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La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XV - n° 1 - avril 2006
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Cancer Research
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Clinical Cancer Research
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Cancer Institute
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Nature Medicine
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Oncogene
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Science
Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy)
et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris)
ACTUALITÉS
oncosciences
oncosciences
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ACTUALITÉS
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oncosciences
D
eux articles passionnants, de D.B.
Solit et al. et de A.H. Bild et al.,
viennent d’être publiés dans le même
numéro de Nature ; ils permettent
d’avancer de façon significative dans
l’utilisation des profils d’expression
génique pour les choix thérapeu-
tiques.
Le premier apporte un nouvel exemple
de synthetic lethality, que nous préfé-
rons traduire par “létalité condition-
nelle” : une molécule n’est active sur
une lignée cancéreuse que si telle voie
de signalisation est à l’œuvre comme
mécanisme oncogénique dans cette
lignée. Il en est ainsi des inhibiteurs
de la protéine Mek (Map kinase
kinase) située dans la cascade des
Map kinases, en aval de Ras et de Raf
et en amont de Erk, la Map kinase qui
phosphoryle les facteurs de transcrip-
tion des gènes nécessaires à la multi-
plication cellulaire, comme celui de la
cycline D1. La protéine Erk elle-même
n’est pas un proto-oncogène fréquem-
ment activé, mais son hyperactivation
résulte de mutations activatrices de
protéines d’amont, Ras et B-Raf, qui
sont mutées, par exemple, dans 30 %
des cas de cancer du poumon pour la
première et dans 60 % des cas de
mélanome pour la seconde. Dans leur
travail, D.B. Solit et al. s’intéressent à
un inhibiteur de Mek, le CI-1040, qui
inhibe son activité de phosphoryla-
tion de Erk avec une IC50 de 100 à
500 nM. Ce composé n’est pourtant
actif que sur quelques lignées cellu-
laires, mais de façon importante : ce
sont les lignées porteuses de la muta-
tion activatrice V600E de B-Raf. Utili-
sant le panel du NCI, les auteurs iden-
tifient la présence de cette mutation
dans toutes les lignées sensibles au
CI-1040, qu’elles proviennent ou
non de mélanomes ; et, en retour, ces
lignées porteuses de la mutation de
B-Raf sont également très sensibles à
plusieurs autres composés connus
pour inhiber la protéine Mek. À
l’inverse, les lignées porteuses d’une
mutation de Ras, dont l’action se situe
immédiatement en amont de B-Raf, ne
présentent pas ce caractère de sensi-
bilité “exquise” aux inhibiteurs de Mek :
c’est parce que Ras est en fait à un
carrefour de voies de signalisation, et
que la mutation de Ras contrairement
à la mutation de B-Raf n’entraîne pas,
pour la lignée cellulaire qui la porte,
une dépendance oncogénique vis-à-vis
de la voie des Map kinases.
Cette notion de voies de signalisation
et de leurs perturbations dans l’onco-
genèse est au centre des préoccupa-
tions de A.H. Bild et de l’équipe de
Duke University. À partir de lignées
primaires de cellules épithéliales, ils
obtiennent par infection adénovirale
des lignées exprimant spécifiquement,
à l’état activé, plusieurs oncopro-
téines comme c-Myc, H-Ras, c-Src,
E2F3 ou la b-caténine. Après avoir
vérifié que les lignées ont bien
ingré la perturbation requise, ils
réalisent leurs profils d’expression
génique, qui apporte ainsi une “signa-
ture” caractéristique de chacune de
voies étudiées. Ces signatures molécu-
laires sont tout à fait comparables à
celles obtenues dans des lignées
tumorales présentant spontanément
l’altération oncogénique en cause, et
servent à définir une “probabilité
d’activation de la voie” dans chaque
lignée. Soulignons que la perturbation
d’une voie de signalisation comme la
voie des Map kinases peut concerner
des altérations moléculaires diverses :
mutation de Ras, mutation de B-Raf,
etc. Ainsi, les signatures, caractéri-
Rôle des signatures
moléculaires des tumeurs
dans les choix thérapeutiques
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de cellules surexprimant le gène à par-
tir de la population globale reste la
meilleure hypothèse. Mais comment se
produit cette surexpression à court
terme, moins d’une heure après le
contact des cellules avec un agent thé-
rapeutique ? I. Roninson avait montré
en 1993 le rôle de la protéine kinase C,
mais les choses en étaient restées là…
Le développement des recherches sur la
régulation épigénétique de l’expression
des gènes arrive à point nommé pour
renouveler l’intérêt sur le sujet et
reprendre les problèmes non résolus.
