Quelles dynamiques de gestion des talents pour répondre aux besoins en

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Quelles dynamiques de gestion des
talents pour répondre aux besoins en
compétences nouvelles ?
Comment améliorer l’expérience collaborateur pour
faciliter l’acquisition et la fidélisation des talents ?
Compte rendu Première séance
La digitalisation des entreprises, les mutations technologiques (big data, impression 3D, algorithmes
apprenants), les nouveaux business models (ubérisation) participent à l’apparition de nouveaux métiers,
difficiles à anticiper. Il en résulte des besoins en compétences inédites que la fonction RH doit savoir
détecter. L’enjeu est de séduire ces talents, souvent rares et porteurs d’attentes particulières vis-à-vis de
l’entreprise et de sa culture.
La fonction RH vise donc de plus en plus à offrir une expérience collaborateur différenciante, facteur
d’attraction et de fidélisation des talents.
Dans ce contexte il importe de donner du sens et de cultiver les talents, quel rôle doit endosser le
RRH ? Comment mobiliser et valoriser toutes les compétences des collaborateurs, y compris celles qui
ont pu être jusque-là négligées ou ignorées ? Comment valoriser le rôle des managers de proximité ?
Face à ces transformations, peut-on encore parler de carrière ? Le DRH peut-il réinventer la politique de
mobilité interne ?
Animateur scientifique
Catherine GLEE, maître de conférences en sciences de gestion, Directrice du Master Ressources
humaines et organisation, IAE Lyon
Intervenants
Richard MAJOR, Professeur, IGS-RH
Sandrine LEFEVRE, Directrice Management des talents et Dirigeants, AXA
3
Introduction
Catherine Glée
Le « talent » : une notion récente dans le monde
de l’entreprise
C’est une étude de McKinsey, publiée en 1998
1
qui met à l’honneur le terme de
« talent » dans l’univers managérial.
Le titre retenu : « guerre des talents »
montre la difficulté à laquelle les
entreprises sont confrontées pour
attirer et fidéliser des salariés à forte
valeur ajoutée. Cette « guerre des talents » est à
situer dans le contexte de la mondialisation.
L’exigence de compétitivité conduit les
entreprises à s’interroger sur leur « avantage
concurrentiel », celui qui leur donnera un
avantage durable sur le marché. Deux auteurs
2
élaborent la « théorie des ressources » pour
modéliser cette notion. Ils montrent ainsi que
l’avantage concurrentiel se trouve à l’intérieur
de l’entreprise car il sulte de la combinaison
harmonieuse de ressources à la fois tangibles
(financières, humaines, technologiques..) et
intangibles (réputation…) que l’entreprise
possède et qui constituent son « cœur de
compétences ». Ce qui conduit à s’interroger sur
la pertinence, le degré de rareté, la valeur de
l’ensemble des actifs détenus par une entreprise
car ils sont autant de « ressources » précieuses
dont le mode de gestion fera la différence.
Quelles conséquences sur les Ressources
humaines ?
Ce constat et cette prise de conscience font
émerger plusieurs problématiques RH. La
première concerne l’obtention d’un « système
de travail hautement performant »
3
grâce à la
1
Chambers, E. G., Foulon, M., Handfield-Jones, H., Hankin, S.
M., & Michaels, E. G. (1998). The war for talent. McKinsey
Quarterly, 44-57.
2
Prahalad, C. K., & Hamel, G. (1990). The Core
Competence of the Corporation. Harvard Business Review,
68(3), 79-91.
création d’un avantage concurrentiel en termes
de ressources humaines, et d’un avantage
concurrentiel en termes de process
organisationnels (ce qui correspond à la qualité
et la force d’une culture
organisationnelle). Car la
question est d’avoir les bons
talents (avantage en capital
humain) et la bonne
organisation (avantage en process
organisationnels), au « bon » moment et au
« bon » prix. Cela conduit à une deuxième
question problématique : comment attirer puis
intégrer et fidéliser ces talents que l’entreprise a
identifiés afin de créer un système de travail
hautement performant ? Dans le contexte
actuel, c’est une réelle difficulté. La révolution
numérique qui exige des compétences
nouvelles au sein de métiers nouveaux, les
évolutions démographiques et, en particulier, le
vieillissement de la population, l’importance de
détenir des « soft skills » dont l’acquisition ne
semble pas aller de soi
4
conduisent à une
situation de pénurie marquée par des taux de
turnover qui peuvent, selon les secteurs et les
entreprises, être très élevés et des talents
courtisés à l’ échelle mondiale.
