fin a nce / matiè res pre miè res LA CHUTE DE LA RELIQUE BARBARE EST-ELLE INEXORABLE ? des anticipations d’explosion de la zone Euro à l’issue de la crise chypriote, et le retour au calme sur les marchés obligataires, ont réduit l’attrait du métal jaune, proportionnellement à la baisse des tensions sur le système financier international. François Savary, Directeur des Investissements, Groupe REYL L’or n’a plus la cote. Pour preuve, 2013 a vu la plus forte chute annuelle du métal jaune depuis 1981 et l’accélération du mouvement en fin d’année ne semble rien augurer de bon. Après avoir flirté avec les 1900 dollars l’once en septembre 2011, l’or se traîne à 1200. D’aucuns prédisent un retour imminent à 1000, dans le cadre d’une explosion de la « bulle spéculative » sur la relique barbare. L’or est confronté à des vents contraires, au premier rang desquels on trouve la réduction des craintes sur la situation économique et financière internationale depuis février 2013. Avec l’affirmation des premiers signes de reprise de la conjoncture internationale, la crainte d’une nouvelle récession, voire d’une dépression, s’est estompée, réduisant le statut de valeur refuge de l’or. De même, la réduction 50 La hausse des rendements obligataires, américains en particulier, constitue le troisième développement défavorable pour l’or. Alors qu’en 2012, au plus bas, les obligations américaines à dix ans offraient des rendements de 1,4 %, ces derniers flirtent avec les 3 %, suite à une nette accélération de la tendance haussière depuis mai 2013. Avec cette tension, c’est ce que l’on appelle communément le coût d’opportunité de l’or qui a doublé en dix-huit mois, échaudant les investisseurs. Pourquoi investir dans un actif sans rémunération alors que celle des obligations n’a cessé de se renforcer ? fin a nce / matiè res pre miè res nable d’envisager cette dernière ? En d’autres termes, une poursuite de la chute est-elle inévitable au cours des prochains mois ? Tout va dépendre de la capacité de l’économie mondiale à répondre aux attentes de reprise des investisseurs. En disant ceci, on ne dit rien d’autre que : il faut que l’économie américaine, sans laquelle la croissance mondiale ne sera pas en mesure d’accélérer, réalise des performances économiques de (très ?) bonne facture. De ces dernières découleraient une poursuite de la tension sur les taux d’intérêt américains et une affirmation du mouvement de réduction de l’ajustement quantitatif (tapering) par la Réserve Fédérale. Une croissance américaine soutenue serait le meilleur des soutiens à la réduction Maintenir u ne ex p o sitio n en or à titre de déc orrél atio n n’est pa s u ne idée to tale ment s augren ue . Ce penda nt, es pé rer u n prix d u mé tal jaune s upé rie ur à 13 5 0 fin 2 0 14 se mble pe u r ais o nn able . La question s’est encore faite plus pressante en raison de l’absence d’inflation malgré des politiques monétaires ultra accommodantes. En d’autres termes, la rémunération réelle des obligations (taux nominaux réduits de l’inflation) est devenue le pire ennemi des investissements aurifères. La décision récente de la Réserve Fédérale des États-Unis de procéder à une réduction de ses achats d’actifs s’est ajoutée aux vents contraires qui pèsent sur les cours du métal jaune. La diminution programmée des injections de liquidités implique, en effet, le risque de voir les taux d’intérêt poursuivre leur ascension. continue des craintes économiques et financières, avec comme conséquence un renforcement complémentaire de la hausse du coût d’opportunité de l’or. Tout semble militer, pour l’heure, en faveur d’une conjoncture économique améliorée en 2014, sans pour autant parler de forte expansion économique. Dans ce contexte, le risque de voir les cours de l’or poursuivre leur décrue est réel, tout au moins à court terme. Vraiment inévitable ? Pour un pessimisme nuancé Le paysage ainsi dressé semble offrir de sombres perspectives pour les investissements en métal jaune. Compte tenu de l’ampleur du mouvement de correction des douze derniers mois, une stabilisation des cours durant les prochains trimestres serait déjà un développement positif. Est-il déraison- Il n’y a donc pas lieu de s’exposer significativement au métal jaune, car la probabilité d’un retour sur les 1000 au premier trimestre 2014 n’est pas nulle. Il faut néanmoins garder à l’esprit certains éléments qui doivent inciter à ne pas se montrer trop négatif au-delà des quelques prochains mois. La sortie des politiques monétaires ultra accommodantes ne sera pas aussi aisée que d’aucuns semblent le penser. Dans ce contexte, l’excellente maîtrise de l’inflation des derniers mois demeure une source d’interrogation légitime. Sera-t-elle durable si la mécanique de croissance auto-entretenue se confirme, sachant que les banquiers centraux sont enclins à un certain laxisme à l’égard de l’inflation ? À l’opposé, qu’adviendra-t-il du mouvement de repli des craintes économiques et financières si l’économie américaine devait montrer des signes de faiblesse inattendus ? C’est toute la mécanique de la hausse des taux d’intérêt qui devrait être revue, avec des conséquences favorables pour le métal jaune. De même, les développements financiers en Chine peuvent susciter certaines inquiétudes. Tant la tension sur les taux d’intérêt à court terme que l’annonce d’une forte progression de l’endettement des gouvernements locaux, montrent que la gestion des excès de levier dans l’Empire du Milieu est loin d’être aisée. Il ne faudrait pas que le Chine connaisse une crise majeure au moment où l’économie mondiale flirte avec la reprise. On le voit, la situation est loin d’être simple. Se montrer péremptoire sur l’avenir des cours de l’or relève de la gageure. S’il n’y a pas grand-chose à attendre d’investissements aurifères pour le premier trimestre 2014, il n’en ira pas forcément de même dans un second temps. Pour ceux qui pensent que les opérateurs sont devenus trop optimistes sur les perspectives économiques et financières et que les risques de perturbations du cycle ne sont plus suffisamment pris en compte, maintenir une exposition en or à titre de décorrélation n’est pas une idée totalement saugrenue. Cependant, espérer un prix du métal jaune supérieur à 1350 fin 2014 nous semble peu raisonnable. \ 51