La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VII - mai-juin 2004
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DO S S I E R T H É M A T I Q U E
laire pulmonaire et de la crosse de l’azygos. L’œsophage est sec-
tionné au-dessus de la tumeur,en respectant les principes carci-
n o l ogi q u e s , puis l’anastomose œsoga s t rique est faite au-
dessus de l’étage des crosses. Lorsque la tumeur est située plus
haut, un temps cervical est nécessaire. Dans ce cas, la thoracoto-
mie est le plus souvent le premier temps de l’intervention. Quel
que soit le type d’interve n t i o n , l o r sque l’anastomose œsoga s t ri q u e
est faite au cou, la plastie gastrique peut être montée soit dans le
médiastin postérieur en avant du rachis, c’est-à-dire dans le lit de
l ’ œ s o p h age réséqué, soit en arri è re du sternu m : c’est la voie rétro -
sternale. La voie prérachidienne, plus anatomique, est la plus uti-
lisée. Si l’estomac ne peut être utilisé en raison d’une chirurgie
ga s t rique antéri e u re, l ’ œ s o p h a goplastie est faite aux dépens du
côlon. Les complications postopératoires les plus fréquentes sont
pulmonaires. Le bénéfice de l’œsophagectomie sans thoracoto-
m i e, en termes de diminution de la morbidité postopérat o i re et
des complications pulmonaire s , n’est pas cl a i rement démontré
(6). Cependant, les patients âgés ou à risque respiratoire sont pré-
férentiellement opérés par cette technique. Les autres complica-
tions spécifiques de cette ch i ru rgie sont les fistules anastomo-
t i q u e s , les para lysies récurre n t i e l l e s , plus ra rement les chy l o t h o ra x
et, plus à distance, les sténoses anastomotiques (7).
L’ i n t e r vention doit réduire les risques de récidives locales par
une ch i ru r gie adaptée de la tumeur pri m i t ive (recoupes inféri e u re
et supéri e u r e, m a r ge circ o n f é rentielle) et un curage ly m p h a t i q u e.
Le but théorique du curage est de minimiser les erreurs de clas-
s i fi c a tion tumorale et les risques de récidive loco-régi o n a l e.
Cependant, l’étendue du curage dans la chirurgie de l’œsophage
est controversée, car son impact sur le pronostic n’est pas clai-
rement démontré. Il est possible que l’amélioration des résultats
obtenus par des curages étendus reflète uniquement la meilleure
ap p r é c i a tion de l’extension ga n g l i o n n a i r e. Les modalités du
curage sont surtout discutées pour l’étendue à donner au curage
thoracique (extension du curage vers le médiastin supérieur avec
curage récurrentiel gauche et de la loge de Barety) et pour l’uti-
lité du curage cervical (curage à trois étages : abdominal, thora-
cique et cervical). Selon un travail (8) portant sur 185 patients
ayant eu une chirurgie curative avec curage abdominal et thora-
c i q u e , les taux de récidives médiastinales et cervicales étaient
respectivement de 21 % et 6 %, reflétant ainsi le faible intérêt du
curage cervical systématique.
TRAITEMENT MULTIMODAL
Depuis plusieurs années, l’exérèse chirurgicale comme seul trai-
tement des tumeurs œsophagiennes est remise en question sur la
base des mauvais résultats obtenus pour les formes localement
avancées et sur des survies équivalentes en radiochimiothérapie
exclusive. La radiothérapie exclusive comme alternative à la chi-
rurgie a surtout été initialement évaluée chez des patients consi-
dérés comme inopérables. Pour les patients opérables, la radio-
thérapie seule comporte un risque élevé de fistule œso-trachéale
et ne donne pas de meilleurs résultats que la chirurgie, tout en
contrôlant moins bien la dysphagie (9). La radiothérapie avant la
ch i ru rgie a été évaluée dans plusieurs études randomisées et
n’augmente ni le taux de résécabilité, ni la survie (10). La radio-
t h é rapie après exérèse ch i ru rgicale est re s p o n s able d’une aug-
mentation du taux de complications sans amélioration de la sur-
vie, bien que le taux des récidives locales soit plus bas, surtout
dans les formes sans atteinte ganglionnaire (11).
La chimiothérapie préopératoire contre la chirurgie seule a été
é valuée dans deux études randomisées. Une pre m i è re étude ( 1 2 )
comparait une chimiothérapie (cisplatine et 5-FU) pré- et post-
o p é rat o i re à la ch i r u rgie seule. La morbidité et la mortalité post-
opératoires étaient identiques, mais la survie et les taux de réci-
dives locales et de métastases à distance étaient comparables.
Une deuxième étude plus récente (13), incluant 802 patients et
c o m p a r ant ch i m i o t h é rapie (deux cy cles de 5-FU + c i s p l at i n e )
et chirurgie seule,montrait un bénéfice avec une survie à 2 ans
de 43 % versus 34 % sans augmentation de la mortalité post-
opératoire.
P l u s i e u rs études associant ra d i o t h é rap ie et ch i m i o t h é r ap i e,
soit avant une exérèse ch i ru rgi cale soit comme tra i t e m e n t
exclusif, ont été publiées. Le but des associations est d’amé-
liorer le contrôle local par la potentialisation de la radiothé-
rapie par la ch i m i o t h é r apie et de re t a r der l’ap p a rit ion des
métastases par la chimiothérapie. Aucune étude n’a montré
le bénéfice de l’administration préopératoire d’une radiochi-
m i o t h é rapie pour les carcinomes épidermoïdes de l’œsophage
( 1 4 , 1 5 ). Pour les adénocarc i n o m e s , une seule étude ( 1 6 ) m o n -
trait une différence en faveur de la radiochimiothérapie pré-
o p é rat o i re, mais les résultats de ce travail sont discutabl e s , c a r
la survie du groupe ch i ru rgie seule est part i c u l i è rement basse.
En traitement exclusif,la radiochimiothérapie est supérieure
à la ra d i o t h é rapi e seule. Dans les fo rmes inopérabl e s , la ra d i o-
chimiothérapie des cancers épidermoïdes de l’œsophage est
bien tolérée, avec une amélioration de la dy s p h agie chez 80 %
des patients et des taux de survie à 1, 2 et 5 ans de respecti-
vement 52,9 % , 2 9 , 8 % et 12,1 %. Dans les fo rmes locale-
ment avancées mais opérables, la survie après radiochimio-
t h é rap ie ex cl u s ive des patients répondeurs à ce tra i t e m e n t
paraît équivalente à celle des patients qui sont opérés après
radiochimiothérapie (17).
A i n s i , à ce jour, la ch i ru rgie d’exérèse reste le traitement de ch o i x
des tumeurs des tiers moyen et inférieur de l’œsophage grade T1
ou T2. Pour les tumeurs de l’œsophage cervical, la radiochimio-
thérapie seule est probablement le traitement le plus séduisant
compte tenu des mauvais résultats de la chirurgie et de la muti-
lation quelquefois nécessaire pour les tumeurs de cette localisa-
tion (18). Pour les tumeurs opérables, mais localement avancées,
la radiochimiothérapie exclusive, si on la compare à la chirurgie
seule, semble avoir des résultats équivalents en termes de survie.
Pour l’instant, ces patients doivent être inclus dans des essais
multithérapeutiques. ■
Mots-clés :
Cancer de l’œsophage - Chirurgie de l’œsophage -
Chimiothérapie - Radiothérapie.
Keywords:
Esophageal cancer - Esophageal surgery - Radio-
therapy - Chemotherapy.