Reportage > Premier bilan triennal du Plan cancer (2003-2006) > Gérard Mégret 23 mars 2003- 27 avril 2006. Trois ans et quelques jours plus tard, le plan de mobilisation contre le cancer (“Plan cancer”), principal cheval de bataille médico-social du président de la République, fait une autoanalyse sur les résultats obtenus dans ses différents domaines d’activité. Tous les intervenants P our espérer une efficacité optimale, le Plan cancer se devait de déployer son activité dans quatre directions, véritables points cardinaux d’une politique de santé équilibrée. Et les acteurs de terrain avaient déjà compris depuis bien longtemps que l’abandon ou même l’insuffisance de l’action dans un de ces domaines suffisaient à obérer l’efficacité des autres. Prévention et dépistage, soins, qualité de vie et information, recherche. Tels sont les quatre champs d’action du Plan cancer ayant fait l’objet d’une analyse sans complaisance par l’INCa. Modifier les comportements à risque et améliorer le dépistage Prise de conscience collective – donc tout d’abord individuelle – sous l’effet 16 dans la problématique du cancer – chercheurs fondamentaux et cliniciens, soignants, acteurs sociaux, associations de malades, proches et bien entendu patients, épicentre de toutes les mesures prises et actions abouties – ont participé sans retenue à cette volonté avérée de réduire au maximum les drames per- de la réflexion ? De l’information ? de la peur ? De la contrainte ? Sans doute un salutaire amalgame a-t-il permis de modifier sensiblement les comportements face à la prévention et au dépistage. Il faut d’ailleurs souligner que, parallèlement au Plan cancer, les installations du Plan de santé au travail (PST), du Programme national de nutrition santé (PNNS) et du Plan national santé environnement (PNSE) ont permis de commencer à intégrer la place qu’occupe le cancer dans toutes les activités humaines fondamentales (cf. infra). Au chapitre de la prévention, le tabac fait figure sinon de réussite complète, du moins d’exemple à suivre. La difficulté croissante pour fumer – entrave financière par les hausses et législative par les interdictions de fumer dans les lieux publics –, la culpabilisation morale du fumeur, accompagnée du déve- La Lettre du Cancérologue - Suppl. n°1 Les Actualités au vol. XV - n° 3 - juillet 2006 sonnels et collectifs générés par le cancer. Il revenait à l’Institut national du cancer (INCa), né en juillet 2005, maître d’œuvre et garant du suivi des 70 mesures principales du plan, de présenter ce bilan intermédiaire avec toute la rigueur et l’objectivité nécessaires. Panorama non exhaustif des acquis. loppement des consultations de tabacologie, ont abouti à des résultats objectifs. On retiendra la baisse de la prévalence tabagique chez la femme (29,8 % en 2000 ; 26,5 % en 2005) et chez les jeunes de 15 à 19 ans (– 9,6 % pour la même période)*. La consommation d’alcool a elle aussi diminué, puisqu’elle a chuté de 27 % chez les hommes et de 34 % chez les femmes entre 2000 et 2005. Domaine d’intervention sans doute le plus délicat, la nutrition, tant elle est soumise à des paramètres socio-comportementaux complexes mais aussi à des facteurs pécuniaires incontournables. Néanmoins, le PNNS s’efforce de délivrer des messages simples et surtout applicables à la * On ne peut pourtant que regretter la récent frilosité post-CPE des pouvoirs publics face au tabagisme “subi” ou passif. vie quotidienne, tandis que le Réseau national alimentation cancer recherche (NACRe) grâce à la participation financière, peut enfin se développer. Risques solaires enfin, puisque, comme pour le tabac sur le cancer du poumon, on pourrait envisager une quasi-disparition du mélanome avec une prévention ferme et comprise. L’INCa participera activement en 2006 aux diverses campagnes de prévention-dépistage. Autre domaine privilégié de la prévention, l’environnement et le travail : vaste programme ! Le PNSE (2004-2008) et le PST (2005-2009) vont s’efforcer de conjuguer leurs efforts pour lutter contre les cancers professionnels. Restera l’impact des émissions de produits chimiques toxiques dans l’atmosphère, liés à l’activité humaine, que – presque – tout le monde souhaite réduire de façon drastique… Comment ne pas être (un peu) plus sceptique ? La notion de dépistage – et surtout son intérêt précoce sur le plan curatif – semble enfin s’être installée favorablement dans la population. Celui du sein, en particulier, sert actuellement de moteur : près de 8 millions de femmes ont été invitées dans le cadre du dépistage organisé. Des cahiers des charges nationaux ont vu le jour pour homogénéiser les pratiques ; la gratuité de certains examens de dépistage – mammographie avec double lecture, Hémocult® et test HPV dans certaines conditions ; la mise en place depuis 2004 de six réseaux mixtes, biologiques et cliniques, d’oncogénétique : autant d’initiatives favorisant l’adhésion. Il demeure à valider et à étendre, ou non, en fonction de leur efficacité, divers dépistages, comme ceux des cancers colorectal, de la prostate ou du poumon. L’optimisation