Revue de pre s s e Le clin d’œil et la loupe E. Bacon, A.M. Arnold, clinique psychiatrique, Strasbourg. Association entre les problèmes alimentaires dans la petite enfance et les troubles du comportement alimentaire maternel : rôle de l’environnement familial Reading (Grande-Bretagne) O n observe des taux élevés de troubles du comportement alimentaire chez les mères d’enfants présentant, eux aussi, des troubles de l’alimentation. Une étude longitudinale déjà ancienne (1994-1996) a suggéré que l’existence de conflits et de comportements intrusifs chez les parents, en particulier aux moments des repas, pourrait jouer un rôle dans la transmission intergénérationnelle de troubles du comportement alimentaire. Toutefois, cette étude ne permettait pas de préciser l’impact de la plus ou moins grande sévérité du trouble maternel sur celui de l’enfant. Pour pallier cette lacune, une équipe britannique s’est récemment intéressée aux facteurs environnementaux susceptibles d’intervenir dans cette association (Cooper P, Whelan E, Wo o l gar M et al. Association between childhood feeding problems and maternal eating disorders: role of the family environment. Br J Psych i a t r y 2004;184:210-5). Mille six cent enfants d’âge préscolaire (autour de quatre ans et demi) ont été inclus dans cette étude. Trente-cinq d’entre eux présentaient des troubles alimentaires, 58, d’autres problèmes (timidité, peurs, ou problèmes comportementaux) et 23 n’avaient pas de p r o blèmes particuliers. L’état mental de leur mère a été évalué par une combinaison d’entretiens, de questionnaires et de mesures systématiques. L’existence, passée ou présente, de troubles du comportement alimentaire a été relevée. De plus, des enregistrements vidéo ont été faits à l’intérieur des foyers au moment d’un repas et également au cours d’une tâche d’exploration standardisée à laquelle participaient la mère et son enfant. Deux aspects de l’environnement familial étaient fortement associés à la présence de problèmes alimentaires chez le jeune enfant : le caractère désorganisé des moments de repas, et une relation m è r e - e n fant caractérisée par un contrôle m a t e rnel fort et la dysharmonie. Les e n fants présentant des troubles alimentaires se distinguaient clairement des e n fants normaux et des enfants souffrant d’autres troubles, pour chacune de ces deux variables. Des analyses complémentaires ont révélé que ces deux variables jouaient un rôle dans la relation entre les troubles du comportement alimentaire de la mère et ceux de l’enfa n t . Cela suggère un éventuel mécanisme de transmission des problèmes alimentaires de la mère à l’enfant. Mots-clés : Troubles du comportement alimentaire – Mère – Petite enfance. Effets de la nicotine sur le fonctionnement cérébral et les connectivités fonctionnelles dans la schizophrénie New Haven (États-Unis) L es patients schizophrènes sont plus nombreux à fumer, fument plus, extraient plus de nicotine lorsqu’ils fument, et présentent des symptômes de dépendance plus sévères que la population générale. La nicotine améliore certaines fonctions chez les patients schizophrènes comme les anomalies de la poursuite oculaire, l’attention, etc. Le taux élevé de fumeurs chez les patients pourrait refléter une tentative de remédier, par ce biais, à un certain nombre de pert u r b a t i o n s cognitives. Une équipe américaine a cherché à préciser si la nicotine améliore les fonctions cognitives par une facilitation de l’activation des régions cérébrales rendant possible la performance lors de la tâche, ou en facilitant la connectivité cérébrale ( Jacobsen L, D’Souza D, Mencl E, Pugh K et al. Nicotine effects on brain function and functional connectivity in schizophrenia. Biol Psychiatry 2004;55: 850-8). Treize patients schizophrènes (selon le DSM IV) et fumeurs ont été appariés à treize témoins, fumeurs, mais sans histoire présente ou passée de psychopathologie. L’âge moyen des part i c ipants se situait autour de 42 ans. Quoique le nombre de cigarettes quotidiennes fût similaire dans les deux groupes (autour de 26-27), les concentrations plasmatiques de nicotine étaient plus élevées chez les patients et ces derniers présentaient plus de signes de dépendance. Les participants ont été sevrés au moins quinze heures avant le début de l’expérience ; la nicotine ou un placebo ont été administrés par patch selon la méthode du double aveugle. Les participants ont ensuite été soumis à des tests cognitifs destinés à évaluer la mémoire de travail et l’attention sélective, et à deux examens en IRM fonctionnelle (une fois avec le placebo et une fois avec la nicotine). Les patients t r availlaient plus lentement que les témoins, et avec une performance inférieure, quel que soit le taux plasmatique de nicotine, sauf dans le cas de la tâche la plus difficile (l’étude dichotique) pour laquelle la nicotine améliorait l’exactitude de la performance des patients et diminuait