Il y a donc un enjeu fort à savoir les attirer et les
fidéliser, ce qu’illustre le modèle ASA de
Schneider
5
. Dans ce modèle, l‘attractivité d’une
entreprise est la clef d’une politique RH réussie.
Elle s’exprime à travers la notion de « marque
employeur » qui va de pair avec celle de
« promesse employeur ». Lorsqu’une entreprise
est attractive, les candidatures sont nombreuses
3
HPW :High Performant Worksystem
4
Une étude de la National Commission on Adult literacy
publiée en 2008 note pour près de 100 millions d’américains
adultes une absence des soft skills nécessaires à l’insertion
dans une économie mondialisée et connectée.
5
Schneider, B. (1987). The people make the place.
Personnel psychology, 40(3), 437-453.
Catherine Glée est maître de
conférences et directrice du
Master Ressources humaines et
Organisation à l’IAE de Lyon.
4
et de qualité, ce qui facilite la procédure de
recrutement pour sélectionner des profils en
adéquation avec les exigences du poste et qui
adhèrent aux valeurs de l’entreprise. Mais la
marque employeur est attractive car elle
exprime une promesse qu’il faut savoir tenir pour
éviter le « choc de la réalité »… et les départs.
Ainsi, en « tenant » sa promesse, l’entreprise
fidélise ses salariés. Ce faisant, elle renforce son
attractivité et entre ainsi dans un cercle
vertueux. Ce modèle conduit à raisonner en
termes de « marketing RH » et à appréhender le
salarié comme un « client » interne de
l’entreprise.
Attractivité, fidélisation, marque employeur,
promesse employeur et marketing RH
La notion d’attractivité peut être appréhendée
sous deux angles.
L’angle individuel, l’attractivité exprimant
alors une attitude ou une expression
individuelle positive envers une
organisation avec laquelle des relations
sont envisagées. L’accent est mis sur une
intention de rejoindre un employeur
donc sur une variable
comportementale qui exprime la
compatibilité ressentie par l’individu
entre ses valeurs et celles de
l’organisation.
L’angle organisationnel, l’attractivité
exprimant dans ce cas la capacité d’une
entreprise à être perçue de façon
positive par un candidat. L’accent est
mis sur l’élément (ou les éléments) de
différenciation entre entreprises
concurrentes. La notion de marque
employeur est au cœur de cette
seconde approche.
Quoique critiquée par des travaux scientifiques
qui la qualifient de « concept à la mode », cette
notion est importante. On sait qu’une entreprise
dotée d’une faible marque employeur reçoit
des candidatures de moins bonne qualité et en
moins grande quantité (jusqu’à 50% de moins) ;
A l’inverse, une « bonne » marque employeur
6
Ambler, T., & Barrow, S. (1996). The employer brand.
Journal of brand management, 4(3), 185-206.
s’accompagne d’un niveau d’implication des
salariés plus élevé et en conséquence d’un taux
de turnover plus faible.
Ambler et Barrow
6
la définissent comme
l’ensemble des avantages que l’entreprise est
en mesure de procurer à ses salariés : avantages
fonctionnels et économiques, mais aussi
avantages psychologiques. D’autres travaux
ensuite l’ont définie en termes de valeurs : valeur
d’attrait (environnement de travail, créativité
encouragée…) ; valeur sociale (climat
agréable…) ; valeur économique (rétribution,
opportunités de promotion…) ; valeur de
développement (reconnaissance, estime….) ;
valeur de transmission (possibilité de transmettre
aux autres, bénévolat…).
Cette notion confirme l’approche marketing de
la fonction RH évoquée plus haut. Les
collaborateurs présents ou potentiels sont des
« clients », et les techniques du marketing sont
mobilisées pour les accueillir, les séduire, les
fidéliseret développer ainsi une « expérience
collaborateur » à l’instar de l’expérience client.
Attirer puis fidéliser les talents consiste alors à
identifier des attentes et des préférences, donc
à cibler puis segmenter les différents talents que
l’entreprise souhaite retenir.
L’étude L'Oréal-CEMS
7
(2009), a interrogé des
étudiants issus de 37 pays sur leurs attentes
envers leur emploi et leur employeur. Les résultats
montrent que le travail est déclaré central dans
leur vie, sous réserve d’être pourvoyeur de sens,
d’être source de reconnaissance, de répondre à
leurs exigences d’éthique ; sous réserve que le
management soit de forme « relationnelle » et
non pas autocratique, qu’il offre une
« liberté « structurée »… Et ce sont les mêmes
attentes que d’autres études menées auprès de
jeunes à faible capital scolaire font ressortir.
