CONFERENCE DES PRESIDENTS
DES ASSEMBLEES EUROPEENNES
Budapest, 7-9 juin 1996
CONSTRUCTION EUROPEENNE
ET MODELE DE SOCIETE
RAPPORT de M. Philippe SÉGUIN
Président de l'Assemblée nationale française
SOMMAIRE
Introduction
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Première partie : Refonder le projet européen autour
d'un modèle de société
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1) Démocratie pluraliste et Etat de droit
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2) Sauvegarde des droits de l'homme
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3) Normes minimales pour la société civile
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4) Identité culturelle européenne
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5) Le modèle social européen
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A. le chômage et ses conséquences
B. les politiques de l'emploi
C. le mémorandum français
6) L'aspiration à la sécurité
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Deuxième partie : le modèle de société européen et le
défi de la mondialisation
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1) Les conséquences économiques de la mondialisation
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2) Le danger d'uniformisation culturelle
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3) La démocratie en question
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4) Retrouver la primauté du politique
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Conclusion
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J
INTRODUCTION
Alors que se poursuit le processus de réunification politique, économique et
culturelle du continent, la réflexion sur le modèle de société européen prend une dimension
nouvelle.
Jusqu'à la chute du mur de Berlin en 1989, le modèle de société européen, pour
autant qu'il ait donné lieu à discussion, ne pouvait être qu'occidental, ancré à ce qu'était le
bloc de l'ouest. Fortement marquée à ses débuts par le contexte d'expansion économique
continue qui a caractérisé les années soixante, la construction européenne a continué après
l
a crise pétrolière de 1973 à privilégier l'économique et le monétaire, le dogme du libre-
échange, valeur de référence outre-Atlantique.
L'Europe communautaire est aujourd'hui rattrapée par l'exigence sociale qui
monte des opinions publiques. Elle doit aussi adapter ses objectifs et ses méthodes à un
espace beaucoup plus large, celui de la grande Europe. Tel est l'objet de la Conférence
i
ntergouvernementale de l'Union européenne, qui s'est ouverte le 29 mars 1996 à Turin.
Le projet européen concerne aujourd'hui la quasi-totalité du continent.
Le Conseil de l'Europe compte 39 Etats membres, dont la Russie dernièrement
admise et en comptera prochainement 45. L'Union européenne s'apprête à passer de 15 à 25
ou 27 Etats membres. Quant à l'O.S.C.E., qui regroupe 53 Etats, dont les Etats-Unis et le
Canada, elle couvre la totalité de l'Europe géographique, y compris sa périphérie asiatique.
L'ancrage à l'Europe démocratique et libérale des pays d'Europe centrale et
orientale a fait surgir des questions nouvelles qui élargissent et enrichissent le débat sur le
modèle de société européen : démocratie pluraliste et Etat de droit, transition vers
l'économie de marché, renaissance des cultures nationales, minorités, sécurité démocratique.
La première partie de ce rapport :
refondre le projet européen autour d'un
modèle de société
sera consacrée à recenser les piliers du modèle de société européen,
capable de concilier richesse de la tradition et exigences du futur.
La mondialisation de l'économie, le développement accéléré des nouvelles
technologies de l'information, ont cependant considérablement modifié l'environnement
international dans lequel se situe désormais le projet européen.
Dans une deuxième partie :
le
modèle de société européen et le défi de la
mondialisation,
nous examinerons les conséquences de la mondialisation sur l'économie, la
culture, la démocratie. Cette nouvelle donne planétaire conduit les responsables politiques à
s'interroger sur les choix à effectuer pour garantir la cohésion sociale, le contrôle
démocratique et l'identité culturelle, principaux socles du modèle de société européen.
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PREMIERE PARTIE
REFONDER LE PROJET EUROPEEN AUTOUR D'UN MODELE DE SOCIETE
L'Europe doit se construire autour d'un modèle de société original. Un nouvel
équilibre doit être recherché pour satisfaire les aspirations séculaires des peuples d'Europe à
l
a liberté et à la sécurité. Ces deux aspirations, loin d'être contradictoires, caractérisent
l'
homme européen, l'homme de la contradiction, "l'homme dialectique par excellence"
comme le voit Denis de ROUGEMONT.
Nous sommes attachés en Europe à une société où la solidarité est forte entre
les individus, les générations, les régions. Cette aspiration à la solidarité est le fonds
commun de l'Europe à l'ouest comme à l'est où se propage la nostalgie des garanties
qu'accordait l'Etat collectiviste.
A l'ouest comme à l'est, la fracture sociale est jugée
inacceptable, car elle remet en cause le pacte social.
Refonder l'Europe autour d'un modèle de société conforme à son histoire, à sa
culture et à son génie est aujourd'hui une priorité pour les responsables politiques.
Face à l'Amérique, inébranlablement attachée au mythe de la Nouvelle Frontière,
et à l'Asie, qui se débat entre tradition et modernité, l'Europe est le seul continent où passé
et présent se rejoignent.
