nconnue il y a à peine 12 ans, l’hépatite C est une maladie dont les
traits sont maintenant clairement dessinés. Transmis par l’injection de
sang ou de matériel souillé, le virus restera neuf fois sur dix présent
dans l’organisme pendant des dizaines d’années. Les dommages exercés
varient dans d’énormes proportions. Pour certains patients, qui représen-
tent un cinquième des infectés, une hépatite chronique évolue d’un seul
tenant vers la cirrhose et le risque de carcinome hépatocellulaire (CHC).
Les effets ne se bornent pas aux lésions hépatiques. Le système immuni-
taire est affecté d’une façon moins voyante, avec l’apparition de cryo-
globulinémie, rarement symptomatique de lymphomes, de neuropa-
thies. Ailleurs, le virus se réplique dans l’organisme au prix de dommages
minimes. Les facteurs qui favorisent une évolution sévère sont mainte-
nant bien connus. Certains sont dus à la nature du virus, le génotype 1
étant beaucoup plus pathogène que les autres. Mais la plupart des fac-
teurs d’évolution sévère tiennent au patient. Parmi les principaux fac-
teurs aggravants, il faut citer l’âge tardif de la contamination, le sexe masculin, la
consommation d’alcool, même modérée, l’obésité, la co-infection avec le VIH, enfin
l’usage des drogues injectables.
Les progrès thérapeutiques ont été lents mais constants. Les traitements arrêtent ou
ralentissent la réplication du virus, mais, à la différence de ce qui se passe avec le VIH,
la guérison (par prudence appelée “rémission prolongée”) est possible à l’arrêt du trai-
tement. L’association d’interféron alpha lié au polyéthylène glycol, “pégylé”, associé à
la ribavirine obtient une rémission dans près de la moitié des cas, le taux de succès pou-
vant atteindre 80 % avec certains génotypes de virus. Même en cas d’insuccès du trai-
tement, le patient retire un bénéfice sous la forme d’une réduction de la gravité des
lésions hépatiques. L’avenir est riche de promesses en termes de molécules nouvelles.
Mais le traitement est long (6 mois à 1 an), extrêmement coûteux, au point d’être inter-
dit aux pays pauvres, pourtant lourdement frappés par la maladie. Il est grevé d’intolé-
rances et de complications multiples et parfois sévères, qui peuvent nécessiter l’inter-
ruption de la cure et font peur aux demandeurs.
L’image de la maladie au sein
de la population est trouble
Malgré la grande qualité de la communication destinée au grand public sur le sujet, l’hé-
patite C suscite des terreurs et des comportements irrationnels. Il est très difficile aux
patients, comme cela fut du reste le cas pour les médecins, de concevoir qu’une infection
avec le même virus puisse être tantôt grave au point de motiver une transplantation
hépatique, tantôt tellement bénigne qu’aucun traitement n’est requis. L’idée d’héberger
dans son organisme un virus fait très peur. Surtout qu’il s’établit dans l’opinion un paral-
Maison des masques, 1997, technique mixte sur papier,
Anne de Colbert Christophorov.
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