La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 4 - avril 2010 | 275
DOSSIER THÉMATIQUE
responsables, par exemple, de la perte de fonction
d’un gène suppresseur de tumeur mais plutôt de
“polymorphismes fonctionnels”, représentés par
des variations de séquence associées, notamment,
à une modification de l’activité d’une protéine ou
à une diminution de l’expression génique ; chacune
de ces altérations n’est associée, individuellement,
qu’à une augmentation très modérée du risque de
cancer colorectal et c’est la sommation de l’effet de
plusieurs altérations de ce type qui est associée à une
augmentation significative et généralement modérée
du risque de cancer colorectal. On parle de déter-
minisme multigénique et de “fond génétique” de
prédisposition ; leur impact peut être conditionné par
l’exposition à certains facteurs environnementaux
(par exemple, polymorphismes dans des enzymes
du métabolisme des xénobiotiques et exposition à
certains composés alimentaires).
La caractérisation de ces facteurs génétiques de
susceptibilité constitue un enjeu majeur et a tiré
profit des évolutions technologiques récentes. Elle
permet en effet d’envisager l’identification, au sein
de la vaste population d’individus dits “à risque
moyen” de cancer colorectal et cibles du dépistage
de masse par le test Hémoccult®, des individus à
risque particulier qui pourraient justifier d’autres
modalités de dépistage, et de préciser le niveau
de risque des apparentés au premier degré d’in-
dividus avec antécédent de cancers colorectaux.
Il est également possible que certains d’entre eux
puissent rendre compte de certaines agrégations
familiales de cancers colorectaux sans polypose, ne
correspondant pas à un syndrome de Lynch, et de
la variabilité des risques tumoraux observée dans
le contexte des formes héréditaires telles que le
syndrome de Lynch.
Leur caractérisation a été fondée dans un premier
temps sur des approches dites “gènes candidats” qui
consistent en pratique à évaluer l’impact de poly-
morphismes fonctionnels dans des gènes a priori
pertinents, dit “candidats” : gènes codant pour des
enzymes du métabolisme des xénobiotiques ou pour
des protéines impliquées dans les voies de signalisa-
tion fréquemment altérées au cours de la carcinoge-
nèse colorectale (voie du TGFβ par exemple, cytokine
participant à la régulation négative de la proliféra-
tion des colonocytes). Les données les plus récentes
sont issues d’études d’association pan-génomiques
(Genome-Wide Association [GWA] studies) fondées
sur le génotypage comparatif, dans une popula-
tion “cas” et dans une population “témoin”, d’un
très grand nombre de polymorphismes de type
SNP (Single Nucleotide Polymorphism) répartis sur
l’ensemble du génome et sans aucune hypothèse a
priori au moyen de puces à ADN (DNA chips = DNA
array). Cette approche est maintenant largement
utilisée pour l’identification de facteurs génétiques
de susceptibilité à différents cancers mais égale-
ment à différentes pathologies (cardio-vasculaires,
métaboliques, neurodégénératives, etc.). En ce qui
concerne les cancers colorectaux, elle a permis
d’identifier un certains nombre de loci de suscepti-
bilité dans les régions chromosomiques suivantes :
8q24 (rs6983267), 8q23.3 (rs16892766, EIF3H),
10q14 (rs10795668), 11q23 (rs3802842), 15q13
(rs4779584) et 18q21 (rs4939827, SMAD7). Une
méta-analyse des études d’association pan-géno-
miques britannique et irlandaise complétée par
des études de réplication a conduit à identifier
4 loci de susceptibilité supplémentaires : 14q22.2
(rs4444235, BMP4), 16q22.1 (rs9929218, CDH1),
19q13.1 (rs10411210, RHPN2) et 20p12.3 (rs961253)
[2]. Des travaux sont actuellement en cours pour
tenter d’élucider les mécanismes rendant compte de
l’augmentation du risque de cancer colorectal asso-
ciée à ces polymorphismes. Ils devraient permettre
d’améliorer nos connaissances relatives à la carci-
nogenèse colorectale.
Les polymorphismes identifiés par ces études pan-
génomiques pourraient également rendre compte de
certaines situations évocatrices d’une prédisposition
génétique aux cancers colorectaux dans un contexte
de déterminisme oligogénique : agrégations fami-
liales non syndromiques de cancers colorectaux ou
de cancers colorectaux/polypes avancés diagnosti-
qués à un âge inhabituellement jeune. Ils font partie
des paramètres testés dans le cadre de l’étude multi-
centrique française DOCC (Déterminisme oligogé-
nique des cancers colorectaux) récemment initiée,
au même titre que d’autres paramètres d’intérêt :
variant c.1100delC du gène CHEK2, récemment
impliqué dans certaines agrégations familiales de
cancers colorectaux non polyposiques ; nombre de
répétitions du motif (CA) dans le promoteur du gène
IGF1, récemment identifié comme facteur génétique
modificateur du risque de cancer colorectal dans
le contexte du syndrome de Lynch ; et déséquilibre
d’expression allélique du gène TGFβR1, récemment
associé à une augmentation du risque de cancer
colorectal. ■
1. Recommandations profession-
nelles. Chirurgie prophylactique
des cancers avec prédisposition
génétique. Syndrome HNPCC/
LYNCH. http://www.e-cancer.fr
2. Houeston RS, Webb E, Brode-
rick P et al. Meta-analysis of
genome-wide association data
identifies four new susceptibility
loci for colorectal cancer. Nature
Genet 2008;40:1426-35.
Références
bibliographiques