RÉSEAU
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La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 5 - septembre-octobre 2001
ertaines disciplines médicales, certains types de
prise en charge se prêtent tout particulièrement à
une prise en charge en réseau. La cancérologie, la
prise en charge de la personne atteinte de cancer sont à l’évi-
dence de celles-là.
Le cadre réglementaire, qui permet qu’aujourd’hui de nom-
breux réseaux, en particulier de cancérologie, puissent pré-
tendre à agrément et financement, existe depuis peu (1-5). La
mise en place dans la région Rhône-Alpes du premier réseau
de cancérologie français est antérieure à ces textes, et ceci
explique peut-être cela, ONCORA n’a pas trop souffert,
contrairement à d’autres réseaux plus récents, des ambiguïtés
du débat autour des ordonnances Juppé ou de celui sur les
réseaux et filières (6).
ONCORA (ONCOlogie Rhône-Alpes) est un réseau mis en
place par des professionnels de santé. Ses promoteurs et ses
membres ont inscrit dans leur démarche la mise en œuvre de
valeurs et de principes qu’ils souhaitaient partager.
C’est un réseau né de l’initiative des professionnels, qui n’ont
pas souhaité créer un “club de docteurs” qui, aussi noble que
pût être sa démarche, aurait pu se voir contester la place de
réel partenaire des pouvoirs publics dans la réflexion sur
l’organisation de la qualité cancérologique au sein de la
région.
ONCORA a donc sollicité un agrément, négocié un contrat
d’objectifs et de moyens et s’est doté d’une structure juridique
pour mettre en œuvre son projet.
C’est un réseau créé à l’initiative de cancérologues qui ont
souhaité que les autres spécialités dites “d’organes”, les infir-
mières, les administrations des établissements membres, les
médecins généralistes et les paramédicaux de ville, mais aussi
les acteurs de la prise en charge psychosociale, puis les
patients eux-mêmes et leurs familles soient peu à peu intégrés
dans la réflexion sur le devenir du projet et son organisation.
Il s’agit d’un réseau qui associe dans un travail coopératif des
membres issus de structures de santé publiques, privées, PSPH
et des libéraux de ville, qui n’avaient jusque-là pas vocation à
le faire et, qui surtout, ont accepté le principe, puis la réalisa-
tion d’audit et d’évaluation de ces pratiques.
ONCORA a souhaité relever le défi et maîtriser les enjeux de
la prise en charge cancérologique du XXIesiècle : ceux de la
qualité des soins, ceux de l’équité des accès géographique et
social à ces mêmes soins, ceux de la formation continue et de
l’information des professionnels de santé, ceux de l’informa-
tion et de la participation des patients à leur projet thérapeu-
tique.
L’ORGANISATION DU RÉSEAU
Le réseau a formalisé ses pratiques coopératives à partir de
1993, par des conventions interétablissements, bi- ou tripar-
tites. Ces conventions, qui impliquaient à leur signature le
référent de cancérologie, le président de CME et le directeur
de chaque établissement, explicitaient les objectifs à atteindre
et les moyens pour y parvenir. Leur objectif central était de
mettre en œuvre le SROS Rhône-Alpes de 1re génération, dont
les principaux mots-clés étaient “coopérations interétablisse-
ments, proximité et égalité d’accès à des soins de qualité”.
Le démarrage du réseau et son fonctionnement pendant cinq
ans ont été réalisés au moyen de ressources internes dégagées
par chacun des établissements, et en particulier par le centre
régional de lutte contre le cancer Léon-Bérard, promoteur de
ce réseau. Les ordonnances Juppé consacrant réglementaire-
ment les réseaux de soins ayant une convention constitutive, et
permettant leur financement sur le contrat d’objectifs et de
moyens de l’établissement promoteur, le CRLCC de Lyon a
inscrit le projet médical du réseau comme l’un des chapitres
importants de son propre projet d’établissement, ce qui a per-
mis le financement du réseau depuis 1998 et l’agrément de sa
convention constitutive en juillet 1999 (7).
