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La Lettre du Pharmacologue - Volume 15 - n° 6 - juin 2001
oute recherche biomédicale coûte de l’argent. La loi
Huriet-Sérusclat et ses décrets d’application ont orga-
nisé la prise en charge par le promoteur du coût de la
recherche, ce qu’on appelle les “surcoûts”, dans la mesure où,
pour les patients, ils viennent s’ajouter au coût normal de la
prise en charge de la pathologie par l’assurance maladie.
Lors de sa 13eJournée d’étude, l’Association pour le Déve-
loppement de la Pharmacologie Clinique (ADPC) a consacré
ses travaux à des problèmes particuliers qui concernent “l’ar-
gent dans les essais cliniques”. Le premier problème corres-
pond à l’application de l’article R 2038 du Code de la santé
publique (CSP) : “Les objets ou matériels ainsi que les médi-
caments… sont fournis gratuitement ou mis gratuitement à dis-
position pendant le temps de l’essai par le promoteur. Le pro-
moteur prend en charge les frais supplémentaires liés à
d’éventuels fournitures ou examens spécifiquement requis par
le protocole de l’essai”. Ce principe est excellent et son appli-
cation est aisée dans les essais cliniques ayant un promoteur
privé, notamment les essais de médicaments. Il est également
appliqué lorsque le promoteur est institutionnel (INSERM,
ANRS, PHRC, etc.). Cependant, il existe deux situations où
l’application de cet article du CSP pose problème. La première
est rencontrée lorsque sont testés chez l’homme des dispositifs
médicaux d’un coût élevé, afin d’étudier leur rapport béné-
fice/risque dans le traitement d’une pathologie. Les industriels
des dispositifs médicaux mettent en avant plusieurs arguments
qui gênent considérablement la fourniture gratuite des dispo-
sitifs pour un essai clinique, notamment la fabrication de ces
dispositifs en séries limitées et le renouvellement rapide des
technologies entraînant un faible amortissement de la recherche.
Par ailleurs, les sociétés industrielles de ce secteur peuvent être
des PME dont les moyens financiers sont limités. Qui prendra
en charge les coûts de ces dispositifs médicaux lors d’un essai
clinique si l’industriel estime qu’il n’en a pas les moyens, et si
cet essai clinique est demandé par l’Agence française de sécu-
rité sanitaire et des produits de santé (AFSSAPS) ? Il y a là un
vrai problème. On peut, bien sûr, estimer que le patient doit de
toute façon être traité et que le dispositif médical aurait été mis
en place, qu’il y ait ou non un essai clinique. Dans ces condi-
tions, ce serait à l’assurance maladie de prendre en charge les
frais liés à la pathologie. Néanmoins, cette attitude est discu-
table, car elle consiste à nier la situation de recherche biomé-
dicale qui vise à comparer des traitements et à évaluer le rap-
port bénéfice/risque de dispositifs médicaux pour lesquels, par
définition, il n’est pas encore connu. Il faut trouver (ou propo-
ser à l’administration) d’autres solutions financières.
La deuxième situation dans laquelle le problème se pose est
celle de la comparaison de médicaments ayant déjà obtenu leur
autorisation de mise sur le marché (AMM) et qui sont déjà sur
le marché. Si le promoteur de l’essai clinique est un industriel,
il prendra en charge le coût de la recherche. En revanche, si le
promoteur est institutionnel, comme c’est parfois le cas dans
cette situation, il peut être difficile d’obtenir de sa part la prise
en charge de tous les surcoûts de la recherche, y compris ceux
liés à l’achat des médicaments. Cette situation semble fré-
quente, notamment en cancérologie. Il existe, là aussi, le risque
de vouloir faire prendre en charge par l’assurance maladie tout
ou partie de ces surcoûts en estimant que, de toute façon, les
patients auraient été traités pour leur pathologie.
Dans ces deux situations, il faut envisager de pouvoir disposer
de moyens financiers publics qui seraient affectés à ce type de
recherche biomédicale à promoteur institutionnel ou industriel,
lorsque ce promoteur ne peut pas (ou ne veut pas) prendre sur
ses propres fonds la totalité de la charge des frais de la
recherche. L’origine de ces moyens reste à préciser, mais ne
serait-il pas possible que ce fonds spécial soit alimenté à la fois
par la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM),
l’AFSSAPS, et des crédits du ministère de la Santé, qui pour-
raient provenir chaque année du Projet hospitalier de recherche
clinique (PHRC) ? Cela nécessiterait la mise en œuvre d’appels
d’offres spécifiques, avec évaluation et sélection des projets.
ÉDITORIAL - ADPC
13eJournée d’étude
de l’Association pour le Développement
de la Pharmacologie Clinique (ADPC) [1]
!
P. Jaillon*
[1] Paris, le 25 octobre 2000.
* Hôpital Saint-Antoine, service de pharmacologie clinique, 75571 Paris Cedex 12.
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