La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. I - n° 3 - octobre 2005 9
transcrânienne a mis pour la première
fois en évidence le rôle des composantes
sensori-motrices dans l’empathie pour la
douleur. Le Dr Avenanti et ses collabora-
teurs ont mesuré la sensibilité des voies
corticospinales. Lorsqu’un sujet ressent
de la douleur, les potentiels moteurs
indiquent une réduction marquée de
l’excitabilité corticospinale. En utilisant
cette technique, les chercheurs ont
constaté une diminution similaire de
l’excitabilité corticospinale lorsque les
participants visionnaient une vidéo mon-
trantune aiguille pointue en train de
piquer la main de quelqu’un d’autre. En
revanche, ils n’ont mesuré aucune modi-
fication de l’excitabilité corticospinale
lorsque les sujets observaient un Coton-
Tige pressé sur une main ou une aiguille
en train d’être plantée dans une tomate.
Ces conditions contrôle montrent bien
que la diminution de l’excitabilité était
spécifiquement associée au fait de voir
un autre être humain en train de souf-
frir. De surcroît, la réduction d’amplitude
était spécifique à la zone des muscles en
train de subir la piqûre que le partici-
pant pouvait observer. Cette inhibition
était corrélée aux évaluations subjectives
que l’observateur se faisait des qualités
sensorielles de la douleur attribuées au
modèle observé, et à l’état sensoriel, mais
non émotionnel, des mesures d’empathie.
Commentaire
Les résultats de cette étude de stimula-
tion magnétique transcrânienne sont à
l’opposé de ceux observés en IRM fonc-
tionnelle. Ces différences pourraient pro-
venir de la nature du matériel utilisé
pour induire l’empathie. En effet, dans
l’étude en IRMf, les participants voyaient
un indice symbolique, en l’occurrence
une flèche, signalant que leur parte-
naire, assis à côté d’eux, recevait un sti-
mulus douloureux. Ce protocole semble en
effet davantage susceptible de stimuler
la qualité affective de la douleur. Il n’est
pas impossible également que la tech-
nique de stimulation magnétique trans-
crânienne utilisée par Avenanti et ses
collaborateurs ait permis de détecter de
subtils changements dans le système
sensori-moteur, changements qui sont en
dessous du seuil détectable par l’IRMf.
Une variable clé réside sans doute aussi
dans l’attitude mentale des participants
lorsqu’ils pensent à la douleur d’autrui.
Avenanti et ses collaborateurs proposent
l’existence d’au moins deux formes d’em-
pathie. La première, relativement simple,
serait fondée sur la résonance somatique,
et reliée à la capacité de se représenter
des stimuli extérieurs sur son propre
corps. Une forme plus complexe d’empa-
thie reposerait sur la résonance affective
et serait concernée par le partage émo-
tionnel et par l’évaluation des liens
sociaux et des relations interperson-
nelles. C’est précisément notre capacité
à anticiper la douleur, et à être attentif
à une partie spécifique de notre corps
avant qu’elle soit stimulée, qui nous per-
met de partager les expériences d’autrui.
E.B., A.M.A
>
Avenanti A, Bueti D, Galati G, Aglioti SM.
Transcranial magnetic stimulation highlights
the sensorimotor side of empathy for pain.
Nat Neurosci 2005;8:955-60.
>
Singer T, Frith C. The painful side of empathy.
Nat Neurosci 2005;8:845-6.
comme l’humeur, les émotions sont des
réponses de courte durée qui impliquent
des modifications rapides de divers sys-
tèmes de réponse. La deuxième tient à
ce que les émotions surviennent de
façon typique via un processus conti-
nuel d’interprétation de l’environne-
ment. Cela peut amener à des diffé-
rences substantielles entre individus,
même s’ils sont placés dans la même
situation. Une équipe américaine a
tenté de relever ce défi, dans l’intention
de comparer une approche reposant sur
le stimulus avec une approche spéci-
fique au sujet, et de clarifier les bases
neuronales de deux émotions impor-
tantes, la gaieté et la tristesse. Pour ce
faire, ils ont enregistré en continu les
estimations émotionnelles subjectives
de sujets au visionnage de films émo-
tionnellement chargés, soit amusants,
soit tristes, soit neutres. En ce qui
concerne les films tristes, les deux
approches ont révélé l’activation du cor-
tex préfrontal médian, du gyrus frontal
inférieur, du gyrus temporal supérieur,
du precuneus, du gyrus lingual, de
l’amygdale et du thalamus. Pour les
films amusants, l’analyse des données
subjectives a révélé des activations spé-
cifiques dans des zones qui n’ont pas
été détectées par l’analyse de contraste
de bloc, notamment le cortex préfrontal
dorsolatéral, les lobes temporaux, l’hip-
pocampe et le thalamus.
Commentaire
Ces résultats constituent un premier pas
vers l’élucidation des bases neuronales de
la gaieté et de la tristesse. Ils incitent
toutefois à la prudence, puisqu’ils suggè-
rent l’existence d’une relation spécifique
entre les dynamiques temporelles propres
aux réponses émotionnelles et la sensi-
bilité des différentes approches analy-
tiques disponibles pour identifier les
réponses neuronales liées aux émotions.
E.B., A.M.A
L’
un des objectifs des recherches en
neurosciences est de tracer les
contours des bases neuronales de la
réponse émotionnelle. Toutefois, deux
caractéristiques des émotions rendent
cet objectif particulièrement difficile à
atteindre. La première tient au fait que,
contrairement aux autres états affectifs
Bases neuronales
de la gaieté et de la tristesse
>
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New York et Stanford (États-Unis)