PR – PHYSIOPATHOLOGIE, ÉPIDÉMIOLOGIE ET IMAGERIE Polyarthrite rhumatoïde : physiopathologie, épidémiologie et imagerie Rheumatoid arthritis: physiopathology, epidemiology and imaging patterns P o i n t s J. Morel, B. Fautrel, D. Loeuille f o r t s PHYSIOPATHOLOGIE DE LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE Rôle de l’immunité innée N Plusieurs travaux montrent l’implication de l’immunité innée dans l’induction ou la persistance d’une synovite, voire même dans la destruction ostéo-articulaire, observées dans la polyarthrite rhumatoïde (PR). N Les peptides citrullinés correspondent-ils au peptide arthritogène ? Les peptides citrullinés reconnus par les anti-CCP ne semblent pas spécifiquement présents dans la synoviale rhumatoïde, suggérant que les anti-CCP seraient le fruit d’une réponse humorale non spécifique. N Les antagonistes des chémokines se développent, mais les résultats ne sont pas concluants pour le moment, démontrant la complexité de ce système. N Il existe une tendance à la baisse de l’incidence de la polyarthrite d’environ 20 à 25 % sur les 25 dernières années ; cette baisse concerne le sous-groupe des polyarthrites positives pour le facteur rhumatoïde. N Il semblerait qu’il existe une tendance à une moindre sévérité structurale de la PR au cours des 40 dernières années ; cette moindre sévérité pourrait être le reflet d’une optimisation de la prise en charge thérapeutique, notamment avec l’introduction de traitements de fond ayant la capacité de ralentir, voire de bloquer, la progression des destructions articulaires. N La rémission est un objectif possible dans la PR. L’utilisation des anti-TNFα multiplie par trois les chances d’y parvenir. La Lettre du Rhumatologue - n° 308 - janvier 2005 La réponse immunitaire innée est la première barrière de défense mise en jeu par l’organisme pour éliminer des agents infectieux (bactériens, viraux, fongiques) et des molécules “danger” (figure 1). Les PAMPs (pathogen associated molecular patterns) sont les antigènes reconnus lors d’une réponse immunitaire innée. Ces PAMPs sont de natures diverses et se composent de fragments bactériens membranaires ou nucléaires (peptidoglycane bactérien, polyI-C, lipopolysaccharide : LPS, ADN hypométhylé, etc.). Les récepteurs qui reconnaissent les PAMPs sont appelés les PRRs (Pattern recognition receptors). Les récepteurs toll like (TLR) appartiennent à la famille des PRRs et plusieurs récepteurs toll like ont été identifiés ainsi que leurs ligands spécifiques (figure 2). Les récepteurs toll like sont exprimés dans l’articulation rhumatoïde. Brentano et al. (1336) ont examiné l’expression en ARNm de neuf récepteurs toll like (TLR1-9) différents dans les synoviocytes fibroblastiques de patients atteints de PR, d’arthrose et de sujets sains (figure 3a). Les récepteurs toll like 1 à 6 sont exprimés dans les synoviocytes fibroblastiques extraits de patients atteints de PR. Cette expression n’est cependant pas spécifique des synoviocytes fibroblastiques rhumatoïdes car les récepteurs toll like sont également exprimés dans les synoviocytes fibroblastiques des sujets sains et des patients atteints d’arthrose. Toutefois, les synoviocytes fibroblastiques rhumatoïdes expriment préférentiellement les récepteurs toll like 2 et 3 (figure 3b). Les récepteurs toll like peuvent contrôler l’expression de cytokines par les synoviocytes fibroblastiques. En effet, la stimulation des synoviocytes fibroblastiques par le ligand des récepteurs toll like 2 (peptidoglycane bactérien) induit la production (en ARNm et protéine) des cytokines pro-inflammatoires IL-8, IL-6 et du facteur proangiogénique VEGF par les synoviocytes fibroblastiques de PR (Brentano, 1336 ; Lee, 1333) (figure 4). L’expression du récepteur toll like 2 est confirmée en immuno-histologie par Mieke (1334). Cette