Les processus de méthylation de l’ADN
sur les îlots CpG et les processus de
méthylation et d’acétylation des his-
tones de la chromatine sont de plus
en plus étudiés, et des pistes pour
le développement thérapeutique ont
même été identifiées. E.K. Baker et
al. se sont intéressés à la régulation
du gène MDR1 en réponse à l’action
d’agents anticancéreux, en utilisant
essentiellement deux techniques : le
séquençage génomique en présence de
bisulfite, qui permet d’identifier les
cytosines méthylées, et l’immunopréci-
pitation des histones à l’aide d’anti-
corps hyperspécifiques, qui permet de
rechercher les modifications pouvant
jouer un rôle sur le taux de transcription.
La régulation positive de la transcrip-
tion du gène MDR1 par les agents anti-
cancéreux ne fait plus de doute et les
auteurs le démontrent à nouveau clai-
rement. Un inhibiteur de l’histone
désacétylase a les mêmes effets posi-
tifs sur l’expression MDR1, mais sur une
base temporelle différente : l’effet
transcriptionnel, obtenu très rapide-
ment, plafonne et n’atteint pas le
niveau induit par les anticancéreux. Le
taux basal de transcription du gène
semble strictement dépendant du taux
de méthylation du promoteur ; par
ailleurs, il n’y a inductibilité de l’ex-
pression de MDR1 par les agents anti-
D
epuis la découverte du phénotype
multidrug resistant, il y a 35 ans,
puis le clonage du gène MDR1 il y a
20 ans, ce sont des milliers d’articles
qui ont été publiés sur la multidrug
resistance ! Pourtant, on connaît tou-
jours aussi mal le mécanisme par lequel
survient la surexpression de MDR1 en
réponse à l’action des agents antican-
céreux. Pour le long terme, la sélection
sant une voie de signalisation, appor-
tent sans doute une information plus
globale et plus facile à établir que les
mutations individuelles susceptibles
d’être en cause dans chacune de
ces voies. À titre de validation, les
auteurs montrent une corrélation
significative entre la probabilité d’ac-
tivation de la voie Ras ou de la voie
Src et la sensibilité à un inhibiteur de
farnesyltransférase dans un cas, ou à
un inhibiteur spécifique de Src dans
l’autre. Le modèle ainsi mis au point
pourrait être d’une grande utilité, tant
pour définir des molécules spécifique-
ment actives sur une voie oncogé-
nique précise que pour sélectionner
les thérapeutiques ciblées de façon
individuelle en fonction des voies
oncogéniques à l’œuvre dans une
tumeur.
J. Robert
Institut Bergonié, Bordeaux.
>
Solit DB, Garraway LA, Pratilas CA et al.
BRAF mutation predicts sensitivity to MEK
inhibition. Nature 2006;439:358-62.
>
Bild AH, Yao G, Chang JT et al. Oncogenic
pathway signatures in human cancers
as a guide to targeted therapies.
Nature 2006;439:353-7.
cancéreux que lorsque le promoteur
du gène n’est pas hyperméthylé.
Cependant, contrairement à l’hypo-
thèse évidente, les agents anticancé-
reux ne modifient pas le degré de
méthylation du promoteur de MDR1 :
c’est au niveau des histones qu’il faudra
rechercher ce contrôle épigénétique.
L’étude de l’acétylation des histones au
long des 2 000 premiers nucléotides du
gène, de part et d’autre de l’origine de
transcription, apporte une réponse
essentielle : c’est l’histone H3 qui voit
son degré d’acétylation multiplié par
un facteur compris entre 2 et 7 selon
les zones, lors d’un contact avec les
anticancéreux, et cette hyperacétyla-
tion est bien spécifique du promoteur
de MDR1, dont elle précède la surex-
pression. La méthylation de la lysine 4
de l’histone H3 joue également un rôle
dans l’activation de la transcription de
MDR1, mais cette méthylation est plus
tardive et survient en des endroits pré-
cis du promoteur, et seulement sous
l’effet de certains anticancéreux.
