Médecine du Maghreb 2001 n°91
le plus fréquent est la sécrétion de bétalactamase ne cesse
d'augmenter. Le taux de résistance à cet antibiotique dans
les voies respiratoires hautes se situe entre 20 et 35 % [3,
4].
En Algérie, une enquête menée au CHU de Béni-Messous
retrouve que 25 % des souches d'H. influenzae isolées de la
sphère ORL sont sécrétrices de bêtalactamase alors que la
résistance au cotrimoxazole est inférieure à 10% (5).
Les macrolides classiques (éry t h ro my c i n e, spira my c i n e ,
l i n c o mycine) sont peu actifs sur Hæmophilus contra i re -
ment aux nouveaux (azithro my c i n e , cl a ri t h ro my c i n e ,
roxithromycine) qui possèdent une meilleure activité.
S t reptococcus pneumoniae : la résistance de ce ge rm e
ap p a rue en 1967, est depuis plus d'une dizaine d'années
préoccupante par son incidence élevée située entre 30 et
60 % [6].
En Alri e, notre étude montre que 35% des pneumoco-
ques isolés de la sphère ORL chez l'enfant sont résistants à
la pénicilline, dont la majorité sont résistants intermédiai-
res [5].
Cette sistance est souvent associée à la résistance aux
t é t ra cy clines, aux macrolides (anciens et nouveaux) et au
c o t ri m ox a zo l e, limitant ainsi les altern at ives trap e u t i -
ques.
L ' a m oxicilline à double dose est indiqué en cas de résis-
tance interm é d i a i re à la nicilline alors que l'infection à
pneumocoque ayant une résistance de haut niveau à la
pénicilline cessite le re c o u r s aux céphalosporines de
3ème génération.
Streptococcus pyogènes : appelé aussi Streptococcus bêta-
h é m o lytique du groupe A. Aucune résistance à la ni-
cilline ou aux céphalosporines n'a été à ce jour retrouvée,
cette molécule représente l'antibiotique de choix.
En reva n che des résistances aux macrolides sont décri t e s
dont les taux se situent entre 5 et 25% [7].
En Algéri e, moins de 10% des souches sont résistantes
(travaux personnels non encore publiés).
ANTIBIOTHÉRAPIE DANS
LES INFECTIONS ORL
AMMARI H.*, RAMDANI-BOUGUESSA N.**, BELLOUNI R.***
* Laboratoire Central adultes, CHU de Béni-Messous
**Laboratoire Mère-Enfant , CHU de Béni-Messous)
*** Laboratoire de Biologie , CHU Benboulaid , Blida)
Les infections ORL, de par leur fréquence, la multiplicité
de leurs manifestations cliniques ainsi que leurs complica-
tions constituent un problème de santé publique. Elles sont
d ' o ri gine virale dans 70 % des cas, ne justifiant pas de
prescription d'antibiotiques [1].
L ' u t i l i s ation abu s ive des antibiotiques dans les infe c t i o n s
ORL a favorisé l'apparition de la résistance aux antibioti-
ques des principaux germes tels que Hæmophilus influen-
zae et Streptococcus pneumoniae. Cette prescription est de
70 % chez les enfants ayant une infection respiratoire aigue
(IRA) en Algérie [2].
L ' é p i d é m i o l ogie des agents étiologiques de ces infe c t i o n s
doit être bien connue par le médecin afin de pro m o u vo i r
l ' u t i l i s ation judicieuse de l'antibiothérap i e. Cette dern i è re,
lorsqu'elle est justifiée, ne peut être que probabiliste basée
sur les données épidémiologiques locales.
Le prélèvement bactériologique parfois difficile à réaliser,
n'est justifié que dans le cadre d'enquêtes épidémiologiques
et dans certains cas d'échec au traitement ou de fo rm e s
chroniques. Le manque de moyens matériel dans nos labo-
ratoires explique que les données microbiologiques natio-
nales ne soient pas toujours disponibles.
DONNEES MICROBIOLOGIQUES DES
PRINCIPAUX AGENTS ETIOLOGIQUES
Les virus
Les virus impliqués dans la majorité des cas sont : le virus
grippal, le Myxov i rus influenzae et para i n fl u e n z a e , le
rhinovirus, l'adénovirus, l'herpès virus, l'Epstein Barr virus
et le virus respiratoire syncitial (VRS).