expression du récepteur toll like 2 est surtout observée 7 PR – PHYSIOPATHOLOGIE, ÉPIDÉMIOLOGIE ET IMAGERIE Molécules “danger” Agents infectieux Cellules présentant l’antigène Réponse immunitaire innée (non spécifique de l’antigène) Réponse immunitaire adaptée (spécifique de l’antigène) Lymphocytes Th1/Th2 Macrophages Polynucléaires Complément Diacyl lipopeptide TLR1 Anticorps spécifiques Lymphocytes T régulateurs Triacyl Ds ARN lipopeptide Peptidoglycanes TLR2 TLR6 Lymphocytes B TLR2 LPS TLR3 TLR4 Flagelline Figure 1. Immunité innée : schéma général. Imiquimod TLR5 TLR7 CpG ADN TLR9 Bactérie urinaire TLR11 MD2 Expression TLR (ARN) (UI) Figure 2. Les toll like receptors : rôle dans l’immunité innée. a Seuil de détection TLR1 TLR2 TLR3 TLR4 TLR5 TLR6 TLR7 TLR8 TLR9 Expression TLR2 (ARN) (UI) b * p < 0,03 PR Arthrose FLS Normal Fibroblastes cutanés Figure 3. Les toll like receptors sont exprimés dans la synovite rhumatoïde. dans la synoviale rhumatoïde alors qu’elle est peu exprimée dans les synoviales de patients atteints d’arthrose et de sujets sains. Cette expression de TLR2 est observée au niveau de la couche bordante et de la couche sous-intimale. Une amplification de la réponse inflammatoire par les PAMPs est possible : Schorr et al. (275) montrent que l’expression des récepteurs toll like 2 et 3 sur les synoviocytes fibroblastiques est augmentée après stimulation par leur ligand respectif (peptidoglycan bactérien et polyI-C). L’expression du récepteur toll like 4 n’est, en revanche, pas modifiée après stimulation par son ligand (LPS). La stimulation des synoviocytes avec les ligands des récepteurs toll like 2 et 3 induit aussi la production des métalloprotéinases 1, 3, 9 et 13, dont l’implication dans la destruction cartilagineuse est démontrée (275). L’ensemble de ces résultats suggère que lors d’une infection, les récepteurs toll like pourraient être activés et seraient capables d’induire ou de réactiver une inflammation de la synoviale. Les fragments de produits bactériens ont également la capacité d’activer la synthèse de gènes contrôlant la production de métalloprotéinases et pourraient donc intervenir dans la destruction ostéo-articulaire observée dans la PR. Les récepteurs toll like pourraient représenter le lien entre les infections et les poussées de PR. Les récepteurs toll like semblent également intervenir dans la physiopathologie d’autres rhumatismes inflammatoires comme la goutte (Liu-Bryan, 524) ou de maladies auto-immunes comme le lupus (Nacionales, 151). Figure 4. La stimulation des récepteurs toll like par leur ligand induit la production de cytokines pro-inflammatoires. 8 La Lettre du Rhumatologue - n° 308 - janvier 2005 PR – PHYSIOPATHOLOGIE, ÉPIDÉMIOLOGIE ET IMAGERIE Les peptides citrullinés et les anti-CCP Les anticorps anti-CCP sont très spécifiques de la PR et ne sont que rarement retrouvés dans le sérum d’autres rhumatismes inflammatoires. Une question reste actuellement sans réponse : les anti-CCP sont-ils le résultat d’une réponse immunitaire spécifique dirigée contre le peptide arthritogène et, en l’occurrence, un peptide citrulliné présent dans l’articulation ? Ou sont-ils, comme pour les autres auto-anticorps, la signature d’une réponse immunitaire non spécifique ? Une réponse immunitaire spécifique pourrait être favorisée par un excès d’expression de peptides citrullinés au niveau de la synoviale rhumatoïde. Un polymorphisme de la peptidyl-arginine déiminase (PAD) 4 pourrait favoriser une surexpression de peptides citrullinés dans la synoviale rhumatoïde. Cette surexpression pourrait favoriser une réponse immunitaire spécifique restreinte par les molécules HLA-DR et dirigée contre ces peptides citrullinés. Une autre hypothèse privilégie la formation de complexes immuns synoviaux, comme avec d’autres