Conclusions de la conférence de consensus sur le traitement conservateur du sein (Milan, 28 avril-1er mai 2005) Résumé. Les auteurs rappellent d’abord l’équivalence, en termes de survie, entre traitement conservateur et mastectomie par des essais randomisés dont certains ont plus de 20 ans de recul. Ils font ensuite le point sur les différentes questions posées concernant la sélection des patientes, et les différents aspects techniques du traitement conservateur. Devenir après traitement conservateur : la mastectomie reste la référence pour les récidives intramammaires. Technique chirurgicale : recommandation pour : – le diagnostic préopératoire par biopsie percutanée ; – La nécessité d’une exérèse en berges microscopiquement saines sans pouvoir donner une recommandation précise sur la taille des marges, mais avec probablement une relation inverse entre la taille des marges et le risque de récidive locale ; – la nécessité d’un bon résultat esthétique avec l’apport de techniques oncoplastiques qui permettent l’extension de la conservation aux tumeurs de grande taille (jusqu’à 5 cm). L’atteinte de la plaque aréolo-mamelonnaire n’est pas une contre-indication au traitement conservateur ; – la nécessité d’une localisation préopératoire des lésions non palpables (technique du “harpon” ou plus récente ROLL) ; – la réalisation de l’évaluation ganglionnaire axillaire (sauf peut-être pour les patientes âgées quand le statut ganglionnaire n’a pas d’impact sur la suite de la décision thérapeutique) et ce plutôt par la technique du ganglion sentinelle (GS). Attitude après GS+ : traitement complémentaire de l’aisselle si macrométastase, pas de consensus si micrométastase, pas de curage si cellules isolées en immunohistochimie. Sélection des patientes pour un traitement conservateur : pas de limitation de taille (jusqu’à 5 cm). Contre-indication pour les tumeurs multicentriques qui ne peuvent être enlevées en monobloc et avec berges saines. Pas de contre-indication en fonction de l’âge (chez les patientes jeunes, nécessité d’une surimpression ; chez les patientes âgées, discuter l’irradiation complémentaire quand les facteurs sont favorables). Effectuer un bilan d’extension local préopératoire associant l’échographie à la mammographie. L’IRM n’est pas systématique, elle est conseillée pour les tumeurs de grande taille, d’évaluation difficile par les autres techniques (seins denses), dans les adénopathies sans porte d’entrée, dans les écoulements mamelonnaires isolés. L’IRM ne devrait au mieux être faite que si des biopsies “IRM-guidées” sont possibles en cas de découverte d’image anormale. Anatomopathologie : compte-rendu suivant les recommandations du collège américain de pathologie, avec ajustement au fur et mesure des nouvelles données. Précision dans l’évaluation des berges d’exérèse avec l’aide de l’encrage des berges pour les pièces monoblocs ou sur berges remises séparément (shaving). Qui traite les cancers du sein ? Intérêt de centres dédiés (breast unit) regroupant les différents acteurs de la prise en charge avec des quotas d’activité minimale (150 nouveaux cas annuels par centre, 50 par chirurgien). Radiothérapie : traitement conventionnel de 45 à 50,4 Gy sur le sein en 4,5 à 5 semaines par fraction de 1,8 à 2 Gy par jour, 5 jours sur 7 par champs tangentiels. Pas de consensus sur les indications de la surimpression (60 à 66 Gy) : systématiques ou limitées aux patientes à haut risque. Pas de consensus sur l’irradiation ganglionnaire. Discussion de l’indication d’irradiation systématique pour les femmes âgées avec facteurs favorables ou dans certaines histologies rares. Contre-indications à l’irradiation : absolue, la grossesse (reporter la radiothérapie après l’accouchement provoqué) ; relatives, l’irradiation antérieure pour Hodgkin, la sclérodermie, le lupus, la dermatomyosite. Ne sont pas des contreindications au traitement conservateur radiochirurgical : les mammoplasties d’augmentation et les cancers découverts