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La Lettre du Gynécologue - n° 303 - juin 2005
Analyse de l’impact de la
réalisation de coupes semi-
seriées sur des pièces
d’ovariectomie prophylactique
chez des patientes à haut risque
génétique de cancer de l’ovaire
Powell CB et al. J Clin Oncol 2005;23:127-32.
Cette étude porte sur une population de 67 patientes ayant une muta-
tion de BRCA1 (43) ou de BRCA2 (24). Les patientes ont bénéficié
d’une annexectomie bilatérale (par cœlioscopie chez 55, et par laparo-
tomie chez 12). Le protocole “idéal” de la chirurgie prophylactique a
consisté en la réalisation d’une annexectomie prophylactique emportant
la totalité de la trompe, associée à une cytologie péritonéale, des biop-
sies péritonéales et épiploïques multiples. L’analyse histologique
“idéale” comportait des coupes semi-sériées tous les 2 mm avec une
analyse histologique rigoureuse tant au niveau des trompes qu’au
niveau des ovaires.
Les résultats histologiques et l’évolution carcinologique des patientes
ont été corrélés au degré d’adhésion à ce protocole “idéal”. Sur ces 67
patientes, 20 ont bénéficié de cette prise en charge idéale, 21 ont béné-
ficié d’une prise en charge “partielle” (définie soit par l’omission de la
réalisation d’une cytologie péritonéale ou de biopsies péritonéales mul-
tiples ou l’absence de coupes semi-sériées au niveau des trompes).
Enfin, 26 patientes n’ont pas bénéficié de cette prise en charge idéale-
ment définie et ont simplement eu une ovariectomie plus ou moins sal-
pingectomie partielle associée à un examen histologique standard.
Sur cette population de 67 patientes, sept cancers de l’ovaire ou tubaire
ont été retrouvés. Dans quatre cas, il s’agissait de tumeurs de la trompe
(dont un de dysplasies tubaires de haut grade et un de lésion in situ
bifocale) et dans trois cas, on a retrouvé des lésions ovariennes
malignes. Le résultat fondamental de cette étude est de constater que
ces tumeurs trouvées sur des spécimens d’annexectomie prophylac-
tique ont toutes été observées chez les patientes ayant eu l’analyse his-
tologique “idéale” avec des coupes semi-sériées. Dans le groupe de
26 patientes n’ayant pas bénéficié de coupes sériées tous les 2 mm,
mais ayant eu une analyse histologique “conventionnelle” des ovaires
et des trompes, aucune tumeur occulte n’a été retrouvée.
On constate que, parmi les sept tumeurs retrouvées, cinq d’entre elles
avaient des types histologiques agressifs avec des lésions de haut grade
et ont donc dû bénéficier d’une chirurgie de stadification complémen-
taire et/ou d’une chimiothérapie. En revanche, dans aucun des cas,
les biopsies péritonéales ou épiploïques n’ont retrouvé de lésion
maligne. Enfin, l’étude de la survie est, elle aussi, intéressante, car
avec une médiane de suivi assez courte de 3 ans, deux carcinoses
péritonéales secondaires ont été observées et dans ces deux cas, les
patientes n’avaient pas bénéficié d’une analyse histologique semi-
sériée des spécimens chirurgicaux.
Cette étude, même si elle porte sur un effectif faible, amène plusieurs
réflexions. D’une part, en réalisant des coupes sériées, le taux de can-
cers occultes est ici de 17 %, c’est-à-dire sept fois plus important que le
taux attendu dans les autres séries de la littérature. Ces résultats prélimi-
naires doivent être vérifiés, mais suggèrent la nécessité de réaliser des
coupes sériées au moins tous les 2 mm sur des pièces d’ovariectomie et
de salpingectomie prophylactique. D’autre part, on le sait dans la litté-
rature, le risque de carcinose péritonéale secondaire après chirurgie pro-
phylactique existe et est de 1 à 3 %. Il est intéressant de constater que,
dans cette série, les deux cas ayant eu une carcinose secondaire ont été
observés chez les patientes n’ayant pas eu d’analyse semi-sériée des
pièces opératoires.
En conclusion, la réalisation de coupes sériées ou semi-sériées sur les
spécimens d’annexectomie prophylactique dans cette série permet de
détecter 7 fois plus de lésions occultes de l’ovaire ou de la trompe.
Cette étude souligne encore une fois l’importance de l’analyse histolo-
gique rigoureuse des pièces d’annexectomie prophylactique étant
donné la fréquence de découverte de lésions occultes.
