D
OSSIER
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La Lettre du Sénologue - n° 24 - avril/mai/juin 2004
(Endoxan
®
) semblent particulièrement toxiques. Néanmoins, la
naissance d’enfants sains a été observée au premier trimestre
même après l’administration de ce type d’agent (6). Les alca-
loïdes de la pervenche et les anthracyclines semblent moins
tératogènes. Il n’a pas été décrit de cas de malformation avec
ces molécules. Globalement, les associations de chimiothéra-
pie entraînent 25 % de malformations et la mono-chimiothéra-
pie 6 % (sauf le méthotrexate) (4).
Deuxième et troisième trimestres
L’administration de chimiothérapie pendant cette période ne
semble pas augmenter le risque de malformation (7). En
revanche, peuvent être observés des retards de croissance, des
retards du développement neuropsychique, des avortements,
une prématurité et des anomalies organiques fonctionnelles
(hypoplasie médullaire, toxicité cardiaque).
Globalement, une hypotrophie est observée chez 40 % des
enfants exposés à la chimiothérapie pendant la grossesse, tous
les trimestres confondus avec un poids médian de 2,227 kg
versus 3,519 kg (8). Il a été décrit un cas d’infarctus du myo-
carde après exposition à la doxorubicine (9) et un cas de toxi-
cité cardiaque fœtale avec une diminution de la fraction
d’éjection ventriculaire gauche après également administra-
tion de doxorubicine. Quelques cas de myélosuppression néo-
natale ont également été observés.
Berry et al. ont rapporté une série de 24 patientes enceintes,
âgées de 26 à 45 ans (médiane 33 ans) traitées par chimiothé-
rapie pour un adénocarcinome mammaire (dans deux cas il
s’agissait d’une récidive). Toutes ont reçu la chimiothérapie
après le premier trimestre ; il s’agissait d’une association de
type FAC : 5 fluorouracile 500 mg/m
2
entre J1 et J4 + doxoru-
bicine 50 mg/m
2
en perfusion continue pendant 72 heures +
cyclophosphamide 500 mg/m à J1. Une à six cures ont été
administrées (médiane = 4). La date médiane de délivrance a
été de 38 semaines. Trois accouchements ont eu lieu avant
terme. L’indice d’Apgar, calculé à 5 min, était *9 chez tous
les nouveau-nés. Aucune malformation congénitale ou hypo-
trophie n’a été décrite. Une seul enfant avec un poids inférieur
au 10
e
percentile a été rapporté et un autre enfant a présenté
une leucopénie transitoire. Deux autres enfants ont présenté
une alopécie qui a été imputée à la chimiothérapie. Avec un
suivi médian de 4 ans et demi (6 mois à 8 ans), il n’a pas été
observé d’anomalie du développement (10).
Dans la série française de Giacolone, 20 patientes enceintes
ont reçu en médiane deux cycles de chimiothérapie pour un
adénocarcinome mammaire. Dans 50 % des cas il s’agissait
d’un protocole de type FEC. Deux patientes ont été traitées
durant le premier trimestre, et la grossesse s’est soldée par un
avortement spontané. Un décès in utero a été décrit chez une
patiente traitée au deuxième trimestre et quatre accouche-
ments prématurés ont été observés. Un enfant a présenté une
anémie et une leucopénie néonatales. Deux détresses respira-
toires néonatales ont été observées ainsi qu’une hypotrophie et
un décès à 8 jours de cause non explicitée. Il n’y a pas eu
d’anomalie congénitale et à 3,4 ans de recul, le développement
de tous les enfants est normal (11).
Nous avons, à Saint-Louis, traité 3 patientes par une association
de type FUN (5FU continue sur 5 jours et Navelbine
®
à J1 et J5),
nous n’avons observé aucune neutro-leucopénie néonatale, pas
d’alopécie, pas de syndrome dysmorphique (12).
Des cas isolés de patientes traitées par chimiothérapie au cours
de la grossesse ont également été rapportés en particulier avec
des associations de type AC (adriamycine-cyclophosphamide)
ou FAC ou encore un traitement par épirubicine et paclitaxel
administré entre la 14
e
et la 32
e
semaine de grossesse dans un
contexte adjuvant : l’enfant n’a présenté aucune toxicité. Le
recul est actuellement de trois ans (13).
À noter que la toxicité de la chimiothérapie est majorée si une
irradiation est associée ce qui, en principe, doit être évité. Il
convient de prévoir certains risques chez le nouveau-né, type
leuco-neutropénie, détresse respiratoire, gastro-entérite, septi-
cémie, surtout si la dernière cure de chimiothérapie a été admi-
nistrée moins de trois semaines avant la naissance.
COMPLICATIONS À DISTANCE
Elles sont mal connues, le suivi des enfants traités par chimio-
thérapie in utero étant souvent court (moins de quatre ans) et
les publications sur ce sujet très peu nombreuses. Des retards
de croissance transitoire ont été observés, mais les capacités
intellectuelles semblent généralement normales. Un cas de
malformations multiples et de retard mental après exposition
depuis la conception à une association de type daunorubicine-
cytarabine-tioguanine chez une patiente présentant une leucé-
mie aiguë a été décrit (14). Dans une étude portant sur 43 enfants
de mères traitées pendant la grossesse pour une leucémie aiguë
dont 19 pendant le premier trimestre, aucune malformation,
dysfonction immunitaire ou anomalie congénitale n’a été rap-
portée. Un de ces enfants traités in utero, une fille, a eu elle-
même un enfant tout à fait normal (15).
Dans la série de Giacolone, 16 enfants suivis après un traite-
ment pendant les 2
e
ou 3
e
trimestres de la grossesse ont pré-
senté un développement normal avec un recul moyen de 42,3
mois (11). Les répercussions des traitements in utero sur la
fonction gonadique sont méconnues ; les effets mutagènes de
la chimiothérapie sont susceptibles d’augmenter le risque de
cancer pour l’enfant ou pour sa descendance. Là encore, les
données sont tout à fait insuffisantes. Mulvihill et al. (16) rap-
portent un taux de 0,3 % de cancers chez 2 308 descendants de
sujets traités pour cancer dans l’enfance ; le taux est identique
chez les descendants des frères et sœurs non traités : 0,23 %.
Mais cela n’a pas été montré pour les enfants traités in utero.
EN PRATIQUE
Il convient de traiter la mère le plus classiquement possible, en
respectant la grossesse. Deux situations relativement simples
peuvent se présenter :