En résumé, cette étude montre qu’un
traitement par un anticancéreux entraîne
une acétylation et une méthylation de
l’histone H3 au niveau du locus MDR1,
corrélées à la surexpression du gène ;
ces modifications ne surviennent que si
le promoteur n’est pas au préalable
hyperméthylé, mais aucun changement
du taux de méthylation du promoteur
MDR1 n’est impliqué dans la réponse
au traitement. Il faudra envisager que
le développement des inhibiteurs de
l’histone désacétylase puisse se heurter
à des effets inattendus sur l’expression
de gènes que l’on ne souhaitait pas
cibler a priori…
J. Robert
Institut Bergonié, Bordeaux.
>
Baker EK, Johnstone RW, Alcberg JR,
El-Osta A. Epigenetic changes to the MDR1
locus in response to chemotherapeutic drugs.
Oncogene 2005;24:8061-75.
Des modifications
épigénétiques à l'origine
du contrôle de la transcription
du gène MDR1
>
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Des délétions fréquentes allant de 70 à
7 000 pb ont également été identifiées.
Ces délétions communes sont sujettes
au même déséquilibre de liaison que les
SNP qui les entourent, sélectionnés avec
le même critère de fréquence (2). Cela
indique que ces polymorphismes ont la
même origine historique et que beaucoup
de délétions communes ont été analysées
“par procuration” dans des études d’as-
sociation (génotype/phénotype) fondées
sur les SNP. Le premier article expose une
méthode bio-informatique, basée sur les
données de génotypage de SNP de trios
parents-enfant provenant de l’Internatio-
nal HapMap Project, permettant d’identi-
fier les délétions polymorphiques, qui
sont ensuite validées sur microarrays. Il
s’agit d’une méthode à haut débit, don-
nant un aperçu des régions génétiques
concernées. Un total de 201 séquences
codantes sont concernées par des délé-
tions putatives, dont 92 gènes qui peu-
vent être entièrement supprimés, parmi
lesquels 23 sont associés à des maladies.
Nombre d’entre eux sont des gènes de
fonction inconnue, mais associés au
cancer : DLEU7 (délété dans les leucé-
mies lymphocytaires) ; TUSC3 (gène
candidat suppresseur de tumeur) ;
BCAS1 (amplifié dans les cancers du
sein) ; HIC2 (hyperméthylé dans les
cancers), LOH12CR1 (dont l’hétérozygo-
tie est perdue dans certains cancers).
Le deuxième article soulève la question
de l’intérêt de l’étude des délétions
polymorphiques, en montrant qu’il existe
entre SNP et délétions communes des
liaisons génétiques fortes. Ces délétions
déterminent donc l’environnement géné-
tique des SNP et sont parfois impliquées
de manière directe dans un phénotype,
comme c’est le cas pour le gène suppres-
seur de tumeur MTUS1 avec une délétion
de 162 pb dans la région codante ou
la perte d’un exon de la région 5’ non
traduite du gène MS4A1 codant pour un
antigène de surface des lymphocytes B
T
rois articles parus dans Nature
Genetics en janvier 2006 (1-3) met-
tent en avant l’importance que pourrait
avoir pour la pharmacogénétique l’étude
des associations entre délétions
génétiques héréditaires fréquentes et
polymorphismes de nucléotide unique
(SNP). Il existe de grandes variations
phénotypiques chez l’homme, qui vont
de la couleur des yeux à la prédisposi-
tion aux maladies. Beaucoup d’études
portant sur la relation génotype/phéno-
type se sont focalisées sur le génoty-
page des SNP. Récemment, il a été mon-
tré que les polymorphismes portant sur
le nombre de copies des gènes consti-
tuaient également une classe impor-
tante de variations génétiques du
génome humain. Une autre classe
de variations polymorphiques apparaît
aujourd’hui importante : les délétions.
Des études récentes montrent une forte
liaison génétique entre des délétions
communes et des SNP. Il existe des
délétions polymorphiques à l’état hémi-
zygote ou homozygote ; elles ne concer-
nent en général que des régions pauvres
en gènes, mais qui pouraient jouer un
rôle régulateur important. Dans certains
cas, on observe des délétions de gènes
entiers ou d’exons isolés. On estime
qu’un individu possède en moyenne 30
à 50 délétions de plus de 50 000 paires
de bases (pb), ce qui représente plus
d’un demi-million de paires de bases de
séquences euchromatiques réparties sur
l’ensemble du génome (1). Les auteurs
ont identifié dix gènes pouvant être
totalement délétés, ce sont en particu-
lier des gènes impliqués dans le méta-
bolisme des stéroïdes sexuels, l’olfac-
tion, la réponse aux médicaments (3).