L’hystérectomie élargie est-elle
toujours nécessaire dans les cancers
du col de stade précoce ?
Selman TJ et al. BJOG 2005;112:363-5.
On sait depuis l’essai de Landoni, publié il y a quelques années, en ce
qui concerne la chirurgie des cancers du col utérin de stades I et IIA,
que l’hystérectomie élargie de type II est équivalente en survie à celle
de type III, mais avec une toxicité moindre. Cette nouvelle étude pro-
vient de l’équipe de Birmingham au Royaume-Uni et analyse les
résultats histologiques de 131 patientes ayant bénéficié d’une hysté-
rectomie élargie avec lymphadénectomie pelvienne pour des cancers
du col de stade IA1 au stade IB2. Sur les 131 patientes étudiées, 21
avaient des ganglions envahis (16 %). Parmi ce groupe, 12 patientes
avaient aussi un envahissement concomitant du paramètre (59 % des
patientes N+). Parmi les patientes pN(-), 9 (8%) avaient un envahisse-
ment histologique du paramètre. Dans les résultats de cette étude, les
auteurs rapportent que toutes les patientes avec un envahissement du
paramètre sans atteinte histologique des ganglions avaient, soit une
exérèse initiale incomplète (ce qui suggère un volume tumoral impor-
tant), soit une dissémination extracervicale de la tumeur. L’envahisse-
ment du paramètre était plus fréquent chez les patientes ayant une
tumeur volumineuse et chez celles ayant une tumeur peu différenciée.
En revanche, le type histologique n’a pas d’influence sur le taux de
dissémination paramétriale.
Cette étude pose une question fondamentale, mais les résultats, peu
détaillés, ne permettent pas de répondre à toutes les questions. En par-
ticulier, il n’y a aucune notion quant à la corrélation de l’envahisse-
ment du paramètre et de la présence ou pas d’embols péricervicaux.
Par ailleurs, il n’y a pas non plus de données précises quant à la corré-
lation histologique de l’extension extracervicale qui est évoquée dans
les résultats chez les 8 patientes ayant une atteinte paramétriale mais
sans atteinte ganglionnaire.
Néanmoins, les auteurs de cette étude concluent très justement que le
taux d’atteinte paramétriale est très faible, voire nul, dans des groupes
de patientes ayant des facteurs pronostiques excellents. Dans les
congrès internationaux, on voit apparaître des sessions entières consa-
crées au rationnel réel de l’hystérectomie élargie chez les patientes
ayant des tumeurs très débutantes (IA2 et IB1 de petites tailles). Il est
pratiquement admis par beaucoup d’équipes que le bénéfice carcinolo-
gique de la dissection paramétriale chez les patientes ayant un cancer
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Philippe Morice (Institut Gustave-Roussy)
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du col de stade IA2 sans embol est très discutable. Il est très probable
que cette dissection paramétriale puisse aussi être remise en question
chez les patientes ayant une tumeur de stade IB1 et de moins de 1 cm
(toujours sans embol). Différentes équipes dans le monde évoquent la
possibilité de faire un essai prospectif randomisé qui serait parfaite-
ment licite sur ce type de population ; néanmoins, la diminution de
l’incidence de ce cancer dans les pays susceptibles de réaliser cet essai
rend dubitatif quant à la possibilité de le réaliser. Ainsi, les éléments
décrits dans les résultats ne permettent pas d’apporter d’information
nouvelle pour valider définitivement la désescalade thérapeutique chi-
rurgicale dans la radicalité de l’hystérectomie des cancers du col de
stade débutant. La question réelle, en 2005, est de savoir si une hysté-
rectomie simple n’est pas suffisante dans un certain nombre de cas de
cancers du col de stade très précoce.
Analyse des résultats des traitements
de rattrapage chez les patientes
présentant une récidive ganglionnaire
lombo-aortique en fonction de la
symptomatologie initiale
Singh AK et al. Int J Radiation Oncology Biol Phys 2005;61:
450-5.
Cette étude a été menée par l’équipe de Grigbsy sur 14 patientes ayant
présenté une récidive, a priori isolée sur le plan radiologique, à l’étage
lombo-aortique après traitement initial d’un cancer du col de stade I au
stade IV. Dans une population de 816 patientes traitées entre 1987 et
2003, 14 ont présenté une récidive de ce type. Les auteurs ont divisé
les résultats observés chez ces 14 patientes en fonction de l’existence
ou non d’une symptomatologie initiale ayant amené au diagnostic de
récidive.