auto-anticorps, qui entraîneraient une réponse immunitaire humorale non spécifique (figure 5). Vossenaar et al. (1361) ont dosé les anti-CCP dans le liquide et ont recherché la présence de peptides citrullinés dans le tissu synovial de 23 patients atteints de PR et de 31 patients atteints d’autres rhumatismes inflammatoires (rhumatismes microcristallins, spondylarthropathies). Les anticorps anti-CCP sont présents uniquement dans le liquide synovial des patients atteints de PR et absents dans celui des rhumatismes inflammatoires non PR. Elkayam et al. (303) trouvent des résultats très comparables avec un taux d’anti-CCP nettement plus élevé dans le liquide synovial de la PR (343,6 ± 505 unités) que dans le liquide synovial de patients atteints de rhumatisme psoriasique (49,5 ± 33,3) ou d’arthrose (36,8 ± 53,7). Vossenaar a également réalisé un immunomarquage avec du tissu synovial de ces patients PR/non PR avec des anticorps anti-CCP purifiés à partir du sérum de patients atteints de PR, mais aussi avec des anticorps spécifiques des peptides citrullinés (anticorps anti-A2-2 et anti-RA3) obtenus à partir d’une banque de données. Les anticorps antiCCP mais aussi les anticorps anti-A2-2 et anti-RA3 détectent des peptides citrullinés dans la synoviale rhumatoïde et non rhumatoïde (figure 6). Les peptides citrullinés sont donc présents dans la synoviale des rhumatismes inflammatoires, qu’ils soient rhumatoïdes ou non. Cette non-spécificité des anti-CCP pour le tissu synovial rhumatoïde n’est pas en faveur d’une réponse humorale spécifique. Cependant, cette hypothèse est discutée par de Rycke et al. (1362), qui ont dosé le taux d’anti-CCP dans le sérum et le liquide synovial et ont comparé ces taux à la présence de pepAnti-CCP IgG contrôle Anti-A2-2 A Peptide (arginine) Macrophage ou polynucléaire B Peptides citrullinés Cellules dendritiques HLA-DR Peptidylarginine déiminase (PAD 4) IC Lymphocytes T Cytokines proinflammatoires FcγR C Macrophage Anticorps anti-CCP Plasmocytes Figure 5. Anti-CCP : témoins d’une réponse immunitaire spécifique ou non spécifique ? A : un polymorphisme de PAD4 peut augmenter l’expression de peptides citrullinés dans la synoviale. B : réponse immunitaire spécifique, restreinte par HLA-DR, dirigée contre les peptides citrullinés. C : formation d’immun-complexes (IC) synoviaux non spécifiques. tides citrullinés dans la synoviale de 61 patients atteints de PR. Le taux d’anti-CCP dans le sérum et le liquide synovial est corrélé à la présence de l’épitope partagé et de peptides citrullinés dans la synoviale, avec des taux d’anti-CCP plus élevés en cas de présence de ces deux facteurs. Cette corrélation entre la présence de l’épitope partagé, la présence de peptides citrullinés et le taux des anticorps oriente plutôt vers une réponse humorale spécifique restreinte par les molécules HLA de classe II. On peut regretter dans ce travail l’absence de contrôle non PR. Un polymorphisme au niveau de PAD4 pourrait expliquer l’excès de citrullination des peptides au niveau de la synoviale. Dans une étude japonaise, un polymorphisme de PAD4 en position 94 a été associé à la PR. Cette équipe (Kuwahara, 852) confirme ce résultat à partir d’échantillons individuels obtenus sur la base de 704 patients atteints de PR et de 960 sujets sains (tableau I). Ce polymorphisme n’a pas été retrouvé associé à la PR dans une population anglaise. Par ailleurs, Constantin (856) a étudié le polymorphisme de PAD4 chez 173 PR. Aucun des polymorphismes de PAD4 n’est associé à la présence des anti-CCP, ni à la sévérité radiologique de la PR. Le polymorphisme de PAD4 n’est pas non plus associé à la présence de peptides citrullinés au niveau de la synoviale, ni au taux sérique d’anticorps anti-CCP chez 59 patients atteints de PR (Cantaert, 1369). L’ensemble de IgG contrôle Synoviale PR Synoviale non PR La Lettre du Rhumatologue - n° 308 - janvier 2005 Figure 6. Les peptides citrullinés sont présents dans la synoviale des différents rhumatismes inflammatoires... même non rhumatoïdes. 