CD20. Dans le troisième article, les auteurs
se proposent, à partir des mêmes bases
de données du projet HapMap, de carac-
tériser et de cataloguer les délétions
polymorphiques du génome humain. Les
candidats sont validés par des méthodes
de biologie moléculaire, notamment par
FISH (fluorescence in situ hybridization).
Ils ont identifié dix gènes touchés, dans
leur région codante, à une fréquence
suffisamment élevée pour que des
homozygotes “nuls” soient rencontrés :
UGT2B17 et UGT2B28, qui codent pour
des enzymes du métabolisme des hor-
mones stéroïdes sexuelles ; TRY6, qui
code pour une protéase ; LCE3C, qui
code pour une protéine de l’enveloppe
épidermique intervenant dans la réponse
aux UV ; GSTM1, GSTT1 et CYP2A6, qui
interviennent dans la détoxication et
le métabolisme des médicaments ; PRB1,
qui code pour un protéoglycane sali-
vaire ; OR51A2 et OR4F5, qui codent
pour des récepteurs olfactifs. Il faut
noter aussi que l’analyse de déséquilibre
de liaison a permis de déterminer des
SNP “tag” permettant de connaître leur
environnement structural (délétions).
Beaucoup de SNP du génome humain
sont étudiés sur des cohortes cliniques ;
cette nouvelle approche incluant les
délétions serait intéressante à prendre
en compte dans les études de géné-
tique médicale, en particulier au
niveau des prédispositions génétiques
aux cancers.
F. Moisan
Institut Bergonié, Bordeaux.
1.
Conrad DF, Andrews TD, Carter NP et al.
A high-resolution survey of deletion polymor-
phism in the human genome. Nat Genet 2006;
38:75-81.
2.
Hinds DA, Kloek AP, Jen M. Common dele-
tions and SNPs are in linkage disequilibrium in
the human genome. Nat Genet 2006;38:82-5.
3.
McCarroll SA, Hadnott TN, Perry GH et al.
Common deletion polymorphisms in the human
genome. Nat Genet 2006;38:86-92.
Association entre deux
types de polymorphismes
génétiques, délétions et SNP
Implications phénotypiques
>
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Contrairement à une étude de J.M. Allan
et al. (1) qui montrait une association
entre le génotype variant et la réponse
à la chimiothérapie des LAM chez les
sujets de plus de 60 ans, cette étude
pédiatrique ne montre par ailleurs
aucune différence significative dans la
réponse des LAM à la chimiothérapie.
Il est possible que la biologie de la
LAM de l’enfant diffère de celle des
adultes ; c’est ainsi que des études ont
montré que la fréquence d’événements
cytogénétiques défavorables est plus
importante chez les adultes que chez
les enfants. L’accumulation de tels évé-
nements cytogénétiques peut expliquer
l’augmentation du risque de développer
un cancer chimiorésistant.
Il faut enfin noter que, si les cocktails
de chimiothérapie sont globalement
les mêmes, une partie des patients de
l’étude faite sur des sujets adultes avait
reçu du cyclophosphamide (agent alky-
lant), alors que la moitié des enfants de
la présente étude avaient reçu de l’in-
terféron-α, ce qui pourrait expliquer la
différence du rôle du polymorphisme
étudié sur les résultats du traitement.
Seules des études comparant l’activité
des protéines XPD variantes et leur rôle
dans la réparation de l’ADN pourront
clarifier le rôle fonctionnel du polymor-
phisme XPD 751.
F. Moisan
Institut Bergonié, Bordeaux.
>
Mehta PA et al, Blood 2006;107:39-45.
Pour en savoir plus...
1.
Mehta PA, Alonzo TA, Gerbing RB et al. XPD
Lys751Gln polymorphism in the etiology and
outcome of childhood acute myeloid leukemia:
a Children's Oncology Group report. Blood
2006;107:39-45.
2.
Allan JM, Smith AG, Wheatley K et al. Genetic
variation in XPD predicts treatment outcome
and risk of acute myeloid leukemia following
chemotherapy. Blood 2004;104:3872-7.