A ce stade de la réflexion, on peut considérer que la démocratie pluraliste et
l'
Etat de droit, la sauvegarde des droits de l'homme incluant la garantie des droits des
personnes appartenant aux minorités nationales, la mise en oeuvre de normes minimales
pour la société civile, l'affirmation de l'identité culturelle européenne, le modèle social
européen et l'aspiration à la sécurité, sont les éléments constitutifs d'un modèle de société
européen à promouvoir.
l° Démocratie pluraliste et Etat de droit
On oublie souvent que, bien avant l'effondrement du communisme, l'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe, par le biais de sa commission des relations avec les
pays européens non membres, avait patiemment posé les jalons de ce qui allait devenir, en
1989, le statut d'invité spécial. Cette procédure, particulièrement originale, et d'ailleurs
unique en son genre, a permis d'accueillir sans délai les nouvelles démocraties de l'est.
Le statut d'invité spécial a facilité un apprentissage rapide des pratiques et des
procédures démocratiques et s'est vite révélé comme un précieux cadre de formation des
nouvelles élites politiques à l'est.
Mais la vocation de ce statut est de conduire à l'adhésion
pleine et entière, c'est-à-dire aux principes fondamentaux du Conseil de l'Europe que sont la
liberté, la démocratie et le droit. Le 6 novembre 1990, la Hongrie devenait le premier pays
d'Europe centrale membre du Conseil de l'Europe, ouvrant ainsi un cycle ininterrompu
d'adhésions nouvelles faisant aujourd'hui du Conseil de l'Europe une organisation
véritablement pan européenne s'apprêtant à accueillir son 40ème Etat membre.
La démocratie pluraliste et l'Etat de droit sont aujourd'hui la norme sur
l'ensemble du continent. C'est l'acquis majeur de la révolution des années 1989-1990. Mais
cet acquis demeure fragile et doit être consolidé, en particulier par les programmes du
Conseil de l'Europe visant à mettre en place de nouvelles structures juridiques.
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L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a opportunément mis en
place des procédures de contrôle des engagements pris par les pays candidats lors de leur
adhésion.
L'Union européenne dans le cadre de ses programmes PHARE et TACIS et
l'
O.S.C.E., par ses missions d'expertise, ont également contribué à l'installation et à
l'
organisation des nouvelles démocraties en Europe centrale et orientale.
Des institutions stables sont en effet indispensables pour parachever la transition
de ces pays vers la démocratie libérale dans le cadre de l'économie de marché. Certes,
beaucoup de difficultés restent à surmonter et les évolutions sont souvent différentes d'un
pays à l'autre.
Mais, et c'est l'essentiel, dans tous les pays de l'est européen se déroulent
désormais des élections libres.
Les missions parlementaires d'observation de ces élections, si elles relèvent
certaines irrégularités, dont beaucoup sont d'ailleurs le fait de l'inexpérience, concluent, en
règle générale, à la bonne tenue du processus électoral. L'expérience acquise par les
parlementaires dans ce domaine sera précieuse pour la préparation et le déroulement des
élections en Bosnie-Herzégovine. La tragédie qui vient de se dérouler en ex-Yougoslavie ne
rend que plus urgent le renforcement du dispositif de défense des droits de l'homme.
2° Sauvegarde des droits de l'homme
La défense des droits de l'homme est un autre socle du modèle de société
européen.
La Convention européenne des droits de l'homme, texte de référence, est le
cadre naturel de l'Europe des droits de l'homme. Tous les pays d'Europe centrale et
orientale y souscrivent dès leur adhésion au Conseil de l'Europe. Le recours individuel
devant la Cour européenne de Strasbourg est une des avancées majeures du droit européen.
La réforme de la Cour européenne en vue d'assurer une meilleure efficacité de
ce dispositif est d'autant plus nécessaire que l'élargissement du Conseil de l'Europe crée un
espace juridique beaucoup plus large. C'est dans le cadre de cet espace juridique commun
que le modèle de société européen pourra prendre toute sa dimension.
A la question de l'éventuelle adhésion de la Communauté européenne à la
Convention européenne des droits de l'homme, la Cour de Justice des Communautés
européennes, dans un avis du 28 mars 1996, a répondu qu'en l'état actuel du droit
communautaire, la Communauté n'a pas compétence pour adhérer à la Convention.
En toute hypothèse, nous devons préserver l'unité de l'espace juridique
paneuropéen qui sert de support à l'application des normes concernant les droits de l'homme
en Europe.
La défense des droits de l'homme trouve un prolongement naturel dans la
garantie des droits des personnes appartenant aux minorités nationales.
L'existence en Europe centrale et orientale de minorités historiques est l'héritage
d'un passé européen tourmenté, pour un temps occulté par l'encadrement de l'Etat
communiste. L'effondrement du bloc de l'est a libéré les aspirations séculaires et les
revendications identitaires se sont multipliées, créant des tensions et des conflits.
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