Hépatite C et addictions l’actualité en 2002 I editorial nconnue il y a à peine 12 ans, l’hépatite C est une maladie dont les traits sont maintenant clairement dessinés. Transmis par l’injection de sang ou de matériel souillé, le virus restera neuf fois sur dix présent dans l’organisme pendant des dizaines d’années. Les dommages exercés varient dans d’énormes proportions. Pour certains patients, qui représentent un cinquième des infectés, une hépatite chronique évolue d’un seul tenant vers la cirrhose et le risque de carcinome hépatocellulaire (CHC). Les effets ne se bornent pas aux lésions hépatiques. Le système immunitaire est affecté d’une façon moins voyante, avec l’apparition de cryoglobulinémie, rarement symptomatique de lymphomes, de neuropathies. Ailleurs, le virus se réplique dans l’organisme au prix de dommages minimes. Les facteurs qui favorisent une évolution sévère sont maintenant bien connus. Certains sont dus à la nature du virus, le génotype 1 étant beaucoup plus pathogène que les autres. Mais la plupart des facMaison des masques, 1997, technique mixte sur papier, Anne de Colbert Christophorov. teurs d’évolution sévère tiennent au patient. Parmi les principaux facteurs aggravants, il faut citer l’âge tardif de la contamination, le sexe masculin, la consommation d’alcool, même modérée, l’obésité, la co-infection avec le VIH, enfin l’usage des drogues injectables. Les progrès thérapeutiques ont été lents mais constants. Les traitements arrêtent ou ralentissent la réplication du virus, mais, à la différence de ce qui se passe avec le VIH, la guérison (par prudence appelée “rémission prolongée”) est possible à l’arrêt du traitement. L’association d’interféron alpha lié au polyéthylène glycol, “pégylé”, associé à la ribavirine obtient une rémission dans près de la moitié des cas, le taux de succès pouvant atteindre 80 % avec certains génotypes de virus. Même en cas d’insuccès du traitement, le patient retire un bénéfice sous la forme d’une réduction de la gravité des lésions hépatiques. L’avenir est riche de promesses en termes de molécules nouvelles. Mais le traitement est long (6 mois à 1 an), extrêmement coûteux, au point d’être interdit aux pays pauvres, pourtant lourdement frappés par la maladie. Il est grevé d’intolérances et de complications multiples et parfois sévères, qui peuvent nécessiter l’interruption de la cure et font peur aux demandeurs. L’image de la maladie au sein de la population est trouble Malgré la grande qualité de la communication destinée au grand public sur le sujet, l’hépatite C suscite des terreurs et des comportements irrationnels. Il est très difficile aux patients, comme cela fut du reste le cas pour les médecins, de concevoir qu’une infection avec le même virus puisse être tantôt grave au point de motiver une transplantation hépatique, tantôt tellement bénigne qu’aucun traitement n’est requis. L’idée d’héberger dans son organisme un virus fait très peur. Surtout qu’il s’établit dans l’opinion un paral- Le Courrier des addictions (4), n° 2, avril/mai/juin 2002 47 editorial lélisme ou une confusion avec le virus VIH : acquisition dans des conditions culpabilisantes, stigmatisation, risques de contamination, potentiel d’évolution vers le cancer. On ne sait que conseiller en matière de pédagogie, tant on a l’impression que les explications les plus objectives et les mieux conçues suscitent, chez les lecteurs et les téléspectateurs, un surcroît de terreurs. Deux catégories de patients souffrent lourdement de l’hépatite C : Les porteurs du VIH et les usagers de drogues. Chez les patients VIH, l’avènement des multithérapies a réduit de façon massive la mortalité liée aux infections opportunistes habituelles. Les complications de la cirrhose, ou le CHC sont devenues les principales menaces. Initialement négligée devant la gravité des infections opportunistes, l’hépatite C est maintenant une grande préoccupation de ceux qui traitent le VIH. Cela ne va du reste pas sans difficultés, car les médicaments du VIH sont souvent hépatotoxiques, et leur métabolisme peut interférer avec celui de la ribavirine. Ces obstacles ne doivent pas détourner du traitement systématique des hépatites C. La situation est plus grave encore chez les usagers de drogues Les deux tiers d’entre eux sont infectés par le virus VHC. Autre caractéristique : à l’inverse du VIH dont la transmission a été freinée par les mises en garde et les mesures de sauvegarde (seringues disponibles), l’hépatite C continue d’être transmise fréquemment lors de l’initiation à la drogue et peut-être à l’occasion de sniffs avec des pailles souillées. Les usagers de drogues fournissent les deux tiers des 5 000 nouveaux cas d’hépatites C survenant en France tous les ans. Ces conditions, les risques de cirrhose et de CHC pèsent très lourd sur leur santé. Risques particulièrement importants dans la mesure où l’alcoolisation est un phénomène fréquent, et qu’il est parfois considéré par les soignants comme un moindre mal. Les cirrhoses C alcoolisées, comme d’ailleurs les cirrhoses purement alcooliques, se multiplient chez les “vieux” usagers comme chez ceux qui ont quitté la drogue. Longtemps, les hépatologues ont exclu les toxicomanes du bénéfice du traitement, car ils constituent un public pas très clean, instable, médiocre dans la compliance aux protocoles et dans tous les cas assez mauvais répondeurs. En dehors des problèmes de stabilité du comportement, il existe de réelles difficultés telles que le risque probablement accru de dépression chez ces sujets psychologiquement fragiles, ainsi que la difficulté à supporter un traitement par injection chez ceux qui ont réussi à quitter les drogues injectables. Bien entendu, les difficultés sont maximales chez les patients qui sont à la fois usagers de drogues et co-infectés par les virus VIH et C. Les intervenants en toxicomanie doivent prendre la mesure du danger de l’hépatite C, pratiquer systématiquement le dépistage, inciter au traitement, aider à réduire l’inquiétude en faisant part de l’ampleur des succès thérapeutiques et, surtout, considérer que la toxicité de l’alcool est supérieure à celle de la plupart des drogues utilisées par leurs patients. B. Christophorov* * Chef du service de médecine interne, hôpital Cochin, Paris. La conférence de consensus sur le traitement de l’hépatite C (27-28 février 2002) est consultable sur le site : www.anaes.fr Le Courrier des addictions (4), n° 2, avril/mai/juin 2002 48 Génétique des addictions et marqueurs biologiques des drogues de dépendance Deuxième Journée d’Éthique et addictions organisée par la Société d’addictologie francophone et le Courrier des Addictions. Mercredi 5 juin 2002 Salle Charcot à la Salpêtrière (exposition de Posters) ◗ Matinée : La génétique des addictions. Invité : le Pr Dean Hamer, spécialiste de psychogénétique travaillant pour le National Institute of Health. Et des exposés de Pietr Vincenzo Piazza, Aimé Charles-Nicolas, Philippe Gorwood, Marie-France Poirier ◗ Après-midi : Les marqueurs biologiques des addictions, intérêts thérapeutiques et risques éthiques. Martine Galliot-Guilley, Yvan Berlin, Michel Reynaud, Didier Touzeau, JeanJacques Deglon, Françoise Conso. Comité d’organisation : Yvan Berlin, Florence Noble, Florence Arnold-Richez, Boyan Christophorov, Jacques Bouchez, Sylvain Dally, Michel Reynaud, Didier Touzeau.