P
our espérer une efficacité
optimale, le Plan cancer se
devait de déployer son acti-
vité dans quatre directions, véri-
tables points cardinaux d’une poli-
tique de santé équilibrée. Et les
acteurs de terrain avaient déjà
compris depuis bien longtemps que
l’abandon ou même l’insuffisance de
l’action dans un de ces domaines
suffisaient à obérer l’efficacité des
autres. Prévention et dépistage,
soins, qualité de vie et information,
recherche. Tels sont les quatre
champs d’action du Plan cancer
ayant fait l’objet d’une analyse sans
complaisance par l’INCa.
Modifier les comportements
à risque et améliorer
le dépistage
Prise de conscience collective – donc
tout d’abord individuelle – sous l’effet
de la réflexion ? De l’information ? de
la peur ? De la contrainte ? Sans
doute un salutaire amalgame a-t-il
permis de modifier sensiblement les
comportements face à la prévention
et au dépistage. Il faut d’ailleurs sou-
ligner que, parallèlement au Plan can-
cer, les installations du Plan de san
au travail (PST), du Programme natio-
nal de nutrition santé (PNNS) et du
Plan national santé environnement
(PNSE) ont permis de commencer à
intégrer la place qu’occupe le cancer
dans toutes les activités humaines
fondamentales (cf. infra).
Au chapitre de la prévention, le
tabac fait figure sinon de réussite
complète, du moins d’exemple à
suivre. La difficulté croissante pour
fumer – entrave financière par les
hausses et législative par les inter-
dictions de fumer dans les lieux
publics –, la culpabilisation morale
du fumeur, accompagnée du déve-
loppement des consultations de
tabacologie, ont abouti à des résul-
tats objectifs. On retiendra la baisse
de la prévalence tabagique chez la
femme (29,8 % en 2000 ; 26,5 % en
2005) et chez les jeunes de 15 à
19 ans (– 9,6 % pour la même
période)*.
La consommation d’alcool a elle
aussi diminué, puisqu’elle a chuté
de 27 % chez les hommes et de 34 %
chez les femmes entre 2000 et 2005.
Domaine d’intervention sans doute
le plus délicat, la nutrition, tant
elle est soumise à des paramètres
socio-comportementaux complexes
mais aussi à des facteurs pécuniaires
incontournables. Néanmoins, le PNNS
s’efforce de délivrer des messages
simples et surtout applicables à la
>
Premier bilan triennal
du Plan cancer (2003-2006)
Gérard Mégret
>
23 mars 2003- 27 avril 2006.
Trois ans et quelques jours plus
tard, le plan de mobilisation contre
le cancer (“Plan cancer”), principal
cheval de bataille médico-social du
président de la République, fait une
autoanalyse sur les résultats obte-
nus dans ses différents domaines
d’activité. Tous les intervenants
dans la problématique du cancer –
chercheurs fondamentaux et clini-
ciens, soignants, acteurs sociaux,
associations de malades, proches et
bien entendu patients, épicentre de
toutes les mesures prises et actions
abouties – ont participé sans rete-
nue à cette volonté avérée de
réduire au maximum les drames per-
sonnels et collectifs générés par le
cancer. Il revenait à l’Institut natio-
nal du cancer (INCa), né en juillet
2005, maître d’œuvre et garant du
suivi des 70 mesures principales du
plan, de présenter ce bilan intermé-
diaire avec toute la rigueur et l’ob-
jectivité nécessaires. Panorama non
exhaustif des acquis.
* On ne peut pourtant que regretter la récent
frilosité post-CPE des pouvoirs publics face au
tabagisme “subi” ou passif.
La Lettre du Cancérologue - Suppl. n°1 Les Actualités au vol. XV - n° 3 - juillet 2006
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Reportage
La Lettre du Cancérologue - Suppl. n° 1 Les Actualités au vol. XV - n° 3 - juillet 2006 17
vie quotidienne, tandis que le
Réseau national alimentation cancer
recherche (NACRe) grâce à la partici-
pation financière, peut enfin se
développer. Risques solaires enfin,
puisque, comme pour le tabac sur le
cancer du poumon, on pourrait envi-
sager une quasi-disparition du méla-
nome avec une prévention ferme et
comprise. L’INCa participera active-
ment en 2006 aux diverses cam-
pagnes de prévention-dépistage.
Autre domaine privilégié de la pré-
vention, l’environnement et le tra-
vail : vaste programme ! Le PNSE
(2004-2008) et le PST (2005-2009)
vont s’efforcer de conjuguer leurs
efforts pour lutter contre les cancers
professionnels. Restera l’impact des
émissions de produits chimiques
toxiques dans l’atmosphère, liés à
l’activité humaine, que – presque –
tout le monde souhaite réduire de
façon drastique… Comment ne pas
être (un peu) plus sceptique ?
La notion de dépistage – et surtout
son intérêt précoce sur le plan curatif –
semble enfin s’être installée favora-
blement dans la population. Celui du
sein, en particulier, sert actuellement
de moteur : près de 8 millions de
femmes ont été invitées dans le cadre
du dépistage organisé. Des cahiers
des charges nationaux ont vu le jour
pour homogénéiser les pratiques ; la
gratuité de certains examens de
dépistage – mammographie avec
double lecture, Hémocult® et test
HPV dans certaines conditions ; la
mise en place depuis 2004 de
six réseaux mixtes, biologiques et
cliniques, d’oncogénétique : autant
d’initiatives favorisant l’adhésion. Il
demeure à valider et à étendre, ou
non, en fonction de leur efficacité,
divers dépistages, comme ceux des
cancers colorectal, de la prostate ou
du poumon.
