Région Dimanche 12 Février 2017 1 SANTÉ Trois choses à savoir Forme précoce de la maladie Unique dans le Grand Est, un dispositif contre la maladie de Lyme a été mis en place au CHRU de Nancy. Une consultation pluridisciplinaire pour limiter l’errance diagnostique dans une région parmi les plus touchées. S La tique infectée transmet une bactérie à l’homme qui peut développer une maladie très invalidante. Photo archives RL/Pascal BROCARD Le combat de Mariela Astier à la tête de Vosges Lyme on ouverture a précédé l’annonce, par le ministère de la Santé, d’un Plan de lutte contre la maladie de Lyme, plan « qui nous conforte dans notre démarche », note le D r François Goehringer. Le médecin infectiologue est le coordonnateur de la consultation pluridisciplinaire spécifique maladie de Lyme ouverte au CHRU de Nancy. Un dispositif unique dans la région Grand Est. Dans les formes tardives quand la phase précoce n’a pas existé ou est passée inaperçue, si des manifestations neurologiques, articulaires, etc., se manifestent, une sérologie est nécessaire. Toute la difficulté est de faire le lien avec une piqûre très antérieure, d’autant que les symptômes ne sont pas spécifiques à la maladie. DOSSIER Face à cette pathologie transmise par une piqûre de tique infectée, aux nombreuses controverses et polémiques qui y sont attachées, médecins et patients sont aujourd’hui perdus et « il s’est installé un climat de plus en plus suspicieux dans la population », observe le D r Goehringer : « Nous constatons qu’il y a de plus en plus de personnes qui ont peur malgré une sérologie négative. » Mariela Astier a été atteinte d’une forme sévère de la maladie : « J’étais devenue l’ombre de moi-même. » Photo DR Jusqu’au jour où… la jeune femme, originaire de La Bresse dans les Vosges, est amenée à changer de médecin traitant : « Je suis arrivée devant lui avec toute ma liste de symptômes. Il a souhaité reprendre les choses depuis le début. » Le praticien lui prescrit le test de la maladie de Lyme. Le test Elisa revient positif, confirmé par le test Western Blot : « Je n’ai jamais eu d’érythème, je ne me souviens pas d’épisode de fièvre », raconte Mariela Astier. Trois ans auparavant, elle avait déjà réalisé le test Elisa. Revenu négatif. « Les tests ne sont pas fiables. Le protocole de soins n’est pas adapté. On vous dit avec 21 jours d’antibiotiques tout ira mieux. Tant que les choses ne bougeront pas, on n’avancera pas. Les malades resteront dans la détresse. On continuera à voir des person- nes non diagnostiquées à qui l’on dit "tout ça c’est dans votre tête". » A bout de forces, Mariela Astier a choisi de se tourner un jour « vers un médecin du sud de la France » qui lui a prescrit une cure d’antibiotiques au long cours, témoigne-t-elle. Médecin inquiété par la Sécurité sociale, ajoute-t-elle (ndlr : les règles édictées de traitement sont aujourd’hui de trois semaines maximum d’antibiotiques). Puis elle s’est tournée vers des traitements alternatifs c o mp l é m e n t a i r e s . E t d i t aujourd’hui « aller bien ». Après quatre ans de galère. Son combat désormais, elle le mène à la tête de l’association « Vosges Lyme » qu’elle a créée : « Dans mon secteur, il y a beaucoup de gens qui sont touchés par la maladie de Lyme mais qui continuent de souffrir. Je trouve cela choquant. Il y a beaucoup de détresse. J’ai décidé de me battre pour continuer à informer, aider les gens dans leur parcours, organiser des conférences. » La dernière en date a fait « salle archi-comble » face au Pr Christian Perronne, infectiologue à l’hôpital de Garches et président du conseil scientifique de la Fédération française des maladies vectorielles à tiques. Pour mener son combat, Mariela Astier s’est rapprochée de l’association strasbourgeoise Lyme Impact. Contact Vosges Lyme : Tél.: 03 29 25 52 10. Pour limiter l’errance diagnostique, fréquente dans cette maladie dont les symptômes ne sont pas spécifiques dans les formes tardives, le CHRU propose donc désormais, au travers de cette consultation pluridisciplinaire dédiée, « une filière de soins claire », explique le médecin. Objectif : « Apporter au cas par cas une réponse à la plainte » de chacun des patients adressés « par leur médecin traitant », précise l’infectiologue. Que le patient soit atteint par la maladie de Lyme ou lorsqu’un autre diagnostic est posé. « Cette consultation va Dans les formes précoces, un érythème migrant dans les temps suivant la piqûre est un signe clinique qui induit à lui seul la mise en