celle des témoins. La nicotine entraînait également l’activation d’un réseau de régions cérébrales, incluant le cortex cingulaire antérieur et le thalamus bilatéral. Elle modulait aussi la connectivité fonctionnelle thalamo-corticale, dans une plus grande mesure chez les patients que chez les témoins, au cours de la tâche 134 Revue de pre s s e d’écoute dichotique. La nicotine semble donc bien améliorer, en tout cas chez les patients fumeurs, la performance dans des tâches de mémoire de travail et d’attention sélective, en augmentant l’activation et la connectivité fonctionnelle entre des régions cérébrales qui sont concernées par l’accomplissement de la tâche. Mots-clés : Fonction cérébrale – Schizophrénie – Nicotine – Attention – Mémoire. Conscience de la pathologie au début de l’expression de la psychose : un suivi sur un an Toronto (Canada) L a prise de conscience de la pathologie (insight) peut être définie comme la conscience d’être atteint d’une maladie mentale, celle de ses conséquences sociales et celle de la nécessité de suivre un traitement. Des études antérieures ont observé que 50 à 80 % des patients schizophrènes ne sont pas conscients d’avoir un problème de santé mentale. Peu d’études, cependant, ont porté sur la conscience que les patients ont de leur trouble et sur ses conséquences potentielles au début de la psychose. Pourtant, à cette période, le risque de suicide et de dépression est élevé, et pourrait être relié au niveau de conscience que les patients ont de leur propre état. Des chercheurs canadiens se sont intéressés à la conscience de la pathologie chez cent quatre-vingts patients qui venaient de vivre leur première expérience psychotique (Mintz A, Addington J Addington D. Insight in early psychosis: a 1-year fo l l ow-up. Sch i z o - p h renia Research 2004;67:213-7). La conscience du trouble a été évaluée après trois, six et douze mois de traitement. La prise en charge des patients incluait une pharmacothérapie, mais aussi une large gamme d’interventions psychosociales pour les patients et leur famille. Les résultats démontrent que 64 % des patients témoignent d’une claire conscience de leur problème lors du premier épisode de la pathologie, et 79 % après un an de suivi. Ces résultats sont en contradiction avec deux études antérieures consacrées au premier épisode, qui révélaient que moins de la moitié de l’échantillon avait une conscience claire du trouble. Dans l’étude présente, une conscience claire était associée avec une psychopathologie moins sévère. Des analyses de corrélation ont montré que la conscience avait une association négative avec les symptômes positifs ou négatifs, mais qu’elle avait une association positive avec les symptômes dépressifs à l’admission. La conscience s’améliorait en même temps que les symptômes positifs. Malheureu-sement, une bonne prise de conscience était aussi reliée à un nombre accru de tentatives de suicide avant la première admission. Ces deux dernières observations tendraient à renforcer l’hypothèse selon laquelle les déficits de prise de conscience de la maladie pourraient résulter d’une forme de défense psychologique. Les auteurs n’ont pas trouvé d’association entre la conscience et la cognition. Ces résultats sont encourageants, car ils suggèrent q u ’ avec une intervention précoce, la prise de conscience peut être maintenue et améliorée pour la majorité des patients dès leur premier épisode psychotique. Mots-clés : Premier épisode psychotique – Psychose – Conscience de la pathologie – Insight – Dépression. Testostérone, comportement antisocial et dominance sociale chez les adolescents L o n d res (Grande-Bretagne), Atlanta et Durham (États-Unis) L ’existence de différences entre les sexes, en ce qui concerne les form e s et la fréquence des comportements agr e s- Act. Méd. Int. - Psychiatrie (21), n° 6, juin 2004 sifs, la prise de risque et la violence s exuelle, a stimulé les recherches sur le rôle de la testostérone dans les comport ements sociaux. Les résultats obtenus ont révélé une situation plus complexe que prévu. L’adolescence constitue pour les chercheurs une période d’étude priv i l égiée pour déterminer les relations entre testostérone et comportement antisocial. En effet, les taux de testostérone circulante augmentent de façon drastique à cette période, et il se trouve que les comportements antisociaux augmentent eux aussi pendant cette étape de la vie. Une équipe anglo-américaine a étudié cette relation auprès d’un échantillonnage de près de 800 jeunes Américains, âgés de 9 à 15 ans (Rowe R, Maugham B, Wotthman C, Costello J, Angold A. Testostero n e, antisocial behavior, and social dominance in boys: pubertal d evelopment and biosocial interaction. Biol Psychiatry 2004;55:546-52). Cette recherche a été menée à l’occasion d’une étude longitudinale de grande envergure sur les troubles psychiatriques des e n fants et des adolescents, la GSMS (Great Smoky