La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XV - n° 1 - avril 2006 7
Des délétions fréquentes allant de 70 à
7 000 pb ont également été identifiées.
Ces délétions communes sont sujettes
au même déséquilibre de liaison que les
SNP qui les entourent, sélectionnés avec
le même critère de fréquence (2). Cela
indique que ces polymorphismes ont la
même origine historique et que beaucoup
de délétions communes ont été analysées
“par procuration” dans des études d’as-
sociation (génotype/phénotype) fondées
sur les SNP. Le premier article expose une
méthode bio-informatique, basée sur les
données de génotypage de SNP de trios
parents-enfant provenant de l’Internatio-
nal HapMap Project, permettant d’identi-
fier les délétions polymorphiques, qui
sont ensuite validées sur microarrays. Il
s’agit d’une méthode à haut débit, don-
nant un aperçu des régions génétiques
concernées. Un total de 201 séquences
codantes sont concernées par des délé-
tions putatives, dont 92 gènes qui peu-
vent être entièrement supprimés, parmi
lesquels 23 sont associés à des maladies.
Nombre d’entre eux sont des gènes de
fonction inconnue, mais associés au
cancer : DLEU7 (délété dans les leucé-
mies lymphocytaires) ; TUSC3 (gène
candidat suppresseur de tumeur) ;
BCAS1 (amplifié dans les cancers du
sein) ; HIC2 (hyperméthylé dans les
cancers), LOH12CR1 (dont l’hétérozygo-
tie est perdue dans certains cancers).
Le deuxième article soulève la question
de l’intérêt de l’étude des délétions
polymorphiques, en montrant qu’il existe
entre SNP et délétions communes des
liaisons génétiques fortes. Ces délétions
déterminent donc l’environnement géné-
tique des SNP et sont parfois impliquées
de manière directe dans un phénotype,
comme c’est le cas pour le gène suppres-
seur de tumeur MTUS1 avec une délétion
de 162 pb dans la région codante ou
la perte d’un exon de la région 5’ non
traduite du gène MS4A1 codant pour un
antigène de surface des lymphocytes B
T
rois articles parus dans Nature
Genetics en janvier 2006 (1-3) met-
tent en avant l’importance que pourrait
avoir pour la pharmacogénétique l’étude
des associations entre délétions
génétiques héréditaires fréquentes et
polymorphismes de nucléotide unique
(SNP). Il existe de grandes variations
phénotypiques chez l’homme, qui vont
de la couleur des yeux à la prédisposi-
tion aux maladies. Beaucoup d’études
portant sur la relation génotype/phéno-
type se sont focalisées sur le génoty-
page des SNP. Récemment, il a été mon-
tré que les polymorphismes portant sur
le nombre de copies des gènes consti-
tuaient également une classe impor-
tante de variations génétiques du
génome humain. Une autre classe
de variations polymorphiques apparaît
aujourd’hui importante : les délétions.
Des études récentes montrent une forte
liaison génétique entre des délétions
communes et des SNP. Il existe des
délétions polymorphiques à l’état hémi-
zygote ou homozygote ; elles ne concer-
nent en général que des régions pauvres
en gènes, mais qui pouraient jouer un
rôle régulateur important. Dans certains
cas, on observe des délétions de gènes
entiers ou d’exons isolés. On estime
qu’un individu possède en moyenne 30
à 50 délétions de plus de 50 000 paires
de bases (pb), ce qui représente plus
d’un demi-million de paires de bases de
séquences euchromatiques réparties sur
l’ensemble du génome (1). Les auteurs
ont identifié dix gènes pouvant être
totalement délétés, ce sont en particu-
lier des gènes impliqués dans le méta-
bolisme des stéroïdes sexuels, l’olfac-
tion, la réponse aux médicaments (3).
CD20. Dans le troisième article, les auteurs
se proposent, à partir des mêmes bases
de données du projet HapMap, de carac-
tériser et de cataloguer les délétions
polymorphiques du génome humain. Les
candidats sont validés par des méthodes
de biologie moléculaire, notamment par
FISH (fluorescence in situ hybridization).
Ils ont identifié dix gènes touchés, dans
leur région codante, à une fréquence
suffisamment élevée pour que des
homozygotes “nuls” soient rencontrés :
UGT2B17 et UGT2B28, qui codent pour
des enzymes du métabolisme des hor-
mones stéroïdes sexuelles ; TRY6, qui
code pour une protéase ; LCE3C, qui
code pour une protéine de l’enveloppe
épidermique intervenant dans la réponse
aux UV ; GSTM1, GSTT1 et CYP2A6, qui
interviennent dans la détoxication et
le métabolisme des médicaments ; PRB1,
qui code pour un protéoglycane sali-
vaire ; OR51A2 et OR4F5, qui codent
pour des récepteurs olfactifs. Il faut
noter aussi que l’analyse de déséquilibre
de liaison a permis de déterminer des
SNP “tag” permettant de connaître leur
environnement structural (délétions).
Beaucoup de SNP du génome humain
sont étudiés sur des cohortes cliniques ;
cette nouvelle approche incluant les
délétions serait intéressante à prendre
en compte dans les études de géné-
tique médicale, en particulier au
niveau des prédispositions génétiques
aux cancers. ■
F. Moisan
Institut Bergonié, Bordeaux.
1.
Conrad DF, Andrews TD, Carter NP et al.
A high-resolution survey of deletion polymor-
phism in the human genome. Nat Genet 2006;
38:75-81.
2.
Hinds DA, Kloek AP, Jen M. Common dele-
tions and SNPs are in linkage disequilibrium in
the human genome. Nat Genet 2006;38:82-5.
3.
McCarroll SA, Hadnott TN, Perry GH et al.
Common deletion polymorphisms in the human
genome. Nat Genet 2006;38:86-92.
Association entre deux
types de polymorphismes
génétiques, délétions et SNP
Implications phénotypiques
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