9 – PHYSIOPATHOLOGIE, ÉPIDÉMIOLOGIE ET IMAGERIE Tableau I. Polymorphisme du gène PAD4 dans la PR. PR (n = 704) Contrôle (n = 960) Chi2 PAD 494 0,45 0,40 p 8,53 0,035 Odds-ratio 1,23 ces résultats ne permet pas de retenir le polymorphisme de PAD4 comme un facteur essentiel dans la production de peptides citrullinés et dans la formation d’anti-CCP, du moins dans les populations européennes de PR. Les chémokines Cette année, de nombreuses communications ont concerné les chémokines. L’importance des chémokines dans le recrutement des cellules inflammatoires dans la synoviale est démontrée. Le récepteur CCR2 et son ligand MCP-1 sont considérés comme des cibles potentielles dans le traitement de la PR. Leur inhibition pourrait empêcher le recrutement des leucocytes dans la synoviale et empêcher ainsi le développement de la synovite. Un essai clinique dans la PR utilisant un anticorps monoclonal dirigé contre la chémokine MCP-1 a été présenté par Haringman et al. (519), mais avec des résultats décevants car les patients traités par l’inhibiteur de MCP1 ont une aggravation de leur polyarthrite. Cet effet pourrait être lié soit à l’anticorps lui-même, soit à un déséquilibre du gradient de concentrations en chémokines MCP-1 entre le sang et la synoviale aboutissant au final à un recrutement plus important de leucocytes dans la synoviale. L’inhibition du récepteur de chémokine CCR2 dans la PR est supposée améliorer l’arthrite, mais le concept ne semble pas aussi simple. En effet, Quinones et al. (1111) montrent que les souris de souche DBA et BALB/c déficientes pour CCR2 (CCR2-/-) ont une infection persitante après injection de Mycobacterium avium intracellulaire alors que les souris génétiquement non modifiées guérissent de l’infection au bout de 6 à 8 semaines. Les souris DBA CCR2-/- développent une arthrite qui ressemble beaucoup à la PR avec une augmentation des anticorps anticollagènes. Ces résultats montrent que l’absence de CCR2 peut donc favoriser une réponse auto-immune entraînant une réaction croisée contre le collagène aboutissant au développement d’une arthrite chronique. Ces résultats montrent qu’il existe un équilibre complexe entre les chémokines, et incitent à la prudence dans l’utilisation d’un inhibiteur de CCR2 dans la PR. J. Morel ÉPIDÉMIOLOGIE Incidence de la polyarthrite rhumatoïde : la tendance est à la baisse Une étude de la Mayo Clinic aux États-Unis avait surpris, il y a quelques années, en rapportant une décroissance de la fréquence de la PR entre la fin des années 1950 et le milieu des années 1990 (1). Ces résultats semblent confirmés par une étude épidémiologique conduite en Finlande dans cinq hôpitaux de district, représentant une population d’un peu plus d’un million d’habitants adultes (Kaipiainen-Seppänen, 1230). Sept cent quatorze nouveaux cas de rhumatismes inflammatoires ont été identifiés durant l’année 2000, dont 321 PR selon les critères de l’ACR (FR+ dans deux 10 tiers des cas). L’incidence annuelle calculée s’établit à 29,1 pour 100 000 habitants, plus forte chez les femmes (35,7 pour 100 000) que chez les hommes (20,5/100 000). Comparativement aux chiffres des années 1980, 1985, 1990 et 1995, on observe une baisse de 20 à 25 % de l’incidence de la PR, quel que soit le sexe (p < 0,01) (figure 7) ; la baisse est plus marquée pour les PR FR+. 