Les modalités de surveillance des cancers du col utérin traités dans
cette équipe ont varié dans le temps. Jusqu’en 1998, les auteurs ne réa-
lisaient pas d’imagerie systématique dans le suivi des patientes. Après
cette date, les auteurs, grands promoteurs de l’utilisation du PET scan
dans les cancers du col, ont inclus cette imagerie dans le suivi systé-
matique post-thérapeutique des patientes. Les récidives lombo-aor-
tiques ont été diagnostiquées dans sept cas chez des patientes ayant
présenté une symptomatologie évocatrice (hydro-néphrose, douleurs
et/ou lymphœdème). Six de ces patientes symptomatiques ont eu leur
récidive découverte avant 1998. Depuis l’utilisation du PET scan dans
la surveillance systématique, huit récidives lombo-aortiques isolées
ont été découvertes (une seule de ces patientes était aussi symptoma-
tique). Parmi les sept patientes asymptomatiques, toutes avaient des
localisations ganglionnaires métastatiques uniques sur le plan radio-
logique alors que, parmi les patientes symptomatiques, quatre sur les
huit avaient plusieurs ganglions métastatiques. En revanche, la taille
des ganglions métastatiques n’est pas différente chez les patientes
symptomatiques ou asymptomatiques.
Le traitement “idéal” de ces récidives était une radiothérapie (plus ou
moins chimiothérapie concomitante) lombo-aortique de rattrapage.
Mais en fait, sur le plan pratique, sept patientes ont reçu une dose
totale de 45 Gy avec une chimiothérapie concomitante, trois une
radiothérapie seule, trois patientes ont eu une chimiothérapie exclusive
et une n’a pas reçu de traitement du tout (refus de traitement). Sur les
six patientes symptomatiques avant 1998, aucune n’a pu bénéficier
d’une radiochimiothérapie jusqu’à la dose de 45 Gy, alors que sept des
huit patientes dont la récidive a été diagnostiquée après 1998 ont béné-
ficié d’une radiochimiothérapie. La toxicité du traitement de rattra-
page, en particulier la radiochimiothérapie, est acceptable (une entérite
modérée et deux patientes avec des nausées). Il y a eu une seule com-
plication tardive (sténose urétérale) chez une patiente ayant bénéficié
d’une radiochimiothérapie.
Sur le plan de la survie, toutes les patientes symptomatiques sont décé-
dées dans les 18 mois suivant le diagnostic de récidive. En revanche,
dans le groupe des sept patientes pour lesquelles la récidive n’était pas
symptomatique et qui ont pu bénéficier d’une radiochimiothérapie,
toutes sont vivantes à 5 ans.
Cette étude est intéressante, car même si elle porte sur un effectif res-
treint de malades, elle suggère, d’une part que la radiochimiothérapie
de rattrapage chez les patientes ayant une récidive ganglionnaire
lombo-aortique a priori isolée est un traitement dont la toxicité est
acceptable et les résultats sur la survie intéressants. D’autre part, on
constate que lorsque ce traitement de rattrapage est réalisé chez des
patientes qui sont symptomatiques au moment de leur récidive, les
résultats sur la survie sont beaucoup plus mauvais (aucune patiente
vivante 2 ans après la prise en charge de cette récidive). Néanmoins, il
est difficile de définitivement conclure sur le pronostic de ces patientes
symptomatiques car, d’une part aucune d’entre elle n’a reçu une radio-
chimiothérapie concomitante à la dose adéquate et, d’autre part l’enva-
hissement lombo-aortique était souvent plus massif que chez les
patientes asymptomatiques (nombre de ganglions atteints).
L’autre réflexion intéressante que soulève cet article concerne les
modalités de surveillance des patientes après leur traitement. La majo-
rité des patientes asymptomatiques ont été diagnostiquées après 1998,
date à laquelle a été utilisé le PET scan dans le cadre de la surveillance
systématique. Ce PET scan a permis de diagnostiquer les sept cas de
patientes asymptomatiques avec une récidive lombo-aortique a priori
isolée et souvent unique. Faut-il intégrer le PET scan systématique-
ment dans le cadre de la surveillance des patientes à haut risque de
récidive (> IB2 ) ? Des études ultérieures devront répondre à cette
question importante.
Le pronostic des patientes traitées
pour un cancer de l’ovaire ayant
bénéficié d’une chirurgie optimale
est-il plus mauvais en cas de stade
IV pleural qu’en cas de stade IIIC ?