L’
ADN est continuellement endom-
magé par des agents mutagènes,
endogènes ou exogènes. La réparation
de l’ADN par excision de nucléotide
(NER) élimine la majeure partie des
dommages du génome humain, parmi
lesquels ceux induits par les UV, certains
agents alkylants ou les agents oxyda-
tifs. Les polymorphismes des gènes du
NER sont susceptibles de s’accompagner
d’une variation individuelle de la capa-
cité à réparer l’ADN. Une diminution de
l’efficacité de ces systèmes peut aug-
menter le risque de cancer : ce risque est
multiplié par mille chez les individus
atteints de xeroderma pigmentosum
(XP), qui possèdent des mutations délé-
tères, heureusement très rares, au niveau
de gènes de la famille XP du NER (XPA
à XPG). XPD est un acteur majeur du
NER, mais il est aussi impliqué dans
l’initiation de la transcription, le contrôle
du cycle cellulaire et l’apoptose. Les
polymorphismes courants du gène XPD
sont associés au développement de leu-
cémies aiguës myéloïdes (LAM) iatro-
gènes ainsi qu’à un mauvais pronostic
des LAM chez le sujet âgé. Les auteurs
ont cherché à savoir si le polymorphisme
XPD Lys751Gln pouvait également jouer
un rôle dans le développement de LAM
chez l’enfant, et affecter la réponse au
traitement. Le génotypage de l’exon 23
du gène XPD de 456 enfants traités
pour une LAM de novo a été réalisé. Il
n’a été trouvé aucune différence signi-
ficative entre les sujets homozygotes
normaux, hétérozygotes ou homozy-
gotes variants pour ce polymorphisme.
L’
ADN polymérase ηest une enzyme
impliquée dans la réparation de
l’ADN par synthèse translésionnelle, ou
“bypass”. Ce système permet à la
cellule de tolérer un certain niveau
d’endommagement de l’ADN et de passer
outre ces lésions lors de la réplication.
Dans cet article, M.R. Albertella et al.
abordent le rôle de l’ADN polymérase η
(pol η) dans la survie cellulaire aux
dommages de l’ADN induits par le
cisplatine, un anticancéreux très utilisé
en chimiothérapie. De nombreuses études
avaient montré que ces lésions étaient
majoritairement éliminées par le sys-
tème de réparation par excision de
nucléotide (NER) et qu’une déficience
en l’un des facteurs impliqués dans la
NER se traduisait par une plus forte
sensibilité au cisplatine.
Les auteurs montrent ici qu’une défi-
cience en polymérase ηest également
associée à une hypersensibilité au cis-
platine. En effet, des cellules invalidées
pour la pol η(lignée XP30RO) sont
environ quatre fois plus sensibles au
cisplatine que les cellules dans les-
quelles l’expression de pol ηest restau-
rée à un niveau “physiologique” (lignée
XP30RO/pol ηcl5). Une hypersensibi-
lité du même ordre est observée pour le
carboplatine et l’oxaliplatine, qui sont
deux autres dérivés formant des pon-
tages intra-brins. En revanche, l’invali-
dation de pol ηn’a aucun effet sur la
cytotoxicité de dérivés formant des
pontages inter-brins comme le trans-
platine ou la mitomycine C. À titre de
comparaison, les auteurs montrent que
l’invalidation de XPA, une molécule clé
du système NER, n’induit qu’un double-
ment de la sensibilité au cisplatine,
Absence d’implication
du polymorphisme
XPD Lys751Gln dans le risque
et la réponse au traitement
des leucémies myéloïdes
aiguës de l’enfant
>
Rôle de l’ADN polymérase η
dans la résistance cellulaire
aux dommages induits
par le cisplatine
>
La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XV - n° 1 - avril 2006 9
la sensibilité cellulaire au cisplatine et
renforcent les données antérieures
ayant montré que in vitro, pol ηest
capable de passer outre les pontages
intra-brins formés par le cisplatine. Cet
article révèle également que pol η- et
son implication dans la synthèse trans-
lésionnelle - est certainement aussi
importante pour la “survie” des cellules
aux dommages induits par le cisplatine
que le rôle du système de réparation
par excision nucléotidique, ou NER.
P. Pourquier
Institut Bergonié, Bordeaux.
pourquier@bergonie.org
>
Albertella MR, Green CM, Lehmann AR et al.
A role of polymerase eta in the cellular
tolerance to cisplatin induced damage.