70 Incidence/100 000 PR 60 50 40 30 20 10 0 1980 1985 Femmes toutes PR Femmes PR FR + 1990 1995 2000 Années Hommes toutes PR Hommes PR FR + Figure 7. Baisse de l’incidence de la PR en Finlande durant les 20 dernières années (Kaipiainen-Seppänen, 1230). Moins fréquent, et peut-être aussi moins grave… Le pronostic de la PR s’améliorerait selon une analyse conduite d’après les données de la National Data Bank for Rheumatic Disease (NDBRD, Wichita [KS], États-Unis). Chez 3 900 PR suivies sur 5 ans, il est noté une tendance à un moindre handicap fonctionnel, évalué à partir de l’indice HAQ ; cette amélioration semble à mettre sur le compte des traitements anti-TNFα (Wolfe, 361). Cette hypothèse est soutenue par un autre travail, qui a évalué la sévérité structurale de la PR à partir d’une douzaine de cohortes constituées au cours des 40 dernières années (Sokka, 1840). Dans chacune de ces cohortes, l’atteinte structurale (pincements des interlignes ou érosions) était évaluée soit par le score de Larsen, soit par celui de Sharp. Pour en permettre la comparaison, cette atteinte était exprimée en pourcentage du score maximal possible. Ainsi, il est noté que, à durée égale, l’atteinte structurale est moindre dans les cohortes de patients atteints d’une PR ayant débuté dans les années 1990 par rapport à celles constituées avant 1980 (tableau II). Faut-il voir là les conséquences d’une meilleure prise en charge de la maladie grâce à des traitements plus efficaces ? Il est tentant de le penser mais la preuve reste à faire. Tableau II. Sévérité de l’atteinte structurale de la PR dans les cohortes des 40 dernières années (Sokka, 1840). Période de début des PR dans les cohortes 1960-1980 (5 cohortes) 1980-1990 (5 cohortes) 1990 et après (4 cohortes) Atteinte structurale à différents termes (exprimée en % du score maximum possible) 5 ans 10 ans 20 ans 20-30 % 10-20 % 5-11 % 30-40 % 15-30 % -- 40-60 % --- La Lettre du Rhumatologue - n° 308 - janvier 2005 PR – PHYSIOPATHOLOGIE, ÉPIDÉMIOLOGIE ET IMAGERIE Rémission de la PR : un objectif à la portée des traitements modernes Depuis quelques années, les essais contrôlés montrent qu’il est possible d’obtenir une rémission de la PR chez certains patients. Hors des essais, dans des populations de patients moins sélectionnés, la fréquence de telles rémissions était moins claire. Au sein d’une cohorte hospitalière américaine de 331 PR – 118 (36 %) étant traitées par anti-TNFα –, la fréquence des rémissions était globalement de 18,3%, plus élevée chez les patients sous anti-TNFα α (25,2 %) (Liang, 371). Dans une seconde étude, issue d’un registre épidémiologique norvégien rassemblant 2 125 PR – dont 382 (18 %) traitées par anti-TNFα –, cette fréquence était globalement de 15,3 % et de 13,3 % chez les patients sous antiTNFα (Kvien, 973). Après ajustement sur l’âge, le sexe, l’ancienneté de la PR, sa gravité et les traitements antérieurs, les deux études montraient que les patients sous anti-TNFα avaient environ trois fois plus de chances d’être en rémission que ceux traités par des traitements conventionnels (tableau III). Tableau III. Fréquence des rémissions de la PR en pratique courante (Liang, 371 ; Kvien, 973). Fréquence des rémissions États-Unis (critères de Pinals) Norvège (DAS 28) Tous DMARD Anti-TNFα OR ajusté [IC95] Anti-TNFα versus autres DMARD 18,3 % 15,3 % 25,2 % 13,3 % 2,7 [1,4-5,3]* 3,0 [1,7-5,4]** * Ajustement sur l’âge, le sexe, l’ethnie, la durée de la maladie, les traitements antérieurs. ** Ajustement sur l’âge, le sexe, la durée de la maladie, le DAS initial, les FR, le caractère érosif, les traitements antérieurs. B. Fautrel IMAGERIE DE LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE Le bilan radiographique fait partie des examens indispensables au diagnostic et à l’évaluation structurale des patients atteints de PR. C’est un examen de réalisation facile qui permet d’analyser en quelques minutes l’évolution de la maladie. Le score de Sharp modifié par D. Van der Heijde fait office de score de référence pour juger l’action structurale des traitements de fond utilisés dans la PR. Cependant, ce score ne permet pas de dépister les signes d’inflammation présents dès le début de la maladie. