Infirmier de secteur psychiatrique Donner du sens à sa pratique... Que le travail de l’infirmier en psychiatrie connaisse des spécificités est une évidence. Il est néanmoins des lieux de soins où ce principe trouve plus qu’ailleurs la possibilité de se manifester. A observer le parcours de Thierry Colette, infirmier de secteur psychiatrique, il semble qu’il apprécie de s’arrêter un temps dans ces lieux et de participer, à sa manière, à l’enrichissement de la prise en charge. rente-cinq ans, costume et queue de cheval, Thierry Colette avance, tant dans sa vie que dans sa profession, au gré de ses coups de cœur. Du développement d’une activité d’escalade pour grands psychotiques au management d’une équipe infirmière soudée autour d’un projet d’établissement, son leitmotiv est la diversité. Diversité dans le soin relationnel, diversité des outils, diversité dans les échanges et dans la possibilité d’expression de tous les partenaires soignants autour d’un patient. De ses années en lettres et philosophie lui restent, entre autres, ses premières lectures, orientées par un professeur de philosophie s’intéressant à la psychiatrie. De 1983 à 1986, Thierry Colette est élève infirmier de secteur psychiatrique à Ville-Evrard. Il s’intéresse plus particulièrement à un secteur où est développé un atelier d’art-thérapie. Tel est d’ailleurs le thème de son mémoire, “Art et âme”. Après l’obtention de son diplôme, certains secteurs de Ville-Evrard connaissent une diminution des effectifs et une nouvelle affectation lui est donnée. Il se retrouve dans un pavillon d’hommes, accueillant 40 à 45 patients souffrant de problèmes d’alcoolisme, de toxicomanie ou de clochardisation. « J’en garde le souvenir d’un secteur très dur, avec beaucoup de T violence » souffle Thierry Colette. L’infirmier partage son temps entre l’intra et l’extra hospitalier et développe une activité lentement initiée par un autre infirmier : l’escalade. « Une telle activité représentait vraiment quelque chose de nouveau pour un grand nombre de patients, raconte-t-il, notamment pour certains grands psychotiques n’ayant presque jamais mis les pieds en dehors de l’hôpital ». Autant dire que le début de cette activité n’a pas été sans heurts... avec le corps médical entre autres ! Il faut de la persévérance, beaucoup de patience, et la production de plusieurs documents écrits ou filmés, pour que les plus sceptiques adhèrent à ce projet... au bout de plusieurs années. Mais il tient bon. « Car c’est fabuleux de remettre quelque chose à l’autre. Je me rappelle quelques ascensions où j’étais encordé, mais assuré par un patient. Il m’est arrivé de voir un patient pleurer une fois le sommet atteint, me disant que jamais personne ne lui avait accordé une telle marque de confiance, et ajouter qu’il ne s’en serait jamais cru capable lorsqu’il regardait le parcours de sa propre vie ». En 1990, Thierry Colette prend une disponibilité pour raisons personnelles. Voyages en Asie, concerts de jazz, organisation d’expositions de peintures et de photos ponctuent les six années qui suivent. Il reprend pied dans la psychiatrie par le biais de vacations, dont certaines à la clinique du Château de Garches (Hauts-de-Seine). Il y découvre un projet médical auquel il adhère aussitôt et se fixe définitivement dans cet établissement. « La conception de la prise en charge du patient prend en compte la totalité du domaine d’intervention de l’infirmier de secteur psychiatrique, explique-t-il. C’est considérer que l’infirmier psychiatrique a une parole, qu’il intervient dans la prise en charge, dans les discussions sur le diagnostic et les soins à donner, au même titre que les autres intervenants ». Derrière ces mots apparaît la lassitude que pouvait connaître l’infirmier après son passage dans certaines structures considérant les infirmiers comme des “distributeurs automatiques de médicaments”. Aujourd’hui, cadre infirmier à la clinique du Château de Garches, Thierry Colette y trouve les motivations qui le font avancer : « La richesse des échanges pluridisciplinaires, la cohésion de l’équipe infirmière et sa forte implication dans les nouveaux projets médicaux de la clinique... sont autant d’invitations à rester », confie l’infirmier. Isabelle Forestier 33