Les bactéries
Hæmophilus influenzae : la résistance à la pénicilline du
groupe A décrite dès les années 70, et dont le mécanisme
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ANTIBIOTHERAPIE…INFECTIONS ORL 29
Les streptocoques résistants aux anciens macrolides sont
aussi résistants aux nouveaux.
Staphylococcus aureus : résistants dans presque 100 % à
la pénicilline G et sensible à la pénicilline M (oxacilline).
Les souches résistantes à cet antibiotique n'existent qu'en
milieu hospitalier. L'oxacilline, les céphalosporine de 1ère
ou 2ème génération, l'association amoxicilline + acide cla-
vulanique ou le cotri m ox a z ole sont les antibiotiques de
choix.
M o ra xella cat a rrhalis : résistant à la pénicilline A dans
90 %. Cette bactérie fréquente dans les pays développés est
ra re en Algéri e. L'Au g m e n t i n®et les C1G sont indiqs
dans le traitement des infections dues à cette bactérie.
Entérobactéries : ont un taux élevé de résistance acquise à
la pénicilline A. Le cotrimoxazole, les céphalosporines de
l è r e ou de me génération et l'Au g m e n t i n®sont les
molécules antibiotiques les plus actives.
Autres bactéries rares
C h l a mydia pneumoniae : b a c t é ries de très petite taille,
parasite intracellulaire obligatoire. Résiste naturellement
aux bêtalactamines, les antibiotiques les plus actifs sont
les tétracyclines, les macrolides et les fluoroquinolones.
Mycoplasma pneumoniae : b a c t é rie dépourvue de paroi
et de ce fait résistante aux bêtalactamines. Les tétra cy -
clines et les macrolides sont très actifs.
MANIFESTATIONS CLINIQUES ET
TRAITEMENT ANTIBIOTIQUE
La rhino-pharyngite : très fréquente chez l'enfant, elle est
surtout d'origine virale.
Elle représente l'infection la plus fréquente chez l'enfa n t .
Elle traduit l'adap t ation au milieu ex t é rieur et permet la
maturation du système immunitaire.
La présence d'une rhinorrhée jaunâtre n'est pas synonyme
d'infection bactérienne elle est due à la desquamation de la
muqueuse nasale. Un traitement symptomatique, lavage des
fosses nasales par le sérum phy s i o l o gi q u e, favo rise la
g u é r ison. Cependant une suri n fection bactérienne est
fortement suspectée devant une élévation de la température
ainsi que l'apparition d'une rhinorrhée verdâtre et fétide.
Le traitement antibiotique est alors justifié (tableau 1).
Tableau 1 : traitement de la
rhino-pharyngite surinfectée
L'angine ou la pharyngite
Il est important d'éliminer une angine pseudomembraneuse
diphtérique dont la prise en charge relève du milieu hospi-
talier compte tenu de la gravité de cette infection.
L'angine est d'origine streptococcique dans 20 à 30 % des
cas.
Trois groupes de streptocoques sont impliqués : le groupe
A, C et G. Le Streptocoque bêta-hémolytique du groupe A
est de loin le plus fréquent puisqu'il est à l'origine de 80 %
des angines streptococciques.
Devant l'absence de signes cliniques pathognomoniques de
l ' a n gine streptococcique et donc l'impossibilité de la dis-
tinguer de l'angine virale, et compte tenu du risque d'infec-
tion post streptococcique (RAA, GNA), toute angine surve-
nant chez un sujet âgé entre 4 et 19 ans est considérée com-
me d'ori g ine streptococcique et traie par la benzat h i n e
pénicilline selon le schéma national préconisé par le comité
de lutte contre le RAA [8] (tableau 2).
La pénicilline V est indiquée chez les sujets ayant une
cardiopathie sévère ou supportant mal l'injection ainsi que
chez l'enfant agé de moins de 4 ans. L'éry t h ro mycine est
utilisée en cas d'allergie à la pénicilline.
Tableau 2 : Traitement de l'angine
Infection Antibiotique Posologie Nb de
prises Durée
Enfant 50 mg/kg/j 3 à 4 8 à 10 j.