Le réseau s’est engagé ensuite dans la mise en place de la
structure juridique, lui assurant une gestion indépendante de
ces moyens, et celle d’instances délibératives et représenta-
tives reconnues. Le choix d’ONCORA s’est arrêté sur une
structuration en groupement d’intérêt public régional, dont
l’agrément a été prononcé par le préfet de région, commissaire
du gouvernement, en décembre 2000 (8).
(1) GIP ONCORA, (2) CRLCC Léon-Bérard, (3) clinique privée de Rillieux,
(4) clinique mutualiste La Digonnière, (5) institut de cancérologie de la Loire,
(6) CHG de Roanne, (7) institut privé de cancérologie de Grenoble,
(8) CH St-Joseph-St-Luc, (9) clinique mutualiste Eugène-André, (10) HAD soins
et santé Caluire.
C
Le réseau ONCORA ou la mise en pratique
d’une certaine idée de réseau
!F. Farsi
(1, 2),
Y. Devaux
(2, 10)
, A. Voloch
(3)
, G. de Laroche
(4, 5)
, J.P. Suchaud
(6)
, P. Winckel
(7)
, M. Vincent
(8)
,
I. Ray-Coquard
(2, 9)
, J.F. Latour
(2)
, B. Favier
(2)
, T. Philip
(1, 2)
LE TRAVAIL, LES RÉALISATIONS,
LES MÉTHODES D’ONCORA
Les bonnes pratiques, les méthodologies déployées pour leur
mise en œuvre, l’évaluation de cette mise en œuvre, une ana-
lyse des besoins ainsi qu’une réflexion approfondie sur les sys-
tèmes d’information sont les fondements du projet médical du
réseau.
Depuis 1995, existe le Thesaurus ONCORA (9), référentiel de
pratiques cancérologiques du réseau dont la mise à jour est
régulière. Ce Thesaurus pour spécialistes de la cancérologie
(figure 1) s’est ensuite enrichi progressivement d’un référen-
tiel plus spécifiquement destiné au médecin généraliste (The-
saurus ONCORAMEDG, figure 2), répondant aux probléma-
tiques de prise en charge de la douleur, de l’aplasie fébrile…,
et donc plus proche des préoccupations pratiques du médecin à
la maison. Les personnels infirmiers hospitaliers et libéraux
ont aussi réalisé un important travail de concertation et de mise
en commun de leurs pratiques, de protocoles et de procédures
et les fiches techniques (Thesaurus ONCORAInfirmier).
Ce travail de réflexion sur les pratiques et d’élaboration de
référentiels ou d’outils communs au sein de groupes de travail,
puis de validation consensuelle au cours de la réunion plénière
mensuelle est le cœur de la méthode d’ONCORA.
Cette méthodologie d’élaboration commune ou d’appropria-
tion de bonnes pratiques existantes, basée sur la médecine fac-
tuelle (evidence based medecine) et/ou sur le consensus
d’experts, comme les standards, options et recommandations
(10), les recommandations ANAES ou celles de sociétés
savantes, est reconnue comme l’une des rares méthodes
d’“implémentation” ayant fait la preuve de son efficacité (11).
Les audits de pratiques réalisés dans le réseau l’ont confirmé
(12-14). Le rendu des résultats de ces études (feed-back d’infor-
mation sur les acteurs) a permis d’aider les membres du réseau
à mieux appréhender les déficits et donc de mettre en place les
plans d’assurance qualité nécessaires pour lever les difficultés
ou mieux définir les recommandations. Par exemple, les varia-
tions de pratiques existantes pour la prise en charge des patients
âgés ont impulsé des coopérations et un travail de réflexion
avec les gériatres de la région ; cela a conduit à mieux définir
les critères physiologiques permettant de recommander, de
réfuter ou d’aménager les projets thérapeutiques ; ceux-ci font
maintenant l’objet de recommandations apparaissant dans les
Thesaurus pour cette population de patients.
Des études d’évaluation médico-économiques de l’impact des
recommandations, y compris sur les dépenses pharmaceutiques
et sur les alternatives de prise en charge confortent, elles aussi,
la pertinence de l’organisation du travail en réseau (15-18).
