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La sortie des politiques monétaires ultra accommodantes ne sera
pas aussi aisée que d’aucuns semblent le penser. Dans ce contexte,
l’excellente maîtrise de l’inflation des derniers mois demeure une
source d’interrogation légitime. Sera-t-elle durable si la mécanique
de croissance auto-entretenue se confirme, sachant que les banquiers
centraux sont enclins à un certain laxisme à l’égard de l’inflation ?
À l’opposé, qu’adviendra-t-il du mouvement de repli des craintes éco-
nomiques et financières si l’économie américaine devait montrer des
signes de faiblesse inattendus ? C’est toute la mécanique de la hausse
des taux d’intérêt qui devrait être revue, avec des conséquences favo-
rables pour le métal jaune. De même, les développements financiers
en Chine peuvent susciter certaines inquiétudes. Tant la tension sur
les taux d’intérêt à court terme que l’annonce d’une forte progression
de l’endettement des gouvernements locaux, montrent que la gestion
des excès de levier dans l’Empire du Milieu est loin d’être aisée. Il ne
faudrait pas que le Chine connaisse une crise majeure au moment où
l’économie mondiale flirte avec la reprise.
On le voit, la situation est loin d’être simple. Se montrer péremp-
toire sur l’avenir des cours de l’or relève de la gageure. S’il n’y a pas
grand-chose à attendre d’investissements aurifères pour le premier
trimestre 2014, il n’en ira pas forcément de même dans un second
temps. Pour ceux qui pensent que les opérateurs sont devenus trop
optimistes sur les perspectives économiques et financières et que les
risques de perturbations du cycle ne sont plus suffisamment pris en
compte, maintenir une exposition en or à titre de décorrélation n’est
pas une idée totalement saugrenue. Cependant, espérer un prix du
métal jaune supérieur à 1350 fin 2014 nous semble peu raisonnable. \
La Chute de La reLiQue
BarBare est-eLLe ineXoraBLe ?
nable d’envisager cette dernière ? En d’autres
termes, une poursuite de la chute est-elle
inévitable au cours des prochains mois ?
Tout va dépendre de la capacité de l’écono-
mie mondiale à répondre aux attentes de
reprise des investisseurs. En disant ceci, on
ne dit rien d’autre que : il faut que l’écono-
mie américaine, sans laquelle la croissance
mondiale ne sera pas en mesure d’accélérer,
réalise des performances économiques de
(très ?) bonne facture. De ces dernières décou-
leraient une poursuite de la tension sur les
taux d’intérêt américains et une affirmation
du mouvement de réduction de l’ajustement
quantitatif (tapering) par la Réserve Fédé-
rale. Une croissance américaine soutenue
serait le meilleur des soutiens à la réduction
continue des craintes économiques et finan-
cières, avec comme conséquence un renfor-
cement complémentaire de la hausse du coût
d’opportunité de l’or. Tout semble militer,
pour l’heure, en faveur d’une conjoncture
économique améliorée en 2014, sans pour
autant parler de forte expansion économique.
Dans ce contexte, le risque de voir les cours
de l’or poursuivre leur décrue est réel, tout
au moins à court terme.
POUR UN PESSIMISME NUANCÉ
Il n’y a donc pas lieu de s’exposer significa-
tivement au métal jaune, car la probabilité
d’un retour sur les 1000 au premier trimestre
2014 n’est pas nulle. Il faut néanmoins garder
à l’esprit certains éléments qui doivent inciter
à ne pas se montrer trop négatif au-delà des
quelques prochains mois.
maINTENIR
uNE EXpoSITIoN EN oR
à TITRE dE décoRRéLaTIoN
N’EST paS uNE IdéE
ToTaLEmENT SauGRENuE.
cEpENdaNT, ESpéRER uN pRIX
du méTaL jauNE SupéRIEuR
à 1350 FIN 2014 SEmbLE
pEu RaISoNNabLE.
L’OR N’A PLUS LA COTE. POUR
PREUVE, 2013 A VU LA PLUS FORTE
CHUTE ANNUELLE DU MÉTAL
JAUNE DEPUIS 1981 ET L’ACCÉ-
LÉRATION DU MOUVEMENT EN
FIN D’ANNÉE NE SEMBLE RIEN
AUGURER DE BON. APRÈS AVOIR
FLIRTÉ AVEC LES 1900 DOLLARS
L’ONCE EN SEPTEMBRE 2011, L’OR
SE TRAÎNE À 1200. D’AUCUNS PRÉ-
DISENT UN RETOUR IMMINENT À
1000, DANS LE CADRE D’UNE EXPLO-
SION DE LA « BULLE SPÉCULATIVE »
SUR LA RELIQUE BARBARE.
L’or est confronté à des vents contraires, au
premier rang desquels on trouve la réduction
des craintes sur la situation économique et
financière internationale depuis février 2013.
Avec l’affirmation des premiers signes de
reprise de la conjoncture internationale, la
crainte d’une nouvelle récession, voire d’une
dépression, s’est estompée, réduisant le statut
de valeur refuge de l’or. De même, la réduction
des anticipations d’explosion de la zone Euro
à l’issue de la crise chypriote, et le retour au
calme sur les marchés obligataires, ont réduit
l’attrait du métal jaune, proportionnellement
à la baisse des tensions sur le système financier
international.
La hausse des rendements obligataires, amé-
ricains en particulier, constitue le troisième
développement défavorable pour l’or. Alors
qu’en 2012, au plus bas, les obligations amé-
ricaines à dix ans offraient des rendements
de 1,4 %, ces derniers flirtent avec les 3 %,
suite à une nette accélération de la tendance
haussière depuis mai 2013. Avec cette tension,
c’est ce que l’on appelle communément le coût
d’opportunité de l’or qui a doublé en dix-huit
mois, échaudant les investisseurs. Pourquoi
investir dans un actif sans rémunération
alors que celle des obligations n’a cessé de
se renforcer ?
La question s’est encore faite plus pressante
en raison de l’absence d’inflation malgré des
politiques monétaires ultra accommodantes.
En d’autres termes, la rémunération réelle
des obligations (taux nominaux réduits de
l’inflation) est devenue le pire ennemi des
investissements aurifères. La décision récente
de la Réserve Fédérale des États-Unis de pro-
céder à une réduction de ses achats d’actifs
s’est ajoutée aux vents contraires qui pèsent
sur les cours du métal jaune. La diminution
programmée des injections de liquidités
implique, en effet, le risque de voir les taux
d’intérêt poursuivre leur ascension.
VRAIMENT INÉVITABLE ?
Le paysage ainsi dressé semble offrir de
sombres perspectives pour les investisse-
ments en métal jaune. Compte tenu de l’am-
pleur du mouvement de correction des douze
derniers mois, une stabilisation des cours
durant les prochains trimestres serait déjà
un développement positif. Est-il déraison-
FRANÇOIS SAVARY, Directeur des Investissements, Groupe REYL
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