RHUMATOLOGIE PÉDIATRIQUE
La Lettre du Rhumatologue - n° 298 - janvier 2004
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ACR 2003 a compté un nombre assez important de
communications consacrées à la rhumatologie pédia-
trique, certaines apportant des éléments de réponse à
des questions pratiques, tel le risque d’induction de pous-
sées articulaires par une vaccination au cours de l’arthrite
juvénile idiopathique, d’autres ouvrant de nouvelles pers-
pectives thérapeutiques dans cette même maladie.
ANTICORPS ANTI-PEPTIDES CITRULLINÉS
DANS L’ARTHRITE JUVÉNILE IDIOPATHIQUE
Si les notions de sensibilité et de spécificité des anti-CCP
sont désormais parfaitement connues dans la polyarthrite
rhumatoïde de l’adulte, l’intérêt de la recherche de tels anti-
corps restait à évaluer au cours des rhumatismes infantiles,
ce qu’ont réalisé trois études.
Low et al. (145) ont recherché la présence d’anticorps anti-
CCP chez 66 enfants porteurs d’une arthrite juvénile idio-
pathique, selon trois techniques différentes. Les résultats
de ces trois techniques sont globalement homogènes ; nous
ne retiendrons donc que ceux de l’ELISA correspondant
à la seule technique de dosage utilisable en pratique. Des
anticorps anti-CCP ont été identifiés chez 75 % des jeunes
malades ayant une polyarthrite séropositive pour le fac-
teur rhumatoïde, contre 25 % des enfants ayant une oligo-
arthrite ou une polyarthrite sans facteur rhumatoïde, et
aucun enfant ayant une forme systémique de la maladie
(Still).
Des résultats très voisins étaient présentés par Hassfeld et al.
(146) : chez 100 enfants atteints d’arthrite juvénile idiopa-
thique, des anti-CCP étaient retrouvés chez 50 % des jeunes
patients ayant une polyarthrite séropositive pour le facteur
rhumatoïde, aucun des enfants ayant une oligoarthrite ou
une polyarthrite séronégative, et 6 % des enfants présentant
une forme systémique.
Enfin, Majka et al. (LB517) ont conduit un travail similaire
sur une population de 326 patients porteurs d’une arthrite
juvénile idiopathique. Ils ont mis en évidence des anti-CCP
chez 20,5 % d’enfants présentant une polyarthrite, majori-
tairement chez des enfants ayant une polyarthrite à début
tardif et présentant également un facteur rhumatoïde, et chez
seulement 1,2 % des enfants ayant une oligoarthrite et aucun
des enfants présentant une forme systémique.
Les résultats de ces trois travaux sont donc très homo-
gènes. Des anticorps anti-CCP peuvent être mis en évi-
dence au cours des arthrites juvéniles idiopathiques. Ces
anticorps sont très majoritairement retrouvés dans la
forme polyarticulaire à début tardif, associés à la présence
d’un facteur rhumatoïde. Ils ne sont que beaucoup plus
rarement retrouvés au cours des oligoarthrites ou des
formes systémiques. Deux conclusions s’imposent donc :
la polyarthrite à début tardif correspond bien à la forme
juvénile de la polyarthrite rhumatoïde, et les anti-CCP
sont très spécifiques de la polyarthrite rhumatoïde, y com-
pris chez l’enfant.
Rhumatologie pédiatrique
Juvenile arthritis
T. Schaeverbeke, V. Devauchelle
Les anticorps anti-CCP sont fréquemment
retrouvés au cours de la forme polyarticulaire
tardive de l’arthrite juvénile idiopathique,
qui est certainement une forme juvénile de
la polyarthrite rhumatoïde.
L’hexacétonide de triamcinolone intra-arti-
culaire a une efficacité et un taux de main-
tien thérapeutique supérieurs à ceux de
l’acétonide de triamcinolone dans les oligo-
arthrites juvéniles.
Confirmation de l’efficacité inconstante de
l’etanercept dans le traitement de la forme
systémique de l’arthrite juvénile idiopa-
thique.
Efficacité de l’anticorps antirécepteur de
l’IL-6 dans le traitement de la forme systé-
mique d’arthrite juvénile idiopathique.
Points forts
L’
La Lettre du Rhumatologue - n° 298 - janvier 2004
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RHUMATOLOGIE PÉDIATRIQUE
VACCINATION ANTI-MÉNINGOCOQUE
DU GROUPE C ET ARTHRITE JUVÉNILE
IDIOPATHIQUE
La question du risque d’induction de poussées de rhuma-
tisme inflammatoire par une vaccination est récurrente,
notamment chez l’enfant. Sans fournir de réponse défini-
tive, l’expérience rapportée par un groupe hollandais est ras-
surante, et mérite d’être mentionnée.