Mountain Study). Un des parents (habituellement la mère) remplissait un questionnaire, et l’enfant passait é galement des entretiens avec un spécialiste. Les évaluations incluaient la mise en évidence de troubles du comport ement avec les échelles du DSM IV et un diagnostic psychiatrique, ainsi que les mesures des taux sanguins de testostérone, l’état d’avancement de la pubert é , l ’ é valuation des comportements de dominance sociale et des éventuels comportements de déviance chez les proches. L’augmentation attendue des taux de testostérone a effectivement été observ é e . Les chercheurs ont également constaté une augmentation des comportements antisociaux non physiquement agr e s s i f s (vandalisme, pyromanie, vol, etc.). On observait une relation significative entre la testostérone et ces comport e m e n t s antisociaux non physiquement agressifs, ainsi qu’avec la dominance sociale. 135 Revue de pre s s e En accord avec les hypothèses de départ, la relation entre la testostérone et les comportements antisociaux variait en fonction du contexte constitué par les proches, et la relation n’était observ é e que chez les adolescents ayant des pairs déviants. Par contraste, la testostérone était reliée à la dominance sociale, mais seulement chez les adolescents qui n ’ avaient pas dans leur entourage de pairs déviants. Aucune relation n’était, par ailleurs, observée entre la testostérone et les comportements physiquement agressifs. La testostérone semble bien être reliée à la dominance sociale, et les comportements associés avec la dominance diffèrent selon le contexte social. Mots-clés : Te s t o s t é rone – Dominance sociale – Puberté – Troubles du comportement – Comportement antisocial. Attitudes des psychiatres vis-à-vis des patients schizophrènes Istanbul (Turquie) et Genève (Suisse) L a stigmatisation et la discrimination constituent des obstacles majeurs à une bonne qualité de vie des personnes s o u ffrant de maladie mentale. Neuf études récentes révèlent un manque de connaissance concernant la schizophrénie et des attitudes négatives vis-à-vis des patients. Deux d’entre elles démontrent que l’attitude du public est plus négative vis-à-vis des patients schizophrènes qu’à l’égard des patients souffrant de dépression. Il semble bien aussi que les attitudes de stigmatisation ne soient pas l’apanage de l’homme de la rue, mais qu’elles soient également partagées par certains psychiatres. Cette attitude négative s’exprime chez les praticiens par la sous-estimation de l’efficacité des traitements psychosociaux, l’absence d’information concernant le diagnostic des patients ou de leur familles, etc. Dans un éditorial récent, le Pr Sartorius insistait sur l’importance pour les psychiatres de réviser leurs propres comport e m e n t s , afin de convaincre le grand public que la plupart des malades mentaux conservent beaucoup de leurs capacités et que leurs droits doivent être respectés. Cet article présente les résultats d’une étude menée en Turquie dans le cadre du programme mondial de la WPA destiné à réduire la stigmatisation et la discrimination liées à la maladie mentale (voir son compterendu dans les Actualités en Psychiatrie octobre n° vol. 1999:252-4); (Üçok A, Polat A, Sartorius N, Erkoç S, Atakli C Attitudes of psychiatrists towa rd s patients with schizophrenia. Psychiatry and Clinical Neurosciences 2004;58:8991). Un questionnaire en douze points a été distribué aux psychiatres pour mieux connaître leurs attitudes vis-à-vis des patients schizophrènes. Quarante-huit pour cent des soixante praticiens ayant répondu à l’enquête n’avaient jamais informé leur patient de leur diagnostic et 41 % les informaient, éventuellement, au cas par cas. La raison avancée pour dissimuler le diagnostic au patient ou à la famille était qu’ils ne seraient pas capables d’en comprendre la signification (33 %), et qu’ils abandonneraient leur traitement (28 %). Quatre-vingt-huit pour cent des psychiatres du panel pensaient que le terme “schizophrénie” était utilisé de manière péjorative par le grand public. Ces résultats montrent que les attitudes de stigmatisation de la société vis-à-vis des patients schizophrènes sont partagées par un certain nombre de psychiatres. Les psychiatres devraient s’informer mieux sur ce qu’est la stigmatisation dont souffrent leurs patients et s’interroger aussi sur leur propre attitude. Ils doivent donc être inclus dans la population cible des efforts d’information destinés à réduire cette stigmatisation. Mots-clés : Schizophrénie – Stigmatisation – Psychiatre. Les articIes publiés dans “Les Actual ités en Psychiatrie” le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays. Un numéro spécial de 8 pages “Dépressi ons plurielles n° 2” est routé avec ce numéro. Un encart de 4 pages IXEL est agrafé au centre de ce numéro. Imprimé en France - Differdange S.A. - 95110 Sannois Dépôt légal à parution - © Décembre 2001- EDIMARK SAS 136