Dès le début, un travail important a aussi été réalisé sur la
structuration de l’information dans le dossier médical. Le dos-
sier unique oncologie du réseau (DUO ONCORA) représente à
ce titre l’entente, entre cancérologues, sur les principaux items
à recueillir dans un dossier patient, afin de permettre une
meilleure connaissance de l’activité cancérologique dans la
région (figure 3).
Enfin, la mise au point puis les débuts de réalisation d’un pro-
jet, beaucoup plus ambitieux et original, de dossier patient par-
tagé mais restant réparti (figure 4), l’équipement, avec le sou-
tien du conseil régional, de la majorité des établissements et,
en particulier, des plus éloignés géographiquement (30 en
2001 sur les 52 structures membres) en moyens de visioconfé-
rence permettant la concertation pluridisciplinaire à distance et
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La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 5 - septembre-octobre 2001
Figure 2. Le Thesaurus ONCORAMEDG.
Figure 1. Référentiel commun de pratiques dans un réseau : le Thesau-
rus ONCORA.
Figure 3. Le DUO.
le site ONCORANET (figure 5) sont les composantes d’un
système d’information du réseau de plus en plus performant et
complet.
L’IMPACT DES RÉALISATIONS, DE L’ORGANISATION
EN RÉSEAU SUR LES PRISES EN CHARGE
Certaines modalités de prise en charge, certains enjeux autour
de la participation des acteurs médico-psychosociaux (y com-
pris de ville) et des patients à l’élaboration du projet de soins
seraient complètement irréalistes et irréalisables si, tout
d’abord, la confiance, les méthodes et les outils n’étaient pas
partagés.
Par exemple, la prise en charge à domicile nécessite une
recomposition des services classiques hospitaliers (anticipation
des sorties, disponibilité vis-à-vis de l’extérieur pour l’infor-
mation ou l’urgence, souplesse dans la réintégration à l’hôpital
du patient si nécessaire), et un changement de mentalité
(reconnaissance des compétences de l’autre, prescription de
cette confiance au patient et à sa famille…).
Cela nécessite aussi, de la part des équipes de ville, un investis-
sement dans la mise à jour de connaissances sur des pathologies
qui ne concernent souvent qu’une infime partie de leur clientèle
(statistiquement deux à trois nouveaux patients par an pour le
médecin généraliste). Cela requiert également d’accepter de
prendre en charge des patients porteurs de pathologies souvent
lourdes en raison de la technicité de l’intervention, celle-ci pou-
vant être très différente car elle concernera à chaque fois des
cancers différents (organes ou stades) ; en outre, ces prises en
charge nécessiteront souvent un investissement important en
matière d’accompagnement du patient ou de sa famille.
Or, ces prises en charge – et le CRLCC de Lyon a aujourd’hui
à cet égard une des expériences les plus importantes en
France – se développent, à la satisfaction des professionnels,
des patients et de leur famille, parce que l’environnement adé-
quat, les restructurations et les moyens indispensables sont
dégagés par les établissements persuadés du bien-fondé et de
la nécessité de cette évolution.
Il faut souligner, cependant, que malgré les déclarations de
bonnes intentions des pouvoirs publics, peu de mesures incita-
tives existent encore dans ce domaine. Les expérimentations
dites “Soubie”, du fait de la complexité du dispositif – qui a
découragé plus d’un promoteur de réseau de présenter son dos-
sier –, sont en conséquence en trop petit nombre à avoir été
agréées dans le domaine de la cancérologie pour qu’on puisse
en attendre les réponses aux questions posées en matière de
dérogations nécessaires.