Une dramatique épidémie de méningite à méningocoque du
groupe C, survenue aux Pays-Bas en 1997, a conduit à une
large campagne de vaccination contre cet agent. Ronaghy
et al. (138) ont eu l’idée d’évaluer le retentissement de cette
vaccination chez des enfants présentant une arthrite juvénile
idiopathique. Quatre-vingt-six enfants ont été inclus dans
cette étude, 35 d’entre eux présentant une oligoarthrite,
33 une polyarthrite et 18 une forme systémique d’arthrite
juvénile idiopathique. Certains de ces enfants recevaient des
traitements de fond ou des immunosuppresseurs : sulfasa-
lazine, méthotrexate, léflunomide, veinoglobulines, etaner-
cept, infliximab ou traitements combinés. L’activité de la
maladie articulaire a été évaluée 6 mois avant et 6 mois après
la vaccination, sur les score articulaires, le HAQ et l’appré-
ciation globale du patient. L’efficacité vaccinale a été éva-
luée à 6 mois sur le taux d’IgG anti-méningocoque C .
Aucune poussée d’arthrite n’a été enregistrée à la suite de
la vaccination, et ni la maladie ni son traitement ne semblent
avoir altéré la réponse vaccinale, des taux d’IgG anti-ménin-
gocoque C considérés comme protecteurs étant retrouvés, y
compris chez les patients traités par immunosuppresseurs.
ÉTUDE COMPARATIVE DE L’ACÉTONIDE
ET DE L’HEXACÉTONIDE DE TRIAMCINOLONE
INTRA-ARTICULAIRE AU COURS
DE L’ARTHRITE JUVÉNILE IDIOPATHIQUE
La corticothérapie locale est très utilisée chez l’enfant,
notamment dans les mono- et oligo-arthrites, et fait volon-
tiers appel aux corticoïdes retard pour éviter la multiplica-
tion des gestes.
Zulian et al. (1697) ont étudié l’efficacité respective de
l’acétonide de triamcinolone (Kenacort
®
) et de l’hexacéto-
nide de triamcinolone (Hexatrione
®
) chez des enfants pré-
sentant une arthrite juvénile idiopathique responsable de l’at-
teinte de deux articulations symétriques, dont l’une a fait
l’objet d’une injection intra-articulaire de 1 mg/kg d’hexa-
cétonide de triamcinolone (maximum 40 mg), l’autre de
2 mg/kg d’acétonide de triamcinolone (maximum 80 mg).
L’évaluation articulaire, faite à 1, 3, 6, 9, 12 et 24 mois, por-
tait sur le gonflement, la douleur et la limitation articulaires,
ainsi que sur l’augmentation de la chaleur locale au toucher.
Une bonne réponse était définie par l’absence de synovite
ou une amélioration du score articulaire d’au moins 60 %.
Quatre-vingt-six articulations ont été infiltrées, dont 68 aux
genoux, 16 aux chevilles et 2 aux poignets. Un taux de
bonnes réponses significativement plus élevé a été enregis-
tré avec l’hexacétonide de triamcinolone, le maintien de la
réponse étant également nettement meilleur avec ce produit
(tableau I et figure 1). La tolérance de ces gestes a été satis-
faisante, deux atrophies sous-cutanées ayant néanmoins été
observées avec chacun des deux produits. L’hexacétonide
de triamcinolone intra-articulaire paraît donc donner des
résultats supérieurs à ceux de l’acétonide de triamcinolone
dans le traitement des arthrites persistantes chez l’enfant.
On ne peut que regretter les problèmes de disponibilité
observés avec ces produits depuis quelques années.
COMPARAISON DU LÉFLUNOMIDE ET DU
MÉTHOTREXATE DANS LA POLYARTHRITE
JUVÉNILE
Silvermann et al. ont rapporté les résultats d’un essai mul-
ticentrique, randomisé, comparant l’efficacité et la tolérance
du léflunomide et du méthotrexate dans la forme polyarti-
culaire d’arthrite juvénile idiopathique. Ont été recrutés des
enfants de 3 à 17 ans présentant une polyarthrite et n’ayant
jamais reçu l’un ou l’autre de ces deux traitements de fond.
