En tant que telles, elles partagent une ambition du monde dont notre travail se veut également
porteur.
Nous allons faire ici un bilan de la science économique, de ses errances, de ses enjeux. Le traité
économique suit un chemin simple. Il s'agit de comprendre le fonctionnement des économistes, de
cadrer les enjeux et les contradictions de leur raisonnement et, dans un troisième temps, de
construire une science économique moins inefficace en termes humains et inopérante en termes
cybernétiques. Pour reprendre notre image, nous voulons trouver un bon garagiste.
Pour ce faire, le traité ne part pas les mains vides. Il explore, au contraire, tous les modes de pensée
économique alternatifs en faisant la part belle aux économistes, aux philosophes qui pensent le
problème du travail et de la prospérité générale puisque c'est à ce niveau que se situent les enjeux de
l'impuissance individuelle et collective actuelle.
À titre personnel, j'ai mené un entretien avec Bernard Friot (L'Émancipation du travail) autour des
enjeux économiques. C'est à la suite de cet entretien – et armé des réflexions de l'économiste
français – que j'ai voulu prolonger mes réflexions. C'est dit, on ne sort pas indemne d'une rencontre
pareille. J'assume parfaitement l'influence d'un économiste aussi riche, aussi foisonnant.
Néanmoins, mon travail ne s'inscrit pas exclusivement dans sa suite. L'influence est là, la réflexion
critique demeure.
J'ai étudié ici l'inflation, l'économie du désir, la construction de la classe moyenne ou la création
monétaire. La question de la crise et de l'effondrement traverse l'ouvrage.
Il me faut donc tout à la fois marquer l'empreinte qu'a laissée Bernard sur ma pensée et le devenir,
l'autonomie de ma pensée par rapport à lui.
Cet ouvrage se veut tout à la fois un résumé des points de vue critiques, une réflexion qui part des
impasses de la science économique, de la crise et l'esquisse d'une science économique qui permette
de dépasser les contradictions et les blocages dans lesquels nous sommes emprisonnés. Des points
de vue remettent en question le cadre de pensée de l'économie, ils permettent une mise en question,
une mise en perspective, d'enjeux économiques cruciaux en terme de prospérité, de santé ou de
construction sociale en interrogeant les soubassements, les présupposés métaphysiques,
idéologiques ou théologaux derrière les options économiques. Ce traité ne veut pas trancher – même
si nous considérons les propositions de Bernard Friot comme une option pour sortir de l'impasse,
même si nous les présentons en tant que telles – il veut cadrer, poser des enjeux. Il s'agit plus de
poser des questions que d'apporter des réponses.
À terme, cependant, comme l'impéritie des élites invalide la foi envers ce qu’elle s'obstinent à
nommer de l'économie, envers le contrôle des populations par le pouvoir, envers la violence sociale
objectivée et naturalisée, il s'agit de construire une nouvelle science économique qui soit susceptible
aussi bien de jauger le devenir de l'économie que de prendre des décisions efficaces pour le
modifier en vue de pouvoir poser des actes individuels et collectifs, en vue de créer une prospérité
générale qui abrite les talents, la créativité, l'inventivité, la patience, la qualification des individus et
des groupes. L'économie telle que nous l'avons brièvement définie, telle que nous avons l'ambition
de la construire, doit aussi bien instruire le dossier de l'état des choses que permettre de poser des
actes libérateurs au quotidien. L'économie, c'est la science des lois du foyer, étymologiquement,
c'est l'ensemble des principes, des pratiques qui pensent la prospérité générale. Nous comprenons
l'ensemble de ces lois comme une logique inhérente aux actes individuels et collectifs. Elles ne
doivent pas se poser comme extérieur mais s'évaluent au contraire en fonction de ce qu'elles
servent : notre commune puissance humaine. Ce n'est en aucun cas un ramassis de lois
approximatives qui entendent augmenter le retour sur investissements de tristes sires avides.