Ces éléments indiquent ce qu’un employeur doit
promettre pour être attractif, en particulier
auprès des générations Y. Mais promettre ne
suffit pas ! Plus l’écart est important entre la
marque employeur externe, c'est-à-dire perçue
avant le recrutement à travers la promesse
employeur et la marque employeur interne,
7
Le réseau CMS (The Global Alliance in Management
Education) regroupe au niveau européen les formations
d’excellence en management.
5
c'est-à-dire vécue après le recrutement et plus
l’intention de quitter l’entreprise sera élevée.
Les promesses non tenues en termes de climat
de travail, de rémunération, de perspectives
d’évolution se traduisent ipso facto par une
baisse de la loyauté, de l’engagement, et de la
confiance du salarié pour, in fine, le conduire à
partir.
Dans ces conditions, intégrer, fidéliser sont des
éléments centraux de la gestion des talents.
Cette intégration (encore appelée socialisation
organisationnelle) renvoie à un processus
d’acquisition de rôles, de comportements,
d’attitudes et de valeurs nécessaires pour
devenir membre à part entière de l’organisation,
ce qui correspond à un véritable enjeu
identitaire. Il s’inscrit dans une double interaction
d’acquisition et de transmission de rôles. Il faut
que le nouvel entrant ait la volonté de s’adapter
et également que le groupe de membres
expérimentés sache et accepte de transmettre.
L’intégration doit donc être formalisée pour
exprimer un véritable accueil et éviter toute
désillusion mais pas trop, car il faut éviter
l’uniformisation qui nuit à la créativité. Un
équilibre subtil est à trouver pour ussir ce
processus qui se décompose en trois étapes :
La socialisation anticipée, qui
commence lors des toutes premières
rencontres avec l’entreprise : l’image de
l’entreprise, la procédure de
recrutement, à ce stade, jouent un rôle
déterminant.
L’entrée effective, qui correspond à la
phase d’intégration et s’étale sur les six
premiers mois environ : il s’agit durant
cette phase de comprendre les codes,
les rites, les modes de fonctionnement de
l’entreprise, qu’ils soient tacites ou
explicites. C’est à ce stade que
l’intention de partir est la plus susceptible
de se réaliser. Il s’agit donc d’une phase
très sensible.
La dernière phase correspond au
moment le nouvel entrant a le
sentiment d’être « membre à part
entière » ; il se sent en phase avec les
valeurs de l’entreprise qu’il a assimilées.
Le processus de socialisation
organisationnelle est achevé et la
nouvelle identité professionnelle est
acquise.
La socialisation organisationnelle ne concerne
pas seulement les nouveaux entrants dans
l’organisation. Sont également concernés les
salariés qui appartiennent à l’entreprise mais
changent de filiales, de services, de
départements… Dans ces cas, le processus est
également à prendre en considération et ne doit
pas être négligé. Il permet également de
comprendre pourquoi la culture
organisationnelle est un déterminant
fondamental de l’attractivité et de la fidélisation,
car elle exprime les valeurs, les normes, les rituels
et idéaux partagés par l’ensemble des salariés.
Enfin, il semble important de comprendre que la
fidélisation dépasse le simple fait de rester dans
une entreprise. Elle exprime une volonté : la
volonté de faire partie de l’organisation. Elle
exprime également le sentiment d’être en
adéquation avec l’entreprise et ses valeurs. Elle
se traduit par une faible propension à rechercher
du travail ; un attachement de forme affective
et également une efficacité plus grande dans
l’exécution des tâches prescrites. On voit ainsi
clairement son importance stratégique pour une
entreprise et l’intérêt de mettre en place des
pratiques de GRH pour la développer et la
renforcer.
La fidélisation ne se décrète pas. Elle est la
résultante de différents éléments :
l’engagement, découlant lui-même de la
satisfaction au travail. Celle-ci existe si l’équilibre
vie professionnelle-vie privée est réel ; si la phase
d’accueil et d’intégration est de qualité, si la
rémunération et les avantages sociaux sont
estimés satisfaisants, etc. La performance naît
directement de ces éléments, qui, tous, mettent
en évidence le rôle du management.
Il faut un management qui sache « prendre soin »
des collaborateurs, pour qui les notions de
compassion, dhumilité, voire de pardon font
sens ainsi qu’en témoignent les travaux
académiques récemment publiés sur le
leadership. Ces travaux évoquent un leadership
« éthique », un leadership « qui soit au service des
collaborateurs », un leadership « humble », un
leadership « durable et responsable », etc.
Autant de façons d’appréhender le
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