des soins et leur accès pour tous L’annonce de la maladie, prise de conscience aiguë de la maladie par le patient et épreuve de communication pour le médecin, a été particulièrement travaillée par le Plan cancer. Depuis 2005, 58 établissements de santé ont expérimenté le dispositif, et sa généralisation est espérée pour fin 2006. Grâce aux réunions pluridisciplinaires, elles aussi généralisées, se met en place un programme personnalisé de soins intégrant non seulement tous les aspects thérapeutiques, mais aussi les besoins sociaux susceptibles d’apparaître durant la maladie. Au chapitre des standards minimaux de qualité de soins à proposer aux malades, l’INCa élabore en partenariat avec la direction de l’hospitalisation et de l’organisation sanitaire (DHOS), la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), les agences nationales de l’hospitalisation (ARH), la Haute Autorité de santé (HAS) et la Ligue nationale contre le cancer (LNCC) des textes juridiques d’habilitation des établissements de santé pour la prise en charge des malades atteints de cancer. À titre d’exemple, 32 centres sont désormais identifiés en cancérologie pédiatrique et 9 en unités pilotes de coordination en oncogériatrie, alors que 58 tumorothèques hospitalières ont été réparties sur toute la France. De même, dès 2006, l’INCa publiera des recommandations nationales de pratique clinique. La mise en route de protocoles temporaires de traitements ainsi que le remboursement des médicaments innovants et onéreux à tous les centres labellisés concourent à assurer à tous les patients un accès égalitaire aux thérapies nouvelles et aux essais cliniques. Concernant ces derniers, l’INCa s’est d’ailleurs fixé l’objectif de 10 % de malades inclus dans les études. Pour ce faire, il y a déjà 28 groupes d’essais cliniques opérationnels qui ont recueilli l’assentiment des experts. Atout indispensable dans la démarche diagnostique et thérapeutique, le développement des plateaux techniques : en moins de deux ans (2003-2005), le nombre d’IRM a augmenté de 38 % et les scanners de 14,25 %, tandis qu’en deux ans et demi, le nombre des tomographes à émission de positons (TEP) passait de 24 à 54 (125 %). Les hommes et la recherche Médecins et formation n’ont pas été oubliés par le Plan cancer. Les ressources humaines globales tout d’abord, puisque, entre 2004 et 2005, 1 300 personnes supplémentaires ont été recrutées dont 250 médecins. Ensuite, l’oncologie médicale et la radiothérapie ont vu leur nombre de postes hospitaliers croître sensiblement : plus 30 % pour les internes entre 2003-2005, 22 pour les chefs de clinique, 40 postes de PU-PH et MCU-PH entre 2004 et 2006. Quant aux médecins généralistes, après une enquête ciblant leurs besoins, des actions de formation continue spécifiques en cancérologie vont être élaborées. Dans le même esprit d’une approche globale des multiples facettes du cancer, la recherche, interdisciplinaire, se voit dorénavant intégrée par le biais des 7 cancéropôles et leurs 32 projets “structurants” à toute la chaîne de prise en charge des malades. Actions de partenariats internationaux, appels à projets courant 2006 viendront étayer le versant “recherche” du Plan cancer. La Lettre du Cancérologue - Suppl. n° 1 Les Actualités au vol. XV - n° 3 - juillet 2006 17 Reportage Enfin, la dimension sociale du cancer a constitué une préoccupation essentielle, et elle veut perdurer. Les kiosques “accueil cancer” dans les villes ; les “espaces rencontres d’information” au sein même des centres anticancéreux ; la création d’un numéro spécial “cancer info service” par la LNCC ; des études prospectives et des projets de recherche sur l’amélioration de la vie des malades et de leurs proches (du type accès-maintien-retour à l’emploi des malades) et des progrès tangibles dans la prise en charge par la sécurité sociale d’un modèle de prothèse mammaire externe, voire de prothèses capillaires, autant d’actions concrètes visant toutes à humaniser la maladie et à la rendre plus supportable dans tous les domaines de la vie courante. ■ Encadré. Le Plan cancer 2003-2006 en chiffres bruts. > > > > > > > > > > > > > > 1,4 million de fumeurs en moins (2000-2005) 9,6 % de fumeurs en moins chez les 15/19 ans (2000-2005) 500 consultations de tabacologie 27 % de consommateurs d’alcool quotidiennement en moins (2000-2005) 8 millions de femmes pour le dépistage organisé du cancer du sein 40,6 % de progression pour les consultations d’oncogénétique 58 centres de santé expérimentent “l’annonce de la maladie” 38 % d’IRM et 125 % de TEP supplémentaires 1 300 personnels de santé supplémentaires • 127 psycho-oncologues • 250 médecins • 300 infirmiers et aides-soignants 30 % de postes d’internes supplémentaires 40 postes PU-PH et MCU-PH 58 tumorothèques hospitalières 7 cancéropôles et 32 projets structurants 10 % de patients inclus (fin 2006) dans les essais cliniques La Lettre du Cancérologue vous souhaite un bel été et vous remercie de la fidélité de votre engagement 18 La Lettre du Cancérologue - Suppl. n°1 Les Actualités au vol. XV - n° 3 - juillet 2006