sur pièce de réduction mammaire esthétique (si berges saines). La Lettre du Sénologue - n° 33 - juillet-août-septembre 2006 Revue de presse R evue de presse Pas d’indication hors essai de l’irradiation mammaire localisée ou partielle sauf cas particuliers : éloignement du centre de traitement, patientes âgées. Chimiothérapie adjuvante : pas de consensus sur la séquence chimio-irradiation : pas de concomitant, plutôt chimio avant radiothérapie si N+. Pas de chimiohormonothérapie concomitante mais pas de contre-indication à commencer l’hormonothérapie pendant la radiothérapie. Bilan d’extension préthérapeutique et surveillance : pas de bilan d’extension pour les stades I asymptomatiques. Pour les stades II et III : enzymes hépatiques, scintigraphie osseuse et radio de thorax, les autres examens sont discutés au cas par cas (de même que leur répétition au cours de la surveillance). Surveillance des deux seins : première mammographie au minimum six mois, voire un an après la fin de la radiothérapie puis surveillance annuelle. Pas de données actuellement sur la surveillance par IRM (mais coût prohibitif). Commentaires. Nouvelle fournée de recommandations du panel d’experts dit de Philadelphie (car les livraisons précédentes portant sur le cancer intracanalaire puis le ganglion sentinelle venaient de la ville du chirurgien instigateur du groupe, G.F. Schwartz). Ce panel regroupe des experts du traitement locorégional et des pathologistes nord-américains et européens. Difficile de résumer une somme de données aussi riches sans en altérer les nuances, les solutions alternatives proposées, les portes ouvertes sur le futur… Ces recommandations sont des avis d’experts et non un consensus au sens méthodologique du terme, traduisant par là l’absence de données fiables disponibles dans la littérature (EBM), l’évolution rapide et permanente des connaissances et des techniques ainsi que les différences de politique de santé entre les différents pays. Pour compléter sa culture, relire les recommandations purement américaines de Newman et Kuerer (Advances in breast conservation therapy. J Clin Oncol 2005;23(8):1685-97) et attendre 29 Revue de presse R evue de presse tendre les recommandations françaises dite de Saint-Paul sur le sujet en 2007. » S. Giard Centre Oscar-Lambret, Lille. 1. Proceedings of the consensus conference on breast conservation, April 28 to May 1, 2005, Milan, Italy. 2. Schwartz GF, Veronesi U, Clough KB, Dixon JM, Fentiman IS et al. and the Consensus Conference Committee. Consensus conference on breast conservation. J Am Coll Surg 2006;1,65(5):1281-8. Des profils d’expression génétique distincts dans les tumeurs primitives du sein Fan C, Oh DS, Wessels L et al. Concordance among gene-expression-based predictors for breast cancer. N Engl J Med 2006;355:560-9. Résumé. Prenant comme point de départ le fait que des équipes différentes ont abouti à l’identification d’une série de profils d’expression génétique pronostiques distincts dans les tumeurs primitives du sein, avec un très faible recoupement des divers panels de gènes, les auteurs ont appliqué cinq modèles différents fondés sur l’expression génétique à un même ensemble de prélèvements mammaires provenant de 295 femmes. Les cinq modèles testés sont celui des sous-types intrinsèques, le profil d’expression tumorale de 70 gènes, le profil de cicatrisation, le score de récidive et, pour les patientes qui avaient été traitées par tamoxifène, le ratio d’expression de deux gènes. Ont été étudiées la valeur de prédiction pronostique individuelle de chacun des modèles et l’analyse comparée de leur taux de concordance. Pour chacune des 295 tumeurs, quatre des cinq modèles étudiés (l’exception étant le modèle du ratio d’expression de deux gènes) sont des prédicteurs significatifs de la survie individuelle sans récidive et de la survie globale. Après une analyse multivariée incluant le statut des récepteurs estrogé- 30 niques, le grade de la tumeur, le nombre