Adulte 1,5 g/j 3 8 à 10 j.
Enfant 8 mg/kg/j 2 8 à 10 j.
Adulte 160 mg/j 2 8 à 10 j.
Enfant 50 mg/kg/j 3 à 4 8 à 10 j.
Adulte 1,5 g/j 3 8 à 10 j.
Rhino-
pharyngite
surinfectée
Amoxicilline
Cotrimoxazole
Augmentin
Antibiotique Posologie Nb de
prises Durée
600.000 unités si le
poids < 30 kg
Injection
unique
1.200.000 unités si le
poids 30 kg
Pénicilline V 50.000 à 100.000 U/kg/j 2 à 3 10 j.
Erythromycine 50 mg/kg/j 2 à 3 10 j.
Benzathine
pénicilline
‘’
Médecine du Maghreb 2001 n°91
AMMARI H., RAMDANI-BOUGUESSA N., BELLOUNI R.
30
L'otite moyenne aiguë (OMA)
Fréquente surtout chez l'enfant, elle représente l'infe c t i o n
ORL aiguë où la prescription d'antibiotiques est la plus fré-
quente. Elle est d'origine bactérienne dans les 2/3 des cas et
malgré la régression spontanée dans 70 % des cas, le traite-
ment antibiotique est nécessaire afin de prévenir les éven-
tuelles complications lesquelles peuvent être locales
(mastoïdite) ou à distance (méningite).
Les bactéries les plus fréquemment rencontrées sont repré-
sentées sur la figure 1.
Figure 1
Des va ri ations ainsi que des spécificités dans l'épidémio-
l ogie des ge rmes dépendent des régions géograp h i q u e s .
Notre étude [5] menée à Béni-Messous montre la rareté de
M. catarrhalis et la fréquence plus élevée de S. pyogenes.
Ce dernier occupe la troisième place.
Le traitement antibiotique est probabiliste compte tenu des
d i fficultés liées au prélèvement. Ce dern i e r, lorsqu'il est
réalisé, permet de guider le traitement (tableau 3).
Une céphalosporine orale de 1ère ou 2ème génération est
utilisée en cas de suspicion d'entérobactérie.
Les phalosporines de 3ème nération, injectables ou
o rales sont utilisées dans les pays à haute prévalence de
pneumocoques résistants.
Tableau 3 : Traitement de l'OMA
Il est toutefois nécessaire d'évaluer l'efficacité du traitement
de l'OMA après 48 heures, s'il y a échec il est impératif de
changer l'antibiotique (tableau 3).
Les macrolides (anciens et nouveaux) ne peuvent être une
a l t e rn at ive thérapeutique compte tenu du taux élevé de
résistance acquise du pneumocoque dans l'OMA.
Des éléments cliniques peuvent orienter ve r s un age n t
é t i o l ogique donné, ainsi le syndrome otite conjonctiv i t e
o riente ve rs l'Hæmophilus alors que des otalgies intenses
accompagnées d'une fièvre élevée feront évoquer le pneu-
mocoque.
Des facteurs de risque sont en faveur d'une OMA à pneu-
mocoque résistant à la pénicilline à l'âge inférieur de 18
mois, la prise de l'amoxilline dans le mois ayant précé
l'OMA et la vie en promiscuité (crèches).
L'otite moyenne chronique (OMC)
C'est une complication de l'OMA, les principaux ge rm e s
sont les bacilles à Gram négatif et les anrobies. Une
étude réalisée à Alger (9) re t ro u v e les bacilles à Gra m
négatif dans 60 % des cas et les anaérobies dans 40 % des
cas. Le traitement est surtout local associé au méchage afin
d'assécher l'oreille. Le traitement antibiotique n'est indiqué
qu'en cas d'exacerbation aiguë, il sera guidé par les résultats
de l'examen bactériologique. Cependant, la prise en charge
de l'OMC relève du spécialiste.
Survient surtout après des baignades, dans sa forme aiguë,
le Staphylococcus aureus est le principal agent étiologique,
alors que dans la forme chronique elle est due aux bacilles
à Gram négatifs. Le traitement antibiotique n'est indiq
que dans la forme aiguë (oxacilline ou une céphalosporine
orale de 1ère ou 2ème génération ou le cotrimoxazole).