Le fonds d’amélioration de la qualité des soins en ville
(FAQSV), qui devait compléter le dispositif, avec pour princi-
pal objectif d’encourager des expérimentations de coordination
en ville, ne permet pas non plus de résoudre toutes les problé-
matiques posées (19, 20). Les modalités de financement des
hôpitaux (point ISA) ou le remboursement à l’acte pour la
ville, et l’absence de réflexion sur la fongibilité des deux enve-
loppes de l’ONDAM, ainsi que d’autres difficultés (médica-
ments ou conditionnements réservés ou adaptés seulement aux
hôpitaux, non-remboursement de la prise en charge par un psy-
chologue de ville, difficultés de l’environnement social de cer-
tains patients…) posent très clairement, aujourd’hui, les
limites et les verrous à l’extension de ces expériences.
LA POURSUITE DE LA DÉMARCHE
OU L’ÉPREUVE DU TEMPS
La réflexion sur les méthodologies se mettant progressivement
en place (21-23), ONCORA s’est engagé résolument dans une
démarche d’évaluation des pratiques mais aussi de démonstra-
tion de la valeur ajoutée de l’organisation en réseau. Il se pré-
pare à l’accréditation des réseaux par l’ANAES et souhaite
être partie prenante de la réflexion menée aujourd’hui par la
communauté cancérologique sur la labélisation qui concernera
très certainement l’environnement des structures et des ser-
vices de cancérologie, et donc la pratique en réseau.
Les méthodes de travail coopératif et d’évaluation d’une
démarche qualité engagée et poursuivie dans ONCORA obli-
gent à se poser la question de la pérennité du réseau. La péren-
nité se doit d’abord d’être dépendante de l’objet du réseau, elle
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La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 5 - septembre-octobre 2001
Figure 4. Le dossier patient partagé.
Figure 5.
n’a de valeur que si l’objet (de santé publique) demeure ou évo-
lue dans le temps. Elle est liée aussi au degré de pertinence bien
réfléchi du niveau d’intervention souhaité et de la qualité du ser-
vice rendu à la personne malade. L’épreuve du temps et la pro-
duction de réalisations effectives, la réelle implication des
acteurs sont des motifs de fierté des “pionniers-fondateurs” de
ce réseau (tableau I). Les exigences des professionnels en
matière de nouvelles réalisations et de nouveaux objectifs à
atteindre sont de bons indicateurs de la vitalité du réseau. L’inté-
gration progressive des patients dans l’élaboration des dévelop-
pements du projet et dans son organisation l’est aussi.
ONCORA a aujourd’hui près de huit années d’existence et
mène une démarche qualité concernant l’amélioration des
prises en charge et les contenus et moyens de transmission des
informations concernant les patients.
Le réseau poursuit ce travail en abordant aujourd’hui les
aspects psychosociaux de ces prises en charge avec la consul-
tation dite “d’ancrage” ou “d’annonce”, la prise en charge
psycho-oncologique (USPO) et la mise en place d’unités ville-
hôpital de soins continus.
Les domaines de “la préférence des patients” (24-26) concer-
nant les modalités thérapeutiques (ou comment rendre à la per-
sonne malade sa place d’acteur réel de sa santé), et les nou-
velles modalités de tarifications possibles pour assurer une
réelle permanence des soins entre différentes structures et
entre différents acteurs de la prise en charge, font aussi partie
des enjeux du projet 2003-2007 d’ONCORA. "
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La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 5 - septembre-octobre 2001
Tableau I. Un réseau actif.
Médecins 1999 2000
Nombre de réunions plénières 7 10
Nombre de réunions de groupes de travail 37 33
Nombre de participants aux réunions plénières 164 185
Nombre de participants aux groupes de travail 385 327
Nombre total de réunions 44 43
Nombre total de participants 549 512
Infirmières 1999 2000
Nombre de réunions plénières 3 2
Nombre de réunions de groupes de travail 20 36
Nombre de participants aux réunions plénières 122 108
Nombre de participants aux groupes de travail 139 175
Nombre total de réunions 23 38
Nombre total de participants 261 283
Médecins + infirmières 1999 2000
Nombre de réunions plénières 10 12
Nombre de réunions de groupes de travail 57 69
Nombre de participants aux réunions plénières 286 293
Nombre de participants aux groupes de travail 524 502
Nombre total de réunions 67 81
Nombre total de participants 810 795
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