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) et, plus récemment, l’échographie permettent le diagnostic de synovites et de ténosynovites et la mise en évidence d’érosions dont le nombre est deux à trois fois plus important qu’en radiographie. Ces examens présentent donc des avantages incontestables pour établir le diagnostic précoce de rhumatismes inflammatoires. Cependant, et pour des raisons différentes, ces moyens d’imagerie ne sont utilisés qu’en seconde intention. En effet, l’IRM pèche par son accessibilité limitée, l’absence de véritables consensus pour suivre les patients, et des difficultés à avoir un score reproductible suffisamment sensible aux changements pour qu’elle soit utilisée à la place du bilan radiographique. La Lettre du Rhumatologue - n° 308 - janvier 2005 L’échographie permet un examen en temps réel du patient, une appréciation de l’inflammation articulaire, mais réclame un temps d’examen important et souffre d’un déficit de reproductibilité. De plus, aucun consensus n’est actuellement défini pour déterminer quelles articulations doivent être ciblées aux mains et aux pieds. Ce congrès a permis d’apporter quelques éléments de réponse. En effet, Ejbjerg et al. (322) ont montré, chez 35 sujets atteints de PR et 9 sujets contrôles évalués à t = 0 et à un an, qu’une approche IRM restreinte (étude d’une main avec une séquence pondérée T1 et injection de gadolinium) ou multi-articulaire (étude avec des séquences pondérées T2 des mains et des poignets ainsi que de l’un des pieds) permettait de dépister 2,7 à 3 fois plus de sujets progresseurs que le score de Sharp. Epsen et al. (324) ont par ailleurs montré que l’analyse de clichés IRM du poignet et des mains, pour la synovite, les érosions et l’œdème spongieux, par des lecteurs rompus à cette technique, permettait d’établir un score RAMRIS (score proposé par l’OMERACT) reproductible, dont la différence minimale détectable (smallest detectable difference : SDD) est de 2,92 pour la synovite, de 4,92 pour les érosions et de 3,62 pour l’œdème. Cette SDD est inférieure ou égale à celle du score de Sharp (SDD = 5). En échographie, une étude intéressante a été présentée par Scheel et al. (326) qui ont démontré chez les patients atteints de polyarthrite que l’examen du versant palmaire permettait de retenir le diagnostic de synovite dans près de 86 % des articulations inflammatoires en ultrasons. Les auteurs confirment qu’une approche semi-quantitative est préférable à une approche quantitative de mesure de la synovite, et montrent que l’atteinte prédomine sur les articulations métacarpophalangiennes (MCP) par rapport aux articulations interphalangiennes proximales (IPP). Un seuil de significativité de 0,6 mm d’épaisseur pour le diagnostic de synovite est par ailleurs retenu. Pour finir, Scheel et al. ont montré que parmi six combinaisons testées et comparées à un examen IRM, l’étude du versant palmaire des articulations MCP et IPP des doigts II-IV était la plus fiable et la plus performante. Finalement, ces auteurs ont confirmé que l’IRM bas champ (0,2 Tesla) et l’échographie permettaient de suivre l’efficacité des traitements par anti-TNF (adalimumab) sur de petites articulations en démontrant une diminution d’épaisseur de la synovite (Scheel, 980) (figure 8). D. Loeuille 24 20 16 12 8 4 0 Score IRM de synovite À l’inclusion À 3 mois 24 20 16 12 8 4 0 Score US de synovite À l’inclusion À 3 mois Figure 8. Réduction de la synovite à 3 mois en IRM et en échographie. Bibliographie 1. Doran MF, Pond GR, Crowson CS, O’Fallon WM, Gabriel SE. Trends in incidence and mortality in rheumatoid arthritis in Rochester, Minnesota, over a fortyyear period. Arthritis Rheum 2002;46:625-31. 11