
cers du sein (51/55) dans un groupe de 92
femmes, selon un travail préliminaire pré-
senté à Washington, le 4 avril 2006, lors
de la 97e réunion annuelle de l’American
association for cancer research (AACR).
Une étude prospective multicentrique sur
1000 patientes a été initiée pour préciser
la sensibilitéet la sélectivité de ce test dia-
gnostique (2).
G. Boutet
Cabinet de gynécologie, 28, rue de Norvège,
17000 La Rochelle.
»
1. Proceedings of the consensus conference
on breast conservation, April 28 to May 1,
2005, Milan, Italy.
2. Schwartz GF, Veronesi U, Clough KB,
Dixon JM, Fentiman IS et al. and the Consen-
sus Conference Committee. Consensus confe-
rence on breast conservation. J Am Coll Surg
2006;1,65(5):1281-8.
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