place par le médecin d’un traitement antibiotique. Forme tardive de la maladie Quid de la fiabilité des tests ? Le protocole de diagnostic en France : le test Elisa, qui permet un dosage enzymatique d’anticorps dans le sang, suivi s’il est positif du test Western Blot, plus spécifique. La sensibilité de ces tests est au cœur des polémiques. Un des axes stratégiques du Plan national de lutte contre la maladie de Lyme vise à les améliorer. Un protocole de diagnostic et de soins actualisé est annoncé pour juillet. Prise en charge personnalisée « Les tests ne sont pas fiables » 6 grand est Maladie de Lyme : enfin une consultation « J’ai vécu une vraie galère », résume aujourd’hui Mariela Astier, « je suis tombée malade et je ne savais pas ce que j’avais ». Les symptômes se sont installés petit à petit : « Des problèmes musculaires, articulaires, des problèmes de sommeil, des problèmes de vue, des crises de panique, de la tachycardie… C’était ingérable, j’étais devenue l’ombre de moi-même. Aucun traitement n’y faisait rien. Le pire c’est qu’on a failli m’opérer du cœur. » TTE La prévention reste la meilleure arme contre cette maladie. Des moyens simples existent : porter des vêtements couvrants, rentrer le pantalon dans les chaussettes, porter un chapeau . Photo archives RL/Pierre HECKLER nous permettre de cerner trois cas de figure », détaille le Dr Goehringer. Premier cas de figure : « Le patient a simplement besoin d’être rassuré. Il a une sérologie positive mais n’a pas de symptôme. Il faut savoir que dans 95 % des cas, quand on a été en contact avec cette bactérie, on guérit seul. » Deuxième cas de figure : « On est face à une Lyme typique. On traite : 2 à 3 semaines d’antibiotiques pour une phase primaire, 4 à 6 pour une forme tardive. Et on suit en consultation. » Troisième cas de figure : « On a une sérologie positive avec des symptômes qui peuvent évoquer autre chose, une sérologie négative avec une piqûre avérée et des symptômes… A ces patients, nous proposons notre hospitalisation de jour pluridisciplinaire » qui comprend infectiologues, rhumatologues, neurologues, psychologues… Les cas sont discutés en réunion de concertation pluridisciplinaire et chaque patient bénéficie d’une prise en charge personnalisée « qu’il s’agisse de Lyme ou d’une autre pathologie ». Consultations à la hausse Au CHRU, les consultations pour maladie de Lyme ont « augmenté mais pas le nombre de cas avérés », fait observer le Dr Goeh-ringer. En revanche, poursuit-il, « chez ces consultants, dans un tiers des cas, on diagnostique malheureusement quelque chose d’autre. Je dis malheureusement parce que parfois, il s’agit de pathologies graves » avec toutes les conséquences d’un retard diagnostic. Textes : Marie-Hélène VERNIER et Stéphanie SCHMITT 20 % Dans le Grand Est, région parmi les plus concernées, les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et celui de la Meuse sont les plus touchés. On estime à 20 % le nombre des tiques infectées. Fronde judiciaire contre les fabricants de tests « LymAction » est la cellule de défense et de recours constituée de Me Catherine Faivre et Me Julien Fouray, avocats à Epinal. Cette affaire hors-norme, initiée dans les Vosges, oppose près de 200 personnes atteintes de la maladie de Lyme à cinq laboratoires fabricants de test sérodiagnostiques utilisés dans la détection de la maladie. « Nous entendons mettre en cause la responsabilité civile des fabricants de tests sérodiagnostiques sur l’absence de fiabilité de ces tests (type Elisa, ndlr) utilisés dans la détection de la maladie de Lyme », explique Catherine Faivre. 130 dossiers sont déjà engagés auprès des tribunaux de Nanterre, Paris et Bobigny, « une cinquantaine de plus le seront à la fin février ». La procédure s’annonce longue et complexe. Les prochaines échéances des dossiers en cours sont attendues en mars et avril prochains. « Aujourd’hui, quand en France sont détectés 30 000 cas, ce sont 300 000 en Allemagne. Aux Etats-Unis, les tests Elisa ont été abandonnés depuis longtemps… », souligne l’avocate. Lymaction est à disposition de toute personne, quelle que soit sa situation et les résultats de ses tests sérodiagnostiques. Le Grand Est est l’une des régions les plus touchées par les tiques infectées, en particulier les départements alsaciens et de la Meuse. Photo archives L’ALSACE/Thierry GACHON Plus d’infos sur www.lymaction.fr Par mail : [email protected] Me Catherine Faivre s’attaque aux fabriquants de tests. Photo archives VM/J. ALEXANDRE