L’optimisation des soins
et leur accès pour tous
L’annonce de la maladie, prise de
conscience aiguë de la maladie par le
patient et épreuve de communication
pour le médecin, a été particulière-
ment travaillée par le Plan cancer.
Depuis 2005, 58 établissements de
santé ont expérimenté le dispositif,
et sa généralisation est espérée pour
fin 2006. Grâce aux réunions pluridis-
ciplinaires, elles aussi généralisées,
se met en place un programme per-
sonnalisé de soins intégrant non seu-
lement tous les aspects thérapeu-
tiques, mais aussi les besoins sociaux
susceptibles d’apparaître durant la
maladie. Au chapitre des standards
minimaux de qualité de soins à pro-
poser aux malades, l’INCa élabore en
partenariat avec la direction de l’hos-
pitalisation et de l’organisation sani-
taire (DHOS), la caisse nationale
d’assurance maladie des travailleurs
salariés (CNAMTS), les agences natio-
nales de l’hospitalisation (ARH), la
Haute Autorité de santé (HAS) et
la Ligue nationale contre le cancer
(LNCC) des textes juridiques d’habili-
tation des établissements de san
pour la prise en charge des malades
atteints de cancer. À titre d’exemple,
32 centres sont désormais identifiés
en cancérologie pédiatrique et
9 en unités pilotes de coordination en
oncogériatrie, alors que 58 tumoro-
thèques hospitalières ont été réparties
sur toute la France. De même, dès
2006, l’INCa publiera des recommanda-
tions nationales de pratique clinique.
La mise en route de protocoles tem-
poraires de traitements ainsi que
le remboursement des médicaments
innovants et onéreux à tous les centres
labellisés concourent à assurer à tous
les patients un accès égalitaire aux
thérapies nouvelles et aux essais
cliniques. Concernant ces derniers,
l’INCa s’est d’ailleurs fixé l’objectif
de 10 % de malades inclus dans
les études. Pour ce faire, il y a déjà
28 groupes d’essais cliniques opéra-
tionnels qui ont recueilli l’assenti-
ment des experts. Atout indispensable
dans la démarche diagnostique et
thérapeutique, le développement des
plateaux techniques : en moins de
deux ans (2003-2005), le nombre d’IRM
a augmenté de 38 % et les scanners
de 14,25 %, tandis qu’en deux ans et
demi, le nombre des tomographes à
émission de positons (TEP) passait de
24 à 54 (125 %).
Les hommes et la recherche
Médecins et formation n’ont pas été
oubliés par le Plan cancer. Les
ressources humaines globales tout
d’abord, puisque, entre 2004 et 2005,
1 300 personnes supplémentaires ont
été recrutées dont 250 médecins.
Ensuite, l’oncologie médicale et la
radiothérapie ont vu leur nombre
de postes hospitaliers croître sensi-
blement : plus 30 % pour les internes
entre 2003-2005, 22 pour les chefs
de clinique, 40 postes de PU-PH et
MCU-PH entre 2004 et 2006. Quant
aux médecins généralistes, après une
enquête ciblant leurs besoins, des
actions de formation continue spéci-
fiques en cancérologie vont être éla-
borées.
Dans le même esprit d’une approche
globale des multiples facettes du can-
cer, la recherche, interdisciplinaire, se
voit dorénavant intégrée par le biais
des 7 cancéropôles et leurs 32 projets
“structurants” à toute la chaîne de
prise en charge des malades. Actions
de partenariats internationaux, appels
à projets courant 2006 viendront
étayer le versant “recherche” du Plan
cancer.
Enfin, la dimension sociale du cancer
a constitué une préoccupation essen-
tielle, et elle veut perdurer. Les
kiosques “accueil cancer” dans les
villes ; les “espaces rencontres d’in-
formation” au sein même des centres
anticancéreux ; la création d’un
numéro spécial “cancer info service”
par la LNCC ; des études prospectives
et des projets de recherche sur l’amé-
lioration de la vie des malades et de
leurs proches (du type accès-main-
tien-retour à l’emploi des malades)
et des progrès tangibles dans la
prise en charge par la sécurité sociale
d’un modèle de prothèse mammaire
externe, voire de prothèses capillaires,
autant d’actions concrètes visant toutes
à humaniser la maladie et à la rendre
plus supportable dans tous les domaines
de la vie courante.
Encadré. Le Plan cancer 2003-2006 en chiffres bruts.
>1,4 million de fumeurs en moins (2000-2005)
>9,6 % de fumeurs en moins chez les 15/19 ans (2000-2005)
>500 consultations de tabacologie
>27 % de consommateurs d’alcool quotidiennement en moins
(2000-2005)
>8 millions de femmes pour le dépistage organisé du cancer du sein
>40,6 % de progression pour les consultations d’oncogénétique
>58 centres de santé expérimentent “l’annonce de la maladie”
>38 % d’IRM et 125 % de TEP supplémentaires
>1 300 personnels de santé supplémentaires
127 psycho-oncologues
250 médecins
300 infirmiers et aides-soignants
>30 % de postes d’internes supplémentaires
>40 postes PU-PH et MCU-PH
>58 tumorothèques hospitalières
>7 cancéropôles et 32 projets structurants
>10 % de patients inclus (fin 2006) dans les essais cliniques
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