Les schémas thérapeutiques proposés étaient les suivants :
6 mois 12 mois 24 mois
HT 89,7 % 84 % 77 %
AT 61 % 48 % 38 %
Tableau I. Taux de bonne réponse articulaire après injection articulaire
d’hexacétonide de triamcinolone (HT) et d’acétonide de triamcinolone
(AT).
0510 15 20 25 30 35
Mois depuis l ’injection
% de rémissions
0
25
50
75
100 Log-rank test p = 0,003
HT
AT
Figure 1. Taux de maintien de la rémission clinique après injection arti-
culaire d’hexacétonide de triamcinolone (HT) et d’acétonide de triamci-
nolone (AT).
La Lettre du Rhumatologue - n° 298 - janvier 2004
42
RHUMATOLOGIE PÉDIATRIQUE
pour le léflunomide, une dose de charge était administrée à
raison de 100 mg/j à J1, J2 et J3 si le poids de l’enfant était
supérieur à 40 kg, adaptée au poids si le poids était inférieur,
puis le produit était prescrit à 10 mg/kg un jour sur deux si
le poids de l’enfant était inférieur à 20 kg, 10 mg/kg/j entre
20 et 40 kg, et 20 mg/j si le poids excédait 40 kg ; le métho-
trexate était, quant à lui, administré à la dose de 0,5 mg/kg
par semaine (maximum 25 mg/semaine), et associé à une
supplémentation par acide folique (5 mg/semaine). L’éva-
luation, réalisée à S0, S4, S8, S12 et S16, portait sur les
scores JRA 30, 50 et 70, sur le pourcentage global d’amé-
lioration et sur le CHAQ (Child Health Assessment Ques-
tionnaire). Quatre-vingt-quatorze enfants ont été inclus dans
l’étude, 47 par groupe. L’efficacité des deux produits s’est
révélée globalement comparable. Le pourcentage global
d’amélioration était équivalent aux différents temps d’éva-
luation pour les deux produits (figure 2). Le taux de répon-
deurs JRA30 était cependant significativement plus élevé
dans le groupe méthotrexate à S16 (89 % versus 68 %,
figure 3). La tolérance a été globalement satisfaisante, trois
événements sérieux ayant cependant été observés chez les
enfants traités par léflunomide (un parapsoriasis, une aug-
mentation importante des taux de transaminases hépatiques
et une salmonellose), tandis qu’aucun événement grave
n’était constaté sous méthotrexate.
Le léflunomide semble donc pouvoir représenter une alter-
native thérapeutique intéressante dans le traitement de la
polyarthrite juvénile.
ANTI-TNF ET SPONDYLARTHROPATHIE
JUVÉNILE
Une étude ouverte, ne portant que sur quatre patients, mérite
d’être rapportée, compte tenu des résultats observés sur des
enthésopathies rebelles, qui posent un problème thérapeutique
fréquent au cours des spondylarthropathies juvéniles. Ces
quatre enfants porteurs d’une spondylarthropathie juvénile ont
fait l’objet d’un traitement anti-TNF pour des enthésopathies
réfractaires, associées ou non à des arthrites périphériques,
persistant au-delà de 6 mois malgré l’emploi d’AINS, de cor-
ticoïdes, de salazopyrine, de méthotrexate et de bisphospho-
nates. Deux de ces enfants ont reçu des perfusions d’inflixi-
mab pendant un an, les deux autres des injections bihebdomadaires
d’etanercept pendant 6 mois. Une rémission quasi complète
des enthésopathies et des arthrites a été obtenue dans tous les
cas, permettant une réduction très importante des traitements
associés (AINS, corticoïdes, méthotrexate). La tolérance a été
jugée satisfaisante (Tse, 125).
EFFICACITÉ INCONSTANTE DE L’ETANERCEPT
DANS LE TRAITEMENT DE LA FORME
SYSTÉMIQUE D’ARTHRITE JUVÉNILE
IDIOPATHIQUE
Russo et al. (126) ont évalué l’efficacité de l’etanercept en
ouvert chez 19 enfants présentant une forme systémique
d’arthrite chronique juvénile résistant à un traitement par
méthotrexate à la posologie de 20 mg/m
2
/semaine. L’éta-
nercept a été administré à la posologie initiale de 4 mg/kg
deux fois par semaine (cette posologie pouvant être secon-
dairement augmentée si nécessaire), tandis que la predni-
sone et le méthotrexate étaient maintenus, à une posologie
de 5 à 20 mg/kg/semaine pour ce dernier produit. Le suivi
moyen a été de 15,5 mois, avec des extrêmes de 6 à 37 mois.