Eitan R et al. Cancer 2005;103:1397-401.
Il s’agit d’une étude dont la question est importante, car les résultats
dans la littérature sont divergents sur ce point. En effet, certaines
publications récentes semblaient suggérer que l’existence d’une exten-
sion pleurale (stade IV pleural) en cas de cancer de l’ovaire n’était pas
un facteur pronostique péjoratif sous réserve que les patientes aient pu
bénéficier d’un traitement chirurgical optimal (en particulier avec une
chirurgie intra-abdominale satisfaisante).
L’équipe expérimentée de New York compare les résultats des
patientes traitées entre 1987 et 2000 pour un cancer de l’ovaire de
stades IIIC et IV pleural avec confirmation cytologique de l’extension
pleurale. Soixante-seize patientes ayant une lésion de stade IIIC ont
été comparées à 21 patientes ayant une lésion de stade IV. La majorité
des patientes ont reçu une chimiothérapie à base de sel de platine après
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La Lettre du Gynécologue - n° 303 - juin 2005
la chirurgie initiale. La chirurgie a été définie comme optimale
lorsqu’elle laissait un reliquat tumoral de moins de 1 cm. Toutes les
patientes de cette étude ont bénéficié d’une telle chirurgie suivie,
pour 80% des patientes, d’au moins six cycles de chimiothérapie
utilisant au moins un sel de platine. La médiane de suivi était de 48
mois chez les patientes ayant une tumeur de stade IIIC et de 35
mois chez les patientes ayant une tumeur de stade IV. Il n’y a pas
de différence sur le taux de récidive (70 et 71%), ni entre les stades
IIIC et IV. Néanmoins, les patientes ayant une tumeur de stade IV
récidivent plus précocement (12 mois versus 21 mois) et les survies
globale et sans récidive sont significativement moins bonnes. Le
taux de récidive au niveau de l’étage thoracique est un peu plus
important dans les stades IV (14 versus 5%), alors que le taux de
récidive intra-abdominale est un peu plus faible dans ce groupe (47
versus 65 %). Néanmoins, il n’y a pas de différence statistique
significative entre ces taux.
Cette étude est intéressante, car elle porte sur un effectif de patientes
assez important. Elle suggère que le pronostic des patientes ayant une
tumeur de stade IV, traitée de manière satisfaisante sur le plan chirur-
gical, est moins bon que celui des patientes traitées pour une tumeur
de stade IIIC (néanmoins, un élément important manque dans les
résultats, c’est le taux de patientes ayant une chirurgie intra-abdomi-
nale macroscopiquement complète). Comment expliquer cette diffé-
rence ?
Les patientes ayant une tumeur de stade IV ont-elles une tumeur
intrinsèquement plus agressive ? Ont-elles une tumeur moins chimio-
sensible ? Ont-elles des facteurs biologiques (expression des onco-
gènes) qui diffèrent de celles qui ont une tumeur de stade IIIC ? Des
études biologiques récentes, toujours en cours dans l’institution qui
publie ce travail, semblent suggérer qu’il n’y a pas de différence dans
l’expression des gènes entre les tumeurs de stades IIIC et IV. L’expli-
cation est peut-être à trouver ailleurs que dans celle d’une expression
biologique différente. Il est simplement possible que chez les patientes
ayant une tumeur de stade IV, malgré un traitement adéquat de la
cavité intra-abdominale (en particulier si la chirurgie est macroscopi-
quement complète), on laisse en place des reliquats tumoraux intratho-
raciques qui peuvent expliquer des récidives plus importantes et donc
une survie moins bonne chez les patientes de stade IV pleural. Ainsi,
les auteurs posent la question de l’opportunité de réaliser une thoraco-
scopie chez les patientes ayant un stade IV pleural pour évaluer la pré-
sence ou non de lésions macroscopiquement visibles au niveau intra-
thoracique. Cette option a été d’ailleurs décrite par un autre auteur
nord américain (Eisenkhop) qui a beaucoup travaillé sur les chirurgies
radicales des cancers de l’ovaire.
Cette étude est donc intéressante car, au-delà de la description unique-
ment pronostique des stades IV pleuraux, elle pose la question d’une
prise en charge stratégique différente. Des études ultérieures sont
nécessaires pour savoir si, d’une part l’exploration intrathoracique par
thoracoscopie est licite et, d’autre part si ces patientes ayant une
tumeur de stade IV pleural ne doivent pas bénéficier de modalités de
traitement différentes.
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GYNALPHA FORT
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