de ganglions atteints, l’âge de la patiente, le diamètre de la lésion (et le traitement), les auteurs soulignent que ces profils d’expression génétique apportent une information pronostique qui va au-delà de celle des facteurs pronostiques classiques, tout spécialement le profil d’expression tumorale de 70 gènes, le modèle des sous-types intrinsèques et celui du score de récidive. Quand les divers modèles sont comparés entre eux, les taux de concordance sont élevés en termes de prédiction pronostique pour les échantillons individuels et, en particulier, quasiment toutes les tumeurs identifiées comme ayant un soustype intrinsèque “basal-like”, HER2-positif et estrogène-récepteur-négatif ou luminal B (profils associés à un mauvais pronostic dans ce modèle), sont également classées comme de mauvais pronostic dans le profil d’expression de 70 gènes, le profil de cicatrisation (activé) et le score de récidive (élevé). Les modèles profil d’expression de 70 gènes et score de récidive ont montré une concordance de 77 à 81 %. Les auteurs concluent que même si les panels de gènes qui ont été utilisés pour définir le pronostic chez les patientes atteintes de cancer du sein portent sur des gènes différents, quatre des cinq sets testés ont montré une concordance significative pour la prédiction individuelle de l’évolution clinique et reflètent donc probablement un ensemble commun de phénotypes biologiques. Commentaire. Devant l’hétérogénéité biologique des cancers du sein, les facteurs pronostiques classiques, et notamment la taille de la tumeur et l’envahissement ganglionnaire, ne permettent le plus souvent pas de répondre à une question cruciale : quelles femmes, parmi celles atteintes d’un cancer du sein, relèvent réellement d’une chimiothérapie adjuvante pour améliorer leur chance de guérison (1) ? Un des principaux intérêts de l’analyse des profils d’expression génétique est précisément d’essayer d’isoler des situations spécifiques qui puissent répondre à ce type de question. Deux études prospectives sont en cours : MINDACT (Microarray in node-negative disease may avoid chemotherapy) et TAILORx (Trial assigning individualized options for treatment (Rx)), qui utilisent respectivement le profil d’expression de 70 gènes et le score de récidive. Le lecteur intéressé par ces questions pourra utilement se reporter au dossier qui a été consacré à ce sujet dans le numéro 28 (juin 2005) de La Lettre du Sénologue. Tant que le résultat de ces études n’est pas disponible, il est impossible de savoir si l’analyse de l’expression génétique des modèles testés sera vraiment utile à la personnalisation thérapeutique individuelle de chaque patiente atteinte d’un cancer du sein. Dans ce champ de recherches extrêmement prometteur, on peut espérer que, dépassant les problèmes de propriété industrielle, sera un jour disponible un modèle institutionnel automatisé optimal qui permettra à chaque femme confrontée à cette dure épreuve de bénéficier en toute équité d’un traitement “sur mesure”. Peut-être même, dans un avenir plus proche qu’on ne l’imagine, chaque femme pourra-t-elle bénéficier d’un diagnostic moléculaire du cancer du sein à partir d’un simple prélèvement sanguin. En effet, une signature génétique spécifique à partir de 54 gènes a permis d’identifier correctement 86,5 % des contrôles (32/37) et 92,7 % des cancers du sein (51/55) dans un groupe de 92 femmes, selon un travail préliminaire présenté à Washington, le 4 avril 2006, lors de la 97e réunion annuelle de l’American association for cancer research (AACR). Une étude prospective multicentrique sur 1 000 patientes a été initiée pour préciser la sensibilitéet la sélectivité de ce test diagnostique (2). » G. Boutet Cabinet de gynécologie, 28, rue de Norvège, 17000 La Rochelle. 1. O’Shaughnessy JA. Molecular signatures predict outcomes of breast cancer. N Engl J Med 2006;355:615-7 2. http://www.biomérieux-usa.com/news. La Lettre du Sénologue - n° 33 - juillet-août-septembre 2006