Cancer Res 2005;65:9789-806.
suggérant que la synthèse translésion-
nelle pourrait avoir un rôle beaucoup
plus important dans la sensibilité cellu-
laire au cipslatine que l’on ne l’imagi-
nait. La comparaison des deux modèles
d’invalidation utilisés (pol ηversus XPA)
en termes d’analyse du cycle cellulaire
montre également le rôle prépondérant
que joue la pol ηpour lever le blocage
en phase G1 du cycle cellulaire induit par
le cisplatine. Les cellules déficientes en
pol ηsont en effet six fois plus sen-
sibles à l’arrêt en phase G1/S induit par
le cisplatine que les cellules déficientes
en XPA. Ce rôle de pol ηdans la sensibi-
lité cellulaire au cisplatine est également
appuyé par le fait que le traitement des
cellules déficientes en pol ηpar le cis-
platine induit une interaction de pol η
avec la molécule PCNA au niveau de
foci de réplication, un phénomène qui
a déjà été décrit par les mêmes auteurs
lors de l’activation de la réparation par
synthèse translésionnelle des lésions
induites par les ultraviolets. Ces résultats
suggèrent donc que pol ηest recrutée
au niveau des fourches de réplication
bloquées par les pontages intra-brins
formés par le cisplatine et qu’elle per-
met de lever ce blocage en induisant la
reprise de la synthèse d’ADN. Curieuse-
ment, cette interaction avec PCNA au
niveau des foci de réplication n’est pas
observée pour l’ADN polymérase β, une
enzyme qui est également impliquée
dans la synthèse translésionnelle et
dont la répression conduit aussi à une
hypersensibilité au cisplatine selon les
données de la littérature. Ces résultats
contradictoires pourraient provenir de
l’utilisation de modèles cellulaires dif-
férents mais démontrent que, dans un
système isogénique, pol ηet pol βn’ont
pas de rôle redondant dans le mécanisme
de tolérance aux dommages induits par
le cisplatine.
En conclusion, les données de cette étude
démontrent l’importance de pol ηdans
L
e topotécan est un dérivé de la
camptothécine qui est largement
utilisé dans le traitement des cancers
colorectaux, des cancers de l’ovaire,
des mélanomes et des glioblastomes.
Son mécanisme d’action passe par l’in-
hibition de la topo-isomérase I, une
enzyme régulant la topologie de l’ADN
au cours des processus de transcription
ou de réplication. Plusieurs facteurs
sont connus pour influencer la sensibi-
lité des cellules tumorales à ce type de
médicament, tels que le niveau d’ex-
pression de la topo-isomérase I, le
niveau d’expression des pompes mem-
branaires de type MDR1, ou le niveau
d’expression de protéines impliquées
dans la mort cellulaire par apoptose
comme Bax ou Bcl-2. Cependant, aucun
d’entre eux ne s’est avéré être très pré-
dictif de la réponse tumorale à ce type
Le topotécan induit
une dégradation de la topo-
isomérase I p53-dépendante
affectant la survie cellulaire
>
d’agent anticancéreux. Le gène P53 est
connu pour jouer un rôle prépondérant
dans la réponse cellulaire aux agents
cytotoxiques. Dans le cas des inhibi-
teurs de topo-isomérases I, les données
concernant p53 sont assez contradic-
toires. Certaines études montrent que
le statut de p53 n’est pas prédictif
de la réponse à l’inhibiteur dans des
modèles cellulaires de cancers du sein
ou de glioblastomes, alors que d’autres
études ont mis en évidence un effet
protecteur vis-à-vis de ces inhibiteurs
dans des cellules de cancers de l’ovaire
dans lesquelles la fonction de p53 avait
été restaurée.
Dans cet article, M.J. Tomicic et al.
évaluent dans deux modèles cellulaires
distincts, l’un de souris, l’autre humain,
l’effet du statut de p53 dans la cytotoxi-
cité du topotécan. Ils confirment, dans
un premier temps, que des cellules
embryonnaires de souris (cellules MEFs)
déficientes en p53 (p53 -/-) sont plus
sensibles au topotécan que les cellules
sauvages correspondantes, et que cet
effet est relié à un défaut de liaison
de p53 sur ses séquences régulatrices
généralement situées dans les régions
promotrices des gènes qui sont activés
en réponse au traitement cytotoxique.
Cette plus grande sensibilité des cellules
p53 -/- est accompagnée d’une plus
forte phosphorylation de la protéine
chk1 ainsi qu’une dégradation plus
importante de la kinase cdc25A par
le système du protéasome 26S en
charge de la dégradation des protéines
cellulaires. Chk1 et cdc25A sont des
marqueurs typiques de la signalisation
cellulaire induite par les agents cyto-
toxiques endommageant l’ADN.
Les auteurs montrent également que le
traitement par le topotécan induit un
nombre de cassures simple-brins plus
important dans la lignée MEF p53 -/-
que dans la lignée sauvage. Ces résultats
sont confirmés par le fait qu’un cotraite-
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