Si une amélioration a été initialement obtenue chez 15
patients
(79 %)
, 12 d’entre eux (80 %) ont présenté au moins une
rechute, nécessitant une augmentation de posologie de l’eta-
nercept dans 7 cas, et conduisant finalement à l’arrêt du trai-
tement pour inefficacité dans 11 cas, en moyenne 9 mois
après l’instauration du traitement. Une réponse clinique
stable n’a été enregistrée que chez un tiers des patients.
Aucun effet indésirable sérieux n’a cependant été noté. Il se
Semaines
% d'amélioration
0
- 20
- 40
- 60
LEF
MTX
4 8 12 16
Figure 2. Pourcentage global d’amélioration sous méthotrexate et léflu-
nomide au cours de la polyarthrite juvénile.
Semaines
% de patients
LEF
MTX
80
40
0
0 4 8 12 16
p = 0,015
Figure 3. Taux de répondeurs JRA 30 sous méthotrexate et léflunomide
au cours de la polyarthrite juvénile.
La Lettre du Rhumatologue - n° 298 - janvier 2004
43
RHUMATOLOGIE PÉDIATRIQUE
confirme ainsi que les anti-TNF ont un effet moins specta-
culaire dans le traitement de la forme systémique de l’ar-
thrite juvénile idiopathique que dans la forme polyarti-
culaire tardive ou dans la spondylarthropathie juvénile.
EFFICACITÉ DU MRA (ANTI-IL-6R) DANS LE
TRAITEMENT DE LA FORME SYSTÉMIQUE
DE L’ARTHRITE JUVÉNILE IDIOPATHIQUE
La forme systémique de l’arthrite juvénile idiopathique est
une maladie sévère, dont la mortalité demeure élevée, aux
alentours de 5 %. Elle se caractérise par son caractère volon-
tiers réfractaire aux thérapeutiques usuelles, y compris,
comme nous venons de le voir, aux anti-TNF, et nécessite
fréquemment un recours à de fortes posologies de corti-
coïdes, avec les conséquences que l’on connaît pour de telles
corticothérapies au long cours, notamment sur la croissance.
Une autre caractéristique de cette affection est l’importance
des taux d’IL-6 circulants observés en particulier lors des
poussées fébriles de la maladie. Cette observation a conduit
très logiquement Yokota et al. (1070) à évaluer l’efficacité
d’une biothérapie anti-IL-6 dans le traitement de la forme
systémique d’arthrite juvénile idopathique : le MRA, qui est
un antagoniste du récepteur de l’IL-6.
Il s’agit d’un essai de phase II, conduit chez 11 enfants de
8,5 ans d’âge moyen, présentant une maladie active défi-
nie par la persistance de la fièvre, une VS supérieure à
30 mm, et résistant à une corticothérapie de 1 mg/kg/j, asso-
ciée ou non à du méthotrexate ou à de la ciclosporine. Le
MRA a été administré à la posologie initiale de 2 mg/kg
deux fois par semaine, augmentée secondairement à
4 mg/kg chez 8 enfants devant la persistance d’une CRP
supérieure à 15 mg/l, puis à 8 mg/kg chez 3 enfants pour
la même raison. La qualité de la réponse clinique a été éva-
luée sur les scores JRA 30, 50 et 70 à la 6
e
semaine de la
mise en route du traitement ou de la dernière augmentation
posologique selon les cas. Tous les patients ont répondu, à
des doses variables de MRA, les meilleurs taux de réponse
étant observés aux posologies les plus élevées, avec 100 %
de répondeurs JRA70 à 6 semaines pour la posologie de
8 mg/kg (figure 4). Une normalisation des différents para-
mètres biologiques a été observée chez tous les enfants (VS,
CRP, leucocytose, hémoglobinémie). Malgré le caractère
très bref de l’étude et le petit nombre de patients, divers
événements indésirables ont été enregistrés : deux abcès
au point d’injection, une gastroentérite aiguë et deux infec-
tions urogénitales.
Les résultats encourageants devront bien entendu être confir-
més par des essais de plus grande ampleur, permettant
notamment d’apprécier la qualité de la réponse et la tolé-
rance au long cours.
% de répondeurs
63,6
63,6
9,1
87,5
87,5
50,0
100
100
100
90,0
90,0
53,5
4 mg/kg
(n = 8)
8 mg/kg
(n = 3)
Total
(n = 11)
2 mg/kg
(n = 11)
0
25
50
75
100
Figure 4. Taux de répondeurs JRA 30, 50 et 70 sous MRA au cours de la
forme systémique d’arthrite juvénile idiopathique.
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