violence d'une contestation gratuite dans un acte dont on attend qu'il soit créateur d'un
futur nouveau (mai 68), mais surtout on retourne à des mythes anciens, celui de la fête
par exemple comme reconstitution du chaos primitif.
Stratification des mythes en fonction des types de société. Dans la société industrielle
socialiste, l'idéologie démarque la religion et c'est pourquoi on y retrouve les éléments
laïcisés des mythes religieux primitifs: récits d'instauration et de restauration, êtres
héroïques et exemplaires, fêtes nationales, eschatologie optimistes ou pessimistes.
Dans la société industrielle libérale, il n'y a plus de mythe à emprise collective, sauf
dans des groupes marginaux, mais l'homme est agressé par une foule de fragments
mythiques divers imposés par les moyens publicitaires qui sont considérables, et il
s'en constitue une mythologie personnelle assez incohérente. Échappe à cette
incohérence celui qui adhère à un parti par idéologie ou qui a une foi, à condition
d'intérioriser l'une ou/et l'autre. Dans les sociétés du Tiers-Monde, à la suite de la
décolonisation apparat le mythe du retour aux sources, avec symboles cosmologiques
ou anthropologiques charriés par une idéologie assez semblable à celle des sociétés
totalitaires socialistes.
Manipulation des mythes. Les mythes modernes sont ambigus dans la mesure où ils
sont un remède contre une terreur. Ils portent en germe la critique de cette terreur,
qu'elle provienne de la science, de la technique ou de l'ordre social établi. Ils ont dans
un pouvoir de contestation et d'insurrection. Contre eux, le pouvoir établi réagit, dans
les sociétés totalitaires par l'imposition d'un mythe justificateur du pouvoir, dans les
sociétés libérales par la banalisation des mythes.
On ne lutte pas contre le mythe par la pensée critique, puisqu'il s'enracine dans la
pensée sauvage, mais par la foi et l'art. l'art en effet, maintient des zones de liberté et
de vérité, où le pouvoir est contesté au nom de l'homme, et c'est pourquoi le pouvoir
réprime l'art par un académisme imposé.
2) Précisions et Compléments
Il faudrait préciser par une analyse phénoménologique ce que signifie le vrai du
mythe, aussi bien pour celui qui critique (rationnellement) le mythe que pour celui qui
y adhère (en pensée sauvage) - même si le résultat de cette analyse n'aboutissait qu'à
une proposition négative du type "il est faux de dire que le mythe ne soit pas vrai". Le
mythe explique et valorise plus qu'il ne justifie, c'est l'idéologie qui justifie ou
conteste. Ceci est important pour comprendre la crise du mythe, son évolution et son
aboutissement et pour situer les mythes d'authenticité, qu'il s'agisse de Mobutu ou du
rôle mythique que joue l'islam ou l'arabisme dans le retour aux sources, avec toutes
les représentations inconscientes qui peuvent se trouver même chez les personnes les
plus critiques.
A propos de la distinction entre fonctions instauratrice et restauratrice du mythe, on
souligne la différence qui existe entre les mythes pour lesquels la restauration n'est
qu'une répétition de l'instauration primitive (le mouvement instaurateur est alors
répétiteur: la république islamique de Khomeini ne serait pas différente du mythe du
rand Roi pou le Shah se faisant couronne à Ninive) - et le mythe restaurateur à potée
eschatologique qui implique nouveauté et progrès. La dimension eschatologique
s'oppose à la répétition.
Comme exemple de mythes contemporains, on suggère encore le mythe de la
jeunesse, en protestation contre le machinisme et l'organisation technique de la
société, mythe lié également à la libération des mœurs (jouir de la sexualité adulte