ligne de partage” entre normotension et hypertension, l’OMS a considéré en 1959
comme normotendus les sujets ayant une pression artérielle inférieure à
140/90 mmHg et comme hypertendus ceux ayant une pression artérielle supérieure
à 160/95 mmHg. Entre 140/90 mmHg et 160/95 mmHg, l’hypertension artérielle était
déclarée limite, terme dont on peut se demander s’il n’est pas une survivance de nos
résistances à la “normalisation”. C’est sur ces critères que s’est fait l’enseignement
de nombre de médecins, aboutissant à la décision de la prescription ou non d’un
traitement antihypertenseur. Attitude pragmatique et opérationnelle mais qui ne
tenait pas compte du risque continu de l’élévation de la pression artérielle et des
autres facteurs de risque cardiovasculaire.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, faut-il toujours parler de “normal” et de
“pathologique” ? Cette difficulté se reflète bien dans les différentes définitions et
classifications de la pression artérielle qu’ont données les spécialistes du domaine.
En 1999, l’OMS et le Joint National Committee on Prevention, Detection, Evaluation
and Treatment of High Blood Pressure (JNC 6) proposaient une classification de la
pression artérielle en “optimale, normale, normale haute, hypertension artérielle,
hypertension artérielle modérée, hypertension artérielle sévère”… (4). Une simplifi-
cation notable vient d’être proposée par le JNC 7 : pression artérielle normale (infé-
rieure respectivement à 120 et à 80 mmHg pour la systolique et la diastolique) ; pré-
hypertension (120-139 ou 80-89 mmHg) ; HTA de stade I (140-159 ou 90-99 mmHg) et
HTA de stade II pour une systolique supérieure ou égale à 160 et une diastolique
supérieure ou égale à 100 mmHg (5). L’état préhypertensif ressemble à l’état prédia-
bétique et peut-être demain à l’état préhypercholestérolémique… Cette classifica-
tion, qui fait débat, s’accompagne de recommandations hygiéno-diététiques et thé-
rapeutiques pour chaque niveau tensionnel.
En fait, on l’a compris, ces différentes classifications n’ont guère de sens pour des
valeurs continues comme la pression artérielle, la glycémie, le cholestérol ou le
poids. Seul compte l’objectif tensionnel que l’on veut atteindre pour mettre un
patient à l’abri d’un AVC. La norme doit céder le pas devant le but à atteindre. Le
traitement antihypertenseur permet de ramener le risque d’AVC chez un patient
hypertendu à celui d’un patient ayant naturellement le même niveau tensionnel. La
pression artérielle cible à atteindre doit être réfléchie en fonction du contexte. Ainsi,
s’il faut traiter par des antihypertenseurs l’hypertension avec sa définition clas-
sique de 140/90 mmHg et au minimum amener à ces chiffres les hypertendus, il est
souhaitable de traiter et d’obtenir des chiffres tensionnels plus bas lorsque qu’il
s’agit d’un patient ayant déjà fait un AVC et/ou accumulant des facteurs de risque
cardiovasculaires (diabète, tabagisme…). L’objectif tensionnel proposé est de
130/80 mmHg pour les patients diabétiques ou insuffisants rénaux.
Le risque de développer un accident cardiovasculaire peut être calculé en fonction
des données statistiques de longévité et de morbidité (calcul des risques relatif et
absolu par l’équation de Framingham et apparentées). La prise en compte de la glo-
balité du risque devrait, en principe, reléguer au second plan la notion de normali-
té d’un paramètre isolé. Nos sociétés auront alors à se prononcer sur leurs objectifs
de santé en choisissant les taux de risque motivant une intervention médicale. De
façon concrète, il est possible de calculer le nombre de patients à traiter pour rédui-
re d’un pourcentage donné le risque d’infarctus du myocarde ou d’AVC dans les cinq
6
Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. I - n° 1 - octobre-novembre-décembre 2003
éditorial