Dans la forme chronique, un traitement local est nécessaire
(polymyxine B + néomycine hydrocortisone).
S. pneumoniae
28%
S. aureus
4%
S. pyogenes
2%
Entérobactéries
5%
M. Catarrhalis
10%
Autres
7%
H. influenzae
44%
Antibiotique Posologie Nb de
prises Durée
Amoxicilline 80 à 100 mg/kg/j 3 10 j.
Cotrimoxazole
(Bactrim ®)8 mg/kg/j 2 10 j.
Amoxicilline + Ac.
Clavulanique
(Augmentin ®)80 mg/kg/j 3 10 j.
Médecine du Maghreb 2001 n°91
31
ANTIBIOTHERAPIE…INFECTIONS ORL
La sinusite aiguë
Hæmophilus, Pneumocoque, Moraxella et le staphylocoque
représentent les 2/3 des bactéries isolées des sinu s i t e s
aiguës purulentes (figure 2).
Figure 2
Les cultures sont négatives dans 2 cas sur 5 faisant discuter
une origine virale (rhinovirus, myxovirus) et plus rarement
les mycoplasmes et les Chlamydiae.
Le traitement antibiotique est identique à celui de l'OMA
( t a bleau 2). Les posologies chez l'adulte étant de 2 g/j
d'amoxicilline en 2 à 3 prises, et de 1,5 g/j d'Augmentin®.
Une synergistine (pristinamycine) pourrait être utilisée, elle
est efficace sur la majorité des ge rmes à l'ex c eption des
entérobactéries, mais son coût est élevé.
La sinusite aiguë peut se compliquer de sinusite chronique,
où les bacilles à Gram négatif et les anaérobies sont les plus
impliqués et dont la prise en charge est du ressort du spé-
cialiste.
Laryngite aiguë
Bien que classée dans les IRA basse selon l'OMS (1), nous
l'évoquons car le larynx fait partie de la sphère ORL. Son
origine infectieuse est surtout virale, toutefois une diphtérie
ne doit pas être méconnue.
L'épiglottite
Due surtout à H. infl u e n z a e , elle constitue une urge n c e
médicale et de fait, nécessite une prise en charge en milieu
hospitalier et le traitement par une céphalosporine de 3ème
génération.
CONCLUSION
Les infections ORL de par leur fréquence et parfois la gra-
vité des complications qu'elles peuvent enge n d re r, néces-
sitent une bonne prise en charge par le médecin généraliste.
La pression sélective qu'exercent les multiples prescriptions
d'antibiotiques, souvent coûteuses et inutiles, est à l'origine
de l'évolution de la résistance des bactéries des vo i e s
respiratoires supérieures. La sphère ORL est aussi la porte
d'entrée de multiples infections pouvant être graves notam-
ment la méningi t e, le choix du traitement antibiotique de
cette dern i è re est parfois une ri t able "impasse" pour le
clinicien.
La meilleure attitude demeure la pre s c ription rat i o n n e l l e
des antibiotiques. Deux conditions sont nécessaires pour
atteindre un tel objectif :
la première est de programmer et budgétiser des enquêtes
é p i d é m i o l o giques ri go u r euses et mu l t i c e n t r iques afin
d'établir notre propre écologie et où le rôle du laboratoire
est capital,
la seconde est la formation des médecins des unités de san-
de base, ce dernier objectif faisant partie des préoccu-
pations du programme national de lutte contre les IRA [1].
H. influenzae
36%
Streptocoques
9%
M.
Catarrhalis
5%
Autres
20%
S. aureus
8%
S.
pneumoniae
15%
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8 - MONOGRAPHIE DU RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU
Edition 1990, actualisation en cours.
9 -MAMMERIE A , HADOUR H., MERAD A.S.
Etiologies des otites moyennes chroniques.
Mémoire USTHB 1993.
10 -SIMONET M., GEHANNO P., ICHOU F.
Etude bactériologique de la sinusite aiguë de l'adulte.
Médecine et Maladies infectieuses, 1990 20, 2 : 91 -96.
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